Vaclav Havel ou la réécriture de l’Histoire
Par Jean-Marie Chauvier le Lundi, 19 Décembre 2011 PDF Imprimer Envoyer

La disparition de l’ancien président tchèque et figure emblématique de la dissidence des pays de l’Est donne lieu à des réécritures de l’Histoire plutôt contestables. Havel est présenté aujourd’hui comme un « résistant anticommuniste », un combattant « contre le communisme », le libérateur de la Tchécoslovaquie « du joug communiste » contre lequel « se souleva » le peuple tchécoslovaque en 1968 lors du « Printemps de Prague »  et en 1989 – lors de la « révolution de velours ».

Il n’était absolument pas question de tout cela avant 1989, ce vocabulaire a été inventé par la suite, de nos jours, c’est une réinterprétation de l’Histoire, dans l’esprit de « l’Histoire des Vainqueurs » (occidentaux) de la guerre froide telle qu’elle s’impose depuis vingt ans, interdisant toute « dissidence » de pensée.

De 1968 (écrasement par les chars du Pacte de Varsovie du mouvement de démocratisation) à 1989, les dissidents tchécoslovaques (et d’autres pays de l’Est) prenaient soin à ne pas se définir comme « anticommunistes ». Ils luttaient pour les droits civiques et les libertés, point. Beaucoup étaient communistes : partisans du « Printemps de Prague », exclus  (500.000 !) du PC tchécoslovaque après 1968. De ce Printemps, certains avaient tiré des conclusions radicales, pour en finir avec le régime qui se disait « socialiste ». Mais une partie d’entre eux persistaient à vouloir un communisme démocratique, fondé sur les conseils  de travailleurs, l’autogestion, une perspective qui certes ne plaisait pas aux « libéraux » … à qui l’histoire a finalement donné raison, admettons que libéralisme et capitalisme sont les grands vainqueurs de cette histoire, balayant non seulement les régimes de l’Est, mais les idées d’alternative, de « troisième voie ». La « fin de l’Histoire comme a dit Fukuyama…ou la « mondialisation heureuse » d’Alain Minc.

Havel lui-même était-il en son for intérieur anticommuniste ? C’est plus que probable et il s’est présenté comme tel par la suite. Mais beaucoup de ceux qu’il représentait (dans la Charte 77) ne l’étaient pas. L’ironie de l’histoire est qu’il se soit retrouvé, lors de la « révolution de velours » de 1989, main dans la main avec Alexandre Dubcek, ancien leader du Printemps 68 et secrétaire général du Parti Communiste tchécoslovaque… Mais Dubcek était déjà un homme du passé, et Havel un homme de l’avenir, non seulement du pays tchèque libéré d’un régime oppresseur, mais du Nouvel Ordre Mondial dont il fut un artisan, très proche des successives administrations américaines et, par exemple, participant à la guerre en Irak.

Soit dit en passant, les « évocateurs de l’Histoire » oublient de préciser que le principal artisan de la « révolution de velours », de la liquidation du bloc soviétique fut le dirigeant…communiste soviétique Mikhaïl Gorbatchev.  Encore une vérité « encombrante » pour qui souhaite une rétrospective « lisse » de l’histoire.

Que l’on dise aujourd’hui que Vaclav Havel, enfant de la grande bourgeoisie praguoise, fut  de tout temps adversaire du communisme, cela se défend. Et cela ne l’a pas empêché d’être un artiste et un homme d’un grand courage. Mais présenter toute dissidence d’autrefois comme « anticommuniste » porte un nom : c’est de la falsification de l’histoire. Le  lavage de cerveaux n’est pas une exclusivité stalinienne !

Jean-Marie Chauvier 19 décembre 2011

(dissident du passé….et du présent)

Photo LUBOMIR KOTEK




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