Dossier Tunisie: le soulèvement d'un peuple contre la dictature et le néolibéralisme
Par Basel Saleh, Béchir Hamdi le Mercredi, 12 Janvier 2011 PDF Imprimer Envoyer

Malgré les atteintes aux libertés et droits démocratiques les plus élémentaires et une répression policière féroce qui a fait plusieurs victimes mortelles, le peuple tunisien poursuit courageusement sa révolte contre la dictature de Ben Ali. Pendant ce temps, les gouvernements belge et européens se drapent dans un honteux silence complice. Ce dossier évoque la responsabilité écrasante de ces derniers et des institutions internationales impérialistes dans le soutien à la dictature tunisienne, tout comme dans la situation sociale qui prévaut dans le pays, ainsi qu'une analyse du soulèvement et divers appels d'organisations progressistes nord-africaines. (LCR-Web)

Les recettes économiques du FMI en Tunisie ont provoqué la pauvreté généralisée et le chômage

Par Basel Saleh

Le 17 décembre dernier des manifestations massives et spontannées ont éclaté dans la ville de Sidi Bouzid (dans le centre de la Tunisie) après que Mohammed Bouazizi, 26 ans, ait tenté de s'immoler par le feu parce qu'une policière l'a gifflé et craché au visage.

Le seul crime de Bouazizi est d'être un vendeur de rue de fruits et légumes sans autorisation légale dans un pays où les politiques économiques néolibérales ne lui offrent, à lui comme à des milliers d'autres (1) aucun espoir de travail. La tentative de suicide de Bouazizi, provoquée par l'humiliation policière et la confiscation de sa seule source de revenus révèle le profond désespoir qui prévaut parmi la jeunesse tunisienne, particulièrement chez les jeunes diplômés universitaires.

Vingt-quatre années ininterrompues de corruption, de dictature et de politiques néolibérales ont fait que la richesse du pays se concentre entre les mains d'une élite minoritaire liée au président Zine El Abidine Ben Ali et à la famille de sa femme. Bouazizi, diplômé universitaire (2) tentait de survivre avec dignité et d'entretenir sa famille en travaillant comme vendeur ambulant et cela dans un pays considéré par bon nombre d'observateurs et d'analyses économiques occidentaux comme un « miracle » économique, l'un des « Lions d'Afrique » (3).

Les misérables conditions économiques à l'intérieur du pays, l'absence d'offre de travail et de libertés politiques ont projeté Bouazizi, comme des milliers d'autres jeunes hommes et jeunes femmes au Magrheb, aux marges de la société. Le taux de chômage officiel en Tunisie, très largement sous évalué, est de 14% (4). Cependant, le taux de chômage parmi la jeunesse (entre 15 et 24 ans) est de 31%. Les 10% les plus riches du pays accaparent 32% des revenus et les 20% les plus riches 47% tandis que les 60% de la population plus pauvre se partage seulement 30% des revenus (5). L'émigration est passée de 18.000 en 1980 et à 80.000 en 2005. Malgré ce panorama, le FMI décrit la gestion économique du gouvernement et la répartition inégale des richesses parmi la population et entre les régions plus riches du nord et de la côte et celle de l'intérieur du pays comme une « prudente gestion macro-économique » (6).

Le méprisable comportement de la police à l'égard de Bouazizi est chose courant en Tunisie, une police qui ignire les droits humains élémentaires, piétine la dignité de la population et ne tolère aucune sorte de dissidence. Quelques jours après la tentative de suicide de Bouazizi, la pauvreté, le chômage et l'oppression ont poussé un autre jeune homme au suicide. Le mercredi 22 décembre, Hussein Nagi Felhi, également chômeur, s'est électrocuté et tué en grimpant sur une tour de haute tension. Les témoins affirment qu'il criait « non à la misère, non au chômage » pendant qu'il escaladait la tour. (7)

L'épidémie de chômage chez les jeunes, les inégalités, la répression policière et l'absence de toute liberté fondamentale ont exacerbé la solidarité de la population qui a pris les rues dans des protestations spontannées et non planifiées. Quelques jours après la tentative de suicide de Bouazizi et du décès de Felhi, les protestations se sont étendues dans tout le pays pour atteindre la capitale, Tunis, et elles se poursuivent malgré le black out des médias nationaux et la brutalité de la répression policière qui a provoqué plusieur victimes mortelles, dont un jeune de 18 ans.

Ce n'est pas la première fois qu'en 24 ans de règne le dictateur Zine El Abidine Ben Ali s'affronte à la rage du peuple causée par le manque de travail et la misère, mais il s'agit certainement aujourd'hui du plus grand défi lancé à la domination. Il y trois ans, en janvier 2008, son appareil de sécurité avait écrasé les protestations de Redhayef, une ville minière du sud du pays où les travailleurs et les jeunes s'étaient mobilisés pour les salaires et contre le chômage. A l'époque, plus de 300 personnes ont été détenues suite aux protestations (9). Mais, cette fois-ci, l'exaspération de la population a atteint son niveau maximal. En dépit du fait que le gouvernement a rapidement censuré toutes les pages web qui parlent des manifestations, plusieurs manifestants ont lancé une page Facebool pour donner et partager les informations sur la révolte (10). Cette dernière ne cesse de gagner en intensité et il n'y a aucun signe qu'elle va s'arrêter. Les manifestants en ont assez du status quo maintenu par la richissime famille corrompue qui est au pouvoir, un système de gouvernement répandu au Proche orient et en Afrique du nord

Un allié de l'occident: l'hypocrisie des politiques néolibérales et de la diplomatie occidentale

Le respect des droits humains et de la liberté de la presse sont quasi inexistant en Tunisie. Un institut d'évaluation place le pays parmi les nations les plus corrompues avec une note de 4,3 sur 10 (le chiffre 10 indiquant l'absence de corruption et le 1 le degré le plus élevé). Le Freedom House Index Túnez, considère la Tunisie comme un pays « non libre » (11), ce qui n'est pas surprenant dans un pays où le gouvernement contrôle presque tous les aspects de la vie de sa population. La jeunesse y est particulièrement étroitement contrôlée et observée. Le gouvernement, par le ministère de l'éducation décide y compris des champs d'étude des étudiants (12).

