Elections législatives: retour sur les résultats pour la gauche radicale
Par Denis Horman et Ataulfo Riera le Jeudi, 15 Juillet 2010 PDF Imprimer Envoyer

Fait signififcatif, dans le collège électoral francophone, les deux principales listes à gauche du PS et d'Ecolo, le PTB et le Front des Gauches, obtiennent ensemble 3,2%. Un résultat jamais atteint pour la gauche radicale depuis le milieu des années '80..

Dans ce srutin, la liste Front des Gauches, que la LCR a activement contribué à mettre sur pied avec ses partenaires, a obtenu un score plus qu’honorable. Cette alliance électorale fut constituée en dernière minute, avec la participation inédite de 6 organisations de la gauche radicale (la Ligue Communiste révolutionnaire, le Parti Communiste, le Parti Socialiste de Lutte, le Parti Humaniste, le Comité pour une Autre Politique et Vélorution). Le calendrier en témoigne; le 28 avril, après la chute du gouvernement, la LCR lancait un appel pour une liste unitaire la plus large possible à gauche de la gauche pour ces élections anticipées. A « situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle » disions-nous. Le 6 mai, à son initiative, les représentants de plusieurs organisations se sont réunies afin d'en jeter les bases et le 11 mai, 48 heures avant le dépôt officiel des listes, un accord était finalisé entre les 6 organisations partenaires. Sept listes complètes de 141 candidat-e-s ont été constituées et quelques jours plus tard, une plateforme commune, une affiche et un dépliant finalisés. Un tour de force!

Contraint à une campagne de très courte durée – pas plus de 3 semaines de campagne avec le matériel -, mais bénéficiant d’un certain écho médiatique et d’un soutien surtout dans des mouvements sociaux sensibles à sa démarche unitaire, ce Front d’organisations n’a donc pas à rougir de son score électoral. D'autant plus que le temps aura manqué pour peaufiner une campagne en mettant l'accent autour de deux ou trois revendications précises afin de mieux profiler la liste, ou pour organiser au mieux la campagne dans certaines régions.

Au Sénat

Au Sénat, (collège électoral francophone : circonscriptions électorale wallonne et BHV), le FdG obtient 28 346 voix (soit 1,15%). A noter qu’aux élections européennes de juin 2009, l’addition des voix récoltées par le PC-GE, la liste LCR-PSL et le CAP atteignait 23 113 voix (soit 0,94%). Autrement dit, non seulement les scores des différentes forces ont pu être cumulés - ce qui n'était pas du tout acquis automatiquement – mais ils ont été augmentés du fait d'une dynamique unitaire qui, faute de temps, n'a pas pu entraîner plus d'adhésion encore.

La ventilation des pourcentages au niveau des provinces donne les résultats suivants : Hainaut (1,4%) ; Liège (1,2%) ; Luxembourg (0,90%) ; Namur (0,80%) et Brabant Wallon (0,80%).

Les résultats dans toute une série de cantons sont encourageants. La palme revient à St-Gilles avec 2,92% des voix. Dans le Hainaut, le FdG atteint ou dépasse le 1% dans quelque 23 cantons : Charleroi (2%), La Louvière (1,9%) ; Mons (1,6%) ; le Roeulx (1,6%) ; Fontaine-Lévêque (1,6%) ; Frameries (1,5%) ; Mouscron (1,4%), etc.

En province de Liège, le FdG dépasse la barre symbolique du 1% dans plusieurs cantons, dont Liège (1,9%) ; Eupen (1,8%) ; Dison (1,6%) ; Seraing (1,4%) ; Herstal (1,3%) ; Huy (1,3%) ; St-Nicolas (1,2%) ; Grâce-Hollogne (1,2%), etc.

A la Chambre

Pour la Chambre des représentants (régions BHV et wallonne) le FdG recueille 20 734 voix (soit 0,73%). Pour la région wallonne, il obtient 16 572 voix (soit 0,8%). Par circonscriptions électorales, le FdG obtient ses meilleurs scores en province de Liège avec 1,13% des voix; dans le Hainaut (0,80%) ; Brabant wallon (0,70%), Luxembourg (0,80%), Namur (0,50%) et BHV (0,50%).

