Comité de grève et occupation
Par André Henry le Dimanche, 17 Juillet 2005 PDF Imprimer Envoyer

Dans notre article sur le bilan de la grève de Splintex (voir La Gauche n°12, avril 2005), nous avions brièvement abordé l'importance de l'élection d'un comité de grève avec occupation de l'entreprise. Nous voulons revenir plus longuement ici sur ces éléments décisifs pour une issue victorieuse à toute grève.

Il faut donner aux luttes d'aujourd'hui un caractère et une structuration anticapitalistes qui permettent ainsi de poser les jalons d'une nouvelle société, socialiste et autogestionnaire. Dans cette première optique, la grève avec occupation d'entreprise, l'élection d'un comité de grève et le contrôle ouvrier sont des revendications clés. Ce sont ces éléments qui ont manqué lors de la longue et courageuse grève à AGC Fleurus.

On ne peut pas dire pour autant que ce fut dû à un manque de conscience de classe. Car celle-ci s'est clairement exprimée, non seulement dans la longévité de la grève elle-même, mais aussi dans sa volonté de s'opposer: 1) aux licenciments; 2) à flexibilité et à la précarisation des conditions de travail (flexibilité des horaires, introduction d'intérimaires, le régime des 5 pauses); et 3) pour la défense des libertés syndicales. Il s'agit là de trois combats essentiels pour contrer la politique néolibérale menée depuis plus de 20 ans par les gouvernements successifs et les conséquences du capitalisme mondialisé. Mener une grève de plus de cent jours pour combattre une telle politique relève bien d'une prise de conscience de classe très élevée.

Le point faible de la grève se situait à un autre niveau et il ne s'agit pas ici d'une critique a postériori mais bien d'un enseignement nécessaire à tirer pour les luttes à venir que le monde du travail doit engager contre son exploitation. Dans ce sens, l'élection d'un comité de grève avec occupation de l'entreprise constituent deux atouts majeurs pour les grévistes.

Nature et fonction d'un comité de grève

Le comité de grève est un organe de démocratie et d'auto-organisation ouvrières permettant à l'ensemble des travailleurs de diriger eux-mêmes leur propre grève. Il est composé de travailleurs élus par l'assemblée générale des grévistes et révocables par cette dernière. Le comité est la véritable direction de la lutte et l'expression la plus représentative des grévistes. C'est lui qui négocie avec le patron, soumet toutes ses propositions à l'assemblée des grévistes qui est souveraine. Cette structuration permet de mobiliser toutes les énergies, elle donne des perspectives et cristallise toute la combativité des grévistes face aux tâches immenses qu'exige la conduite d'une grève.

Le comité de grève propose ainsi à l'assemblée l'élection de différentes commissions pour l'aider dans ses tâches: commissions d'action, de finance, de propagande, de sécurité, etc. Grâce à ce comité et à ces commission, la grève prend automatiquement une nouvelle dimension. Chaque gréviste est impliqué dans un travail, a une tâche spécifique à accomplir pendant le conflit. Cela permet de faire émerger les initiatives, les richesses de la créativité et de l'inventivité de chacun afin de renforcer le combat commun. C'est l'essence même de l'autogestion ouvrière qui s'exprime ainsi. Un tel comité permet également d'éviter les tensions et divisions syndicales entre militants FGTB et CSC.

L'occupation: une dualité de pouvoir au sein de l'entreprise

L'occupation de l'entreprise est également un acte décisif car c’est un acte politique qui remet en cause le pouvoir patronal en disant "nous occupons et nous nous rendons maître de l'entreprise". C'est un acte important où les travailleurs prennent conscience de leur force, ce qui permet d'élever leur conscience de classe anticapitaliste et autogestionnaire. La question fondamentale que pose toute occupation est toujours la même: qui est le maître dans l'entreprise, la direction ou les travailleurs ? L'occupation est donc une forme de dualité de pouvoir au sein même de l'entreprise grâce à laquelle les grévistes imposent dès le départ de leur lutte un rapport de force favorable face au patronat.

L'occupation doit être votée en assemblée générale et assumée par l'ensemble des grévistes et non par quelques uns. Par sa nature même, elle exige une structuration efficace de la part des grévistes et elle ne la trouve que dans le comité de grève et ses commissions. L'une d'entre elle aura ainsi comme tâche spécifique d'organiser les aspects pratiques de l'occupation, pour la gestion de l'outil par exemple. L'occupartion de l'entreprise permet aux grévistes de suivre et de vivre quotidiennement et collectivement la grève.

Tels sont, selon nous, les deux éléments-clés pour se donner, dès le départ d'une grève, toutes les chances d'une issue victorieuse qui n'est jamais acquise à l'avance.

Solidarité internationale

Dans une grève telle que celle d'AGC Fleurus, menée contre une puissante multinationale (la japonaise Asahi-Glass en l'occurrence, l'une des plus puissantes, si pas la plus puissante du secteur verre), les travailleurs se doivent d'étudier avec soin les moyens leur permettant de créer la solidarité la plus large et effective avec les entreprises des autres pays.

Dans les multinationales, il existe des réunions inter-sièges. Ce sont des lieux de rencontre très importants où les délégués se doivent d'échanger leurs expériences, de créer des contacts, d’échanger leurs adresses et de promouvoir des réunions entre eux. Internet permet aujourd'hui d'établir des contacts réguliers au niveau européen et international. Il faut exiger que nos organisations syndicales appuient ces démarches de tout leur poids et systématisent de telles rencontres, voire des congrès européens ou internationaux. Le capitalisme a utilisé l'immigration dans sa poursuite du profit. Pour nous, elle est une source de richesse, mais d'une toute autre nature. Celle de la solidarité internationale des travailleurs, quelle que soit leur origine. Ainsi, les camarades d'origine immigrée sont les mieux placés pour lier les contacts avec les travailleurs de leur pays d'origine et créer des réseaux de solidarité, promouvoir des actions communes. Dans le cas de Splintex, ces travailleurs ont un rôle important à jouer afin de transmettre l'expérience de leur lutte aux travailleurs des autres sièges de la multinationale en Europe et pour voir comment la solidarité pourra s'organiser dans les combats à venir.

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