Recomposition à gauche et stratégie
Par M. Lievens le Dimanche, 14 Octobre 2007 PDF Imprimer Envoyer
En Belgique, la construction d’une nouvelle formation politique qui puisse unir et traduire les luttes contre la politique néolibérale connaît une accumulation d’échecs. Ailleurs en Europe, si le bilan est contrasté, on constate tout de même plusieurs réussites. Ces nouveaux partis de gauche désormais bien ancrés dans le paysage politique se sont souvent constitués dans un contexte national très spécifique. Il n'y a donc pas de processus linéaire ou de "modèle à suivre clé en mains" pour constituer une nouvelle force de gauche. Au sein de la gauche radicale, notamment dans la IVe Internationale, un débat a été entamé sur le bilan et l'enjeu stratégique des ces expériences.

Dans un certain sens, la lutte contre le néolibéralisme se trouve aujourd'hui et dans plusieurs pays dans une nouvelle phase, la troisième du genre. Lorsque la classe dominante a lancé son offensive néolibérale au début des années 80, il s'agissait pour le mouvement ouvrier dans cette première phase de résister, de maintenir les positions conquises. Les organisations de la gauche radicale, souvent nées dans les années '60 et au début des années '70, étaient convaincues à la fin de cette dernière décennie que la révolution était à l'horizon. Elles ont donc été surprises par le virage néolibéral ; alors qu'elles pensaient que le vent de la révolution allait gonfler leurs voiles, elles se sont subitement retrouvées à ramer à contre-courant.

Les questions stratégiques centrales des années '60 et '70 sont ainsi passées à l'arrière plan ou ont quasiment disparues des débats parmi les forces révolutionnaires et, à partir de la fin des années 80 et du début des années '90, s'est initié un processus de recomposition à gauche dans une série de pays européens. En 1989 au Danemark, l'Alliance Rouge Verte fut créée et deux ans plus tard, en 1991, ce fut au tour de Rifondazione Comunista (PRC) en Italie, ouvrant ainsi pour la gauche radical une deuxième phase dans la lutte contre le néolibéralisme. Au cours de la décennie des années '90 et au début des années 2000, d'autres pays européen ont vu émerger avec plus ou moins de succès de nouveaux partis de gauches, anticapitalistes ou anti-néolibéraux: le Bloc de gauche au Portugal, le Parti socialiste écossais (SSP), le Socialistische partij (SP) au Pays-Bas, "Respect" en Angleterre et tout récemment Die Linke, en Allemagne.

La ligne de démarcation de la participation gouvernementale

Aujourd'hui, la participation dans divers gouvernements de certaines de ces nouvelles forces politique à réouvert les discussions stratégiques. En Europe, l'exemple emblématique est le soutien par Rifundazione Comunista du gouvernement Prodi en Italie. Le PRC avalise désormais loyalement la politique du Premier ministre Prodi, ancien président de la très néolibérale commission européenne. De rares élus de Rifundazione Comunista, comme notre camarade Franco Turigliatto,  se sont prononcés contre l'envoi de militaires italiens en Afghanistan et ont pour ce fait été immédiatement exclus. Or, au cours de ces dernières années, Rifundazione Comunista avait gagné une légitimité forte en critiquant le passé stalinien du vieux PCI et en s'investissant dans le mouvement alterglobaliste et dans les mouvements sociaux.

Tout cela est aujourd'hui largement en miette à cause du soutien du PRC au gouvernement néolibéral de Prodi, soutient qui repose exclusivement sur la crainte d'un retour au pouvoir de Berlusconi. Face à cette dérive, nos camarades italiens ont pris leurs responsabilités en constituant une fraction ouverte dans le parti ; "Sinistra critica" (Gauche critique), qui rassemble plus d'un millier de militants et qui évolue inexorablement en tant que force politique autonome dont la place au sein du PRC sera inévitablement posée à court terme.

L'évolution du Parti des Travailleurs brésilien (PT) du président Lula da Silva a également provoqué un débat foisonnant dans la gauche radicale. Le PT avait été créé au début des années '80 suite à la lutte des travailleurs du secteur automobile de Sao Paulo contre la dictature. Pendant les premières et sombres années de l'offensive néolibérale, le PT a été comme un phare pour la gauche radicale. Mais aujourd'hui, le président Lula mène une politique qui suit avec dévotion l'agenda des marchés financiers et des institutions internationales. Pour la section brésilienne de la IVe Internationale, qui a fortement contribué à construire le PT pendant plus de deux décennies - et pour toute la gauche brésilienne - l'évolution droitière du PT de Lula est un véritable traumatisme. Signe d'espoir, des membres dissidents ou exclus à la gauche du PT ont constitué le nouveau parti PSOL, dont la très populaire porte-parole, Helena Heloïsa, a obtenu plus de 7% lors des dernières élections présidentielles. Mais le chemin est encore long et les ravages et la désorientation causées par le virage du PT seront lent à êtres surmontés.