Bien que les protestations qui se sont étendues à tout le pays ont adopté la forme d'un ras-le-bol social élémentaire pendant les premiers jours, elles se sont rapidement transformées par la suite en une sorte de meeting politique généralisé. Aujourd'hui, les manifestants qui descendent dans la rue exigent ouvertement la démission du président Ben Ali avec le mot d'ordre en dialecte tunisien « Yezzi Fock » (« Ben Ali, ça suffit! »), qui est devenu la principale consigne politique.

Le président Ben Ali, qui a presque 80 ans, est très conscient de la gravité et de la menace qui pèse sur son pouvoir. Sa première réaction a été de tenter de lâcher du lest en démissionant certains hauts responsables locaux, en remplaçant quelques ministres et en promettant ensuite de noveaux investissements et des créations d'emplois. Mais comme ces fausses promesses ne peuvent calmer la rage des manifestants, c'est à la brutale répression policière habituelle et aux menaces qu'il a recours. Vu l'ampleur des événements, il a été forcé d'apparaître à la télévision en promettant de châtier la « minorité extrémiste » accusée de provoquer des « désordres » qui ont « un impact négatif sur la création d'emplois en éloignant les investisseurs et les touristes » (13). Cette préoccupation du président à l'égard du secteur du tourisme n'est pas étonnante vu qu'il est étroitement contrôlé par sa famille et par sa femme, comme l'ont révélé les câbles diplomatiques diffusés par Wikileaks.

Pour les gouvernements occidentaux, Etats-Unis et Union européenne en tête, le dictateur tunisien et sa famille constitue un cas « exemplaire » de « stabilité » dans un pays musulman d'Afrique du nord. Le FMI qualifie les politiques néolibérales qui y sont menées comme « prudentes » et « intelligentes » alors qu'elles ne bénéficient qu'à une petite minorité qui s'est enrichie par la corruption sur le dos de la population. Un cas de corruption révélé par Wikileaks est à cet égard emblématique; le beau-frère du président a acheté 17% des actions d'une banque juste avant sa privatisation et les a ensuite revendues bien au-dessus de leur valeur.

Le gouvernement tunisien est un fidèle allié des Etats-Unis dans ses guerres coloniales en Afghanistan, Irak et ailleurs. Un rapport de l'ONU sur les centres de détention secrets inclus la Tunisie dans la liste des pays qui abritent ces derniers où même la Croix rouge internationale ne peut avoir accès aux prisonniers. (14)

Les services de renseignement tunisiens coopérent étroitement à la « guerre contre le terrorisme » menée par les Etats-Unis et ont participé aux interrogatoires de prisonniers dans la base aérienne de Bagram en Afghanistan, tout comme en Tunisie. Des câbles diplomatiques récents publiés par Wikileaks révèlent que, depuis un certain temps, les Etats-Unis sont préoccupés par la rage croissante qui vit dans la population et à l'égard de la corruption des familles Ben Ali et Trabelsi (la famille de la femme du président) pour lesquelles les richesses du pays sont des biens personnels.

Une liste de câbles de l'ambassade des Etats-Unis à Tunis publiés sur la page web du journal britannique « The Guardian » indiquent que les Etats-Unis considèrent la Tunisie comme un état policier « avec peu de liberté d'expression ou d'association et de graves problèmes de droits humains » et qualifient y compris la famille Ben Ali de « quasi mafia » (15). Mais qu'à cela ne tienne, le Département d'Etat des Etats-Unis se flatte du soutien actif apporté par les forces de sécurité tunisiennes. Sur la page web du Département d'Etat, on peut lire que « Les Etats-Unis et la Tunisie ont un agenda actif d'exercices militaires conjoints. Historiquement, l'aide étatsunienne en matière de sécurité a joué un rôle important dans la consolidation de ces relations. La Commission militaire conjointe USA-Tunisie se réunit annuellement afin de discuter sur la collaboration militaire, le programme de modernisation des forces armées tunisiennes et d'autres questions de sécurité » (17).

L'issue du mouvement de révolte n'est pas encore très clair. Le gouvernement de Ben Ali tente désespérement de contrôler la situation en déployant toutes ses forces de sécurité dans les villes touchées par la protestation. Jusqu'à présent, les manifestants ont été relativement pacifiques (ce qui n'est certainement pas le cas des forces répressives, qui ont tué, selon certaines sources, une vingtaine de personnes). Pendant que les manifestants brandissent du pain et des pancartes, le FMI continue à pressionner Tunis afin d'appliquer des politiques d'austérité et recommande au gouvernement d'en finir avec les subventions alimentaires et pour le combustible et qu'il réforme le système de sécurité sociale afin d'ouvrir la voie à sa privatisation (17). L'hypocrisie du FMI n'a pas de bornes puisque ces mesures, appliquées dans tous les pays sur les recommandations de cet organisme, sont présentées comme devant favoriser « l'emploi et la croissance ».

