La révolution égyptienne remporte la première manche: Moubarak a dégagé! Au suivant!
Par LCR-Web le Vendredi, 11 Février 2011 PDF Imprimer Envoyer

La démission du dictateur Hosny Moubarak représente une victoire colossale et ô combien légitime pour le peuple égyptien. C'est avec une profonde joie que nous saluons cette victoire populaire, car elle est le résultat d'un courage et d'une ténacité extraordinaires, d'une capacité de mobilisation et de résistance inouïes ainsi que d'une rage de vaincre sans égal. Nous nous inclinons également devant les plus de 300 martyrs qui ont donné leur vie pour que cette première victoire soit possible et ouvre de nouvelles perspectives révolutionnaires. Cette victoire est celle du peuple égyptien, payée par son sang, mais elle est également partagée par tous les peuples de la région car elle donnera une impulsion déterminante pour la révolution arabe, initiée il y a quelques semaines à peine avec la chute de Ben Ali en Tunisie.

Tout n'est pas terminé en Egypte pour autant, loin de là. Au travers de Moubarak, c'est l'ensemble du régime et de ses institutions, sa corruption et sa soumission face à l'impérialisme et au sionisme, sa distribution inégale des richesses générant misère et chômage, que le peuple égyptien veut mettre définitivement à bas. Et cette victoire lui donne désormais confiance en ses propres forces.

Vu l'importance du pays dans le monde arabe et sa position clé dans l'échiquier géostratégique, l'impact de la révolution égyptienne a des dimensions cataclysmiques pour les classes dominantes arabes, pour l'Etat sioniste criminel d'Israël et pour l'impérialisme occidental.

Il s'agit enfin et surtout d'une victoire où les travailleurs ont apporté une contribution qui s'est révélée décisive, en menant une vague de grèves massives touchant les secteurs vitaux de l'économie comme le Canal de Suez (voir ci-dessous). Pour ceux qui se sont empressés de lui dire adieu un peu trop rapidement, la chute de Moubarak vient brutalement rappeler que la classe ouvrière est toujours bel et bien là et qu'elle constitue l'élément clé de tout processus révolutionnaire, de par la place qu'elle occupe dans la production des richesses.

La chute de Moubarak, chassé par les masses dans la rue, est une leçon exemplaire pour les travailleurs du monde entier: oui, la révolution est possible!

En Egypte, en Tunisie et demain en Algérie, au Yémen, au Maroc...: la lutte continue.

Vive les peuples en lutte pour la liberté, la dignité et la justice sociale!  Vive la révolution permanente arabe! (LCR-Web)


Coordination et revendications sociales

Insensibles à la fatigue et aux intimidations en tous genres, les insurgés de la place Tahrir ne faiblissent ni en nombre ni en détermination. Bien au contraire, après avoir mis en échec, mercredi 2 février, les tentatives des miliciens pour reprendre la place, et après les grandes manifestations du vendredi 4 février dans les plus grandes villes du pays, leur moral est au plus haut. La présence permanente de milliers de Cairotes sympathisants a permis depuis trois semaines de rendre le couvre-feu caduc et d’organiser l’autodéfense permanente de Tahrir, à la fois centre névralgique et laboratoire de la révolution.

Alors que la gauche réformiste, certaines ONG et la direction politique des Frères musulmans négocient leurs places dans un futur gouvernement provisoire, des structures syndicales indépendantes du régime se mettent en place (enseignement, impôts, retraités, techniciens de la santé, notamment). Une coordination politique large, animée (entre autres) par des militants révolutionnaires sortis récemment de la clandestinité, mais aussi par des militants des droits de l’homme, des ouvriers, des écrivains ou des artistes, cherche une issue loin des tractations institutionnelles en cours.

Les revendications portées par le mouvement peuvent se décliner ainsi: une augmentation générale des salaires accompagnée de la mise en place d’un Smic à 1.200 livres, le salaire médian étant aujourd’hui de 600 livres, l’indemnisation du chômage, la défense de la sécurité sociale, le droit au logement, la gratuité scolaire réelle, la reconnaissance du droit syndical. Sur le plan politique: non à la transition, départ immédiat de Moubarak et fin de la dictature, interdiction du PND, dissolution des milices, mise en place d’un processus constituant sous contrôle populaire!