Relevons également dans cette série "maudite" la participation gouvernementale du PDS (l'ex parti communiste d'Allemagne de l'Est) à Berlin, où il siège avec les sociaux-démocrates du SPD pour y mener une vulgaire politique néolibérale d'austérité. Cette dérive a provoqué de graves conflits avec l'aile berlinoise de la WASG (nouvelle formation politique née surtout à l'ouest à partir des mécontents de la social-démocratie, de syndicalistes et de la gauche radicale). Au niveau fédéral, la WASG et le PDS forment désormais le nouveau parti "Die Linke" (La Gauche), qui possède plus de 50 élus dans le Bundestag et plusieurs milliers de membres, ce qui constitue un pas en avant significatif. Mais, ombre importante au tableau, la WASG berlinoise a été en dehors du processus d'unification, et on le comprend aisément car il n’y a pas eu de clarification par rapport à l’expérience désastreuse de Berlin.

En France, le tableau est encore plus contrasté. L'unité large contre le projet de constitution européenne ne s'est pas traduite dans une unité autour d'une orientation politique pour les élections présidentielles. La question stratégique centrale qui a été posée par nos camarades de la LCR française - et par eux seulement - était la relation d'une telle unité politique éventuelle avec le PS. Donc, la question d'une éventuelle participation ou soutien à un futur gouvernement social-démocrate. Le Parti Communiste français et le courant rassemblé autour de la candidature de José Bové se sont refusés à clarifier sans ambiguïtés leur point de vue sur ces questions. Pour sa part, la LCR  avait conditionné préalablement toute collaboration au processus unitaire au refus clair de toute participation ou soutien à un gouvernement avec le PS. Avec le recul, la position de la LCR semble avoir été clairvoyante au vu du contenu désastreux de la campagne de Bové et du PCF et de leurs bilans électoraux respectifs en regard de ceux, pas mauvais du tout, d'Olivier Besancenot (candidat de la LCR qui, lui, a martelé sa totale indépendance face au PS). Sans oublier l’épisode du ralliement de Bové à Ségolène Royal avant même le second tour lorsqu’il a accepté une mission gouvernementale en cas de victoire socialiste...

Mais plus que de la clairvoyance, il s'agissait surtout de retenir les leçons du passé: un gouvernement à l'image de celui de la "Gauche plurielle" (PS, PCF, Verts) entre 1997 et 2002, aurait de facto mené à  une politique néolibérale. Des mobilisations massives ont eu lieu en France contre le néolibéralisme; contre le contrat de première embauche (CPE), la réforme des retraites et la Constitution européenne. La LCR a refusé que ce mouvement de masse soit à nouveau confronté à une "gauche plurielle bis" qui lui couperait les ailes. Car la question stratégique centrale est bien celle-là: une victoire électorale ou la participation dans des instances élues n'a de sens que si elle permet d'élever les niveaux de conscience et de mobilisation des masses et non de les réduire comme ce fut à chaque fois le cas lorsque des forces de gauche participent à des gouvernements de coalition avec la social-démocratie sans programme de rupture.

Impossibilité du réformisme social-démocrate

Suite à ces divers événements, un débat complexe à été entamé dans la gauche radicale. Comment affronter efficacement les politiques néolibérales afin de les briser? Dans quelle mesure cette contre-offensive implique-t-elle également une rupture avec le capitalisme en tant que tel? Quel type de parti pourrait y parvenir (anti néolibéral, anticapitaliste ou révolutionnaire)? Quelle attitude à adopter vis-à-vis d'une possibilité de participation au gouvernement?

Ce débat se déroule en partie dans un contexte assez nouveau pour la gauche radicale. Il s'agit notamment - et d'abord - de savoir s'il existe ou pas aujourd'hui un espace pour une politique réformiste de type social-démocrate "classique": autrement dit pour une force politique du mouvement ouvrier qui soit capable de "forcer" la bourgeoisie à accepter un nouveau "compromis social" dans le cadre d'un Etat qui redistribue plus équitablement les richesses et assume une série de fonctions sociales importantes en faveur de la majorité sociale tout en intégrant partiellement le mouvement ouvrier à cet appareil d'Etat.

