Occupy Wall Street and everywhere else... Reportage photo.
Par Erin Chun, Solidarity, ISO le Dimanche, 16 Octobre 2011

Quelques mois après la lutte au Wisconsin, qui a duré des semaines, les Etats-Unis sont de nouveau secoués par une vague de protestation sociale. L’occupation symbolique de Wall Street  par quelques centaines d’activistes a déclenché des actions similaires dans tout le pays. En même temps, le mouvement continue de s’élargir à New York, où il reçoit un soutien croissant de la part des syndicats, des associations de quartier, des organisations de pauvres, etc. Nous publions ici deux analyses quelque peu différentes du mouvement.

Politique et antipolitique

Le mouvement “Occupy Wall Street” a le potentiel de changer le paysage politique aux USA. La manifestation du 28 septembre avait d’emblée créé la possibilité d’une participation des organisations syndicales, des étudiants des grandes universités, ainsi que d’importantes associations de quartiers. Beaucoup de ces personnes ont une expérience d’organisation qu’elles apporteront au mouvement, en même temps que leurs idées politiques. L’occupation elle-même rassemble quelques centaines de personnes. A certains égards, la coordination roule comme sur des roulettes, mais d’autres aspects sont plus difficiles. Construire la solidarité sur les campus, dans les syndicats et dans les associations de quartier est le seul moyen d’approfondir et d’élargir la mobilisation.

Diverses expériences d’occupation des espaces publics ont montré les limites de cette forme d’action. Dans le meilleur des cas, la tactique reste un pari qui peut échouer, laissant peu de traces derrière lui. Les militants expérimentés doivent participer à l’occupation elle-même, ne fut-ce que pour pour être impliqués dans les importants développements politiques et organisationnels des participants très motivés, après la fin inévitable de l’action. Sans quoi, le risque existe que beaucoup de participants retomberont dans l’apathie politique ou que certains tourneront à droite si l’occupation est un échec.

Prise de conscience politique

L’occupation de Wall Street montre bien comment chemine le processus de la prise de conscience politique aux Etats Unis. Au-delà d’un sentiment généralisé d’être des victimes et de ne pas pouvoir joindre les deux bouts, on ne peut parler que d’une conscience très partielle, et le nationalisme US acritique est très perceptible (des jeunes chantent l’hymne national et l’idée que les manifestants représentent “les vrais patriotes US” est un thème récurrent). Mais l’affaire ne s’arrête pas là.

La colère contre la crise a rassemblé des personnes qui, au fil du temps, perdent toute considération pour les autorités. Vu que les banques sont la cible principale, le mouvement ne rassemble pas que des éléments de gauche. Des adversaires de droite de tout intervention de l’Etat dans l’économie sont clairement présents également. Et le sentiment antipolitique qui, de ce que j’ai compris, était fort présent parmi les jeunes lors des mobilisations récentes en Europe, est très fort de ce côté-ci de l’Atlantique aussi.

Cependant, le message principal des protestataires mérite clairement le soutien de la gauche: rétablissement de l’enseignement supérieur gratuit, des soins de santé accessibles, les droits syndicaux, l’arrêt des guerres et l’imposition des riches pour combler le déficit des recettes publiques, la dénonciation des banques d’investissement. En même temps, il y a des zones d’ombre: la défense des immigrés est absente, alors que ce thème a été à la base de fortes mobilisations ces dernières années.

De plus, il est frappant que cette mobilisation contre la misère n’exprime pas ou ne réfère pas explicitement au fait que les Noirs sont surreprésentés parmi la population pauvre. Tous ces sentiments restent cantonnés à des pancartes ou des speeches improvisés, sans être transformés en revendications. Ces gens oublient que la révolution en Egypte – invoquée ici comme une sorte d’image pieuse – a commencé avec une courte mais ambitieuse liste de revendications. Nombreux sont les participant(e)s qui disent que leur présence constitue en soi une prise de position. On voit la protestation comme un but en soi et non comme un moyen dans le cadre d’une stratégie à long terme.

Et la gauche?

