Grèce: non aux plans de l’UE et du FMI!
Par Andreas Sartzekis, CADTM, syndicats européens le Mardi, 04 Mai 2010 PDF Imprimer Envoyer

Les coups terribles portés contre les conditions de vie du peuple grec sont mis en scène, afin de les faire accepter comme une fatalité. Les institutions grecques et l’Union européenne (UE) font tout pour exclure la possibilité d’une protestation radicale face à leurs attaques contre la population. De leur côté, les journaux étrangers n’en finissent pas de radoter sur «les Grecs» qui «truquent les chiffres» et «vivent au-dessus de leurs moyens», ou sur la «tragédie grecque» à l’œuvre, avec l’impossibilité d’échapper aux spéculateurs.

Quant au Premier ministre Georges Papandréou (Pasok), il a choisi le joli port d’une petite île pour demander l’activation du programme de prêts de l’UE (30 milliards d’euros), et du FMI (entre 10 et 15 milliards), en s’appuyant sur des références littéraires comme l’Odyssée. De telles mises en scène semblent fonctionner: le gouvernement socialiste, malgré la trahison totale de ses promesses électorales, devance la droite de 8, 5% dans les sondages.

Mais elles offrent aussi des contradictions qu’on ne se privera pas de mettre en avant: qui sont les terribles Cyclopes que combat Ulysse, les magiciennes qui transforment les marins en pourceaux (en «PIGS»: Portugal, Irlande, Grèce, Espagne!), sinon les représentants des gouvernements et des patrons qui, en s’attaquant au petit Ulysse grec, veulent surtout engager une totale remise en cause de tous les acquis du mouvement ouvrier en Europe?

Inutile donc de s’appesantir sur les dangers du célèbre chant des sirènes: «Ouvrez les yeux, fermez la télé!» est dans la période plus vrai que jamais, en Grèce comme ailleurs. N’a-t-on pas ainsi entendu le présentateur des infos sur France 2 indiquer que la manifestation du vendredi 23 avril, appelée par les syndicats de base et la gauche antilibérale et anticapitaliste pour protester contre les diktats de l’UE et du FMI, était une initiative de «l’ultra-gauche», sous-entendu violente et minoritaire? En revanche, ce qui n’est pas souligné aux infos, mais qui est ressenti sur le terrain par la population, c’est la bonne idée des émissaires du FMI de fouler le sol grec à la date anniversaire du début du régime de la junte militaire soutenue par les USA (du 21 avril 1967 à l’été 1974).

Un tel symbole parle beaucoup plus que toutes les mises en scène évoquées et ne peut que renforcer la colère populaire face aux nouvelles menaces. Les mesures accablantes déjà prises en février et mars ne suffisent pas à l’UE et au très socialiste président du FMI Dominique Strauss-Kahn, qui explique qu’il faut étendre au privé les coupes appliquées au secteur public et qu’il faut aller plus loin (salaires, droit du travail) avec une cure de déflation pour que la Grèce devienne concurrentielle!

Tout est donc fait pour que les travailleurs se résignent devant l’ampleur de la riposte à construire, et la riposte syndicale (les syndicats sont dirigés par le courant Pasok) n’est pas à la hauteur, malgré la pression exercée par les syndicats de base. La crainte des bureaucrates est alignée sur celle des bourgeois: la colère ouvrière, telle qu’on l’a vue le 22 avril (grève du secteur public) et le 23, pourrait devenir explosive.

Après un 1er Mai qui pourrait être très très combatif mais s’annonce divisé, et avec la perspective d’une grève générale le 5 mai, comment élargir et unifier les mobilisations, très nombreuses chaque jour mais partielles (actuellement: grève des marins, des transports en commun…)? Un début de réponse est la constitution, encore trop faible, de comités unitaires contre les mesures scélérates.

Andreas Sartzekis


Soutien à la résistance du peuple grec contre la dictature des créanciers !

Le nouveau plan d’austérité annoncé dimanche 2 mai est une véritable catastrophe pour la population grecque , les salariés du privé comme du public, les retraités et les privés d’emplois.