Vague de grèves dans toute l'Egypte

Depuis le 8 février, l'Egypte connaît une explosion de luttes ouvrière. Ce jeudi 10 février, on recensait:

— Rassemblement de protestation contre la compagnie d’électricité dans le Sud du Caire.

— Manifestation des travailleurs des télécommunications dans le quartier d’Ataba, au cœur du Caire. Cela s’ajoute à ceux d’hier et aux travailleurs de la communication qui sont aussi en grève à Banha, dans le Delta.

— Des mécaniciens du secteur ferroviaire aussi en grève.

— Les travailleurs de l’usine Maspero dénoncent la corruption de la direction.

— Les travailleurs de l’entreprise pharmaceutique de Masheya el Bakr ont coupé le pont sur le Canal de Suez.

— Plus de 2000 travailleurs de l’entreprise de filature et de textile Misr ont appelé à une grève à Helwan.

— Les travailleurs temporaires de l’Université du Caire sont aussi en grève.

— Des travailleurs du secteur du fer et de l’acier ont également fait un appel à la grève (National Steel Company, Misr National Steel Company).

— Des entreprises de sous-traitance de l’État sont en grève à Kafr el Dawar, Helwan et Kafr el Diat.

— Plus de 4.000 travailleurs en grève à l’usine de charbon de Helwan (Helwan Coke Company).

— Protestation à Gharbeya, à l’entreprise Sianco.

— Les travailleurs toujours actifs de El Mahalla ont annoncé que, demain, va commencer une grève.

— Un grand nombre de travailleurs du secteur pétrolier est en grève et se rassemblera demain à Nasr City, district se trouvant en dehors du Caire, où se trouve le ministère du Pétrole.

— D’autres techniciens du secteur ferroviaire sont en grève à Beni Suef.

— Plusieurs entreprises sont fermées à Suez, où il y a un important secteur pétrolier et où les batailles de rue ont été les plus dures que partout ailleurs.

— Le Service des transports publics en grève dans trois dépôts. 
Les journalistes des quotidiens contrôlés par le régime sont en trains de se soulever contre leurs employeurs.

— Les employés des transports publics du Caire ont appelé à une grève générale demain. Au moins les dépôts de Nasr, Fateh, Ter’a, Amiriya, Mezzalat et Sawwah Station, paralysant la ville. Il semble que demain ils vont se réunir au siège, à Nasr City, pour former un syndicat libre. Ils ont fait un communiqué demandant la chute du régime (en précisant le Parti national) et la levée de l’état d’urgence.

— Des travailleurs des télécommunications d’Alexandrie ont également manifesté devant le central de Mansheya.

— Des informations parlent également de quatre entreprises d’armement à Helwan.

— L’entreprise Portland, qui produit du ciment à Alexandrie, a également connu des manifestations. Il s’agit de la plus grande usine de ciment dans le monde arabe et l’une des premières dans le monde.

— 1500 personnes sont en grève dans l’usine de coton et de lin de Mahala.

— 2000 sont sorties de l’usine de médicaments de Sigma.

— 250 journalistes se sont réunis afin d’obtenir le quorum pour l’assemblée générale extraordinaire qui permettra de démettre l’actuel président du syndicat, l’officialiste Mohammed Makram, élu l’an dernier lors d’une élection dénoncée comme frauduleuse.

— 3000 travailleurs du secteur ferroviaire demandent une augmentation des salaires, entre autres demandes.

— 6000 travailleurs de l’Autorité du canal de Suez ont manifesté dans les villes de Port-Saïd, Suez et Ismaïlia exigeant de meilleurs salaires et rappelant que c’est l’une des plus importantes sources de revenu du pays. Revenus destinés exclusivement aux dépenses présidentielles.

— Omar Effendi, une sorte Galeries Lafayette locale, a aussi connu des grèves et des mobilisations. Il existe des informations sur celles qui ont eu lieu à Alexandrie.

— Plusieurs centaines de travailleurs de la soie et des filatures à Kafr el Dawar ont fait des débrayages au changement d’équipe pour réclamer le paiement des salaires impayés et des indemnités accrues.

— Les postiers à Sharqeya sont également en grève.

— 3000 habitants du quartier de Zarzara ont brûlé bâtiment du gouverneur de Port-Saïd en découvrant qu’en raison de la corruption, il avait été prévu de transformer leur quartier en décharge.