Basel Saleh est professeur adjoint à la Faculté d'économie et d'études sur la Paix de l'Université de Radford en Virgine, Etats-Unis. Traduction française pour le site www.lcr-lagauche.be Source: http://www.globalresearch.ca/index.php?context=va&aid=22587

Notes:

[1] Voir Aljazeera (en arabe), 23 décembre 2010:

http://www.aljazeera.net/NR/exeres/D2ACC91E-B225-411B-8073-AC6C79845D77.htm

[2] Les informations sur le fait que Mohammed Bouazizi est un diplômé universitaire sont contradictoires mais la majorité des sources indiquent que tel est le cas. Voir:

http://dailystar.com.lb/article.asp?edition_id=10&categ_id=2&article_id=123016#axzz19WbaUTRj

[3] Les « Lions d'Afrique » est un terme utilisé par le Boston Consulting Group pour décrire les huit pays émergents du continent: Afrique du Sud, Algérie, Botswana, Egypte, Ile Maurice, Libye, Maroc et Tunisie. Voir Florence Beaugé, « Economic power of the 'African lions' tallied », « The Guardian Weekly », 10 juin 2010: http://www.guardian.co.uk/business/2010/jun/09/morocco-southafrica

[4] Julian Borger, « Tunisian President Vows to Punish Rioters After Worst Unrest in a Decade », « The Guardian », 29 décembre 2010:

http://www.guardian.co.uk/world/2010/dec/29/tunisian-president-vows-punish-rioters

[5] Indicateurs de la Banque Mondiale: http://data.worldbank.org/indicator/SL.UEM.1524.MA.ZS/countries/TN?display=graph

[6] Joël Toujas-Bernate et Rina Bhattachary, « Tunisia Weathers Crisis Well, But Unemployment Persistsa », « IMFSurvey Magazine: Countries & Regions » , 10 septembre 2010:

http://www.imf.org/external/pubs/ft/survey/so/2010/car091010a.htm

[7] Amro Hassan, « Tunisia: Apparent Suicide Triggers Youth Protests Against Unemployment », « The Los Angeles Times », 23 décembre 2010:

http://latimesblogs.latimes.com/babylonbeyond/2010/12/tunisia-suicide-triggers-youth-protests-against-unemployment.html

[8] « Human Rights Watch, World Report Chapter: Tunisia », Janvier 2009: http://www.hrw.org/en/node/79260

[9] Amnesty International, “Behind Tunisia’s Economic Miracle: Inequality and Criminalization of Protests”, junio de 2009:

http://www.amnesty.org/en/library/asset/MDE30/003/2009/en/2e1d33e2-55da-45a3-895f-656db85b7aed/mde300032009en.pdf

[10] On peut consulter cette page facebook des manifestants vía http://www.facebook.com/yezzifock?v=photos#!/yezzifock?v=wall

[11] Freedom House, « Freedom in The World Country Report », édition 2010:

http://www.freedomhouse.org/template.cfm?page=363&year=2010 , and Transparency International Corruption Index

http://www.transparency.org/policy_research/surveys_indices/cpi/2010/results

[12] Housa Trabelsi, « Unemployment Haunts Tunisia’s College Graduates », « The Megharebia », 30 juillet 2010:

http://www.magharebia.com/cocoon/awi/xhtml1/en_GB/features/awi/features/2010/07/30/feature-01

[13] « Tunisian President Says Job Riots are not Acceptable », BBC, 28 décembre de 2010:

http://www.bbc.co.uk/news/world-africa-12087596

[14] Voir un rapport de l'ONU sur les pratiques de détention secrètes:

http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/13session/A-HRC-13-42.pdf

[15] « US embassy cables: Tunisia - a US foreign policy conundrum », « The Guardian », 7 décembre 2010:

http://www.guardian.co.uk/world/us-embassy-cables-documents/217138

[16] « Background Note: Tunisia », U.S. State Department, 13 octobre 2010:

http://www.state.gov/r/pa/ei/bgn/5439.htm#relations

[17] Voir note 4.


Tunisie: L’Intifadha de Sidi Bouzid est spontannée mais elle a hissé très haut la banière de la résistance

Par Béchir Hamdi

L’Intifadha de Sidi Bouzid a démarré en réaction au suicide du jeune Mohammed Bouazizi qui s’est immolé par le feu après s’être vu interdire par les services municipaux d’exercer une activité marginale mettant sa famille à l’abri de la faim,-alors qu’il est lui-même chômeur et titulaire de diplômes scientifiques-, au prétexte que son activité n’était pas légale. Cet événement a été suivi deux jours plus tard du suicide d’Houssine Felhi qui s’est jeté d’un pylône et est mort sur le champ. L’étincelle de la colère s’est propagée aux villes voisines (Meknessy, Menzel Bouzaiene, Jelma, Rgueb, Souk El Jadid, Sebbala).

La vague de protestation se caractérise, du fait de la répression, par son caractère violent ; dans la plus part des cas il s’agit d’affrontements directs de la jeunesse révoltée et vindicative avec les forces de la police qui poursuit dans la voie de la répression et qui en vient à tirer à balles réelles sur les protestataires, comme cela a été le cas à Menzel Bouzaïene, tir qui a fait une victime, le jeune Lotfi Laamari, martyr de cette ville.

L’intifadha des citoyens de Sidi Bouzid et son extension très rapide aux villes voisines, qui en dépendent administrativement, -ainsi que le niveau de la répression qui a accueilli ces protestations- ont été à l’aube d’une vague de soutien qui a submergé la plupart des villes du pays. Il s’agit de protestations, qui, si elles n’ont pas encore l’intensité de celle de Sidi Bouzid, y sont du moins candidates et dans nombre de villes comme Kasserine, Jendouba, Le Kef, Gafsa, Feriana, Tala, Jbiniana et d’autres comme celles villes du bassin minier.

L’immolation de Mohammed Bouazizi et l’électrocution d’Houssine Felhi ne sont que la goutte qui a fait déborder le vase, dans un océan de colère accumulée face aux politiques du pouvoir. Les raisons en sont nombreuses et variées et n’attendaient que l’étincelle pour exploser.

