L’orage approche
Par Céline Caudron le Mardi, 05 Juillet 2011

Depuis plusieurs mois, le soulèvement des peuples du Maghreb et du Moyen-Orient est un formidable bol d'air pour les exploité-e-s et opprimé-e-s du monde entier. Le "printemps arabe" rend l'espoir. Il démontre que "c'est possible". Possible de s'indigner, de s'organiser, de lutter... et, surtout de gagner. Désormais, cette prise de conscience se concrétise sur le continent européen, deux ans après le déclenchement de la plus grave crise du capitalisme et alors que les mesures d'austérité assurant le maintien du système touchent des couches de plus en plus larges de la population.

Depuis le milieu du mois de mai, un mouvement social massif s’est développé dans l'Etat espagnol. Des "Indigné-e-s" y dénoncent la servilité de la classe politique envers les marchés financiers au détriment des peuples, se mobilisent massivement, spontanément, s'auto-organisent, occupent les places principales, tiennent des assemblées populaires. Depuis, ils et elles construisent collectivement un nouveau rapport de forces et une "réelle démocratie, maintenant".

Deux semaines plus tard, en Grèce, le "mouvement des Indigné-e-s" se greffe sur les mobilisations et aux grèves qui secouent le pays depuis plusieurs mois contre les mesures d'austérité imposées par la "Troïka" au prétexte de renflouer la dette. La crise politique qui s'approfondit maintenant démontre à quel point les gouvernants sont éloignés des réalités quotidiennes et des intérêts de celles et ceux qu'ils prétendent représenter.

En Italie, les referendums de juin ont marqué une superbe victoire des mouvements de résistance de base qui, malgré les sabotages du pouvoir, sont parvenus à gagner sur leurs revendications radicales et à infliger une défaite éclatante à Berlusconi.

Tout cela peut sembler bien loin et bien exotique. La Belgique est enfoncée depuis plus d’un an dans une crise politique interminable qui semble plonger le pays dans une apathie cotonneuse. Faute de nouveau gouvernement, les mesures d’austérité restent encore dispersées et limitées. Et les faibles mobilisations en ordre dispersé sont incomparables avec celles de nos voisins méridionaux.

Mais, chez nous aussi, la pression monte. La Commission européenne pousse pour imposer à la Belgique un plan d’austérité incluant liquidation de l’index, limitation de la durée d’indemnisation du chômage, facilitation des licenciements, compression de l’emploi dans les services publics,… La N-VA et les libéraux du Nord et du Sud exultent et se portent volontaires pour appliquer ce programme. Chrétiens, socialistes et verts poussent des cris outragés, font des mines, mais s’apprêtent quand même à plier l’échine, comme ils le font depuis des années, au nom du « réalisme », de la « compétitivité » et de la « discipline européenne ».

Nous sommes en train de changer d’époque – en Belgique aussi. Face à nous : des attaques d'une ampleur jamais vue avec un objectif clair: en finir avec ce qui reste de l'Etat providence, balayer les droits conquis par des décennies de luttes sociales, faire peur pour mater les résistances et présenter l'austérité comme inéluctable. Tous les gouvernements européens sont au diapason sur les dogmes néolibéraux. Ils ne vont pas changer de route.

Le patronat est de moins en moins disposé au « compromis ». La « concertation sociale » est plus que jamais dépassée et contre-productive pour défendre nos intérêts de classe. Mais les directions syndicales poursuivent une orientation catastrophique, sans aucune volonté, sans stratégie et sans plan d'action pour imposer les revendications qu'elles clament.

Les peuples du monde arabe, de l'Etat espagnol, de Grèce ou d'Italie ont, à leur manière et à divers degrés, utilisé leur intelligence collective pour faire irruption en masse sur le terrain politique et contester les pouvoirs établis. Il nous appartient, ici en Belgique, d'apprendre et de nous inspirer de cette « audace méditerranéenne » pour construire notre propre mouvement de résistance.

Il nous appartient de travailler, dès aujourd'hui, à une prise de conscience massive des attaques qui se préparent en exigeant de nos syndicats qu’ils remplissent leur rôle et retrouvent leur place dans la rue, sans s’inquiéter de gêner leurs « amis » politiques, et qu’ils organisent en front commun une Opération Vérité sur ce qui a été volé aux travailleurs et ce qui le sera demain.

Il nous appartient de travailler à une convergence du mouvement ouvrier et de tou-te-s les Indigné-e-s de cette société, à l'élaboration collective et démocratique d'une stratégie de lutte, solidaire et internationaliste, pour défendre les mesures d'urgence sociale et écologique qui s'imposent.

La bataille sera dure. Préparons-nous, dès maintenant, à défendre nos droits sans concessions.

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