— 4000 travailleurs du nettoyage ont manifesté aujourd’hui à Alexandrie.

— 800 travailleurs des compagnies pétrolières ont manifesté à Behera, près d’Alexandrie.

— En relation à ceci, un millier de personnes du quartier du Max, à Alexandrie, ont manifesté pour demander que les compagnies pétrolières qui travaillent là, les prennent en considération pour l’indemnisation accordée dans les situations de risque écologique et de santé dans lesquelles ils vivent.

— 500 personnes se sont rassemblées dans un hôpital d’Alexandrie exigeant des augmentations de salaire.

— Les travailleurs des centres d’information, sorte de collecteurs d’informations pour les enquêtes et les statistiques, ont repris la lutte pour des améliorations concernant leur travail. Leur lutte a été l’une des plus importantes et les plus longues l’an dernier de l’année passée.

— 500 centres de santé de soins primaires du Croissant-Rouge étaient en grève contre les dirigeants corrompus de cet organisme.

— Selon Al-Jazira qui l’a annoncé, les postiers au Caire ont rejoint les mobilisations.

— À l’aéroport du Caire, des grèves ont éclaté dans des sociétés de services ou de sécurité.

— Des fonctionnaires du département des statistiques gouvernementales ont également manifesté dans la capitale.

— Des grèves ont également été signalées dans une société gazière dans la région du Fayoum (150 km au Sud-Ouest du Caire).

— Mouvement aussi dans l’usine pharmaceutique Sidna de Quesna
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—Grève dans les arsenaux de Port Saïd
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Dans le sud du Pays (Haut-Nil) des manifestations de paysans ont été rapportées. 8000 personnes, dont une majorité de fermiers et d’ouvriers agricoles, ont bloqué la route principale et le chemin de fer avec des barricades de palmiers enflammés (d’après AP). En fin de journée, les affrontements dans la région de El Wadi el-Gedid se poursuivraient…

Vous voyez cela est irrépressible et difficile à quantifier. Je pense qu’il y a beaucoup plus de luttes, mais ce sont celles que j’ai pu trouver pour le moment. Je mettrai à jour au fur et à mesure. Préciser que Helwan est l’un des trois gouvernorats qui divisent le Caire (ou le Grand Caire, comme ils l’appellent).

Bien comprendre aussi qu’une partie de ce soulèvement est le résultat de l’insurrection de Mahala en 2008. Une insurrection entièrement ouvrière qui, avec le mouvement contre la guerre en Irak, a reconfiguré l’activisme égyptien. Aujourd’hui, ils sont en train de recueillir ces fruits. 

Ajouter, avant de clore, que l’Égypte a commencé à voir clairement que le départ du raïs est inévitable. Du moins, c’est ainsi que la rue le sent. Un exemple : la tentative de la pop star Tamer Hosny d’entrer sur la place Tahrir. Au début de l’insurrection, il a exprimé son soutien pour le régime. Comme il a vu que celui-ci vacillait, il a tenté de se rapprocher des rebelles dans un acte d’opportunisme absurde. Les gens, évidemment, l’ont sifflé et il a dû quitter la place en pleurant, comme on a pu le voir à la télévision.

Traduit du catalan (Egipte Barricada, avec sources : 3arabawy, Al Jazeera, Global Voices on Line).

http://juralibertaire.over-blog.com/ext/http

www.egiptebarricada.blogspot.com/


Déclaration des socialistes révolutionnaires d’Egypte

Ce qui se passe aujourd’hui en Egypte est la plus ample révolution populaire dans l’histoire de notre pays… et dans celle de tout le monde arabe. Le sacrifice de nos martyres [l’ONU déclare, le 7 février, 300 morts] a construit notre révolution et nous avons brisé toutes les barrières de la peur. Nous ne reculerons pas jusqu’à ce que les «dirigeants» criminels et leur système soient détruits.

Aux travailleurs d’Egypte

Les manifestations et les diverses protestations ont joué un rôle clé dans le démarrage et la poursuite de notre révolution. Maintenant, nous avons besoin de l’engagement des travailleurs. Ils peuvent sceller le destin du régime. Non seulement en participant aux manifestations, mais en organisant une grève générale dans toutes les industries clé et les grands secteurs économiques.

