Tariq Ali : "TeleSur veut casser le monopole de CNN"
Par Sébastien Brulez le Vendredi, 06 Janvier 2006 PDF Imprimer Envoyer

En 2005, une nouvelle chaîne de télévision latino-américaine, TeleSur, commençait à émettre. Clairement en contraste avec les chaînes privées du continent, TeleSur échappe au contrôle des grands groupes médiatiques occidentaux. Que CNN et BBC se tiennent à carreaux… Entretien avec Tariq Ali, écrivain, éditeur de New Left Review et conseiller de TeleSur.

Qu'est-ce que TeleSur et quel rôle y jouez-vous en tant que conseiller ?
Tariq Ali : TeleSur vise à développer une chaîne de télévision câblée, avec une approche et des images alternatives, pour l'ensemble de l'Amérique latine et pour les hispanophones des Etats-Unis. L'idée vient des Vénézueliens, soutenus par les Argentins et les Uruguayens. C'est une tentative sérieuse de rompre le monopole de BBC et CNN. TeleSur compte maintenant des correspondants dans tous les pays d'Amérique Latine. Elle fonctionne comme n'importe quelle autre télévision, sauf qu'elle n'est pas créée par l'occident. Je fais partie des conseillers de la chaîne, ça implique que je participe aux réunions, que je donne mon opinion sur ce qu'il faudrait faire ou ne pas faire, et c'est tout. En 2002, au Venezuela, j'avais publiquement proposé de créer une télévision bolivarienne qui défie les médias dominants.

Est-ce que TeleSur est une des conséquences du coup d'Etat que la droite vénézuélienne à manqué ?
T. A. :
Partiellement oui. L'hostilité des médias privés contre le gouvernement vénézuélien était tellement extrême que les Vénézuéliens sentaient le besoin d'avoir autre chose. Les informations sur ce pays à la BBC et CNN étaient atroces. En Amérique latine, les gens sont très conscients de l'impact de la télévision Al Jazeera sur le monde arabe. Hugo Chavez a visité le Qatar et les studios d'Al Jazeera. TeleSur et Al Jazeera s'échangent maintenant des images.

Cet échange entre le Moyen Orient et l'Amérique latine est très important. Nous avons besoin de quelque chose de similaire en Europe, en Afrique, en Asie pour casser le monopole des corporations occidentales privées ou de l'Etat et pour rompre avec la façon dont les images sont présentées.

Quelle est le rôle des médias alternatifs dans un processus de transformation sociale ?
T. A. :
Ce que font les médias alternatifs, c'est donner aux gens un point de vue différent. C'est indispensable pour le bon fonctionnement de la démocratie et le pluralisme. Les Etats-Unis et leurs alliés croient que la démocratie passe par le libre marché. Mais le marché n'est jamais libre et les points de vue alternatifs ne sont jamais présentés par les télévisions dominantes. Même les chaînes de télévision européennes deviennent de plus en plus étroites et strictes.

Essayer de créer un réseau de médias alternatifs est extrêmement important pour contrer cette domination. Les Arabes l'ont fait, les Latinos sont en train de le faire. Aux Etats-Unis, il y a un beau réseau de radios alternatives, il y a même un programme télévisé, " Democracy Now ", qui a un impact considérable avec deux millions de téléspectateurs quotidiens. Ce type de programme donne des informations alternatives et les autorités nord-américaines ne peuvent rien faire contre cela parce que ce n'est pas illégal. Pour l'instant, ils n'ont pas été capables de censurer cette émission.

Peut-on comparer TeleSur avec les médias communautaires dans les quartiers au Venezuela?
T. A. :
C'est différent. C'est beaucoup plus professionnel, il y a un soutien extérieur. Le but n'est pas d'être une télévision locale. TeleSur veut être une télévision globale, basée en Amérique latine. Le but est aussi d'unifier l'Amérique latine. Faire sentir aux Latinos qu'ils font partie du même continent. TeleSur veut en finir avec la situation actuelle : les Boliviens, Colombiens ou Uruguayens connaissent mieux ce qui se passe aux Etats-Unis que chez leurs propres voisins.

TeleSur a son siège à Caracas, que pensez-vous du processus en cours actuellement au Venezuela ?
T. A. :
Ce qui se passe au Venezuela aujourd'hui est très important. C'est certainement le processus le plus avancé dans le monde actuellement. Le processus bolivarien polarise l'Amérique latine en trois pôles : Fox au Mexique qui est pro américain, Lula qui est dans la poche des institutions financières internationales et Chavez avec le Venezuela qui investit dans des programmes sociaux pour les pauvres. Politiquement, c'est sans doute le développement le plus important dans la politique mondiale d'aujourd'hui.

C'est Clair et Net sur : www.telesurtv.net

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