Budget du gouvernement: patrons contents.
Par Denis Horman le Vendredi, 07 Mars 2008 PDF Imprimer Envoyer

POUR UNE AUTRE REPARTITION DES RICHESSES! IL N’EST QUE TEMPS ! La dernière B.A. du gouvernement « transitoire ». « Le dernier exercice budgétaire de Guy Verhofstadt se termine en équilibre. Avec un subtil dosage pour aider concrètement les plus démunis », a titré un grand quotidien francophone. « Les patrons sont plutôt satisfaits », titre un autre grand quotidien. Seuls trois cents petits millions d’euros ont été dégagés pour des «politiques nouvelles » :

2% pour les plus petites pensions (mais pas de liaison automatique au bien-être !) ; des primes pour les allocations familiales (des « suppléments d’âge » !, mais pas d’augmentation des allocs…pour éviter l’indexation !) ; légère baisse des impôts sur les petits revenus ; une enveloppe de 33 millions d’euros pour « renforcer les politiques d’emploi » (faciliter la mobilité entre régions, etc !) ; émission de chèques-service à 5 euros pour les personnes à faible revenus , etc ;

300 millions d’euros pour des cacahuètes, mais pas touche aux intérêts notionnels (avantage fiscal pour toutes les entreprises leur permettant de déduire un intérêt fictif sur leurs capitaux propres). Ce cadeau fiscal aux entreprises est évalué à quelque 2 400 millions d’euros (en perte d’impôts pour les finances publiques). C’est 8 fois plus pour les patrons que les 300 millions pour le social ! Le ministre des Finances, Didier Reynders, peut être satisfait, d’autant plus que le taux d’intérêts fictif, pris en compte pour la déduction des impôts des sociétés, passe de 3,7% à 4,3%!

 

Grâce aux intérêts notionnels (sans compter tous les autres cadeaux), Arcelor réalisait une économie d’impôts de 31 millions d’euros pour 2006 ; Mobistar économiserait 18 millions[1] ; Electrabel a payé 30 millions d’impôts de moins[2].

Pour la SNCB, l’économie fiscale s’est élevée à 1,4 million d’euros. Même la Banque nationale a profité des intérêts notionnels, en économisant, grâce à ce dispositif 17 millions d’euros sur sa facture fiscale[3]. A ce propos, le député SP.A, Dirk Van Der Maelen, qui a dévoilé l’information, a précisé : « La Banque profite des intérêts notionnels, mais n’a pas investi un euro pour créer de nouveaux emplois. Le gouvernement n’a pas d’argent pour les allocations sociales ou les pensions, mais en trouve pour favoriser les entreprises sans contrepartie. C’est inacceptable, surtout pour une entreprise publique »[4].

On peut dire qu’elles sont choyées, les entreprises, grandes ou petites, celles qui se portent très bien ou moins bien, indistinctement !Le taux d’imposition nominal (taux affiché), levé sur les bénéfices des entreprises, est passé de 45% en 1996 à quelque 25% actuellement. Mais le taux réel (effectivement payé) n’était déjà plus que de 23,9% en 2001 et bien moindre encore dans certains secteurs (2,3% pour les holdings, 3,1% pour l’eau et électricité, 8,5% pour les banques et compagnies d’assurances)[5].

Des bénéfices qui explosent

Et pendant ce temps-là, les bénéfices des entreprises, en particulier des multinationales, explosent. Arcelor-Mittal annonçait dernièrement un bénéfice de 7,5 milliards d’euros pour 2007. Le groupe Suez, maison-mère de Electrabel, déclare, pour 2007, un bénéfice de 3,9 milliards d’euros (plus 8,8%). Pour le Brasseur Inbev, c’est un bénéfice net de 2,19 milliards d’euros contre 1,4 milliard en 2006. Solvay réalise son record absolu avec 828 millions d’euros de bénéfice net. Distrigaz engrange un bénéfice net de 294,1 millions d’euros, une hausse de 12,5%. Même les services postaux, semi-privatisés et qui ne cessent de fermer des bureaux, voit ses bénéfices exploser : près de 234 millions d’euros (avant impôt) pour 2007 ! Et l’on pourrait continuer la liste.

 

Un chiffe résume bien la forte hausse des bénéfices après impôt des sociétés : le résultat net après impôt des entreprises belges a augmenté de 14% en 2006 et de 250% depuis 2002[6]. Les 20 premières entreprises belges cotées en bourse ont fait un bénéfice de 23 milliards d’euros pour 2006, une augmentation de 38% comparée à 2005 !

 

Ce sont les actionnaires qui enlèvent la mise. En Belgique, en une seule année (2005-2006), les dividendes versés par les entreprises à leurs actionnaires ont augmenté de 4,6 milliards pour atteindre 33 milliards (+ 16,2% en un an !). Pendant ce temps, l’augmentation totale de la masse salariale fut de 5,5 milliards d’euros pour atteindre 120,6 milliards d’euros (+ 4,8%). Cela fait plusieurs années déjà que les revenus de salariés et des allocataires sociaux sont ainsi petit à petit transférés aux couches les plus riches de la population. La part des salaires dans le partage des revenus des entreprises du secteur privé est passée de 70% en 1980 à 65,8% en 2003, et à 62,6% en 2007[7].

