Elections européennes: Une «Lettre ouverte» du MAS/LSP à la LCR
Par MAS et LCR le Jeudi, 11 Décembre 2008 PDF Imprimer Envoyer

Dans le cadre des prochaines élections de juin 2009, la question de l'unité des forces de la gauche anticapitaliste se pose à nouveau. Les camarades du Mouvement pour une Alternative Socialiste (MAS) ont adressé à la LCR une «Lettre ouverte» proposant une « liste commune » pour les élections européennes en Belgique francophone. Vu le caractère public de cette dicussion, nous publions ci dessous cette «Lettre ouverte» ainsi que la réponse de notre Direction Nationale.

Lettre ouverte à la Direction Nationale de la Ligue Communiste Révolutionnaire

Nous avons appris que, pour la première fois «depuis longtemps», vous avez l’intention de déposer une liste pour les élections européennes du 7 juin dans la circonscription francophone, en Wallonie et à Bruxelles. Nous pouvons souscrire dans les grandes lignes à votre déclaration publiée le 29 octobre sur votre site en ce qui concerne l’analyse du changement drastique dans les développements sur le plan mondial. Depuis, la crise financière s’est répercutée dans l’économie réelle et s’est répandue dans tout les aspects du système capitaliste: politique, économique, social, écologique et idéologique. Le néolibéralisme, la politique dominante de ces 25 à 30 dernières années, s’enlise. La crise exige une autre politique économique, mais la classe dominante ne voit pas encore d’issue. Elle court derrière les faits et réagit au cas par cas. Son mot d’ordre continue d’être le néolibéralisme, mais sa pratique s’en éloigne de plus en plus. Jusqu’où? La classe dominante et ses représentants politiques sont divisés sur cette question. A la base de cette division se trouvent des estimations divergentes sur la résistance possible émanant du mouvement ouvrier.

A travers sa lutte contre les conséquences de cette crise, le mouvement ouvrier va influencer le caractère de cette nouvelle politique économique. Ce sera dans une première phase principalement une lutte défensive. Une minorité importante et croissante en tirera des conclusions de plus en plus radicales. Elle se heurtera aux limites de la concertation, exigera d’avoir son mot à dire dans la stratégie syndicale et évoluera de plus en plus vers un syndicalisme principalement basé sur les luttes. Mais elle ne se limitera pas au terrain social et ressentira avec de plus en plus d’urgence la nécessité d’une représentation politique totalement indépendante de la bourgeoisie, son propre parti, capable de traduire ses revendications sur le terrain politique. Les conditions de formation d’un tel parti mûrissent au cours de la lutte des classes et ne peuvent pas être remplacées par la simple addition des courants de la gauche radicale existants. Mais, parallèlement, il n’existe pas un lien automatique entre l’existence des conditions pour la création d’un tel parti et sa réalisation, cela exige une intervention consciente. C’est ici que la gauche radicale peut jouer un rôle en participant à la mise sur les rails du processus.

Nous savons que vous lisez les faits différemment en ce qui concerne la montée et la chute du Comité pour une Autre Politique. Si le MAS a consacré tellement d’énergie à la construction du CAP, c’était parce que nous pensions que, contrairement à Une Autre Gauche, il s’agissait de l’expression du processus de maturation des conditions pour un nouveau parti. Nous avons tous les deux lus, avec la contrariété de circonstance, nos analyses réciproques sur l’échec du CAP. La disparition du CAP ne signifie en aucun cas que la tendance vers la création d’un nouveau parti des travailleurs est définitivement écartée. En juin dernier, dans une lettre ouverte au Bureau Politique du PTB (http://www.socialisme.be/mas/archives/2008/04/16/ptb.html ), nous avons écrit : « Nous savons bien qu’un nouveau parti large des travailleurs ne peut se développer à une échelle massive sans initiative de la part de franches importantes des syndicats. Entre-temps, nous ne voulons pas attendre les bras croisés et nous soutenons chaque initiative qui peut rapprocher, même si ce n’est que de peu, la perspective d’un tel parti de travailleurs. (…) La raison principale qui explique pourquoi les directions syndicales ne sont pas plus sous pression pour rompre les liens qu’elles entretiennent avec la démocratie chrétienne et la sociale démocratie est sans doute, et de loin, le manque d’une alternative crédible, l’absence d’un concurrent suffisamment fort à gauche. En regroupant la force militante tant du PTB que du MAS, tout en respectant la spécificité de chacun, en une formule qui laisse suffisamment d’espace à d’autres courants et individus aujourd’hui spectateurs, nous pourrions, à notre avis, créer une dynamique allant en ce sens. » Nous n’avons pas reçu de réponse, du moins pas de la part du Bureau Politique du PTB.