Il faut noter ici que si le FdG est constitué par 6 organisations, toutes n'ont pas la même force militante. Seuls le PC, la LCR et le PSL ont une certaine implantation dans les principales régions en Belgique francophone.

La liste FdG liégeoise était conduite par Pierre Eyben (PC). Dans cette province, on atteint ou dépasse le 1% dans 12 cantons, dont Liège (1,9%) ; Dison (1,4%) ; Eupen (1,4%) ; Huy (1,3%).Ce résultat ne tombe pas du ciel. Il est le résultat (surtout sur le canton de Liège) à une implantation et une intervention militante depuis des années, menées par la LCR (ex-POS), le PSL et le PC.

Aux élections européennes de juin 2009, la liste LCR-PSL récoltait, sur le canton de Liège, les fruits d’un travail militant, en obtenant 0,70% des voix (677 voix). Le PC-GE y récoltait 0,48% (494 voix). Ensemble, pour ces élections législatives du 13 juin à la Chambre, les trois organisations (LCR, PC et PSL concrétisant le FdG à Liège) font plus que l’addition de leurs voix des Européennes de juin 2009.

Dans le Hainaut, avec la liste emmenée par notre camarade Céline Caudron (LCR), c’est à la Louvière (1,1%), Mons (1,1%), Charleroi (1%) et le Roeulx (1%) qu’on atteint ou dépasse légèrement le 1%. Notons également les bons résultats obtenus dans le Luxembourg, où l'on frôle le 1% dans 6 cantons, pour l’atteindre à Houffalize et Messancy et même le dépasser à Vielsalm (1,3%).

Dans le Namurois et en Brabant wallon, circonscription plus « difficiles » et où l'implantation des organisations est la plus faible, les meilleurs scores sont à Wavre (0,83%) et Namur (0,57%).

Chambre et Sénat : des résultats sensiblement différents !

1,15% au Sénat et 0,73% à Chambre, c’est une différence sensible pour le FdG, surtout dans le Hainaut. En général, la pression pour le "vote utile" est moins forte au sénat qu'à la Chambre. Dans ce cas-ci, outre le fait qu'il y avait moins de listes au Sénat, l'explication principale est beaucoup plus simple: c'est l'effet Di Rupo. Dans le Hainaut, le PS a progressé de 14 % et obtenu 354.000 voix. A la Chambre, où Di Rupo, « premier ministrable francophone », était candidat et fait un carton en voix de préférence (203.758 votes), le PS fait 48,2%, soit 14.000 voix de plus qu'au Sénat (46,9% sur la province). D'où viennent ces 14.000 voix? 8000 viennent d'ECOLO, 2000 du PTB+ et 4000 du Front des Gauches.

Cet « effet Di Rupo » se confirme si l'on compare les résultats du PTB aux dernières élections régionales de 2009. A Liège, par exemple, s'il triple son score par rapport aux législatives de 2007, il double par rapport aux régionales de 2009, passant de 1,82% (2009) à 3,09% (2010). Par contre, dans le Hainaut à la Chambre, malgré un "potentiel de départ" très important (1,34% aux élections régionales en 2009), sa progression a été nettement moindre qu'ailleurs. S'il double son score par rapport à 2007, il ne progresse que de 0,34% par rapport à 2009 pour atteindre 1,68%. Lui aussi a donc été frappé dans sa progression par le raz-de-marée PS, bien que dans une moindre mesure que le FdG.

Que faut-il en conclure? 1°) Que le PS a réussi une fois de plus à se présenter comme un double bouclier social et "national". 2°) que le FdG est plus sensible à la pression du "vote utile" que le PTB+ (ce qui peut s'expliquer par l'ancrage militant du PTB, mais aussi par le fait que le PTB a capté un vote de rejet "contre le cirque politique" - vote de rejet par définition moins sensible aux calculs sur l'utilité du vote). 3°) Que le FdG bénéficie d'un potentiel de sympathie dans les mouvements sociaux, parmi les militant-e-s.

