Manif en Russie ce 4 février : Les opposants russes sont divisés
Par Jean-Marie Chauvier le Samedi, 04 Février 2012

Une grande manifestation est censée, ce samedi 4 février à Moscou, prendre le relais des rassemblements du 10 (40 000) et du 24 décembre 2011 (80 000). Pour «une Russie sans Poutine» et des «élections honnêtes». Mais les contestataires, qui dénoncent les fraudes aux élections législatives de décembre et celles qu'ils prédisent aux présidentielles du 4 mars, sont divisés depuis l'annonce de la participation de mouvements nationalistes. Une partie de ces mouvements vont manifester CONTRE la contestation «orange» («pro-américaine») mais une autre s'y joindra. D'autre part, le grand froid (moins 18°, pas tellement exceptionnel en Russie !) incite les autorités sanitaires…et l'Eglise orthodoxe à inviter les manifestants à rester chez eux. (et «à prier» précise l'Eglise).

Le leader libéral de la contestation, Boris Nemtsov, a pris position en faveur d'une participation des nationalistes à la manifestation anti-Poutine du 4 février à Moscou, estimant qu'il fallait éviter la division et que les nationalistes ne seraient pas trop nombreux. Il est en effet assuré de la dominance libérale et démocratique de cette contestation essentiellement composée de « classes moyennes » de Moscou.

Par « nationalistes », il faut entendre divers groupes de droite et d'extrême-droite xénophobes et néonazis, dont Alexandre Belov, représentant du mouvement « Russes », lui-même étant un leader néonazi du « Mouvement contre l'immigration illégale ». Leur fameuse Marche Russe du 4 novembre arborait en 2005 des drapeaux à croix gammée. Il est vrai que depuis lors ces drapeaux, le salut hitlérien et les groupes les plus extrémistes ont été interdits.

Ancien dirigeant des années Eltsine et militant ultralibéral, Boris Nemtsov pose en « rassembleur » des trois composantes politiques de la contestation : droite libérale, gauches, nationalistes. Son mouvement « Solidarnost » (libéral, humaniste, pluraliste) et son parti « Parnas » (droite libérale) co-dirigé avec Nikolaï Ryzhkov sont partisans d'une relance des réformes libérales et d'une réorientation pro-occidentale en Russie, tout en étant d'avis que la priorité est de se débarrasser de Poutine. Ils avaient reçu l'appui, le 24 décembre, de l'ex-ministre des finances du gouvernement Poutine, Alexei Koudrine et de l'oligarque multimilliardaire et candidat aux présidentielles Mikhaïl Prokhorov. Un autre contestataire libéral, Grigori Iavlinski, dirigeant du parti social-libéral IABLOKO, s'oppose à toute alliance avec les nationalistes.

Le leader « informel » des réseaux sociaux et apparemment le plus populaire de la contestation, le blogger Alexei Navalnyi, lié aux fondations américaines qui soutiennent le mouvement, se prononce lui aussi pour l'unité entre libéraux et nationalistes. Lui-même participe aux « marches russes » traditionnelles du 4 novembre auxquelles affluent les néonazis.

Le Parti communiste de la Fédération de Russie de Guennadi Ziouganov (de fait : national-communiste) a pris ses distances envers cette contestation qu'il soutient dans ses objectifs anti-Poutine mais qu'il suspecte de tourner à la « révolution orange » téléguidée par Washington. On se souvient que fin 2004, les « orangistes » ukrainiens menés par Viktor Iouchtchenko et Ioulia Timochenko avaient également réalisé la fusion entre démocrates pro-occidentaux et néofascistes d'Oleg Tiahnibok. Le rapport de forces n'était évidemment pas le même : l'Ukraine était partagée en deux, alors qu'en Russie actuellement, la position de Poutine reste forte, les contestations n'ayant massivement touché que Moscou. Il faudrait un « raz de marée » ce 4 février, y compris dans les provinces, pour que la position du Kremlin soit réellement ébranlée. Et qu'elle bénéficie, dès lors, d'un soutien actif à Washington. Cependant, divers courants nationalistes et communistes (distincts du PC et du Front Gauche) s'apprêtent à manifester contre une contestation qu'ils estiment manipulée par les Etats-Unis dans le but de « désagréger la Fédération de Russie ». Pour ces forces radicalement anti-atlantistes, le PC et surtout les « gauchistes » font le jeu de « l'impérialisme américain ».

La « nouvelle gauche » non communiste, composée du « Front Gauche » de Serguei Oudaltsov, de divers groupes de communistes de gauche, de trotskistes, de gauchistes et d'anarchistes participe à la manifestation du 4 février, sur un programme très différent des libéraux. Ils réclament en effet plus de démocratie à tous les niveaux, et pas seulement aux élections, ainsi qu'une politique sociale « progressiste ». A la différence du PC, qui entre en force eu parlement (Douma), ces forces extra-parlementaires contestent la validité de cette Douma. Mais il semble qu'une réaction « antifasciste » se prépare dans ces milieux, ce qui pourrait entraîner non seulement « la division » des contestataires, mais des affrontements entre extrême-droite et extrême-gauche, entre fascistes et anarchistes qui, déjà le 24 décembre, s'étaient dangereusement « approchés »…

Il semblerait, aux dernières nouvelles, que les diverses composantes de la protestation marcheront en colonnes séparées et, pour certains, en des lieux différents.

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