Le droit de grève muselé
Par Ataulfo Riera le Vendredi, 17 Mars 2006 PDF Imprimer Envoyer

La lutte contre le "Pacte des générations" a suscité une contre-offensive patronale sans convaincre (sic) les grévistes à dresser plutôt des barrages filtrants ou à les enlever". Le 28 octobre, du fait de la concentration syndicale à Bruxelles, les piquets et barrages étaient nettement moins nombreux. Malgré tout, même lorsqu'il s'agit d'un simple barrage filtrant, la police est précédent contre le droit de grève (voir La Gauche n°18). Face aux piquets de grève et aux blocages de zonings industriels et des voies de communication, le patronat, assisté de cabinets d'avocats, a systématisé le recours aux tribunaux afin de les briser. Le pouvoir politique a abondé dans ce sens et les médias en ont rajouté une couche afin de légitimer cette atteinte aux libertés syndicales. Le bilan (fort orienté comme il se doit) établi récemment par le bureau d'avocat Claeys & Engels (sic) n'est donc pas surprenant. Mais il est alarmant.

La lutte contre le "Pacte des générations" a suscité une contre-offensive patronale sans convaincre (sic) les grévistes à dresser plutôt des barrages filtrants ou à les enlever". Le 28 octobre, du fait de la concentration syndicale à Bruxelles, les piquets et barrages étaient nettement moins nombreux. Malgré tout, même lorsqu'il s'agit d'un simple barrage filtrant, la police est précédent contre le droit de grève (voir La Gauche n°18). Face aux piquets de grève et aux blocages de zonings industriels et des voies de communication, le patronat, assisté de cabinets d'avocats, a systématisé le recours aux tribunaux afin de les briser. Le pouvoir politique a abondé dans ce sens et les médias en ont rajouté une couche afin de légitimer cette atteinte aux libertés syndicales. Le bilan (fort orienté comme il se doit) établi récemment par le bureau d'avocat Claeys & Engels (sic) n'est donc pas surprenant. Mais il est alarmant.

L'immense majorité des tribunaux de première instance (25 sur 26) saisis par les patrons à l'issue de requêtes unilatérales (sans débat contradictoire donc) se sont déclarés compétents pour régler un conflit social. Or, en juillet 2002, le Comité européen pour les Droits sociaux fondamentaux -qui contrôle, au nom du Conseil de l'Europe, la manière dont les Etats respectent, entre autres, les droits sociaux et collectifs inscrit dans la Charte sociale européenne de 1961- avait déjà blâmé la Belgique en affirmant clairement que les juges n'avaient pas le droit de juger du bien-fondé d'une grève. Et encore moins d'interdire des piquets de grève pacifiques, même s'ils sont contraignants, car ils sont partie intégrante du droit de grève et ne peuvent en être dissociés.

Sur les 59 ordonnances rendues par les tribunaux en octobre, la majorité (37 pour être précis) va pourtant dans le même sens: les piquets de grève qui empêchent ou qui limitent l'entrée de l'entreprise aux non-grévistes, aux clients et aux fournisseurs sont par leur nature même des "voies de fait" à interdire sous peine d'astreintes allant de 100 à 5.000 euros par personne (jusqu'à 20.000 euros dans un cas !).

Pire. Alors que la méthode usitée jusqu'alors pour briser les piquets était de faire constater ces derniers par des huissiers et d'ensuite introduire la requête unilatérale, les patrons appliquent désormais la "stratégie préventive" chère à Georges Bush. Un jour ou deux avant que les piquets ne se matérialisent, la requête est introduite sur base d'indices concrets (tracts syndicaux, communiqués…). Dans la majorité des cas qui se sont présentés lors des grèves d'octobre, les tribunaux ont accepté ces requêtes préventives, y compris (une fois sur deux) lorsque le patron ne présentait aucun "indice concret" ! Ainsi, non seulement les tribunaux assimilent des piquets de grève contraignants à des "voies de fait" (autrement dit à des actes de violence physique ou matérielle), mais ils les condamnent avant même qu'ils n'aient lieu.

Sur base de ces résultats, le bureau Claeys & Engels exulte: "le simple fait d'empêcher l'accès à l'entreprise aux volontaires et aux tiers constitue une voie de fait, indépendamment du fait qu'il y ait ou non violence à cette occasion". Selon lui, ces ordonnances qui dissocient le droit de grève et les piquets de grève font donc jurisprudence. "L'automne dernier, les juges ont donc clairement corseté les piquets de grève" écrit l'Echo. Mais ce n'est pas un corset, c'est une camisole de force ! En interdisant les piquets contraignants, on réduit de facto le droit de grève à un droit pratiquement virtuel. Autant porter un brassard de gréviste comme au Japon et poursuivre le travail…

Les interventions du Sinistre de l'intérieur Dewael ont été dans le même sens face aux blocages de zonings ou de routes. Lors de la grève du 7 octobre, la police a signalé 34 blocages de zonings et 24 de routes, carrefours, ponts ou tunnels. Répondant à une question à la Chambre sur le bilan des actions de grève, il a révélé que, suite à ses propres directives, "Certains cas m'ont cependant été signalés où une intervention rapide de la police a pu éviter qu'un barrage ne soit dressé et dans quelques cas, la police a pu intervenue afin de les rendre "moins contraignants pour permettre le passage d'un plus grand nombre de voitures à la fois"(1).

Toutes ces manœuvres n'ont qu'un seul but: dissocier l'exercice du droit de grève de ce droit proprement dit afin de le vider de tout contenu et efficacité. Et il semble bien que la bourgeoisie à marqué un nouveau point dans cette voie avec pour seul résultat des plaintes verbales et quelques actions isolées de la part des directions syndicales.

(1) Chambre des représentants, 4e session de la 51e Législature, questions n°773 et 775.

Article publié dans la gauche n°21, mars 2006

Voir ci-dessus