Il faut toutefois relever que le résultat à la Chambre en Hainaut pour le FDG, avec 0,75% et 5442 votes, est un peu meilleur que celui des listes à gauche de la gauche qui se présentaient aux régionales en 2009, à savoir PC-GE (0,46%, 3320 voix); CAP d'Orazio (0,09%, 661 voix) et PSL (0,06%, 411 votes), soit un total 0,57% et 4392 votes.

L'apport de la LCR au Front des Gauches

Comme les autres partenaires, les militant-e-s de la LCR se sont investis à fond dans la campagne avec le Front des Gauches. Au total, 39 candidat-e-s (20 femmes et 19 hommes), membres ou d'ouverture, ont été présentés par la LCR, sur un total de 141 candidat-e-s.

A la Chambre, en Province de Liège, nos candidat-e-s totalisent en tout 2101 voix de préférences sur les 6833 voix que récolte la liste FdG. Au Hainaut, sur la liste conduite par la porte-parole de la LCR, Céline Caudron, nos candidat-e-s totalisent 2 421 voix de préférence sur 5 442 voix. A BHV, nos candidat-e-s recueillent 941 voix sur les 4 162 de la liste, dont 359 voix de préférence pour notre camarade Pauline Forges, 3e candidate effective. Au Luxembourg, les 4 candidats LCR sur une liste de 10 (effectifs et suppléants) totalisent 337 voix sur les 1209 récoltées par la liste FdG. Au total, les candidat-e-s de la LCR récoltent ainsi 5.390 voix sur les 20 734 de la liste FdG.

Quant au sénat, sur la liste menée par Robert Tangre (PC, qui recueille plus de 4000 voix de préférence), les candidat-e-s de la LCR totalisent 5.180 voix de préférence sur 28 346 voix. Epinglons trois bons scores, celui d'Eric Toussaint (1625 voix de préférence), de Daniel Tanuro (1180) et de Michèle Dehaen (964).

Par ailleurs, la LCR a activement contribué au travail commun dans les coordinations unitaires, dans l'organisation des meetings ou des conférences de presse, dans l'élaboration de la plateforme unitaire et des communiqués de presse du FdG. Au total, elle a assuré la diffusion de près de 50.000 dépliants unitaires (sur 200.000) et apporté une contribution financière significative afin d'éditer le matériel commun.

Quelles perspectives?

Au-delà de ses scores plus qu'honorables, le principal mérite de la liste Front des Gauches est son existence même, le fait d'avoir rassemblé une telle unité large pour - dans le contexte de la crise globale du capitalisme et de la crise politique belge en particulier - affirmer qu'une alternative de la gauche radicale et écologique existe; que d'autres choix sont possibles face au patronat et au gouvernement et qu'il faudra les imposer par la mobilisation sociale.

S'il reste à péréniser et élargir dans la durée cette expérience unitaire sur le terrain des prochaines échéances électorales, il nous faut surtout dans l'immédiat la concrétiser sur le front des luttes, face à la menace d'une offensive d'austérité sans précédent contre les conquêtes sociales du mouvement ouvrier. Pour avancer concrètement dans ce sens, les représentants des six formations proposent dès maintenant de mobiliser et d’intervenir en tant que Front, dans la diversité, lors de l’euromanifestation syndicale du 29 septembre et de la manifestation internationale pour le climat, le 28 novembre.

En vue de ces deux rendez-vous, des réunions thématiques publiques seront organisées sur le plan local. Un travail d’élaboration programmatique sera mené à ces occasions, car le Front des Gauches veut être non seulement le vecteur d’une critique anticapitaliste radicale mais aussi le porteur de propositions sociales et écologiques de rupture avec la logique du profit. L’idée d’un meeting commun à l’automne a également retenu l’attention, dans la suite de l’excellent meeting de campagne à Bruxelles.