La gauche newyorkaise a mobilisé afin de renforcer les protestations, contre la violente répression policière, et a participé à la manifestation du 1er octobre. Dans tous ces cas, elle a fourni une contribution appréciable. Mais la plupart des militant-e-s de la gauche radicale ont un emploi qui les mobilise 40h/semaine. Et nombreux sont ceux qui voient leur boulot comme une part de leur engagement politique - donner des formations, travailler pour le syndicat, ou les deux à la fois. Ils ne font pas partie de la catégorie des précaires à laquelle tant de jeunes appartiennent ici. Leur militantisme politique nécessite un long travail d’enracinement dans leur communauté. Ils organisent des walk out d’étudiants, ou mobilisent leurs collègues des syndicats pour participer aux actions de Occupy Wall Street. Certains d’entre eux sont en contact avec les groupes de travail sur le droit au travail, ou sur les étudiants, qui ont été formés dans le cadre du mouvement. D’autres collaborent aux publications des protestataires – heureusement, l’idée n’a pas cours ici que l’écrit est totalement dépassé.

Mais les discussions avec d’autres militants socialistes montrent bien que ce genre de protestation lance un grand défi à la gauche et à sa manière traditionnelle d’opérer. Que les gens l’admettent,ou pas, il peut même y avoir contradiction entre les deux. La protestation est diffuse, atomisante, les centres d’attention se déplacent sans cesse et il n’est pas possible de marquer un point en tant que groupe politique, sur quelque base que ce soit. Il n’est donc pas possible de porter des idées politiques d’une manière effective. A part les assemblées générales, il y a une série de mini-manifestations et de présentations, simultanées, où seule une petite minorité des participant-e-s peuvent s’exprimer. Les mégaphones sont tabous, remplacés par un système dans lequel une partie du public répète ce que l’orateur vient de dire. Il est frustrant de constater à quel point l’attention est focalisée sur les formes d’organisation et sur le court terme. Impossible de dire comment tout cela se transformerait si la protestation devenait réellement massive. Cette incertitude est à la fois stimulante et intimidante.

Erin Chun vit à New York et est membre de l’organisation socialiste Solidarity, organisation sympathisante de la IVe Internationale aux Etats-Unis. http://www.solidarity-us.org/

Traduction française pour le site www.lcr-lagauche.be


États-Unis : solidarité avec le mouvement « Occupy Wall Street »

Occupy Wall Street est probablement ce qui est arrivé de mieux aux États-Unis depuis le début de la crise économique. L'occupation s'étend. Nous nous levons et nous contre-attaquons. Et nous montrons qu'une autre manière de vivre ensemble est possible.

Nous sommes un mouvement de donnés perdant. Nous réunissons les sans-emploi, les sans-abris, les anciens contrevenants et les opprimés. Nous accueillons les discriminés, ceux qui sont exclus. C'est ça la démocratie. Et nous construisons un mouvement indépendant se battant pour la démocratie.

Nous n'avons pas commencé hier. Les manifestations précédentes des syndicats et des communautés comme à Bloombergville sont passées inaperçues. Maintenant, nous devenons de plus en plus fort, jour après jour. Le monde entier regarde et les syndicats et les organisations pour la justice sociale sont arrivées à New-York. Nous invitons tous les gens qui marchent aujourd'hui à occuper ou à revenir quand ils le peuvent.

Nous savons qu'aujourd'hui, les banques et les entreprises dominent les États-Unis. Nous savons que les dirigeants d'entreprise et les magnats de la finance sont en coalition avec les Républicains et les Démocrates pour définir l'agenda national. Ils font les lois ensemble — et ils font les profits. Nous en payons le prix. Il est temps d'y mettre fin.

Nous avons besoin d'une distribution des richesses dans ce pays. Nous avons besoin de donner du travail pour tout le monde à des salaires décents. Nous avons besoin d'enseignement et de soins de santé pour tout le monde. Et c'est possible aussi. Nous avons besoin de commencer par en finir avec les guerres en Irak et en Afghanistan, de ramener toutes les troupes au pays et de fermer les centaines de bases militaires états-uniennes à travers le monde. Plus important : nous devons changer de système.

La Déclaration de l'occupation de New-York adoptée le 30 septembre accuse les entreprises comme étant responsables du chômage, des pertes de logement, des destructions environnementales et de l'impérialisme. La Déclaration décrit les dommages causés par le système capitaliste aux États-Unis et dans le reste du monde.

Wall Street est le centre nerveux du capitalisme globalisé. Nous attaquons l'araignée dans l'oeil, mais nous savons que le problème n'est pas l'araignée — c'est la toile.

Actuellement, nous manifestons symboliquement dans le cœur du système, ici à Wall Street. Dans les jours à venir, nous devons continuer à construire un mouvement qui peut transformer ce système en un système basé sur une véritable égalité et une véritable démocratie. Chaque personne dans notre pays — et dans le monde — mérite une vie décente. Barrant la route à cette possibilité se trouvent les institutions financières concentrées ici, à Wall Street. Barrant la route se trouve la toile : le capitalisme.