Dans une région considérée comme la plus pauvre des villes de l’intérieur, le fait d’être un bastion du parti au pouvoir ne l’empêche pas d’être la région au plus fort taux de chômage des diplômés, d’être la dernière région en terme de chiffres observés de développement régional, ou encore d’être en tête de la liste des régions en terme de taux de pauvreté, de marginalisation, d’exclusion et d’injustice. La région a pâti depuis l’époque bourguibienne de cette injustice, approfondie après le coup d’Etat du 7 novembre et qui s’est renforcée avec la crise qui a frappé la société à cause de la politique d’ajustement structurel des liens avec l’économie de marché, ces politiques imposées par les banques mondiales et les associés européens.

Les causes de l’Intifadha, de façon générale, ont à voir avec le fait que le pouvoir a persévéré dans la voie de la restriction des libertés politiques pour le citoyen ; cela a été concomitant de l’échec des politiques en place et ce à tous les niveaux, qui s’est approfondi notoirement dans la dernière décennie, surtout dans les régions de l’intérieur.

L’absence de perspectives politiques et sociales, le renforcement du joug répressif du pouvoir et la confiscation des moindres droits élémentaires du citoyen, l’approfondissement de la paupérisation, de la marginalisation, du chômage et des disparités régionales dans le développement, l’acharnement du pouvoir à couvrir cette injustice par des rafistolages dépassés et formels, sont à l’origine des diverses explosions sociales des trois dernières années en Tunisie dans les régions les plus pauvres et marginalisées, comme la région du bassin minier, la région de Ben Guerdane et la région de Sidi Bouzid.

Une Intifadha spontanée mais qui a hissé très haut la bannière de la résistance

L’intifadha de Sidi Bouzid qui a démarré de façon spontanée semble aujourd’hui capable de continuer et de résister face à la répression noire à laquelle elle fait face ainsi qu’au niveau de la réalisation des revendications portées par les masses insurgées, surtout après que le pouvoir ait annoncé par un message clair qu’il n’avait pas de solution sinon la répression et la poigne de fer. Divers éléments retiendront l’attention de l’observateur : on a une opposition au pouvoir qui se radicalise, lequel pouvoir n’a que la répression et des solutions formelles à opposer aux revendications des masses et qui ne traiteront pas les origines des problèmes de même que les promesses fulgurantes ne parviendront pas à faire cesser la protestation. Et quand bien même le pouvoir parviendrait à l’éteindre maintenant, il ne pourrait l’empêcher de reprendre, non seulement à Sidi Bouzid, mais dans toutes les régions marginalisées et paupérisées.

Le premier élément important dans l’intifadha de Sidi Bouzid est la rapidité de l’extension du mouvement de protestation, puisqu’en trois jours, il a englobé la plupart des villes avoisinantes du centre du gouvernorat d’où a jailli l’étincelle initiale de l’Intifadha. C’est une donnée nouvelle par rapport à la plupart des protestations antérieures, restées cantonnées, et qui ne s’étaient pas étendues. C’est un facteur sur lequel le pouvoir comptait toujours pour épuiser le mouvement, l’encercler, le réprimer ou le détruire de l’intérieur et imposer des solutions frelatées ou des promesses mensongères, à l’instar de ce qui s’est passé pour le bassin minier il y a deux ans ou à Ben Guerdane l’année passée.

Le second élément important également est la rapidité de la vague de soutien et de solidarité avec les citoyens révoltés de Sidi Bouzid et de dénonciation de leur répression par les appareils de police. Cette vague a secoué de nombreuses villes qui ont vu des mobilisations de soutien dont on ne peut croire qu’elles ne soient motivées que par le souci de solidarité. En réalité il s’agit de l’expression par ces masses de leur refus de la situation qui leur est faite. C’est une donnée nouvelle qui nous donne à croire que nous allons vers une accumulation débouchant sur une intifadha globale dans le pays. C’est un développement de la situation où jusqu’à ce jour, la situation évolue spontanément, sans direction politique ou locale, excepté des formes d’auto organisation embryonnaires de la résistance créées par des citoyens ici et là, et c’est particulièrement le fait de la jeunesse la plus à l’initiative, résistante, active et déterminée à poursuivre la mobilisation et affronter la violente répression qu’oppose le pouvoir à toutes les manifestations.

Quant au troisième élément important dans l’Intifadha de Sidi Bouzid en particulier et dans l’ensemble des mouvements qui ont eu lieu et se poursuivent, -même si c’est de façon discontinue-, c’est l’unité des slogans scandés par les protestataires dans toutes les manifestations, et les rassemblements ainsi que leur radicalité. A l’origine, il s’agissait de revendications ayant trait au droit à l’emploi et à l’équité dans le développement entre les régions, et nous entendons scander des slogans relatifs aux libertés démocratiques comme le droit de s’exprimer de manifester, la dénonciation de la corruption, la revendication du départ de Ben Ali et la chute du parti au pouvoir, tous slogans qui lient le social et le politique, et qui n’avaient pas cours dans les mobilisations précédentes.

Quant au quatrième élément important, c’est que le mouvement des masses a dépassé le programme du mouvement politique opposant en général de son extrême gauche à son extrême droite, qui ont été incapables sur des décennies de faire le lien entre les revendications sociales et les revendications politiques et de considérer que les revendications sociales étaient un levier pour les revendications politiques. C’est pourquoi ce mouvement politique est resté isolé des masses et incapable de s’ancrer en leur sein. Il est resté replié sur lui-même, ne dépassant pas dans son opposition le niveau de la lutte pour les droits, l’humanitaire et l’électoralisme.

