Défense du climat et budget bruxellois: Ecolo fait le grand écart
Par Mauro Gasparini le Jeudi, 17 Décembre 2009

Comme lors de sa participation au gouvernement fédéral «Arc-en-ciel», Ecolo applique à nouveau aujourd'hui dans les exécutifs régionaux la politique du grand écart entre ses promesses électorales et ses déclarations médiatiques d'une part et sa pratique de co-gestion d'autre part. La participation de ce parti aux mobilisations de Copenhague est décidément incompatible avec la politique concrète qu'il mène dans ces exécutifs: on ne peut à la fois laisser le logement dans une situation désastreuse, mettre en danger la mobilité et la STIB à Bruxelles, et parader au même moment à Copenhague!

Alors que Sarah Turine, coprésidente d’Ecolo, partait pour la capitale danoise dans le «Train pour Copenhague », affrété à l'initiative de Climat et Justice sociale, le Parlement bruxellois adoptait le vendredi 11 décembre un projet de budget régional d'austérité qui ne répond en rien au défi climatique, et cela avec le soutien de tous les députés bruxellois Ecolo.

Le logement et la mobilité passent à la moulinette de l'austérité

Dans ce budget, les crédits alloués aux sociétés de logements sociaux pour les projets de rénovation et de construction diminueront de plus de la moitié en 2010, passant de 80 à 34 millions d’euros. Le Secrétaire d’Etat au Logement Christos Doulkeridis (Ecolo) ne prévoit que 1.4 million d’euros pour des projets écologiques (dont le « logement durable »), sur un budget régional avoisinant les 3 milliards d’euros... soit 0,05 % du total et 0,5% de la somme consacrée à la purge budgétaire. Les factures de chauffage des habitants ne diminueront pas, pas plus que les émissions de CO2 de la Région (dont 70% proviennent du logement).

L’Olivier ne prévoit rien de concret pour lutter contre la spéculation immobilière et les logements inoccupés. La SLRB est contrainte de rembourser 40 millions d’€ à la Région pour boucler son budget alors que 32.000 ménages sont sur une liste d’attente pour un logement social et que Bruxelles compte entre 15.000 et 30.000 logements vides, sans compter 1.500.000 m2 de bureaux inoccupés, potentiellement reconvertibles en logements.

Alors que la pression automobile devient sans cesse plus intolérable, tant du point de vue sanitaire qu'écologique, la STIB devra économiser la bagatelle de 46,2 millions d'euros: soit une réduction de 25,7 millions d'investissements, 11,5 millions en «rationalisation de l’offre» et 9 millions dans les «frais de fonctionnement»!

Les 612.000 euros nécessaires pour augmenter l’offre de transports publics pendant les jours de pic de pollution sont tout bonnement supprimés! Tant pis pour l’air pollué que respireront les bruxellois et les maladies qui s’ensuivront. Les dessertes en soirée et le dimanche vont encore diminuer. «L’aménagement» - voire la suppression - du réseau de nuit est d’ores et déjà à l’ordre du jour.

Dans la même foulée, les tarifs de la STIB vont en outre augmenter de 2,53% en moyenne à partir de février 2010 pour dégager quelques 4 millions d'euros. Les abonnements MTB, qui permettent de voyager sur tous les réseaux de transports en commun et sont utilisés par près de 180.000 personnes, verront leur prix de base passer de 495 à 590 euros annuels! Et ce alors que les salaires de milliers d’employés vont diminuer en janvier 2010 suite à l’index négatif.

Par contre, signe de choix politiques qui ne trompent pas, l'installation de portillons dans les stations pour le contrôle d'accès et les applications MoBiB sont confirmés pour 2010: l’argent est donc disponible quand il s’agit d’augmenter la surveillance généralisée des usagers et réprimer les pauvres et les précaires qui n'ont plus les moyens de se payer des titres de transports aux tarifs de produits de luxe.

