Iran: Répression féroce contre les travailleurs
Par Guy Van Sinoy le Jeudi, 17 Septembre 2009

Selon le rapport 2009 de la Confédération syndicale (CIS), une répression impitoyable sévit contre les militants syndicaux en Iran. Les travailleurs qui tentent de s’organiser pour défendre leurs droits face aux privatisations, aux ajustements structurels, aux bas salaires et aux arriérés de salaires impayés subissent violences, arrestations, détentions et condamnations à des peines de prison parfois prolongées, généralement dans la tristement célèbre section 209 de la prison d’Evin, réservée aux prisonniers politiques. De nombreux rapports font état de mauvais traitements de syndicalistes.

Farzad Kamangar

Le 5 février 2008, Farzad Kamangar, enseignant et militant kurde, membre d’un syndicat, a été condamné à mort pour « atteinte à la sécurité nationale » à l’issue d’une audience secrète du tribunal révolutionnaire de Téhéran qui a duré tout au plus cinq minutes. Bien que la procédure des normes juridiques iraniennes n’ait pas été respectée, la Cour suprême a confirmé la condamnation à mort de Kamangar le 11 juillet 2008.

Aux quatre coins du monde, des syndicats et des organisations de défense des droits humains ont fait campagne pour exiger le réexamen du dossier, que la peine de mort soit commuée et que Kamangar bénéficie du droit de visite de sa famille et de son avocat. L’instituteur n’a finalement pas été exécuté et a pu rencontrer son avocat et des membres de sa famille en prison. Les rapports signalent, toutefois, qu’il est régulièrement torturé, qu’il souffre de douleurs aiguës et d’hypotension et qu’il est privé d’attention médicale.

Répression contre les enseignants

Les manifestations des enseignants en 2007 ont été suivies d’une vague de persécutions, de détentions et de peines de prison contre les militants. Plus de 700 enseignants fichés au cours des manifestations ont subi des baisses salariales et des dizaines d’entre eux ont été licenciés. Le ministère de l’Intérieur a adopté un décret suspendant les activités du syndicat des enseignants ITTA (Iranian Teachers’.Trade Association) qui avait fait sa demande affiliation auprès de l’Internationale de l’éducation (IE).

Le 2 janvier 2008, le tribunal révolutionnaire de Téhéran a condamné Mohammad Khaksari, du Conseil de l’ITTA, à un an de prison avec sursis. Parmi les chefs d’accusation portés à l’encontre de M. Khaksari figuraient, notamment, la « participation à des rassemblements illégaux » et la « communication d’informations aux ennemis de la nation ».

Mansour Osanloo

Depuis juillet 2007, Mansour Osanloo, président du Syndicat de la compagnie d’autobus métropolitaine de Téhéran (Syndicate Sherkat-e Vahed), est en prison, où il purge une peine de cinq ans pour «menace à la sécurité nationale» et «propagande contre l’État». Depuis sa création en 2005, ce syndicat affilié à la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) a été la cible de persécutions incessantes, y compris l’arrestation et le tabassage de ses membres. En dépit de la répression, le syndicat est parvenu à rallier le soutien de citoyens, d’ONG et même de plusieurs organisations des travailleurs. Mansour Osanloo a été reconnu comme prisonnier d’opinion par Amnesty International. En juin, une enquête du Comité de la liberté syndicale de l’OIT sur l’affaire Osanloo a confirmé qu’il a été condamné en représailles à ses activités syndicales. Au cours de l’année 2008, Osanloo a été constamment maltraité en prison, ce qui a provoqué de graves problèmes oculaires. Mansour Osanloo a subi trois interventions chirurgicales mais les recommandations de ses médecins concernant un permis de sortie pour pouvoir se soumettre à une visite de contrôle indispensable ont été ignorées. Le 21 janvier 2008, le juge a rejeté la requête des médecins pour un permis de sortie de 45 jours, sauf paiement d’une caution additionnelle d’un milliard de tomans (qui, à l’époque, équivalait à plus de 700.000 euros). Le 31 mai, quatre gardiens de prison ont escorté Osanloo, menottes aux poings, jusqu’à la salle d’opération. Le 2 novembre, Osanloo a dû se rendre à une visite médicale les fers aux pieds. Plus tard, il a été passé à tabac dans la prison et ses visites médicales ont été suspendues jusqu’à nouvel ordre.

Peines de prison pour des travailleurs de la compagnie de bus

Ebrahim Madadi, adjoint du secrétaire général Mansour Osanloo, a, été incarcéré en décembre 2007. Il s’est vu condamner à trois ans et demi avec sursis, mais la peine a été mise en exécution le lendemain du jugement sans tenir compte du sursis ! A cet jour, il demeure incarcéré à la prison d’Evin. Le 7 octobre 2008, quatre autres membres du Syndicate Sherkat-e Vahed ont été condamnés à des peines de 6 à 14 mois avec sursis. Les chefs d’«atteinte à la sécurité nationale» incluent la participation à une grève en 2005, la distribution de tracts pour inciter d’autres travailleurs à se mettre en grève, la participation à un rassemblement «illégal» et la connaissance des activités «illicites» de Mansour Osanloo.