Le cinquième élément est l’importance de la jeunesse en général et plus précisément celle des diplômés chômeurs et la capacité de ces derniers à résister et à poursuivre la mobilisation en dépit de la répression violente. C’est une catégorie dont les événements ont démontré l’importance face au pouvoir eu égard à sa base radicale et résistante.

Les perspectives de l’Intifadha

Même si l’Intifadha de Sidi Bouzid a éclaté spontanément et s’est élargie dans une situation et un rapport de forces dégradé évidemment en faveur de la dictature, ainsi qu’en l’absence totale de direction capable d’organiser les mouvements, de les unifier et de les faire progresser jusqu’à la satisfaction des revendications des masses, on est autorisé cependant à dire qu’il y a des possibilités sur lesquelles on peut parier pour dépasser cette faiblesse inhérente à toutes les mobilisations si les militants actifs, les syndicalistes radicaux et tous ceux à qui a incombé d’organiser les mouvements qui ont eu lieu dans les sièges de l’Union Générale Tunisienne du Travail en dépit de l’opposition de la bureaucratie, ainsi que les jeunes diplômés chômeurs, la jeunesse étudiante et lycéenne, constituent des comités de l’Intifadha en tous lieux dont la mission sera d’organiser les mouvements de les unifier, de les poursuivre et de les coordonner avec d’autres régions.

Nous le disons car nous savons que lorsque explosent des intifadhas ou des protestations nombre de problèmes qui étaient de simples idées portées par ceux qui en avaient une conscience avancée se transforment en questions pratiques brulantes posées par une masse importante et ils requièrent des solutions pratiques et non des paroles ou des slogans.

Tous les indicateurs mettent en exergue l’élément absent dont les conséquences seront négatives dans la poursuite du mouvement et sa radicalisation, c’est l’organisation. Il est possible de dépasser ce point comme nous l’avons indiqué. Et nombre de signes indiquent que les protestataires n’ont plus confiance ni dans les cadres officiels dont ils savent qu’ils sont responsables de toutes les politiques d’injustice, ni dans l’opposition politique dont ils savent qu’elle ne se préoccupe pas d’eux et les délaisse à chaque fois que la barre est mise haut, tant au plan social que dans la radicalité.

Travailler à réaliser cette tâche aujourd’hui poussera vers l’avant toutes les activités politiques de l’opposition démocratique et des structures de la société civile en soutien à l’Intifadha. Elles se trouveront alors enclines à radicaliser leur solidarité et ne se contenteront plus de pondre un communiqué de dénonciation et de revendication mais passeront au niveau supérieur, celui de la mobilisation et du mouvement sur le terrain.

L’émergence d’une structure de direction de l’Intifadha dans chaque région radicalisera l’action de ces comités qui se sont auto proclamés comités de soutien et dont nous n’avons pas entendu ou vu jusqu’à aujourd’hui qu’ils aient pris une initiative concrète dans le sens d’un appui réel à l’Intifadha si ce n’est des communiqués et des déclarations médiatiques qui s’en tiennent à l’analyse et l’identification.

Les masses peuvent à tout moment se dégager de la peur du pouvoir et des appareils de répression de l’Etat. Elles le feront lorsqu’elles auront confiance dans leurs propres forces et se seront unifiées autour de leur revendication. Cette conscience dont les masses ont besoin, elles ne la trouveront ni dans les livres ni dans les communiqués, c’est une conscience qui s’acquiert dans la pratique de terrain, dans la rue, en arrachant leurs droits, et c’est ce qui est train de se produire.

Ce moment qui sépare la conscience de la pratique, il faut le radicaliser en dépassant l’obstacle de l’organisation car c’est par elle seulement que les masses pourront se muer en un bloc compact difficile à détruire ou à faire s’agenouiller, même si son activité devait décliner ou s’éteindre à cause de la répression, ce ne serait que passager et rapidement, elle reprendrait, l’audace serait à nouveau de plus en plus forte et plus forte que par le passé.

En conclusion, on peut dire que si cette tâche n’était pas réalisée, la situation serait candidate à la fin de l’Intifadha par la répression et le dernier discours du pouvoir constitue un message clair. Le choix de la répression est le seul pour lequel il puisse opter.

Sidi Bouzid, 29 décembre 2010

Traduction par Luiza Toscane – ni revue ni corrigée par l’auteur de la version en arabe. Publié sur le site de Europe solidaire sans frontière: www.europe-solidaire.org/


Une nouvelle intifada secoue la Tunisie

Vendredi 17 décembre, un jeune étudiant au chômage, n’ayant pour survivre à la précarité qu’un emploi ambulant, a tenté de mettre fin à ses jours en s’aspergeant d’essence suite à la saisie par la police de son unique moyen de subsistance.

Par cet acte de désespoir, ce jeune, comme tant d’autres avant lui en Tunisie ou au Maroc, a voulu condamner la politique d’un régime qui ne laisse à sa jeunesse que le choix entre la mort par immolation ou la noyade en Méditerranée pour fuir un monde d’injustice et d’inégalités insupportables.

À l’image des tremblements de terre qui sont précédés par des secousses telluriques, cette nouvelle Intifada de Sidi Bouzid fait suite à d’autres soubresauts qui ont touché cette année plusieurs régions de la Tunisie profonde. Celle qu’aucune carte postale ne met en exergue.

Ce désespoir d’un jeune fait remonter à la surface l’origine et la réalité du prétendu « miracle » économique de la Tunisie, conduite de main de fer par le général Ben Ali. Ce désespoir est le cri d’une jeunesse dont le jeune, Mohammed Bouazizi, est le représentant et le symbole. C’est la figure représentative de la bombe à retardement qui s’apprête à péter à la gueule des oligarchies militaro- policières qui gouvernent d’une main de fer l’ensemble des états de l’Afrique du Nord, Maroc, Algérie, Tunisie en passant par la Libye l’Egypte, le Sénégal ou le Mali etc. .