Parallèlement, il convient également de bien réfléchir et d'évaluer soigneusement – et cela dans la plus grande clarté au niveau stratégique et programmatique - avec tous les partenaires du FdG, les possibilités réelles de le faire évoluer d'un front d'organisations vers une nouvelle force politique en tant que telle. Avec méthode et prudence au vu des échecs passés. Et en tenant compte du fait décisif que, pour se lancer dans une telle étape, il sera nécessaire de compter sur des mobilisations et des expériences de luttes sociales d'ampleur qui pousseront des couches significatives des salarié-e-s à s'engager sur le terrain d'une nouvelle force politique en rupture avec le social-libéralisme du PS et d'Ecolo.


Continuer le Front des Gauches… avec le PTB ?

Le PTB a obtenu de bons scores et a sensiblement progressé, même s'il n'a pas décroché un élu comme il l'espérait. Pour le Sénat (collège électoral francophone : circonscription électorale wallonne et BHV), le PTB a recueilli 51 065 voix (soit 2,07%). En Wallonie, le PTB triple son nombre de voix par rapport à 2007 pour atteindre 41 526 voix (soit 2,1%). Dans la Province de Liège, le PTB atteint son meilleur score au Sénat : 3,1%.

Pour la Chambre, le PTB recueille 48 170 voix, la plus grande partie en Région wallonne (38 857 voix, soit 1,9%). Et là aussi, c’est dans la Province de Liège qu’il réalise son plus gros score (3,1%), avec des % importants, voir impressionnants dans quelques cantons où il dispose d'une solide implantation autour de ses maisons médicales et d'élus communaux : Liège (4,2%), Seraing (7,2%) et Herstal (9,8%).

Pour s’en tenir à la Province de Liège, en ce qui concerne la Chambre, l’addition des pourcentages PTB (3,1%) et FdG (1,13%) « n’est pas très éloignée de la barre légale des 5% », comme le souligne Marco van Hees du PTB et tête de liste PTB+ au Sénat. Sur sa page facebook, Marco van Hees s'est livré, au lendemain des élections, à une « réflexion sur l’équation PTB+ Front des gauches= ? »: « Un Front des Gauches, PTB inclus aurait-il réalisé plus que l’addition des deux listes ? Ou, pour l’envisager encore plus crûment : cette union aurait-elle dépassé le score de la seule liste PTB ? ». Et M. Van Hees de continuer : « Le doute est permis, surtout si l’on cadre cette réflexion dans la province où l’on est le plus proche d’un élu, celle de Liège (aux élections communales ! Ndlr) ». Van Hees se livre à ce qu’il appelle « une réflexion purement personnelle ». Selon lui, oas question de s’arrêter en un si bon chemin pour le PTB. Pas question de « dissoudre le « label » PTB dans un « Front des Gauches. Mais, ajoute-t-il, « Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas rassembler les forces. Mais faisons-le dans un cartel de type «PTB-FdG ou PTB-PC »...

Au vu des résultats, il est clair que la perspective d'une intégration du PTB dans le Front des Gauches est peu réaliste, d'autant plus que la stratégie poursuivie par cette organisation, qui fait de plus en plus le grand écart entre un profil « contestataire » et celui d'un « parti de gauche comme les autres » prêt « à monter au pouvoir » avec le PS et Ecolo pose questions. Cependant, la perspective unitaire semble trouver un certain écho dans la base et la périphérie du PTB, elle pourrait à tout le moins se traduire par des accords de cartels aux élections communales.


Egalité

A gauche de la gauche, à la Chambre à Bruxelles-Halle-Vilvorde, il faut souligner le bon résultat obtenu par la liste « Egalité », qui promeut la lutte contre les discriminations et la solidarité avec la Palestine. Egalité se présentait pour la seconde fois, après les régionales de 2009, et obtient 5670 votes, soit un score de 1,1% dans l'ensemble des cantons électoraux de la Région Bruxelles-Capitale, une progression de 752 votes dans ces mêmes cantons. Un score d'autant plus significatif qu'Egalité dispose de peu de moyens et n'a eu accès à aucun relais médiatique pendant la campagne. A Bruxelles, il est clair qu'un élargissement de la dynamique unitaire incarnée par le Front des Gauche ne peut faire l'impasse sur le dialogue avec une composante progressiste qui compte sur un appui important dans les couches populaires des quartiers les plus défavorisés.

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