Nous devons renforcer notre mouvement. La puissance de ce mouvement ne se trouve pas seulement chez les individus qui y participent mais aussi dans nos familles, nos amis, nos communautés, nos lieux de travail, nos syndicats, nos écoles, nos congrégations religieuses. Nous devons rassembler ces groupes comme une force sociale et un mouvement politique basés sur la solidarité entre la classe ouvrière et les oppressés. Pas leurs politiques. Pas leurs banquiers et patrons. Pas les Démocrates et les Républicains.

Notre politique est la politique des gens qui se rendent compte que quelque chose doit changer. Notre mouvement est constitué de jeunes sans emploi qui ne peuvent pas se payer l'école. Il doit être un mouvement de travailleurs qui ont perdu leur emploi, de familles qui ont perdu leur maison et des gens de couleur qui n'ont jamais eu les mêmes chances. Nous travaillons ensemble pour construire le pouvoir de créer un nouveau système démocratique et pour amener la justice dans notre société.

C'est fantastique et enthousiasmant que nous en soyons là. Nous devons apprendre des Égyptiens de la place Tahrir, des indigné-e-s des places espagnoles et des travailleurs du Wisconsin. Occupy Wall Street a entraîné des mouvements d'occupation à travers le pays. Nous faisons partie d'un mouvement international pour la démocratie et la justice sociale à travers le monde. Nous faisons partie d'un nouveau mouvement qui peut changer l'histoire et le cours de monde. Un mouvement qui peut sauver la planète et ses habitants en amenant un nouveau système.

Comité politique de Solidarity, 5 octobre 2011. Traduction française par Martin Laurent pour le site www.lcr-lagauche.be


Faire front commun contre Wall Street

Les mouvements syndicaux soutiennent les manifestations Occupy Wall Street et les entreprises prennent note de la formation d’une première grande alliance entre des syndicats et la gauche depuis les manifestations contre l’Organisation Mondicale du Commerce de 1999 à Seattle.

Les syndicats— " les agitateurs les plus expérimentés de la ville" comme les présente le Crain New York Business—prévoient un rassemblement le 5 octobre au Square Foley, près de l’Hôtel de ville a 04:30 pm et ensuite une marche vers Wall Street.

L’entrée des syndicats importants - du grand Syndicat International des Employés des Services affiliés à la ville de New York, de syndicats nationaux tels que l’Union des travailleurs de l’acier et l’Union Nationale des Infirmiers—démontrent le potentiel du mouvement Occupy Wall street à s’enraciner socialement. Les batailles actuelles sur nombre de fronts – de la lutte contre les évictions à l’exigence de création d’emplois — peuvent gagner une nouvelle force grâce à cette mobilisation.

Les représentants syndicaux qui ont fait le choix de soutenir les manifestations de Wall Street ne répondent pas seulement aux appels à la solidarité envers le mouvement Occupy, aussi important que cela puisse être. Ils reflètent également la colère des membres syndiqués qui font face aux licenciements, aux coupes salariales et à la réduction dans les dépenses sociales dans une économie délétère, tandis que les profits de la grande entreprise américaine atteignent des records et que les super-riches deviennent plus riches.

C’est cette colère qui motive l’occupation de Wall street, occupation qui a débuté il y a moins de trois semaines, lorsque des centaines ( pour la plupart de jeunes activistes) se sont rassemblés dans le district financier de Manhattan et ont installé un campement de 24h dans le Parc Zuccoti— renommé Place de la Liberté en honneur de la place Tahrir (libération) en Égypte— situé dans le district financier du Lower Manhattan.

Cette action a frappé l’imagination et la sympathie d’un grand nombre de personnes qui en ont assez d’un système économique dirigé par le 1% de super-riches, symbolisés par les banquiers et spéculateurs financiers de Wall Street. A New York, les mobilisations régulières et les discussions politiques ininterrompues qui se déroulent à la Place de Liberté, font de nouveaux adeptes auprès de militants d’autres villes qui se mobilisent pour organiser leurs propres actions Occupy.

Pour faire court, Occupy Wall Street est le point de mire de tous les mécontentements aux États-Unis.

L’esprit de combat que l’on retrouve dans le Lower Manhattan aujourd’hui ne vient pas de nul part. Il était aussi derrière le soulèvement au Wisconsin l’hiver dernier contre les mesures antisyndicales du gouverneur Républicain Scott Walter ; cette effervescence a pu transparaître dans plusieurs luttes depuis. De la grève chez Verizon en août avec ses piquetages mobiles en passant par les cargos briseurs de grève des travailleurs portuaires de la Côte Ouest ou encore la grève des professeurs au Tacoma (Washington) pour protester contre l’arrêt d’un juge, il y a un nouveau militantisme dans l’air, y compris chez les travailleurs syndiqués.