Gholamreza Gholamhosseini a passé près de trois mois derrière les barreaux de la prison d’Evin suite à sa participation à un événement marquant la Journée de la femme en Iran (cofinancé par le Syndicate Sherkat-e Vahed). Il a été libéré le 16 septembre, contre paiement d’une caution de 100 millions de tomans. (70.000 euros).

Peines corporelles pour avoir participé aux activités du 1er Mai

Les autorités ont tenté d’empêcher les célébrations du 1er Mai. Des rassemblements indépendants ont, néanmoins, eu lieu. Il y a eu de nombreuses arrestations à Téhéran, à Asalouyeh et dans la province du Kurdistan iranien. A Asalouyeh, deux membres du Syndicat libre des travailleurs de l’Iran ont été maintenus en détention jusqu’au 18 juin.

Le 12 août, à Sanandaj, quatre militants des droits des travailleurs, dont deux femmes, ont été condamnés à des peines de flagellation. Sousan Razani et Shiva Keriabadi ont été condamnées à 70 et à 15 coups de fouet respectivement. Les deux militantes ont également écopé de peines de prison de neuf mois et de trois ans avec sursis respectivement. Abdulah Khani a été condamné à 40 coups de fouet et 91 jours d’emprisonnement. Seyed Qaled Hussein a été condamné à 50 coups de fouet et six mois de prison.

Les travailleurs du sucre s’organisent malgré la répression

En janvier 2008, les travailleurs de la seule raffinerie de sucre en Iran, appartenant à la plantation sucrière des industries Haft Tapeh, dans la province de Khuzestan, ont recueilli 1.900 signatures en vue de la révocation du conseil du travail islamique et l’établissement d’une organisation syndicale indépendante. Leur action a été suivie d’interventions de la police, des forces de sécurité et des gardiens de la révolution.

Le 5 mai, les travailleurs se sont mis en grève pour protester contre le non-paiement des salaires. Des arrestations massives ont eu lieu et cinq organisateurs ont été cités devant le tribunal. La grève et une manifestation de masse des travailleurs ont culminé, le 16 juin, avec un rassemblement de 2.000 travailleurs, où l’assemblée constitutive du Syndicat des travailleurs de l’entreprise Haft Tapeh a été établie. Le 22 octobre, plus de 1.000 travailleurs ont bravé les harcèlements et les menaces de la direction en participant à l’élection des neuf membres du conseil exécutif du syndicat. Le Syndicate Haft Tapeh Complex est désormais affilié à l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA). Le 20 novembre, cinq membres du conseil exécutif du Syndicate Haft Tapeh (Jalil Ahmadi, Feridoun Nikofard, Ali Nejati, Ghorban Alipour et Mohammed Heydari Mehr) ont été cités à comparaître au tribunal révolutionnaire et accusés de « propagande contre le gouvernement ».

Mahmoud Salehi : libéré, il s’expose à de nouvelles poursuites

Le 6 avril, Mahmoud Salehi, cofondateur du Syndicat des travailleurs des boulangeries à Saqez, a finalement été libéré de la prison de haute sécurité où il se trouvait incarcéré, à Sanandaj. La peine de prison à laquelle Salehi avait été condamné pour avoir organisé un rassemblement indépendant à l’occasion de la fête du Premier mai en 2004 aurait dû toucher à sa fin le 23 mars. Tout juste six jours avant cette date, Salehi a été conduit au département de la Justice où il a été accusé de diffuser des messages de solidarité durant son incarcération, une charge qui justifierait son maintien en détention. Il a cependant réussi à obtenir la libération sous caution (équivalente à 43.000 dollars) le 6 avril 2008, assortie d’une peine de prison de trois ans avec sursis.

Plusieurs membres du Comité pour la défense de Mahmoud Salehi ont été appréhendés avant et après la libération du syndicaliste. Parmi ceux-ci, Khaled Hosseini a été condamné à 30 coups de fouet et 91 jours de prison, au terme d’une audience qui s’est tenue le 12 août.

Violence policière dans l’usine de pneus Kian

Le 9 avril 2008, les travailleurs de l’usine de pneus Kian, près de Chahandargeh, se sont mis en grève pour réclamer le paiement d’arriérés salariaux échus de longue date. Le 12 avril, des unités de police ont fracassé les portes de l’usine et ont franchi les murs d’enceinte. Une centaine de travailleurs ont été brutalisés à l’aide de matraques électriques et conduits vers des centres de détention. Les familles des travailleurs sont restées sans nouvelles durant 36 heures. La plupart des travailleurs ont finalement été relâchés mais uniquement après avoir été soumis à des interrogatoires qui visaient à identifier les meneurs. Six pompiers qui avaient refusé d’utiliser leurs canons à eau contre les grévistes ont également été appréhendés.

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