Ce désespoir est celui qui a fait se soulever l’ensemble des villes minières de la région de Gafsa, plus connu comme l’Intifada du bassin minier de Gafsa de janvier 2008. Cette Intifada qui s’est déroulée tout au long de l’année 2008 et qui s’est soldée par plusieurs morts, sans compter la répression par l’emprisonnement et la torture, a été déclenchée pour les mêmes motifs que celle qui se déroule aujourd’hui sous nos yeux à de Sidi Bouzid.

Sidi Bouzid

Ces Intifada qui se succèdent comme un métronome sont le meilleur procès que l’on puisse faire à une dictature qui en 20 ans a réussi le tour de force de pousser la jeunesse de ce pays à choisir entre les embarcations de la mort pour traverser la Méditerranée et le suicide par immolation pour mettre fin à une vie qui ne vaut plus la peine d’être vécue.

Devant le tribunal qui jugera le général Ben Ali et sa clique, ce sont les martyrs du bassin minier, les suicidés par immolation, les jeunes naufragés de Méditerranée et les milliers de jeunes embastillés et qui meurent à petit feu dans les bagnes de la dictature, qui seront les procureurs.

Une fin de règne nauséabonde

Il se raconte qu’une valise diplomatique à voyagé avec pour seul contenu la chemise usagée d’un cacique du régime en froid avec son ancien mentor, le général Ben Ali. Ce voyage commandé par la « régente » de Carthage avait pour destination un marabout, ayant une certaine renommée, afin que ce dernier puisse y déceler les traces de sorcellerie.

C’est dire l’état d’esprit qui règne au sein de la famille « régente ». Et elle a raison de s’inquiéter ! Le dernier trimestre 2010 a été riches en évènements majeurs. L’ensemble du secteur de l’enseignement a déclenchée une grève générale suivie à plus de 80%, le 27 octobre 2010, où les questions sociales concernant aussi bien la précarisation qui frappe ce secteur, que celles des rémunérations ou des remises en cause des statuts (retraite, conditions de travail etc.) étaient au cœur de la mobilisation. Une manifestation monstre comme la capitale, Tunis, n’en a pas vu depuis longtemps, s’est déroulée avec des mots d’ordre de rejet des politiques de prévarication et de népotisme. Une nouvelle journée de grève générale est appelée dès à présent pour le 27 janvier 2011.

Le 5 décembre 2010 à l’occasion de la commémoration de l’assassinat du fondateur de l’Union générale des travailleurs tunisiens Farhat Hached, en 1952, par les nervis fascistes du colonialisme français, s’est déroulée une importante manifestation contre le régime à « perpétuité » de Ben Ali.

De plus en plus de secteurs ont été touchées par des grèves, voire par des occupations d’usines qui ferment. Cela dans toutes les régions de la Tunisie. C’est que la crise économique du système capitaliste mondial qui perdure pèse sur une économie tunisienne dont un semblant de prospérité était en grande partie lié aux flux des capitaux de la spéculation mondiale cherchant des « paradis » avec retour sur investissement de plus de 15% !!!

Avant la mascarade électorale de la « réélection » de celui que le journaliste Ben Brik appelle par dérision, Général « Ben Avi », ( Il paya de six mois ferme son impertinence), qui s’est déroulée en 2009, les prévisionnistes du régime tablaient sur une progression du PIB de 6 % annuellement afin de contenir le chômage officiellement déclaré à 14 % de la population active.(En réalité si on agglomère les précaires de l’économie parallèle et un grand nombre de femmes au foyer il faut doubler ce chiffre pour approcher la réalité des exclus).

La crise du capitalisme international qui a démarré en 2008 a ramener cette progression à un petit 3% selon les données des instances internationales telles la banque mondiale ou le FMI. Cette nouvelle donne explique que le chômage explose et frappe durement la jeunesse dans son ensemble. Les jeunes diplômés qui se bousculent par dizaines de milliers, tous les ans, au sortir des universités, munies d’un sésame qui ne leur offre au mieux aujourd’hui qu’un travail précaire, un job dans l’économie souterraine ou la roulette d’un passage clandestin à bord de rafiots, chèrement payé en devises, afin de quitter l’enfer du désœuvrement pour rejoindre les rives de « l’eldorado Europe ». Cela donne une idée de la bombe à retardement de l’exclusion sociale par le chômage qui frappe tout les pays au Sud de la Méditerranée.

Si on ajoute à ces données les coupes sombres que prévoit le régime dans les pans entiers de l’économie étatique et semi étatiques ayant échappé à la privatisation on peut avoir un aperçu du bouillonnement qui agite le bocal tunisien. Ce ne sont pas les rodomontades du régime sur la « stabilité » qui changeront quelque chose. Une stabilité obtenue par l’embastillement de milliers de jeunes condamnés à de lourdes peines de bagnes pour « faits de terrorisme ». Pas une semaine ne passe sans que les courageux militants d’organisations de défense des prisonniers et contre la torture ne signalent des procès où les jugements tombent comme des couperets. Les peines de bagnes se comptent par dizaines d’années. Il ne reste à ce régime aux abois que la répression féroce pour taire la rébellion de la jeunesse, des précaires et de tous les exploités.

Il ne se trompe pas d’ennemi. C’est bien cette jeunesse qui menace les fondements de ce régime despotique « familial ». La famille régnante ayant fait main basse sur les secteurs les plus juteux de l’économie en deux décennies. Ce sont les banques, l’immobilier, la téléphonie et Internet et bien entendue l’import-export qui sont devenue la chasse gardée de ces derniers.

Régime illégitime !

Le régime de Ben Ali issu du coup d’état médical de 1987 vit une fin de règne qui s’apparente à celle du premier dictateur : Bourguiba.