Cette atmosphère de rébellion, a sans aucun doute poussé le conseil administratif des travailleurs des transports local 100 de la ville de New York à apporter son soutien à Occupy Wall Street— c’était d’ailleurs le premier grand syndicat à le faire. Local 100, qui représente environ 30 000 chauffeurs de bus et de métro, a un passé de luttes et a enduré de sévère peines et amendes pour avoir déclaré une grève illégale de trois jours en décembre 2005.

Aujourd’hui, les leaders de Local 100 désignent Occupy Wall Street de lutte à soutenir, comme l’explique le président du syndicat John Samuelson dans une interview pour le journal télévisuel Countdown :

Je pense qu’en grande partie, les manifestants de Wall Street chantent la même chanson et mènent les mêmes batailles que celles menées par notre syndicat depuis ces 18 derniers mois...

Il y a un certain désespoir, je crois, parmi la classe ouvrière et les familles de travailleurs dans ce pays que les gens du gouvernement ne comprennent pas. Il y a beaucoup de millionnaires siègeant au Congrès qui n’ont pas idée de ce que c’est d’avoir à nourrir ses enfants, de payer leurs frais de scolarité ou encore de payer l’hypothèque de sa maison. Nombres de personnes au gouvernement sont complètement déconnectées.

Ces manifestations, entre autres choses, ont attiré l’attention sur les inégalités de richesses aux États-Unis, qui se sont aggravées ces 10 dernières années. Je pense que l’un des grands bénéfices des syndicats en joignant cette lutte sera leur capacité d’apporter un message articulé.... de la part des familles des travailleurs, qu’ils soient syndiqués ou non.

L’implication des syndicats dans le mouvement Occupy n’est pas confiné seulement à la ville de New York. Les membres du syndicat des professeurs de Los Angeles se sont joints à une organisation communautaire et au groupe Occupy Lost Angeles pour manifester contre une banque locale. Dans la Bay Area, les membres du SEIU Local 1021 ont rejoint le groupe Occupy San Fransisco au début de leurs efforts pour s’organiser. Dans le Midwest, les membres du leadership réformé de l’Union des professeurs de Chicago ont démontré leur soutien au Occupy Chicago et en retour, les militants du Occupy ont voté pour soutenir une manifestation initiée par les professeurs et le SEIU prévue pour le 10 octobre.

Toutes ces initiatives sont hautement significatives pour les syndicats américains, qui pendant 50 ans, à l’exception de certaines années, n’ont pas voulu s’associer à un militantisme de la gauche radicale. Depuis le début de la Guerre Froide vers la fin des années 1940 jusqu’à la chute de l’URSS dans les années 1990, l’anticommunisme à l’intérieur du pays tout comme à l’extérieur était central aux politiques des syndicats américains.

Cette tendance s’est estompée vers la fin des années 1990 et les puissantes unions ont tenté de chercher des alliés à gauche, parmi les militants écologistes, dans leurs luttes contre la mondialisation des entreprises. C’était cette alliance « Teamsters and Turtle » qui a émergé en 1999 lors des manifestations contre l’OMC à Seattle, qui a amené des dizaines de milliers de membres des syndicats à se joindre à une manifestation qui a fini en émeute.

Malheureusement, cette toute nouvelle coalition entre la gauche et les travailleurs s’est écroulé avec la monté des conservateurs faisant suite aux attaques du 11 septembre 2001. Presque tous les syndicats se sont alignés sur le discours pro-guerre contre l’Afghanistan, et certains responsables syndicaux ont même appelé à raviver le « partenariat » des rapports syndicaux de la Guerre froide afin d’aider cette prétendue « guerre au terrorisme. »

Or le soutien aux efforts de guerre a été désastreux pour les travailleurs. Les entreprises ont continué à s’attaquer aux syndicats en supprimant des emplois dans le secteur manufacturier et en poursuivant une politique de compression salariale, malgré la croissance économique des années 2000—ce qui a laissé la classe des travailleurs américains dans une situation encore plus vulnérable lorsque la récession qui a débuté en 2007.

La réponse du mouvement syndical actuellement est de soutenir financièrement et de mobiliser des ressources pour travailler à l’élection de Barack Obama en 2008 dans l’espoir qu’il se ferait le champion de lois pro-travailleurs et qu’il mènerait politique économique visant la création d’emplois. Mais Obama, bien entendu, a fait des banques sa priorité.

