Grèce : l'explosion sociale
Par Andreas Sartzekis le Samedi, 18 Février 2012

Dimanche 12 février, plus de 80 000 personnes se sont rassemblées à Athènes pour refuser le nouveau train de mesures de misère que le gouvernement dit d’union nationale a fait semblant de marchander avec la troïka (FMI, Union européenne, Banque européenne). 

Ce dimanche soir, les interventions des députés au Parlement ont quelque chose d’irréel : toute la semaine, des dizaines de milliers de travailleurEs se sont mobiliséEs partout dans le pays, sous diverses formes. Et comme si de rien n’était, 199 députés viennent de voter le plan, avec sa mesure symbolique : baisse de 22 % du Smic, se traduisant pour les jeunes travailleurEs par une baisse encore plus forte qui les doterait d’un salaire d’environ 500 euros.

En même temps que l’enfoncement du pays dans la misère – on ne compte plus les initiatives de solidarité avec les sans-logis, les pauvres de toute provenance –, il faut prendre en compte la crise politique qui s’accélère, avec pourtant un vide à gauche qui pourrait ouvrir la voie à des perspectives bien peu démocratiques.

Un sondage paru ce jour dans Paron tis Kyriakis donne plusieurs éléments : d’abord, 48 % des sondés préfèrent la faillite du pays et 38 % la refusent. Ce chiffre renforce à sa manière ce que la gauche radicale et anticapitaliste dit depuis des mois : les mémorandums et autres mesures non seulement appauvrissent la population, mais elles n’ouvrent aucune perspective de relance, contrairement à ce que claironnent les héraults libéraux ! Ce constat est aujourd’hui largement partagé, y compris par des « compagnons de route » de la social-démocratie traditionnelle.

Mais les pourcentages de vote pour les partis sont aussi impressionnants : le Pasok, largement élu en 2009, passe au quatrième rang avec 8, 7 %, la droite arrivant en tête avec 21, 4 %. En second une scission droitière et inexistante du Synaspismos emporterait 13, 7 %, et en troisième Syriza avec 8, 8 %. Le KKE (PC grec) arrive à 7, 1 %, l’extrême droite Laos tombe à 3, 9 %. Ces chiffres rendent compte non d’un vote demain, mais surtout de l’affolement des boussoles politiques en une très courte période : les pertes des trois partis au gouvernement sont impressionnantes, et on comprend que chacun veuille faire de la surenchère dans le faible espace que leur laisse leur servilité aux règles du capitalisme ! D’où la sortie théâtrale du Laos du gouvernement, avec appel à l’aide de Dieu : opération pour l’instant ratée pour les copains grecs des Le Pen, mais qui ne réjouit pas puisque les fascistes ayant été adoubés par leur entrée au gouvernement, 2, 8 % de la population voteraient désormais pour le groupuscule néo-nazi de Chryssi Avgi...

Face à cela, pour offrir des perspectives à gauche, il est vital de se démarquer des réactionnaires sur un terrain vaseux, celui du nationalisme, or, les références au patriotisme (un nouveau front anti-mémorandum vient de se créer, associant Theodorakis, le résistant Glezos, le nationaliste fondamentaliste Papathemelis, le groupe KOE de Syriza...) sont disputées par le Premier ministre Papademos effrayant les téléspectateurs sur le risque de dissolution de la patrie si les plans ne sont pas approuvés, et Tsipras, dirigeant de Syriza, parlant de la nécessaire union sociale et patriotique. C’est évident : dans ce qui reste un jeu politicien, les travailleurEs n’ont rien à gagner.

Mais pour l’emporter, il faut des mobilisations pertinentes. La semaine écoulée a été un exemple parfait des entraves à l’action que constituent les directions syndicales (GSEE, Adedy) liées au Pasok. En effet, il était difficile de ne rien faire face à la catastrophe sociale du projet de mémorandum n° 2. Pourtant, il a fallu attendre lundi 6 février pour que la confédération donne une consigne de grève générale pour… le lendemain ! Malgré tout, plus de 20 000 personnes manifestaient à Athènes le 7 ! Et rebelote le 9, avec un mot d’ordre de grève les jours suivants. Il va de soi que dans le contexte de chantage des instances que sont le FMI ou l’UE, il fallait depuis au moins deux semaines appeler à une grève générale reconductible !

Et pourtant, les initiatives locales n’ont pas manqué cette semaine, comme le note le journal Epochi : occupations de ministères (Travail, Économie, Santé …), de conseils régionaux (îles ioniennes, Thessalie...), du centre électrique de Megalopolis, de la mairie de Holargos, distribution de lait par les producteurs à Preveza, manif de 25 000 personnes à Iraklio… Sans oublier les syndicalistes de la droite, qui ont manifesté devant le siège de leur parti pour protester contre l’accord de leur chef Samaras au mémorandum.

Face à cette mobilisation sociale prolongée, et en dépit des difficultés (malgré leurs déclarations « sociales », les patrons grecs sont ravis de pouvoir baisser les salaires, et ils le font !), ce gouvernement repose en dernier lieu sur l’appareil répressif, et il ne s’en prive pas : lundi encore les violences policières ont été fortes, réussissant à envoyer à l’hôpital deux légendes vivantes, le grand compositeur Theodorakis, et le résistant antinazi Glezos… Exiger la dissolution des CRS grecs, les MAT, et des corps parallèles infiltrant les fameux « encagoulés » fait partie des nombreuses tâches urgentes.

Andreas Sartzekis, Athènes 12 février 2012

 

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