Di Rupo de plus en plus à droite !
Par Guy Van Sinoy le Vendredi, 31 Mai 2013 PDF Imprimer Envoyer

Le gouvernement Di Rupo a été formé le 5 décembre 2011 sur base d'un programme socio-économique néolibéral après plus de 500 jours de négociations. Mais plus les négociations ont duré, plus les efforts imposés à la population se sont alourdis.  

La note Di Rupo de juillet 2011 prévoyait 2,3 milliards de mesures d'austérité, l'accord final de novembre 2011 s'est fait sur base de 4,3 milliards de coupes budgétaires. A l'inverse les nouvelles recettes fiscales, prévues initialement en juillet 2011 à 4,7 milliards, ont été réduites à 2,5 milliards en novembre 2011.

Recettes fiscales revues à la baisse


Note Di Rupo

(juillet 2011)


Gouvern. Di Rupo

(novembre 2011)

Plus-values sur actions

200.000.000 €

150.000.000 €

Intérêts notionnels

1.400.000.000 €

557.000.000 €

Impôt sur la fortune

500.000.000 €

0 €

Précompte mobilier

1.200.000.000 €

900.000.000 €

Voitures de société

500.000.000 €

200.000.000 €


Mais quand on compare le programme gouvernemental de Di Rupo Ier, et le programme électoral de 2010 du même Di Rupo, l'écart est encore plus grand. C'est carrément Docteur Jekyll et Mister Hyde !

Pensions : Docteur Di Rupo et Mister Elio

Le chapitre sur les pensions (« Une pension sereine »), du programme électoral du PS en 2010 mérite d'être cité :


« Le PS entend :

- maintenir l'âge légal de la pension : retarder le droit d'accéder à la pension n'a pas de sens alors qu'en Belgique, la plupart des travailleurs sont (pré)pensionnés à l'âge de 60 ans !

- préserver l'assimilation des périodes d'inactivité à des années de travail dans le calcul de la pension. Les difficultés de la vie (licenciement, maladie, invalidité,...) peuvent entraîner une perte de revenu substantielle durant la vie active. Il est légitime que ces personnes durement touchées par la vie conservent leurs droits à la pension ;

- élargir ces périodes assimilées aux période d'inactivité pour cause de soins à un enfant gravement malade. »


Non ! Vous ne rêvez pas ! C'était bien le programme électoral d'Elio en 2010, le même Elio qui dans son programme gouvernemental de novembre 2011 a décidé:

- le recul de l'âge minimal de la prépension de 58 à 60 ans, le nombre d'années de carrière pour entrer en ligne de compte étant porté de 38 à 40 ans. Fin 2014, il y aura une évaluation et l'âge minimal pourrait être porté à 62 ans ;

- l'âge minimum pour partir en pension anticipée passe de 60 à 62 ans et les conditions de carrière passent de 35 à 40 ans ;

- le chômage de la 3e période et les périodes de prépension avant 60 ans sont désormais valorisées sur base du droit minimal par année de carrière (au lieu du calcul sur base du dernier salaire mensuel brut) ;

- l'assimilation des périodes de crédit-temps prises sans un certain  motif est limitée à 1 an. Au-delà, cela constitue un trou dans le calcul de la future pension.


SNCB : « Le PS est fondamentalement opposé à la libéralisation des services publics »

C'est ce qu'on peut lire dans le programme électoral de 2010 du PS. Comme dit le proverbe : « C'est au pied du mur qu'on voit le maçon ! ».

En 2011, avant la formation du gouvernement Di Rupo, la SNCB avait dû réaliser 50 millions d'économies. Di Rupo une fois installé dans le fauteuil de Premier ministre, décide d'appliquer au rail un plan d'austérité (2012-2014) cinq fois plus lourd : 473 millions ! (253 millions en 2012, 80 millions en 2013, 140 millions en 2014). A peine assis à la table du gouvernement, les ministres Open VLD (De Croo, De Block) déposent une proposition de loi pour la scission complète d'Infrabel et de la SNCB car selon eux « la situation actuelle empêche que la SNCB travaille selon la situation du marché, ce qui est contre-productif et n'est pas justifiable ». Paul Magnette, ministre des Entreprise publiques, répondra aux vœux de ses collègues libéraux en scindant la SNCB en deux entités en janvier 2013. Heureusement que le PS était opposé à la libéralisation, sans quoi on se demande ce que cela aurait donné !

Rassurez-vous, nous n'allons pas passer en revue le catalogue des promesses électorales du PS non tenues car il y aurait de quoi remplir ce journal. Mais il est important de comprendre la dynamique : le PS suit une dérive inexorable vers la droite et cette dérive va en s'accélérant.


Di Rupo est responsable de l'ensemble de la politique de son gouvernement

On entend parfois certains responsables politiques du PS geindre : «Oui, mais c'est pas nous, c'est les libéraux! ». Comme disait Daniel Piron le Premier Mai 2012 à Charleroi : « C'est faire insulte à notre intelligence ! ». Le premier Ministre assume la politique de TOUT son gouvernement. Et s'il ne l'approuve pas, il n'a qu'à démissionner !