Le régime peut se permettre d’attendre des jours et des semaines s’il n’y a que des sit-ins et des manifestations ; mais il ne peut pas résister durant longtemps si les travailleurs utilisent les grèves comme leur arme. La grève dans les chemins de fer, la grève dans les transports publics, la grève dans les aéroports et dans les grandes entreprises industrielles. Travailleurs d’Egypte, au nom du soutien à la jeunesse rebelle et pour honorer le sang de nos martyrs, rejoignez les rangs de la révolution, utilisez votre pouvoir et la victoire sera vôtre.

Formez des conseils révolutionnaires le plus vite possible. Cette révolution a dépassé nos espoirs les plus grands. Personne ne s’attendait à autant de manifestants. Personne ne s’attendait à ce que les Égyptiens et les Égyptiennes manifestent autant de bravoure face à la police. Personne ne peut dire que nous n’avons pas obligé le dictateur à se retirer. Personne ne peut dire qu’une véritable transformation ne s’est pas faite sur la place de El-Tahrir [place de la Libération].

Ce dont nous avons besoin, c’est de mettre en avant les revendications socio-économiques comme partie intégrante de nos revendications afin que ceux qui sont dans leurs maisons sachent que nous nous battons pour leurs droits…

Nous devons nous organiser nous-mêmes en comités populaires qui élisent des conseils démocratiques plus larges et cela depuis en bas. Ces conseils doivent donner naissance à un conseil général, supérieur, qui intègre des délégués de toutes les tendances. Nous devons élire un conseil suprême du peuple qui nous représente et dans lequel nous plaçons notre confiance. Nous appelons à la formation de conseils populaires depuis la place de la Libération au Caire jusque dans toutes les villes d’Egypte.

Voici notre position, en tant que socialistes révolutionnaires, sur le rôle de l’armée. Chacun nous demande l’armée est-elle avec le peuple ou contre lui ? L’armée n’est pas un bloc homogène. Les intérêts des soldats [conscrits] et des sous-officiers sont les mêmes que ceux des masses. Mais les officiers supérieurs sont des hommes de Moubarak choisit avec précaution afin de protéger son régime corrompu, sa richesse et sa tyrannie. Ce secteur fait partie intégrante du système.

L’armée n’est plus l’armée du peuple. Cette armée n’est plus celle qui a défait les sionistes en octobre 1973. Cette armée est étroitement associée aux Etats-Unis et à Israël. Son rôle est de protéger Israël et non pas le peuple… Oui, nous voulons gagner les soldats à la révolution, mais nous ne devons pas être trompés par des slogans tels que: «l’armée est de notre côté». L’armée soit mettra fin directement aux manifestations ou elle restructura la police pour que cette dernière joue ce rôle.

(1er février 2011, traduit de l’arabe)


Tunisie: « La situation sociale est explosive » selon l'UGTT

La Tunisie est également touchée par une vague de grèves sans précédent. « Le gouvernement est intéressé à entamer rapidement des négociation avec notre centrale syndicale vu que la situation sociale est explosive » a dit à France Presse un dirigeants de l'UGTT.

Abid Briki réagissait ainsi à la déclaration du président intérimaire, Foued Mebazaa, qui avait annoncé ce mercredi soir que des « négociations sociales à l'échelle nationale » allaient s'ouvrir « prochainement ».

Des grèves organisées ou spontannées paralysent plusieurs secteurs économiques depuis la fuite du président Ben Ali le 14 janvier dernier et la colère sociale continue à augmenter parmi les couches les plus défavorisées de la population.

Le gouvernement « de transition » de Mohamed Ghannouchi multiplie en vain les appels à la population, avertissant que le pays court le risque de « couler » si les grèves et les manifestations – avec des heurts de plus en plus violents avec la police - ne cessent pas.

Le dirigeant de l'UGTT a reconnu que « Nous ne contrôlons pas tous les mouvements de grève ». Selon Briki, l'UGTT est « débordée par l'agitation sociale ».

Dans le même temps, la direction de l'UGTT est de plus en plus contestée par un courant de gauche syndicale qui l'accuse de « complaisance avec le gouvernement provisoire » et de corruption. Ce courant organise régulièrement des rassemblements face au siège du syndicat pour exiger la démission de la direction du syndicat.

Source: http://www.gara.net/

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