Il est certain que les chefs syndicaux vont de nouveau faire pression sur leurs membres pour qu’ils soutiennent la réélection d’Obama en 2012— bien que ce ne soit plus une question d’espoir mais de crainte par rapport à l’alternative républicaine.

Mais le soutien des travailleurs au mouvement Occupy ouvre la voie à une autre politique et à un autre militantisme— à l’intérieur du mouvement syndical. La déclaration du président du Syndicat des travailleurs de l’acier Leo Gerard peut être reprise par les syndicats partout ailleurs aux États-Unis comme une base pour une motion en soutien au mouvement Occupy :

Le syndicat des travailleurs de l’acier sont solidaires avec Occupy Wall Street et le soutient fermement. Des hommes et des femmes de bonne volonté, pour beaucoup des jeunes sans emplois, qui militent sans interruption depuis deux semaines à New York, expriment la réalité de nombre d’entre nous. Nous en avons assez de la cupidité des multinationales, de la corruption et de l’arrogance qui ont infligé trop de souffrances à trop de personnes.

Les syndicats peuvent aider le mouvement à tirer des gains concrets de leur action. Par exemple, les infirmiers (de l’Union syndicale des infirmiers) ont organisé une campagne « Main Stretch » appelant à une taxe sur les transactions financières— l’Union a donné les ressources de la marche des travailleurs du 5 octobre à Occupy Wall Street.

Le soutien au mouvement Occupy signifie bien plus que l’addition de ressources ou d’un grand nombre lors de marches ou de rassemblements d’ailleurs. L’implication des syndicats dans cette lutte créée le potentiel d’utiliser le pouvoir social des travailleurs dans les luttes pour gagner des batailles pressantes, aussi bien que des batailles à long-terme pour une société différente.

Regardez l’expérience acquise lors des manifestations au Capitol de Madison ( Wisconsin). C’était une masse de professeurs en congé maladie – et ensuite dans le reste de l’état— qui a transformé ce qui était auparavant un sit-in majoritairement étudiant, en une occupation du Capitol impliquant tant des travailleurs que des étudiants. Les responsables syndicaux ont finalement reculé devant l’idée d’utiliser les ressources économiques des travailleurs pour gagner cette bataille, préférant mettre tous leurs efforts pour évincer les députés républicains. Mais le potentiel pour élargir la lutte était présente à ce moment là—ainsi que des sujets de discussion sur des enjeux importants entre militants syndicaux lors de la grève générale.

Le mouvement Occupy fournit une opportunité similaire de raviver et de construire une alliance cruciale entre les travailleurs et la gauche— dans le but d’organiser des actions. Il y a un fort potentiel de mobilisation pour mener des luttes importantes, comme celle visant à sauver les emplois de 716 professeur-e-s suppléants dans les écoles dont beaucoup sont des Noirs ou des Latinos des quartiers défavorisés de New York. Le mouvement peut fournir un point d’ancrage pour ces militants syndicaux qui se retrouvent isolés au sein même de leur union syndicale et sur leur lieu de travail, cela peut aider à revitaliser les réseaux entre individus au sein d’un même syndicat..

Pour les 90% de travailleurs non-affiliés à des syndicats, le mouvement Occupy peut leur offrir l’élan nécessaire pour qu’ils puissent s’organiser sur leur propre lieu de travail. Et tous les militants de ce mouvement— qu’ils soient syndiqués ou non— peuvent jouer un rôle crucial dans la constitution d’un soutien aux travailleurs qui risquent de voir leur contrat se terminer, des professeurs de Chicago et de Los Angeles aux travailleurs des transports en commun de la ville de New York.

En ces temps de crise économique, qui une fois de plus voient les personnalités économiques et politiques sur le point de paniquer, il est important pour le mouvement de projeter sa propre vision d’une société basée sur la satisfaction des besoins humains plutôt que sur les profits. Les militants doivent discuter, débattre des priorités et des stratégies au niveau local.

Mais ils devraient prêter attention à la situation dans son ensemble— faire resurgir un mouvement des travailleurs et des travailleuses capable de défendre les intérêts de tous ceux et celles « qui n’ont rien » dans cette lutte contre les 1%.

Socialist Worker, éditorial, Chicago, 7/10/2011. http://socialistworker.org

Traduction : Shelly D’Cruz. http://www.pressegauche.org/spip.php?article8363


Reportage photo de Mauro Gasparini à New-York le 15 octobre




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