- Gel des salaires et des retraites de la fonction publique pendant 5 ans ;

- Suppression de l’équivalent de 2 mois de salaires pour les fonctionnaires ;

- Diminution de 8% de leurs indemnités déjà amputées de 12% par le précédent plan d’austérité du gouvernement dirigé par le PASOK ;

- Le taux principal de la TVA qui, après être passé de 19 à 21%, est porté à 23%, (les autres taux augmentent aussi (de 5 à 5.5% et de 10 à 11%))

- Les taxes sur le carburant, l’alcool et le tabac augmentent pour la 2 ème fois en 1 mois de 10%

- Les départs anticipés ( liés à la pénibilité du travail) sont interdits avant l’âge de 60 ans ;

- L’âge légal de départ à la retraite des femmes est porté de 60 à 65 ans d’ici 2013.

- Pour les hommes, l’âge légal dépendra de l’espérance de vie ;

- Il faudra 40 ans de travail (et non plus 37, hors études et chômage) pour avoir une retraite à taux plein ;

- Cette retraite sera calculée, non plus en fonction du dernier salaire mais selon le salaire moyen de la totalité des années travaillées (soit l’équivalent d’une baisse du montant net de la retraite de 45 à 60%°)

- L’Etat réduira ses dépenses de fonctionnement (santé, éducation) d’1, 5 milliards d’euros.

- Les investissements publics seront réduits aussi d’1,5 milliards d’€.

- Un nouveau salaire minimum pour les jeunes et les chômeurs longue durée est créé ( soit l’équivalent du CPE rejeté en France par la jeunesse et les syndicats) C’est une aubaine pour les marchés financiers et le capital !

- Les transports, l’énergie et certaines professions réservées à l’Etat seront libéralisés et ouverts au privé (privatisations) ;

- Le secteur financier (banques principalement) bénéficiera d’un fonds d’aide mis en place avec l’aide du FMI et l’UE ;

- La flexibilité du travail sera renforcée ;

- Les licenciements seront facilités.

- L’économie grecque est placée sous contrôle du FMI.

La Grèce, restant dans la zone euro, ne pourra pas dévaluer sa monnaie, ni jouer sur les taux d’intérêt. La dette ne sera pas restructurée non plus, les institutions financières européennes en détiennent les 2/3. Ces mêmes banques continueront à emprunter auprès de la Banque Centrale européenne à un taux de 1% pour prêter aux Etats (moyennant rémunération). En contrepartie de ces mesures, les pays de la zone euro vont prêter un par un une aide de 100 à 135 milliards d’€ sur 3 ans à la Grèce à un taux de 5% (45 milliards cette année). Les Etats riches et les banques vont donc faire de l’argent sur le dos du peuple grec. Christine Lagarde, ministre français des finances, prévoit un bénéfice de 150 millions d’euros par an. Pratiquant ainsi, ils vont accroître la dette publique pour permettre à l’Etat grec de payer ses créanciers spéculateurs !

La crise grecque est la démonstration grandeur nature de la triple dangerosité du FMI, de l’Union Européenne et des marchés financiers.

Le FMI, décrié à juste titre pour ses catastrophiques « plans d’ajustement structurels » refait surface dans la zone euro, après avoir sévi ces 2 dernières années dans plusieurs ex-pays de l’Est. Il utilise aujourd’hui les mêmes procédés qu’hier adaptés aux mêmes commanditaires : les marchés financiers et les transnationales. Aujourd’hui comme hier, c’est sa véritable nature de pompier pyromane qui est révélée en plein jour.

L’UE et sa commission ont également réaffirmé leurs paradigmes au service de la « concurrence libre et non faussée ». La Banque Centrale Européenne n’est pas au service des populations de l’Europe mais uniquement à celui des banques et des organismes financiers. Les marchés financers, après avoir provoqué et précipité la crise greque, via les agences de notation rémunérées par les grandes banques américaines, veulent tirer encore plus de profits de leurs stratégies spéculatives. Le gouvernement PASOK, l’Union Européenne et le FMI lui en servent l’occasion sur un plateau.