Dans votre déclaration du 29 octobre, vous avez écrit : « Des rencontres que nous avons mené avec la plupart d'entre elles afin d'envisager cette unité, il ressort que toutes les organisations de la gauche radicale (PTB, PC, MAS) présenteront sous une forme ou l'autre leurs propres listes pour les élections régionales et européennes.(…) Bref, chaque organisation tire à soi la couverture de l'unité, ce qui n'est pas précisément notre conception de cette dernière. » (http://www.lcr-lagauche.be/cm/index.php?option...) Nous sommes déjà convaincus depuis longtemps que votre formulation « rencontres (…) avec la plupart d'entre elles » n’est pas un oubli, mais une manière de ne pas mentionner que vous n’avez pas discuté avec le MAS. Grâce à cette habilité, vous pouvez un peu plus tard mettre le MAS dans le même sac que le PTB et le PC, c’est « bref », et même un peu trop « bref ». C’est justement pourquoi nous sommes fondamentalement en désaccord avec votre « méthode ». Dans notre lettre ouverte au Bureau Politique du PTB nous avons écrit : « Nous ne pensons pas que cette divergence doit faire obstacle à un appel commun qui offre une voix aux travailleurs et à leurs familles pour le prochain scrutin. ». Cette attitude s’applique également à vous. Offrir une voix aux travailleurs et à leurs familles doit avoir priorité sur l’irritation mutuelle.

Nous ne pensons évidemment pas qu’une liste commune du MAS et de la LCR aux élections européennes dans la circonscription francophone aurait un effet comparable à une liste commune avec le PTB comme nous venons de le décrire. Mais une liste européenne en Belgique francophone, surtout avec une référence claire à votre figure publique en France, Olivier Besancenot, peut exercer une attraction sur une minorité importante, surtout si cela ce fait dans le cadre d’une unité plus large. Ce serait encore fort éloigné d’un nouveau parti des travailleurs, tout comme du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) lancé par vous en France autour de Besancenot, mais cela stimulerait au moins la dynamique dans cette direction et remettrait la question de l’unité à l’ordre du jour. Nous ne sommes pas les seuls à le penser. Nous faisons partie des nombreuses organisations en Europe à avoir été invitées à une conférence le 13 décembre, une initiative où votre organisation sœur française est à nouveau fortement « impliquée ». La Gauche Révolutionnaire, le MAS en France, beaucoup plus petite que la LCR en France, est d’ailleurs très active dans la construction du NPA.

Le MAS ne vous propose pas un NPA, nous pensons que les conditions pour cela ne sont pas réunies en ce moment. Nous vous offrons par contre une liste commune et ouverte pour les élections européennes dans la circonscription francophone parce que nous pensons que cela pourrait amener une dynamique intéressante. Malheureusement, nous ne pouvons pas attendre votre réponse durant des mois. Pour les élections européennes, il nous faut récolter pas moins de 5.000 listes de parrainage. Cela exige à chaque fois un effort considérable, y compris pour le MAS. Nous pouvons discuter plus tard sur les modalités, mais une réponse initiale pour la conférence européenne du 13 décembre ne serait pas seulement un signal en Belgique, mais pourrait stimuler la dynamique au niveau européen.

