Anvers et les prochaines élections communales
Par Peter Veltmans le Lundi, 07 Novembre 2005 PDF Imprimer Envoyer

Depuis la formation de la "coalition monstre" à Anvers en 1994, les causes de la crise sociale n'ont pas été substantiellement changées. La ville est toujours confrontée à une dette énorme et au poids des intérêts. Par conséquent, elle dispose à peine de l'espace financier pour mener une politique propre.

Pendant les années qui ont suivi 1994, l'opinion des autorités supérieures aux niveaux flamand et fédéral revenait à dire que la ville d'Anvers n'avait qu'à montrer elle-même comment se débrouiller dans sa situation. Le personnel politique local a prouvé qu'il n'était pas à la hauteur de cette tâche. Cela s'est manifesté en première instance par le tiraillement continu entre les partenaires de la coalition. En conséquence, de plus en plus d'échevins sont partis vers d'autres niveaux de pouvoir. En fin de compte, tout cela s'est exprimé par la fameuse "crise Visa" qui s'est soldée à son tour par d’importants changements au sein du collège (il s’est avéré que des échevins avaient faits des achats personnels avec leur carte visa réervée aux dépenses liées à leur fonction).

Pacte social

Le fait le plus important ne se situe pas au niveau des querelles entre politiciens. Il s’agit du pacte social tacite en vigueur depuis 1994 qui n'apparaît dans aucun document ou déclaration officiel. Par peur de faire le jeu des fascistes du Vlaams Blok/Belang, les directions et les appareils des mouvements sociaux, grands et petits, ont décidé de ne pas exprimer publiquement leurs critiques par rapport à la ville. Depuis lors, c'est à peine si des manifestations ont encore traduit les besoins sociaux et les aspirations des larges couches de la population. Les seules exceptions ont été les manifestations qui ont été organisées en dépit des mouvements sociaux établis: la dernière manifestation antifasciste -la parade de prinemps- date de 1998 et la dernière manifestation, longtemps interdite, de solidarité avec la lutte du peuple palestinien date de 2003 !

Cette "collaboration" silencieuse entre la direction de la ville et le sommet des mouvements sociaux n'a évidemment pas solutionné quantités de problèmes sociaux réels. Il n'est donc pas étonnant que, de temps en temps, l'insatisfaction s'exprime dans la rue. Hélas, certaines de ces manifestations spontanées ont tendance à prendre des formes ethniques ou religieuses… précisément du fait de l'absence d'activité visible de la part des mouvements sociaux établis.

Une politique toujours plus à droite

L'affaire Visa, on l'a dit, a entraîné un changement important au niveau du collège. C’était un changement plus profond qu’un simple remplacement du bourgmestre et que la quasi-disparition des femmes. Depuis lors, on peut dire qu'Anvers n'est plus dirigée par une coalition de partis politiques mais par une coalition d'hommes "forts". En fait, le conseil communal, en tant qu'expression de la volonté populaire, est mis sur la touche. Le silence sur le terrain politique s’est ainsi ajouté au silence sur le terrain social. Du moins, telle était (et est toujours) l'intention. Si l'on veut savoir pourquoi, il suffit de jeter un oeil sur le type de décisions qui sont de plus en plus souvent prises. Quelques exemples: la possible interdiction à certaines personnes de se promener en rue (NB: cette interdiction n'est pas le fait d'un juge… mais du bourgmestre !), les contrôles domiciliaires effectués par des équipes mixtes du CPAS, de la police et du service des étrangers (en dépit des objections soulevées par la commission sur la vie privée), les harcèlements dont sont victimes certaines minorités ethniques, les atteintes aux acquis du personnel de la ville et du CPAS (notamment en matière de temps de travail, etc.). L'autorité flamande de tutelle a ajouté une couche en remplaçant le fonds d'impulsion sociale (qui poursuivait au moins un minimum de préoccupations sociales et démocratiques) par le “fonds des villes”, dont la préoccupation majeure est d'attirer en ville des couples à deux revenus (avec toutes les conséquences sociales qui en découlent).

Alliance à la base

Heureusement, ces derniers temps, de plus en plus de signes d'un regroupement à la base aparaissent. De plus en plus de gens “refusent de continuer à s’autocensurer” (selon l'expression du porte-parole d'un comité de quartier lors d'un débat récent). De plus en plus de gens veulent sortir de la loi du silence et résister à la politique de plus en plus répressive, droitière et inhumaine que certains dirigeants de la ville veulent de toute évidence appliquer. C'est ainsi que les appels et les actions du groupe BastA ! (groupe fondé contre le plan sécurité du conseil communalo et qui agit surtout avec les sans papiers) ont de plus en plus d'écho. C'est ainsi que de plus en plus de sans papiers suivent l'appel de l'UDEP (voir La Gauche n°15) à l'auto-organisation. C'est ainsi qu'il y a une reprise modeste mais réelle de l'activité féministe. Sans compter la victoire de la gauche contre la tentative de reprise en main du secteur enseignement de la CGSP locale par la droite (voir La Gauche n°3).

Espoir et crainte

Ce regroupement à la base est source d'espoir. Il a permis que le doute et la discussion reprennent petit à petit leurs droits chez au moins un des partenaires de la coalition: les verts. En même temps, ce regroupement est trop faible pour peser véritablement sur les prochaines élections communales qui se profilent essentiellement comme un duel entre le bourgmestre en fonction, Patrick Janssens (SP.A), et son challenger, Filip Dewinter (VB). Evidemment, nous voulons tous que Dewinter morde la poussière. Mais il faut la politique du bourgmestre actuel s'est déjà considérablement rapprochée de celle de Dewinter ! La crainte existe donc qu'une victoire électorale de Patrick Janssens laisse bien des Anversois sur la touche. L’alliance à la base est aussi une expression de cette crainte.

Liste ?

Pour la gauche radicale, cette situation n'est pas facile. Pour certains, rien ne semble plus simple que de former une liste unitaire des groupes existant à travers la gauche radicale, en espérant que cette liste rallie les voix des mécontents. Mais est-ce bien si simple ? N'est-ce pas ainsi que les organisations de la gauche radicale traînent se caractérisent par une marginalité impuissante ? La réalité n'est-elle pas que nous en sommes seulement au stade d'un regroupement à la base (et donc pas d'un contre-courant) ? N'est-il pas vrai, enfin, que la plupart des militants de base souhaitent pour le moment se tenir à l'écart de toute politique partidaire ?

Pour terminer, la tâche véritable de tout militant de la gauche radicale ne devrait-elle pas aujourd'hui consister à aider le renforcement des alliances à la base, de sorte que l'ampleur, la confiance en soi et la conscience politique puissent augmenter ? Le POS pense que oui. Selon nous, à Anvers, il s'agit en premier lieu aujourd'hui d'unifier et de renforcer les forces de base pour rendre leur résistance visible.

C'est la raison pour laquelle nous proposons de travailler dans la perspective d'une manifestation en septembre 2006 - une manifestation dans laquelle s'exprimeraient les besoins, revendications et aspirations de large couches de la population de la ville. D'une manière générale, c'est par sa mobilisation que la majorité sociale pèse sur le débat politique. Préparons cette mobilisation et rendons-la bien audible et visible afin de peser en octobre et dans les mois qui suivront. Cela nous paraît la meilleure manière de continuer à lutter contre la droitisation, pour une ville sociale.

Voir ci-dessus