Pour le reste, la STIB prévient déjà que l'effort demandé en «frais de fonctionnement» dans une entreprise où le personnel représente 80% des coûts «requerra le soutien de tous les acteurs de l'entreprise». Les travailleurs sont donc prévenus: leurs salaires et leurs conditions de travail sont dans le collimateur. On ne peut que frémir sur l'avenir quand, par ailleurs, Charles Picqué souligne que: «dans la configuration actuelle, c'est la dernière année où il est possible de faire l'exercice sans toucher aux ménages bruxellois ». Le Ministre-président, qui ne connaît certainement pas les fins de mois difficiles, n’est apparemment pas au courant des conséquences antisociales que ses coupes budgétaires auront sur les classes populaires.

La politique du compromis, ou la mollesse de la pensée

La coprésidente d’Ecolo Sarah Turine, lors d'un débat à la Radio-Oxfam du train pour Copenhague, exprimait la quintessence de la philosophie politique d'Ecolo en déclarant que: «Le changement doit être radical dans la pensée, mais la politique se fait dans le compromis.» « A Bruxelles on peut prendre nos responsabilités », disait dans La Libre Belgique Jean-Luc Vanraes, secrétaire au Budget OpenVLD de la région de Bruxelles-capitale, faisant ainsi écho à Sarah Turine. « Les résultats du sommet de Copenhague ne seront pas à la hauteur du défi », estimait-elle encore dans le train. Au vu du budget que son parti a approuvé à Bruxelles, on peut d'ores et déjà estimer que ceux d'Ecolo non plus.

Nous sommes en désaccord total avec cette pédagogie de la soumission pratiquée par les Verts: s’il n’y a pas de radicalité dans l’action politique en cohérence avec la pensée, il n’y aura pas de stabilisation du climat et on ne répondra jamais aux besoins sociaux. Cette manière de concevoir la politique comme étant « l'art du compromis » reflète surtout la mollesse d'une pensée qui refuse de comprendre le déterminant d'une société divisée en classes sociales antagonistes, de leurs luttes pour des intérêts et des besoins incompatibles. Tant que les conditions ne sont pas réunies pour porter et mener des changements radicaux au pouvoir, ils doivent être imposés par une opposition résolue à ce pouvoir, qui transforme le rapport de forces dans la rue et non par des compromis - qui ne sauraient êtres que médiocres - obtenus dans les salons feutrés des institutions. La nature, elle, ne fait pas de compromis, comme cela était très justement souligné sur les calicots des manifestants à Copenhague.

C'est cette logique du compromis dans des institutions soumises aux intérêts privés et égoïstes et l'absence de volonté de rompre avec un système capitaliste productiviste qui explique en dernière instance pourquoi le sommet officiel de Copenhague est un échec et que toutes les mesures prises ou évoquées par les gouvernements sont en dessous des efforts nécessaires pour réduire efficacement les émissions de gaz à effet de serre, efforts pourtant clairement chiffrés par les experts du GIEC.

Les milliers de milliards de dollars investis dans le sauvetage du système bancaire montrent pourtant que les moyens financiers existent, à condition que l'on prenne l'argent là où il est vraiment: dans les grandes fortunes capitalistes et les profits accumulés depuis des années sur le dos des travailleurs. Ces sommes doivent être utilisées, sous contrôle démocratique, afin de prendre les mesures radicales qui seules peuvent sauver le climat dans la justice sociale: en développant des transports publics gratuits et de qualité, en isolant et en rénovant tous les logements, en remplaçant les énergies fossiles et le nucléaire par les énergies renouvelables, par la suppression des productions nuisibles et inutiles et la reconversion des industries polluantes...

Ce n'est que par la résistance et la mobilisation que l'on pourra imposer une toute autre logique pour résoudre la crise sociale et écologique en faisant payer les vrais responsables capitalistes. Et pas les victimes, comme le fait un budget bruxellois d'austérité adopté avec la complicité active des ministres et des élus Ecolo.

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