De la part du Bureau Exécutif du Mouvement pour une Alternative Socialiste


Réponse de la DN de la LCR:

Au Bureau Exécutif du MAS/LSP

Chères/Chers camarades,

Nous avons discuté dans notre Direction nationale de ce mercredi 10 décembre le contenu de votre «Lettre ouverte» que vous nous avez adressé et à laquelle nous répondons ici de manière également publique. Nous publierons sur notre site web ladite «Lettre ouverte» ainsi que notre réponse, en souhaitant que vous en fassiez de même.

Il est exact que nous partageons une analyse globalement similaire sur l'ampleur et la nature de la crise capitaliste actuelle, sur ses enjeux, ses conséquences et les responsabilités qui en découlent pour les organisations de la gauche anticapitaliste, que ce soit en Belgique ou en Europe. Nous pouvons également constater une convergence importante en termes de revendications ou de mots d'ordres à avancer face à cette crise et dans le mouvement ouvrier en général.

D'autre part, il est tout aussi exact que nos divergences restent extrêmement importantes quant au bilan du Comité pour une Autre autre Politique et d'Une Autre Gauche ainsi que, plus fondamentalement, quant aux «méthodes», aux pratiques militantes et aux perspectives pour construire une nouvelle force politique large et unitaire à gauche de la gauche dans ce pays. Sans oublier celles qui concernent nos orientations assez divergentes quant aux mouvements sociaux ou aux collectifs unitaires.

Nous estimons cependant qu'au delà de ces nombreuses divergences, votre démarche de nous proposer une «liste commune» pour les élections européennes en Belgique francophone constitue une évolution positive et qu'elle va dans le sens de notre «Déclaration sur les élections de juin 2009» qui souligne, entre autres, qu'«En l'absence d'une nouvelle force politique large pouvant les inclure toutes et de la volonté de la construire, les organisations de la gauche radicale et révolutionnaire pourraient à tout le moins envisager de manière exceptionnelle une vaste unité électorale afin de présenter un front uni face à la crise capitaliste et aux attaques contre le monde du travail.»

Dans le cadre d'une telle démarche au niveau des élections européennes, nous pensons qu'il est indispensable d'évaluer au préalable les positions politiques et les orientations stratégiques respectives quant à l'UE et nos positions quant à la collaboration des forces anticapitalistes européennes qui se dessine pour cette campagne électorale.

Il est entendu qu'une initiative du type «Nouveau parti anticapitaliste» lancé par nos camarades de la LCR française et dont vous êtes activement partie prenante dans ce pays n'est pas, dans l'état actuel des choses, à l'ordre du jour en Belgique et ne saurait être reproduite mécaniquement chez nous.

Nous pensons qu'il serait nécessaire de préciser, ou du moins de clarifier dans ses grandes lignes, les modalités pratiques et politiques d'une «liste commune» entre nos deux organisations, ainsi que la nature et l'ampleur de son caractère «ouvert» comme vous l'évoquez dans votre «Lettre».

Nous estimons qu'un échange par déclarations publiques interposées n'est pas le plus approprié, ni le plus efficace ou rapide pour poursuivre et approfondir toutes ces questions. Nous souhaitons donc rencontrer une délégation de votre organisation afin de les aborder concrètement. Il nous semble important de souligner qu'une telle discussion entre délégations respectives favoriserait mieux un cadre qui, sans pour autant taire nos divergences politiques, permette d'instauter un climat de respect et de confiance mutuels bienvenu.

Vu les échéances qui sont devant nous et que vous évoquez dans votre «Lettre ouverte», une telle rencontre devrait pouvoir se réaliser au plus tôt. Nous vous proposons de nous rencontrer dans la semaine suivant votre congrès et la rencontre des partis anticapitalistes européens à Paris, dont le résultat aura bien entendu une grande importance dans le cadre de nos discussions. Nous prendrons donc contact avec vous pour fixer un rendez-vous en commun accord.

D'ici là, veuillez recevoir nos salutations révolutionnaires,

La Direction Nationale de la LCR/SAP,

Le mercredi 10 décembre 2008

Voir ci-dessus