Une Europe toujours plus sécuritaire.
Par Felipe de la Fuente le Vendredi, 27 Juin 2008

La directive de la honte, officiellement la « Directive du Parlement Européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier », a été adoptée le 18 juin par 367 voix pour, 206 contre et 109 abstentions. Cette directive vise à uniformiser la procédure de retour des personnes en situation irrégulière en Europe. Elle dessine clairement les intentions de la politique européenne sur l'immigration et elle envisage un durcissement de la répression des personnes sans-papiers.

 

Appuyant sa légitimité sur le prétexte que les lois nationales de pays membres ne contrôlent pas assez la qualité de « l'éloignement » des personnes sans-papiers, la directive exclut cependant de son champ d'application les personnes interceptées jusqu'à sept jours après leur entrée sur le territoire (article 2); ces personnes ne bénéficient en conséquence d'aucune garantie protectrice. La directive de la honte cache aussi derrière de faux arguments un texte qui ne respecte ni la déclaration de droits de l'Homme, ni la convention des Nations Unies relative aux réfugiés de 1951 et ni la Convention des droits de l'enfant de 1989.

Avec cette directive, la détention des illégaux, y compris de mineurs non accompagnés (article 15a), est quasi-automatique, donc potentiellement arbitraire. Justifiée par des raisons administratives, la détention peut s'étendre sur de 18 mois (Article 14). Ces règles sont contraires aux garanties apportées par le droit international sur la privation de liberté. De plus, la directive donne la possibilité aux Etats membres d'incarcérer une personne en situation irrégulière sans que celle-ci puisse contester son arrestation par les voies légales. Cela pose question par rapport à la conception du droit civil. Aucun dispositif n'est prévu afin d'empêcher les abus autoritaires de la part des gouvernements européens. L'isolement des personnes sans-papiers est une fois de plus la stratégie adoptée pour éviter toute contestation possible.

DOUBLE EXCLUSION

La directive de la honte diminue les possibilités de départ volontaire (article 6a), qui sont pourtant une alternative à l'expulsion forcée, mais elle permet une double exclusion, à savoir l'expulsion de ressortissants étrangers en situation irrégulière vers un pays autre que leur pays d'origine (Article 3c). Les mineurs non accompagnés peuvent aussi être expulsés de force vers un pays tiers où ils n'ont ni famille ni tuteur légal (articles 3c et 8a). Ces dispositions peuvent impliquer des risques sévères pour les personnes expulsées, car les pays de transit ne sont pas forcement en stabilité politique, ni spécialement accueillant pour certaines ethnies. A l'époque de la seconde guerre, le dictateur brésilien Jetulio Vargas (qui a dirigé le pays de 1930 jusqu'à 1945), avait ainsi déporté la femme de Luis Carlos Prestes (leader du PC brésilien), Olga Benario, d'origine juive, vers l'Allemagne où elle est morte en chambre à gaz…

Les personnes expulsées se voient interdire la réadmission sur le territoire européen pour une durée allant jusqu'à 5 ans. Les recours contre ce bannissement contre-productif susceptible de violer de nombreux droits (droit à la santé, droit au travail, ...) seraient impossibles en pratique (article 9).

Alors qu'aucune politique commune de séjour des ressortissants étrangers n'est envisagée, la directive de la honte n'est qu'une mesure de plus qui conforte l'Etat policier et la forteresse Europe, avec la création de plusieurs centres fermés à l'extérieur des frontières dans les pays de transit et le développement de la politique de « l'immigration choisie » qui sélectionne la main d'oeuvre utile, pas chère et flexible… Tandis que les multiples accords d'échange avec les pays du Sud favorisant un monopole du capital européen à l'étranger continuent à entraver l'autonomie politique, économique et sociale des habitants de ces pays.

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