Une des hypothèses qui s’exprime dans le débat actuel consiste à dire qu'un tel espace s'est aujourd'hui fortement limité, voir qu'il est pratiquement inexistant. Nous ne parlons bien entendu pas ici des partis sociaux-démocrates actuels qui se contentent tous - quelle que soit la version nationale - de prôner l'application d'une variante prétendument « sociale » du néolibéralisme. Le débat se pose avant tout pour les nouveaux partis de gauche que nous avons évoqués ci dessous, ceux issus d'un processus de recomposition ou de reconstruction. Ces nouvelles formations politique ont bien souvent une perspective stratégique confuse sur cette question, ce qui les fait parfois glisser assez vite vers une nouvelle version de la social-démocratie réformiste « classique » d'autrefois… alors qu’il n’existe pas d’espace pour une telle résurgence.

Pourquoi ? Il faut d’abord rappeler que le "compromis social" conclu après la Seconde guerre mondiale a été difficile à digérer pour la bourgeoisie. Dès qu'elle en a eu la possibilité, surtout à partir de la fin des années '70, elle n'a eu de cesse que de s'attaquer aux conquêtes sociales issues de ce compromis historique. Or, au cours de ces trente dernières années jusqu’à aujourd'hui, la bourgeoisie a accumulé victoire après victoire dans la lutte de classe internationale. Les rapports de forces se sont tellement dégradé pour les travailleurs qu'elle n'a donc nullement l’intention (ni l’intérêt) de faire à nouveau des concessions comme par le passé. La France illustre de manière frappante ce phénomène car c’est l’un des rares pays qui pourrait faire exception à cette règle. Et pourtant. La classe ouvrière y est très combative et cette combativité s'exprime partiellement en dehors du mouvement ouvrier organisé traditionnel. Des millions de personnes ont manifesté contre les différents plans d'austérité des divers gouvernements au cours de ces 10 dernières et plusieurs mesures néolibérales ont été vaincues. Mais la bourgeoisie et la droite politique ne s'est pas avouée vaincue et elle poursuit aujourd'hui l'offensive un cran plus haut avec le gouvernement Sarkozy.

Il faut ensuite souligner la manière dont le capitalisme actuel limite également radicalement l'espace pour un nouveau "compromis social" entre le Capital et le Travail. L'avant-garde de la bourgeoisie néolibérale pense d'une façon cosmopolite. S'il est vrai que les grandes multinationales opèrent toujours à partir des grands Etats impérialistes, l'organisation de leurs activités économiques et la façon dont elles essaient d'en donner une traduction politique à avant tout comme point de départ le marché mondial lui-même. La stratégie de gestion des processus de production et des "ressources humaines" de ces multinationales se résume en deux mots; "restructuration permanente". Cette stratégie leur permet de mettre en concurrence leurs propres filiales et les travailleurs dans différents pays ou sein du même pays, au sein d'une même multinationale.

Si un gouvernement, n'importe où dans le monde, ose appliquer une politique trop « osée » socialement, il est immédiatement sanctionné par un désinvestissement massif ou une vague de délocalisations, avec licenciements massifs à la clé. Les marchés financiers réagissent en effet immédiatement contre une politique qui va à l'encontre de leurs intérêts.

Le cas du Venezuela de Chavez qui, malgré toutes les limites et contradictions, mène bel et bien une politique de redistribution des richesses, est l'exception qui confirme cette règle car la richesse stratégique pétrolière lui permet en grande partie d'éviter une vague massive de désinvestissements, etc. Mais il n'a pas pour autant été épargné par les tentatives de coups d'Etat ou de déstabilisation économique menée par la bourgeoisie vénézuélienne avec l'appui du capital international et de ses sbires à Washington ou dans l'Union européenne. L’exemple du Venezuela démontre que l'espace pour le populisme "classique" typique du continent s’est considérablement réduit du fait de la forte pression des institutions internationales et des marchés financiers. C'est sans doute là une des explications de la radicalisation d'une figure comme Hugo Chavez - ou à contrario de la capitulation de Lula - face au néolibéralisme. Confronté à un espace limité pour mener une politique « sociale-démocrate » ou « populiste » classiques, le choix se limite alors à deux options: l'adoption d'une variante des politiques néolibérales (Lula) ou la rupture – ou du moins la volonté – avec le capitalisme (Chavez).

Tout sauf Sarkozy, Balkenende, Berlusconi, Merkel?

Les nouvelles forces politique de gauche créées dans les années 90 se trouvent aujourd'hui dans une situation dans laquelle il existe donc fort peu d'espace pour un nouveau compromis social. La capitulation de la social-démocratie entraîne de nombreux travailleurs à voter pour des partis de droite, conservateurs, réactionnaires et même fascistes. Les nouveaux partis de la gauche radicale ne parviennent à capter qu'une faible partie du mécontentement social dans la majorité sociale, tandis qu'ils sont confrontés à une droite de plus en plus musclée.