Passons en revue les cochonneries pondues par ce gouvernement Di Rupo:

- la modification de la distance (de 25 à 60 km) comme critère d'emploi convenable en matière de chômage ;

- la suppression de la prépension à mi-temps ;

- les jeunes qui quittent l'école devront désormais attendre un an avant de toucher une indemnité ;

- l'instauration de la Loi Salduz (assistance d'un avocat lors de l'interrogatoire) sans étude de faisabilité pour les avocats, les juges d'instruction, les policiers, les procureurs ;

- un conclave budgétaire de mars 2013 (2,5 milliards de nouvelles « économies ») ;

- l'arrêt du recrutement dans la fonction publique fédérale ;

- un simulacre de blocage des prix de l'énergie ;

- un durcissement de la politique d'accueil des demandeurs d'asile et instauration d'une « carte bleue » pour les ressortissants de pays tiers hautement qualifiés ;

- la reconduction de la loi sur les sanctions administratives (SAC) ;

- la diminution des allocations de chômage des chefs de ménage, des isolés et des cohabitants à partir du 1er novembre 2012 ;

- le refus d'entériner 25 CCT sectorielles 2011-2012 qui dépassent la norme salariale de +0,3%;

- le durcissement des conditions de libération conditionnelle ;

- le non respect des règles de concertation sociale avec les syndicats de la Fonction publique fédérale ;

- une réforme du Code de la nationalité restreignant l'accès à la nationalité belge ;

- l'introduction de la TVA sur les honoraires d'avocat (que les particuliers ne peuvent pas déduire) ;

- l’introduction des produits blancs dans l'index des prix à la consommation ;

- le blocage des salaires par le biais de la norme salariale ;

- l'adaptation de la norme salariale de 1996 de manière à pouvoir bloquer les salaires pour une durée indéterminée ;

- la mise hors jeu des organisations syndicales pour les négociations interprofessionnelles, de secteur et d'entreprise ;

- 400 millions supplémentaires de réduction de cotisations patronales à la sécurité sociale ;

- l'introduction de mécanismes favorisant la flexibilité du temps de travail (horaires glissants, hausse du plafond des heures supplémentaires,...) ;

- la hausse de la taxation sur les assurances-vie ;

- la limitation à 30% (au lieu de maximum 40%) de la déduction fiscale de l'épargne-pension ;

- la baisse du plafond de déduction du remboursement hypothécaires pour un logement ;

- la limitation à 30% (au lieu de maximum 40%) de la déduction fiscale des frais de crèche ;

- la réduction fiscale pour garde d'enfants passe de 50% maximum à 45%;

- la réduction fiscale pour la sécurisation d'une habitation passe de 50% maximum à 30%;

- la réduction fiscale pour l’isolation du toit passe de 40% à 30%;

- les réductions d'impôts pour maisons à basse énergie sont supprimées ;

- la suppression de la réduction d'impôt pour l'entretien d'une chaudière ou le placement de double vitrage ;

- la fin du système des prêts verts ;

- une nouvelle hausse des accises sur le tabac et sur l'alcool ;

- une nouvelle amnistie fiscale pour les riches fraudeurs ;

- la baisse de 5% des allocations de chômage temporaire ;

- le soutien de l'aviation militaire belge à l'intervention impérialiste française au Mali ;

- le 1er novembre 2015, 40.000 personnes seront exclues du chômage ;

Et la liste continuera...


Le centre de gravité du gouvernement fédéral est de plus en plus à droite

Bien entendu toutes les péripéties du gouvernement Di Rupo ne sont toujours à mettre sur le compte de son premier Ministre. Ainsi, l'éviction de Steve Van Ackere, vice-Premier ministre en charge des Finances, est le résultat des tripatouillages de l'ACV avec les institutions financières. Mais Van Ackere, étiqueté ACV, a dû céder son poste de vice-Premier à Pieter De Crem, nettement plus à droite.

D'autre part, la politique de droite du gouvernement Di Rupo laisse les coudées franches à ses ministres de droite (De Croo, Laruelle, Reynders, Turtelboom, Chastel, De Block, Bogaert) qui se permettent de mettre de l'huile sur le feu de la politique néolibérale au moyen de déclarations provocatrices.

Toujours debout ce gouvernement ?

La raison fondamentale pour laquelle le gouvernement Di Rupo reste debout ne tient pas à sa force ni à sa cohésion politique, mais à la faiblesse de l'opposition politique des directions syndicales qui ont une peur bleue de le faire tomber et d'ouvrir ainsi la voie à des élections anticipées dont la NV-A tirerait profit. Mais à quoi bon tolérer ce gouvernement de coalition qui mène politique de droite sous prétexte qu'un gouvernement de droite homogène mènerait une politique encore plus à droite ? On votera de toute façon l'an prochain !

En pleine crise capitaliste, le choix n'est pas entre la peste et le choléra, entre une politique néolibérale et une politique super-libérale. Les travailleurs ont besoin d'un gouvernement qui mène une politique anticapitaliste qui leur rende ce qui leur a été volé au cours des vingt dernières années. Cette bataille n'est pas seulement sociale. Elle est aussi politique car elle implique l'émergence d'une nouvelle force politique de gauche capable d'être le haut-parleur de la résistance sociale à l'austérité. Et de ce point de vue, le premier anniversaire de l’Appel de la FGTB de Charleroi pour rassembler une force politique à gauche du PS et d’Ecolo tombe à pic.


Cet article a été publié dans La Gauche n° 62 du mai-juin 2013

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