SETCa Charleroi : la gauche est-elle soluble dans l’austérité ?
Par Correspondant le Jeudi, 14 Juin 2012 PDF Imprimer Envoyer

Ce jeudi 14 juin, le SETCa de Charleroi a offert une tribune aux partis « de gauche » devant son Comité Exécutif. C’est évidemment dans le cadre de la dynamique lancée par la FGTB Charleroi le 1er mai autour de la constitution d’une force politique à gauche du PS et d’Ecolo que cette initiative se situe. Devant quelques dizaines de militants, le Secrétaire Général du SETCa, Rudy Pirquet, plante d’emblée de débat dans un cadre clair : les partis de gauche doivent-ils se retrouver dans un gouvernement pour appliquer des mesures de droite ? Sont-ils encore de gauche ?

En obtenant la parole en première, Ozlem Ozen, vice-présidente de la Fédération PS de Charleroi et députée fédérale, n’avait pas vraiment un cadeau. Il fallait un certain courage pour oser dire que « le PS se bat pour faire barrage au maximum aux politiques libérales »… et d’ajouter que c’est grâce au PS qu’on n’a pas de nouveaux impôts et qu’on a gardé l’index ! Elle reprend alors tout les arguments (« le moindre mal », « sans nous, ce serait pire, regardez la Grèce et la Roumanie », « on a augmenté le salaire minimum, ailleurs il baisse », « on n’a pas limité le chômage dans le temps ») que le Secrétaire de la FGTB avait démonté lors de son discours de 1er Mai.

Benjamin Dusaussois pour le PSL et Bernard Wesphael (MG en constitution) repartent du cadre européen, niveau auquel de nombreuses politiques d’austérité sont élaborées. B Wesphael, rappelle qu’il fut seul en 2005 à voter contre le traité constitutionnel européen, au niveau Wallon. Il rappelle qu’à l’époque la Confédération Européenne des Syndicats était pour…

Au nom de la LCR, Freddy Mathieu a rappelé la « lettre ouverte aux syndicalistes » qui circule dans les milieux syndicaux depuis la mi-janvier : partant du constat que la social-démocratie (rose ou verte) est totalement convertie « au marché » il décrit comment le mouvement syndical a été conduit dans une impasse. Les « relais politiques » et la « courroie de transmission » fonctionnent à contresens, pour faire passer les mesures antisociales auprès des travailleurs. Il prend à contrepied les arguments de la représentante du PS en décrivant comment trente années du PS au pouvoir ont abouti au détricotage de la Sécurité Sociale (notamment en matière de chômage et de pensions) et à la « note Di Rupo » de juillet 2011, un copié/collé du fameux « modèle allemand » qui brade les conditions de travail et la protection sociale. Si le syndicat veut sortir de cette ornière, dit-il, il doit prendre des initiatives, en toute indépendance. Cela changerait la donne à gauche.

Germain Mugemangango (du PTB) a acté plusieurs points de convergence avec les trois intervenants qui le précédaient. Il a marqué son intérêt pours les déclarations de Daniel Piron le 1er mai, mais il pense que les organisations de la gauche radicale doivent prendre des initiatives diverses (notamment lors de scrutins comme les élections communales) pour se rapprocher et offrir la réponse unitaire attendue par le syndicat.

Isabelle Meerhaeghe (Ecolo) a critiqué vertement le PS mais n’a pas pu démarquer la politique gouvernementale d’Ecolo aux gouvernements, wallon et communautaire, de « la bonne gouvernance » qui est un des thèmes chers aux milieux pro-austérité européens. Elle s’est empêtrée dans une pseudo explication du vote des écologistes en soutien au MES (« le mécanisme pas le traité »)… Ce qui lui valut une réplique vive de Freddy Mathieu et Bernard Wesphael à propos des conséquences automatiques, inéluctables d’une acceptation parlementaire de ces nouveaux mécanismes européens. « Des gouverneurs intouchables, incontrôlables, décideront du montant que les pays devront débourser pour aider d’autres pays à aider leurs banques comme en Espagne, sans débat, sans décisions démocratiques et puis on nous redira encore que c’est l’Europe qui décide au-dessus » s’emporte Freddy Mathieu d’accord avec B. Wesphael pour dire que le mouvement syndical doit bloquer ce dossier par une mobilisation urgente et vigoureuse.

Plusieurs militants de l’Exécutif du SETCa sont intervenus notamment à propos de la coupure qui s’approfondit entre le PS et les travailleurs, à propos de l’index, de la pauvreté galopante, particulièrement dans la région de Charleroi.

Dans la deuxième partie du débat, la question centrale était de définir les possibilités de « création d’un nouvelle force politique à gauche du PS et d’Ecolo » ainsi que l’exprimait la FGTB le 1er mai. Rudy Piquet rappelle que Paul Magnette trouve cette proposition « folklorique »…

C’est Freddy Mathieu qui ouvrait le feu sur cette question. « Pour la LCR dit-il, petite organisation on ne vient pas vendre nos salades, on pense que c’est au mouvement syndical de donner le tempo et le contenu d’un telle dynamique, il en a la représentativité (3 millions de syndiqués) ; la compétence, l’expertise (il défend au quotidien les travailleurs avec ou sans emploi et connait leurs situations concrètes) ; les forces militantes (des milliers de délégués dévoués, élus par les travailleurs). » L’addition des petites forces des petites organisations de la gauche radicale est souhaitable mais pas suffisante, estime t’il, on a besoin d’une autre alchimie pour (re)construire une vrai parti de classe qui s’appuie avant tout sur la lutte des travailleurs. Appuyant les  interventions dans la salle, il continue « C’est totalement réducteur de dire que c’est le PS qui a sauvé l’index ; la droite et les milieux patronaux ont peur d’attaquer de front sur cette question à cause de la force de mobilisation syndicale qui reste, malgré les coups, relativement intacte, nous ne pouvons compter que sur nos forces».

Bernard Wespahael estime qu’avec la création du MG il n’y a rien à créer en plus, se défendant de diviser la gauche, comme certains le lui ont reproché personnellement. Le PSL s’est dit d’accord avec la notion de « parti de classe » plaidant pour un vrai débat entre les différents courants de la gauche radicale qui devraient y coexister. Le PTB et Ecolo sont restés assez évasifs sur cette question. Ecolo en particulier se limitant à reparler des « convergences à gauche », projet sans lendemains du PS pour phagocyter Ecolo,  auxquelles le parti vert préfère une « gauche réunie, pluraliste », comment ? avec qui ?

Ce débat a mis en évidence la recherche d’alternatives chez les militants syndicaux, mais aussi l’immense travail de conviction qui doit être fait avec les bases syndicales que l’offensive idéologique de la droite, soutenue et répercutée par la pseudo-gauche, a labouré pendant des décennies.

 

 

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