Dans un contexte de résistance purement défensive du mouvement ouvrier et social, la tentation est alors grande de participer à des gouvernements "de gauche", voir de "centre-gauche" en les présentant comme un "moindre mal" face à cette droite ultra. Des leaders tels que Bertinotti, le dirigeant de Rifondazione Comunista, considèrent que les mouvements sociaux ont échoué dans leur rôle de barrage contre le néolibéralisme. Sous le mot d'ordre "Tout sauf Berlusconi", il a lié son sort à celui de Romano Prodi et de son gouvernement dénommé de "centre gauche" pour la façade, mais typiquement néolibéral dans les faits.

Le retour de la question stratégique

Ce genre de situation remet la discussion sur la stratégie à l'ordre du jour. Plusieurs formations de la gauche radicale qui sont nées ces dernières années ont vu le jour sans perspective stratégique claire. Ce qui n'est pas étonnant vu les conditions de leur émergence : elles ont parfois été créées autour de terrains de lutte concrets mais hétérogènes contre les politiques néolibérales, et leur composition provient souvent d'un amalgame de divers groupes et organisations politiques révolutionnaires - ou ex-révolutionnaires-, d'activistes sociaux, de syndicalistes, d'ex-sociaux-démocrates etc.

S'il n'est pas résolu, ce manque de perspective stratégique les rend à terme vulnérables à la tentation de participer dans des gouvernements sociaux-libéraux ou à des compromis boiteux. On peut par exemple se poser la question de l'évolution future du SP hollandais si ce parti continue à croître comme il le fait aujourd'hui et qu'il serait invité à participer à un gouvernement. La même chose vaut pour Die Linke en Allemagne.

Il ne faut évidemment pas tirer de conclusions hâtives et trop générales en faisant abstraction de la situation concrète et nationale. Mais il faut néanmoins constater qu'il existe bien un cadre général dans lequel différents phénomènes peuvent être analysés.  Car la situation reste encore très contradictoire. Après plus de 20 années de politiques néolibérales, la conscience de classe s'est considérablement détériorée. Les syndicats, dans la plupart des pays, se sont affaiblis, la lutte des classes est avant tout défensive - et parfois même corporatiste. Ces éléments rendent plus difficile de mener à bien un discours et des campagnes anticapitalistes. Les anticapitalistes et les révolutionnaires se trouvent donc aujourd'hui devant d'immenses difficultés. C'est à la gauche anticapitaliste de remplir le vide politique laissé par la droitisation de la sociale-démocrate officielle, tout en ne retombant pas dans ses ornières du passé. Dans tous les pays de l'Europe de l'Ouest le potentiel pour créer des formations anti néolibérales et/ou anticapitalistes existe bel et bien, mais les conditions concrètes qui permettent à ce potentiel de se cristalliser dans une organisation n'existent pas de manière permanente, elles sont directement liées aux niveaux de conscience et des luttes sociales.

Lorsqu'ils parviennent malgré tout à émerger et surtout à se stabiliser, ces nouveaux partis prennent souvent comme programme une série de demandes immédiates anti néolibérales et démocratiques. La difficulté majeure est donc la suivante: si la responsabilité historique de remplir aujourd'hui le vide politique résultant de la droitisation de la social-démocratie revient à la gauche radicale en construisant de nouvelles forces politiques larges, bien souvent ces dernières donnent naissance à une social-démocratie tiraillée entre deux pôles inconciliables: anticapitalisme ou participation à un gouvernement social libérale.

Leçons pour la Belgique?

En Belgique on ne peut pas dire que ce type de débat soit très vivant, ni très prégnant. Peut être parce que, dans la pratique, nous sommes toujours coincés dans la première des trois phases de la lutte contre le néolibéralisme: celle la seule résistance sociale, la rame intensive à contre courant... Malgré plusieurs tentatives, la gauche radicale en Belgique n'a toujours pas réussi à se doter d'un nouvel instrument stable pour mener cette lutte d'une manière efficace et unificatrice au niveau politique. Les conclusions qu'on peut tirer des bilans et des débats stratégiques existant dans différents sont donc à faire pays par pays. En Belgique, le mot d'ordre et la méthode de la LCR française pour la construction d’un nouveau parti anticapitaliste n'est pas applicable car il n'existe pas dans ce pays de nouvelle génération militante à une échelle de masse qui s’est forgée dans des luttes et des mobilisations parfois victorieuses et donc potentiellement capable de répondre à cet appel.