Derrière l’industrie financière, il y a les multinationales de l’industrie, du commerce et des services.

Si nous stigmatisons à juste titre les fonds spéculatifs, les agences de notation et l’industrie financière, nous ne perdons pas de vue que ce n’est que l’arbre qui cache la forêt ! Cette spéculation débridée qui étrangle les populations pauvres n’a été rendue possible que pour 2 raisons principales :

- Les dérèglementations successives des marchés financiers depuis les années 1980 ;

- Les choix volontaires et conscients du grand patronat de destiner leurs nouveaux profits vers la spéculation plutôt que vers la production et l’emploi. Cette accumulation de nouveaux profits trouve, elle, son origine dans une nouvelle répartition des richesses au bénéfice des profits et au détriment de la part revenant aux salariés. Cette part à baissé d’environ 10% de PIB en 25 ans en moyenne dans l’ensemble des pays développés.

Cette orientation économique, portée par l’idéologie néolibérale, est la cause principale de la crise économique et financière que nous connaissons aujourd’hui.

Les différents gouvernements qui se sont succédés depuis 30 ans, en Grèce comme dans les autres pays du Nord, portent aussi une lourde part de responsabilité dans l’augmentation des dettes publiques. Les politiques fiscales, menées en faveur des ménages les plus aisés et des grandes entreprises (impôt sur le revenu, le patrimoine et impôt sur les sociétés), ont considérablement diminué les recettes budgétaires et aggravé les déficits publics, obligeant les Etats à accroître leur endettement.

Les responsables de la crise sont épargnés et c’est le peuple à qui on présente l’addition.

Dans le plan d’austérité PASOK–UE-FMI imposé au peuple grec, il n’y a en effet que des mesurettes sans effet pour établir le début d’une justice fiscale et absolument rien pour lutter contre l’évasion fiscale des profits des grandes entreprises.

Les « solutions » du PASOK, de l’UE et du FMI précipitent la Grèce vers l’approfondissement de la crise. Une récession minimale de 4 points du PIB est déjà programmée pour 2010. Les petits artisans et commerçants, les petites entreprises vont connaître une longue suite de faillites et de fermetures d’activités. Le chômage va exploser et les couches populaires et les classes moyennes vont voir leur pouvoir d’achat tomber en chute libre. Les inégalités vont s’accroître et les droits humains fondamentaux (accès à l’énergie, à l’eau, à la santé, à l’éducation…) sont menacés pour la partie la plus pauvre de la population.

La colère du peuple grec est aussi la nôtre. Le CADTM soutient sans réserve les mobilisations contre le plan d’austérité.

Des solutions alternatives existent !

- Le remboursement de la dette publique de la Grèce doit être immédiatement suspendue et un audit public de celle-ci doit être mené pour décider de sa légitimité ou de son illégitimité.

- Des mesures d’annulation doivent être prises et les revenus financiers de la dette doivent être taxés à la source au taux maximal de l’impôt sur le revenu.

- Des mesures fiscales peuvent immédiatement être prises pour rétablir la justice fiscale et lutter contre la fraude. Aujourd’hui, selon les comptes du Trésor grec, les fonctionnaires (désignés comme boucs émissaires) et les ouvriers déclarent plus de revenus que les professions libérales (médecins, pharmaciens, avocats) ou encore que les dirigeants des banques!

La quasi-totalité des grandes entreprises (armateurs, …) déclarent leurs profits dans des pays à fiscalité plus avantageuse (Chypre notamment) ou les cachent dans les paradis fiscaux. L’église orthodoxe continue à bénéficier d’exhorbitantes exonérations fiscales sur le patrimoine et l’immobilier

De l’argent, en Grèce, il y en a, mais pas là où le plan d’austérité veut le prendre ! Au CADTM, nous sommes solidaires du peuple grec qui sera en grève générale mercredi 5 mai prochain. Partout, en Grèce comme dans les autres pays européens, la solidarité par la mobilisation doit s’amplifier. Aujourd’hui, c’est la Grèce mais chacun sait que demain ce sera le Portugal, l’Irlande ou l’Espagne. Après-demain, toute la zone euro peut basculer, y compris les pays les plus « riches » de celle-ci.