Les répercussions de la crise économique mondiale dont on observe les ravages aussi bien dans la vieille Europe ; Grèce, Irlande, Espagne, Portugal, qu’en Afrique, avec la nouvelle guerre civile qui menace d’ensanglanter la Côte d’Ivoire après bien d’autres guerres civiles larvées qui plombent ce continent ; sont le moteur de toutes les Intifada qui se déroulent en Tunisie ou qui s’annoncent ailleurs.

L’économie tunisienne arrimée à l’Europe depuis deux décades est secouée par les chambardements qui frappent le vieux continent. Et nous ne sommes qu’au début du processus. Les politiques d’austérité et de contreréformes (touchant les retraites en France par ex) ne sont pas simplement des remèdes temporaires d’une maladie curable. Ils sont la réponse de la minorité de dominants et des possédants à la crise qui frappe leur système : le système capitaliste.

Le Général Ben Ali comme d’autres dictateurs n’est pas en reste. Sur la question des retraites, il applique les mêmes potions que ses collègues Sarkozy et consorts. Concernant les salaires, un blocage de ceux-ci est prévu sur le long terme puisque la rémunération du travail n’est perçue partout que comme un « coût » qu’il faut réduire. Voir ce qui se déroule sous nos yeux en Grèce, en Espagne, en Irlande et au Portugal pour ne citer que ceux là où des pan entiers de la société sont sacrifiés sur l’autel de la sauvegarde des privilèges de ceux d’en haut.

Peut-on encore réformer le système capitaliste ?

Il y a toujours cette petite musique de ceux qui s’illusionnent de voir, enfin, le système capitaliste fonctionner avec des critères « moraux » et « rationnels ». On se rappelle les déclarations fracassantes des grands de ce monde, au lendemain du déclanchement de la crise mondiale, sur le thème de la « moralisation » du système et sa « rationalisation ». D’aucun pourrait se poser la question : comment peut-on « moraliser » un système qui dans son essence est immoral parce que basé sur l’exploitation, et « rationnaliser » son fonctionnement alors que la décision ultime relève de la propriété individuelle et privée ? Comment peut-on continuer à « croire » en la fiabilité d’un système qui déballe ses forfaitures au quotidien.

On renfloue les banques et on remet sur ses pattes un système spéculatif financier qui menace de s’écrouler avec l’argent public et que font ces derniers une fois requinquer : ils spéculent contre les Etats qui les ont sauvé du désastre. Ils mordent la main qui les a secourus. Dans le même mouvement ils spéculent sur les secteurs « juteux » comme les produits agricoles avec pour conséquence palpable la mort programmée de centaines de millions de personnes de famine.

On fait exploser les budgets militaires sous le prétexte fallacieux de « prolifération du terrorisme » pour mieux engraisser les mêmes fauteurs de guerres et on prépare et attise les prochaines guerres civiles et guerres entre les peuples. Voilà pour la moralité.

Le syndrome de la Côte d’Ivoire.

La guerre civile qui se déroule à l’heure actuelle en Côte d’Ivoire et qui n’est que le prolongement d’une guerre civile larvée qui dure depuis plus d’une décennie montre à l’évidence qu’il n’y a pas et il n’y aura pas de solution « démocratique » à la crise qui frappe nos pays.

Les oligarchies financières qui se sont constituées en siphonnant littéralement les biens publics ne peuvent pas être et la cause et la solution. Aucune fraction des bourgeoisies régnantes ne peut être porteuse d’un projet alternatif au cul-de-sac dans lequel on se retrouve aujourd’hui.

Le divertissement des « processus électoraux » vendus comme l’alternative miraculeuse d’une sortie de crise a du plomb dans l’aile. (Voir les exemples de l’Égypte, d’Haïti et maintenant de la Côte d’Ivoire).

Seule la perspective du renversement des oligarchies est à même d’ouvrir de véritables processus de mobilisation des travailleurs, de la jeunesse et de tous les exploiter en vue de s’organiser ou briser les reins de ces systèmes dictatoriaux. Le rassemblement de tous les secteurs en lutte, travailleurs, précaires, jeunes, paysans, artisans etc. dans des structures d’auto organisation à l’image de ce qui s’est déroulé en Guadeloupe avec le L. K.P est un exemple à suivre. Au sein de cette coordination d’organisations syndicales, associatives, politiques, le peuple des exploités en lutte a pris son destin en main.

Ces structures d’auto organisation sont appelées à refonder les processus constitutionnels en imposant des cadres législatifs basés sur l’égalité totale et la répartition des richesses. L’égalité totale de tous les citoyens, femmes et hommes, et la garantie d’une représentation paritaire à tous les échelons de responsabilité. La répartition des richesses est devenue le leitmotiv de toutes les mobilisations du bassin minier de Gafsa à Sidi Bouzid. À chaque mobilisation les slogans fusent contre les voleurs des biens publics et la réclamation qu’ils soient rendus à leurs destinataires.

Répartir le travail, répartir la richesse : voilà le programme de transition.

Pour le réaliser, unissant nous dans des « majaless choura » à l’échelle locale, régionale et nationale. Ce sont nos traditions de « soviets » qu’il faut réhabiliter. Seules cette auto organisation peut exprimer les doléances, les revendications et trouver les modalités de leur réalisation par une coordination nationale. Construisant l’alternative à la dictature du général Ben Ali. Construisant la coordination des « majaless choura » partout, tout de suite, il y a urgence.