La chose serait distincte si, par exemple, le PTB se réorientait pour créer une nouvelle formation de gauche, démocratique et ouverte à toutes les autres composantes de la gauche radicale. Autre possibilité; la création d'une nouvelle force à partir des secteurs syndicaux combatifs ou d'ex-sociaux-démocrates de gauche. Mais quelle que soit la trame initiale, ce n'est qu'à partir du moment où ces processus entrent en échos avec la mobilisation sociale de secteurs importants de la société qu'une nouvelle force politique à gauche aura la possibilité effective de voir le jour.

Les forces de la gauche révolutionnaires sont incontestablement capables de donner un soutien décisif dans des mouvements de luttes partielles, mais la lutte de classe constitue un ensemble complexe composée de toutes sortes de combats. Et comme disait Clausewitz, ce sont les grands combats centraux qui sont déterminants pour les petits. Dix batailles héroïques comme celle de Splintex ou de Clabecq ne pèsent suffisamment pas face à une bataille centrale dans laquelle le mouvement ouvrier se heurte frontalement à la politique néolibérale et échoue, comme ce fut le cas au cours de la lutte contre le Pacte des générations. Une petite victoire ou une lutte exemplaire pâlit quand il y a une épreuve de force centrale perdue qui la suit.

La gauche radicale ne devrait donc pas se contenter de succès partiels, de batailles locales ou d'une bonne intervention de ses organisations. Elle doit aussi se focaliser sur les combats centraux. Il faut une force politique capable d'intervenir aux moments cruciaux, les moments où la classe des travailleurs se heurte ouvertement au néolibéralisme: le Pacte des générations, la Marche blanche, le Plan global, de tels moments ne manquent pas mais sont pour le moins espacés dans le temps. Il faut donc s'y préparer dès maintenant.


UAG : se redéfinir dans un contexte difficile

Une autre gauche (UAG) a tenu une journée de réflexion à Cuesme (Mons) le 1er septembre dernier. Une soixantaine de personnes y ont discutés des propositions d'actions autour de thématiques telles que le changement climatique, la libéralisation du secteur de l'énergie, les lois antiterroristes et le mini-traité européen.

Concernant cette dernière thématique, la groupe UAG-Bruxelles a lancé une intéressante initiative afin d’exiger auprès des députés régionaux que sa ratification soit liée à un réel débat et à un référendum démocratiques. Une lettre à été envoyée à tous les élus communaux bruxellois, aux associations, syndicats et mouvements sociaux ainsi qu’à une série de personnalités afin de constituer un comité pluriel et une campagne de pétition qui exige, quel que soit l’opinion sur le contenu du mini-traité, qu’un choix tel démocratique soit possible.

La discussion se poursuit par ailleurs sur la nature et l'avenir d’UAG, dans un contexte pour le moins difficile après les élections du 10 juin. Contexte qui explique pour une bonne part l'absence de dynamique actuelle dans l'initiative, qui est pour le moins au ralenti. Si UAG avait fait le choix correct de ne pas déposer de listes, elle "paye" malgré tout le climat social ambiant plutôt morose, la démoralisation et le désenchantement suscités par la division et les résultats de la gauche radicale dans son ensemble.

La LCR continue à apporter son soutien à l'initiative, mais en tenant compte du contexte pour le moins défavorable que nous traversons actuellement. Nous pensons qu'UAG ne peut raisonnablement pas espérer se développer de manière numériquement significative dans le court terme. Il s'agit plutôt de réfléchir à comment maintenir un espace qui permette le débat, la convergence et l'unité d'action, en attendant des conditions plus favorables pour un projet de construction d'une nouvelle force de gauche. Et surtout une reprise des luttes qui seule peut agir avec poids en faveur de l'unité.

Une conférence aura lieu le 17 novembre afin d'adopter une résolution politique, des revendications d’urgence et un schéma organisationnel. Nous y défendrons le point de vue du caractère nécessaire d'UAG comme lieu de débat et d'unité d'action et non comme une "organisation" à part entière avec des règles de fonctionnement et une délimitation politique ou programmatique trop formalisées et rigides qui n'en ferait qu'une organisation de la gauche radicale de plus à côté de celles déjà existantes. Plutôt qu’un « programme fondateur », ce sont des axes revendicatifs immédiats qui doivent se dégager, sur base desquels UAG peut servir de catalyseur à l’unité d’action la plus large. Dans ce sens, l’exemple de la campagne unitaire autour du mini-traité européen illustre ainsi toute l’utilité d’UAG dans le contexte actuel.

Ataulfo Riera

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