Nous nous félicitons des premières déclarations solidaires et du début des mobilisations de soutien devant les ambassades grecques. Il faut aller plus loin!

Le mouvement social européen dans son ensemble doit être aux côtés du peuple grec ! les populations européennes ont tout à y gagner ! Le CADTM, à son niveau y contribuera !

Communiqué du CADTM, 3 mai 2010


Nous sommes tous des travailleur(se)s grecs – Un appel syndical européen

Nous reproduisons ci-dessous une déclaration conjointe d’organisations syndicales d’Europe sur la situation en Grèce et la politique de l’UE

Confederacion General del Trabajo CGT (Etat espagnol)

Confederacion Intersindical (Etat espagnol)

Ezker Sindikalaren Konbergentzia ESK (Pays Basque)

Confederazione Unitaria di Base CUB (Italie)

Sindacato Dei Lavoratori intercategoriale SDL e RDB (Italie)

Unione Sindicale Italiana USI (Italie)

Transnationals Information Exchange TIE (Allemagne)

Confédération Nationale du Travail (France)

Union syndicale Solidaires (France)

Nous sommes tous des travailleurs/ses grecs

Depuis des semaines, sous la pression de la Commission Européenne et du Fonds Monétaire International, le gouvernement grec s’attaque aux travailleurs/ses de ce pays.

Le niveau d’endettement du pays (12,7%) est mis en avant pour tenter de justifier des reculs sociaux … injustifiables. D’ailleurs, les taux de pays comme la Grande Bretagne, l’Espagne, le Japon, les Etats Unis sont aussi à plus de 10%.

Les travailleurs/ses de Grèce, à juste titre, refusent de payer la crise du système capitaliste. Les patrons et les actionnaires se sont gavés de dividendes, de cadeaux fiscaux de toutes sortes, de rémunérations démentielles avec, à la clef, des fortunes qui dépassent l’entendement. C’est à eux de payer leur crise.

Les mesures annoncées sont inadmissibles : non remplacement de 4 départs à la retraite sur 5 dans la Fonction publique, hausse de la Taxe sur la Valeur Ajoutée de 19 à 21 %, baisse de 10 % des dépenses d’assurance, gel des pensions de retraites, réduction de 15 % des salaires, âge légal de départ à la retraite porté à 67 ans, etc.

Les mêmes banques et les mêmes spéculateurs, qui hier ont été sauvés d’une faillite certaine grâce à l’aide des Etats, mettent la pression sur ceux-ci et sont autorisés à spéculer sur leurs dos. Les gouvernements ont sauvé les banques, sans contrepartie. Aujourd’hui ces mêmes banques viennent faire payer l’addition aux peuples. La Grèce est attaquée, le Portugal est dans la ligne de mire, l’Espagne et l’Irlande sont menacées.

En Grèce, plusieurs grèves et manifestations massives ont déjà eu lieu. Le 24 février une grève générale a paralysé le pays. Nos syndicats affirment leur soutien au peuple grec, notamment à la grève générale du 5 mai.

Pour sauver leur système capitaliste, les patrons et les actionnaires sont organisés internationalement : le mouvement syndical doit agir à travers les frontières pour imposer un autre système que celui qui exploite les travailleurs/ses, pille les ressources naturelles et les pays pauvres, organise la famine d’une partie de la planète, … Nous entendons avancer dans la mise en place d’un réseau syndical alternatif en Europe, ouvert à toutes les forces qui veulent lutter contre le capitalisme, le libéralisme.

Partout, développons et coordonnons les luttes sociales, et construisons la résistance commune au niveau européen ! Face à la crise du système capitaliste, la grève générale est nécessaire. Nous voulons la construire !

En Grèce comme ailleurs, ce n’est pas au peuple de payer la crise du système capitaliste !

Voir ci-dessus