Etoile Nord Africaine Anticapitaliste

Déclaration du 19 décembre 2010. Publié sur le site http://www.afriquesenlutte.org


Déclaration du Parti Comuniste Ouvrier de Tunisie

La mobilisation qui a commencé à Sidi Bouzid le 17 décembre contre le chômage, la pauvreté, la montée des prix, l'exploitation, la corruption, l'injustice et la tyranie, s'est étendue à la majorité des régions du pays car il s'agit d'une réalité d'une réalité qui frappe la majorité du peuple tunisien. Les frustrations et la révolte de Sidi Bouzid sont les mêmes que dans tout le pays.

La mobilisation s'affronte aux forces policières du régime totalitaire tunisien qui, face au soulèvement de Sidi Bouzid et ailleurs, a répondu avec sa méthode habituelle basée sur la désinformation, la tromperie, le mensonge et la répression brutale, y compris par l'assassinat de manifestants désarmés et cela dans le but d'écraser rapidement la protestation populaire avant qu'elle n'aille trop loin.

Pour les manifestants, ces méthodes ne sont pas une nouveauté, la police a toujours répondu aux revendications de justice et de libertés avec la répression mais, malgré la violence de cette dernière, la protestation se poursuit.

Les slogans criés par les manifestants dans tout le pays sont des mots d'ordre contre la corruption et le pillage du pays, contre Ben Ali et pour la liberté: « La liberté, ce n'est pas la présidence à vie! »; « A bas le Parti de la constitution, bourreau du peuple! »; « Ben Ali, lâche! Le peuple tunisien est insulté »...

Les masses populaires se dressent en particulier contre un système qu'elles considèrent qu'il ne les représente plus, un système qui représente au contraire une « bande de voleurs », une poignée de familles qui ont pillé les ressources du pays, ses richesses et son budget et qui sont vendues au capital international, ce qui prive les gens de leur liberté et de leurs droits. Un système qui use et abuse de la force brutale de l'appareil d'Etat afin d'humilier, de soumettre, d'intimider et de dissuader les luttes, transformant la Tunie en une immense prison et la torture en une méthode habituelle.

Ainsi, les aspirations à la liberté, à la démocratie et à la justice sociale ne peuvent être atteintes dans le cadre du régime de Ben Ali. Les masses doivent traver leur propre chemin vers le changement au travers de la lutte, au travers de l'Intifada, sans donner le moindre répit ni concession à la dictature.

Les protestations populaires se poursuivent, la dictature n'a pas été capable de les étouffer par la forece et personne ne peut encore prédire leur issue aujourd’hui. La Tunisie entre dans une nouvelle étape de son histoire, caractérisée par la lutte du peuple pour récupérer sa liberté, ses droits et sa dignitié.

Dans cette lutte, le Parti communiste ouvrier de Tunisie réitère son appel à convoquer une assemblée nationale de l'opposition tunisienne afin de s'occuper de cette question le plus rapidement possible.

Parti communiste ouvrier de Tunisie


Solidarité du Parti communiste libanais

Alors que la lutte contre les politiques néolibérales s'étend dans le Maghreb et que les mobilisations des masses populaires remettent en question la légitimité et la représentativité de leurs gouvernements, des partis révolutionnaires arabes se solidarisent avec les luttes au Maghreb. Le Parti communiste libanais a diffusé un appel condamnant la répression en Tunisie et appellant à la solidarité avec les travailleurs. Le PC libanais condamne la politique «de répression contre les travailleurs les différentes forces en lutte et salue les martyrs du soulèvement de Tunisie et exige des autorités tunisiennes qu'elles libèrent tous les activistes détenus à la suite d'un mouvement de protestation légitime ».


Le CADTM-Afrique exprime sa solidarité avec le peuple tunisien

Un mouvement de contestation sociale secoue actuellement la Tunisie. Il est le résultat de la crise globale du régime de Ben Ali ; bon élève du FMI et de la Banque Mondiale. La révolte populaire a d’abord éclaté dans la ville de Sidi Bouzid (centre du pays) au cours du troisième weekend de décembre, avant de s’étendre à la quasi-totalité des villes tunisiennes.

Les retombées sociales du repli de l’activité économique depuis la fin 2008, qui aggravent ceux de deux décennies de politique antisociale, sont perceptibles à plusieurs niveaux, notamment, celui de l’emploi qui se caractérise par :

- un taux de chômage qui avoisine 15%,

- seulement 40% des personnes, en âge de travailler, occupent effectivement un emploi,

- plus de 60% des personnes ayant un emploi sont, d’une manière ou d’une autre, sous employées,

- un taux de chômage de 24% parmi les diplômés du supérieur.

Par ailleurs, la dette continue de capter une part non négligeable des ressources financières de l’Etat, affaiblissant ainsi sa capacité d’intervention dans le champ social, ce qui se répercute négativement sur les conditions de vie des classes populaires. En effet, le service de la dette publique extérieure a représenté 12% du budget de l’Etat, en 2009, ou bien le tiers de ses dépenses sociales.

Il n’est donc pas étonnant que la colère populaire se cristallise autour de la question de l’emploi et contre la vie chère et la marginalisation sociale qui en résulte. Mais aussi, contre toutes les formes d’exactions et d’humiliations que subi la population de manière continue, de la part d’un Etat policier et corrompu qui use systématiquement de la violence.

Le réseau CADTM Afrique :

- Exprime sa solidarité avec le peuple tunisien qui refuse, à travers sa révolte, de continuer à payer les frais de la politique capitaliste libérale qu’applique, depuis près d’un quart de siècle, l’Etat tunisien, et son soutien total à toutes ses revendications.

- Dénonce la répression du pouvoir de Ben Ali contre le peuple tunisien, et le bouclage policier de plusieurs villes, notamment celle de Sidi Bouzid.

- Exige la libération immédiate de toutes les personnes arrêtées suite au mouvement de contestation, le rétablissement de la liberté de circulation et le respect du droit à manifester pacifiquement.

CADTM-Afrique, 2 janvier 2011

www.cadtm.org

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