Si la Belgique –plus précisément les travailleurs- produit de plus en plus de richesses (sur la seule année 2007, le PIB s’est accru de 2,7%), les salaires stagnent, le pouvoir d’achat diminue[8], les malades, pensionnés et chômeurs payent la note la plus salée.

Et pendant ce temps-là, les prix de toute une série de biens de première nécessité, tels que les aliments de base ou l’énergie (gaz, électricité, carburants) connaissent une envolée spectaculaire depuis plusieurs mois[9].

Malgré ses 2 milliards d’euros de bénéfices, Electrabel a d’ores et déjà annoncé une augmentation de la facture pour 2008. Selon les calculs de la Greg (la commission de régularisation de l’électricité et du gaz), une facture de 500 euros en 2007 passera à 593 euros en 2008 !

Et pendant ce temps-là, aucun moyen supplémentaire n’est consacré au « fonds de vieillissement ». La réduction des cotisations patronales à la sécurité sociale prend des proportions dramatiques : quelque 5 milliards d’euros en moins par an dans la caisse nationale de Sécurité sociale ! Et la contribution de l’Etat ? Selon les chiffres issus du rapport des comptes de la Secu, on arrive à un chiffre de 20 milliards d’euros qui devraient être versés par l’Etat à la Secu et qui ne le sont pas. Il s’agit d’une partie des taxes perçues par l’Etat sur le tabac, alcool, les industries polluantes, sur la TVA, etc., normalement destinées à la Secu.

Ca suffit comme çà ! Dans le débat sur le programme socio-économique du gouvernement, il est grand temps que le mouvement ouvrier fasse entendre sa voix et impose ses propres solutions

La LCR plaide pour la suppression de la TVA sur les biens de première nécessité ; le rétablissement d’un véritable index (suppression de l’index santé) et sans lissage de 4 mois ; le contrôle public (avec décision politique de blocage) sur les prix du logement, de l’énergie etc. ; l’arrêt des cadeaux tous azimuts au patronat (qui profitent pour l’essentiel aux actionnaires) ; en finir avec les intérêts notionnels ; un contrôle par les travailleurs et leurs organisations syndicales sur la gestion financière des entreprises ; l’établissement d’un salaire minimum de 1500 euros nets/mois ; une augmentation des salaires liés à la productivité et justifiés par les augmentations records des bénéfices des entreprises ; le relèvement des seuils minimum pour le revenu d’intégration (minimex), les allocations de chômages et pensions calculés sur la richesse nationale produite annuellement dans le pays (le PIB) ; une fiscalité juste (égalité devant l’impôt, avec la globalisation des revenus professionnels et financiers et la progressivité de l’impôt, proportionnelle aux facultés contributives)[10] ; un impôt exceptionnel et annuel sur les grosses fortunes[11].

 

La vague de grève contre la vie chère, celle des travailleurs d’Electrabel pour la non discrimination entre nouveaux et anciens embauchés indique la voie à suivre[12].

 


[1] Marco Van Hees, Didier Reynders, L’homme qui parle à l’oreille des riches, Ed. Aden, p. 54.
[2] Note de la FGTB nationale, Revendications de la FGTB en vue d’augmenter le pouvoir d’achat.
[3] Le Soir, 5/3/2008.
[4] Le Soir, ibid.
[5] Calculs effectués par le quotidien Le Soir, 19 avril 2001.
[6] Note de la FGTB, ibid.
[7] Luca Ciccia, Défendre votre pouvoir d’achat : toutes les solutions ne se valent pas ; in Le droit de l’employé, journal de la CNE, février 2008, pp. 6-9.
[8] Selon le CRIOC, entre 1995 et 2005, le pouvoir d’achat a diminué de 2,08% pour les salariés, et pour les catégories les plus pauvres, cette perte a été de 2,61 à 3,25%. L’instauration de l’ « index-santé » en janvier 1994 a été un des éléments essentiels provoquant cette diminution du pouvoir d’achat.
[9] Voir site LCR : www.lcr-lagauche.be rubrique sociale : salaires, prix et profits au paradis des capitalistes.
[10] Selon le Conseil supérieur des finances, si on appliquait la piste d’une meilleure taxation des revenus du capital, on pourrait trouver jusqu’à 3 milliards d’euros de moyens supplémentaires sans aucune conséquence négative sur la compétitivité.
[11] Selon Marco Van Hees, un impôt de 1% sur les fortunes de plus de 500 000 euros, avec une tranche à 2% au-dessus de 750 000 euros, aurait un rendement théorique de 11 milliards d’euros par an.
[12] Voir http://uneautregauche.be: Belgique, vague de grève contre la vie chère.

Voir ci-dessus