Les « Belges » entre guillemets et… entre parenthèses !
Par Le Collectif « Toutes Egales au Travail et à l’école » le Jeudi, 24 Mai 2012

"La plupart du temps invisibilisées dans des débats qui les concernent pourtant en premier lieu, des femmes musulmanes rassemblées au sein du Collectif TETE s'expriment à propos du dernier rapport d'Amnesty International sur les discrimination envers les musulman-ne-s. Nous publions ci-dessous leur carte blanche qui a été refusée par tous les quotidiens sollicités et vous invitons à la diffuser largement." LCR-Web


Amnesty International, organisation non gouvernementale, vient de publier un rapport dénonçant les discriminations subies par les musulmans dans cinq pays européens dont la Belgique. Marco Perolini, expert anti-discriminations de l’ONG constate que : « Les femmes musulmanes se voient refuser des emplois et leurs filles sont empêchées de suivre les cours dans des établissements d’enseignement, pour la seule raison qu’elles portent des vêtements traditionnels, comme le foulard ».

Les résultats de ce rapport ont provoqué un tsunami de réactions hostiles.  En effet, on considère que refuser l’accès à l’école ou au travail à certaines citoyennes européennes ne peut être une discrimination puisqu’elles portent le foulard. On considère que le port du foulard est contraire aux valeurs démocratiques. On considère qu’il faut imposer aux femmes une tenue jugée « laïque ». Bref, par précaution, on impose aux femmes le code vestimentaire dominant, au nom de la laïcité et du vivre ensemble.

Aussi, merci à Madame Geerts qui, sur son blog, estime que le rapport d’Amnesty International « accuse le pompier d’avoir repéré le feu et d’essayer de l’éteindre… » Est-ce que cette philosophe éclairée croit vraiment qu’il suffit d’imposer aux femmes de se dévoiler pour éteindre « Le feu de l’intégrisme religieux,  ... Le feu du machisme, du sexisme,… Le feu de l’islam politique…Le feu de l’antisémitisme, de l’homophobie, du communautarisme, du fascisme religieux…» ? Madame, votre discours a la même teneur mesquine, inquisitrice et tyrannique que celui que vous dénoncez. Les femmes ont-elles le droit de choisir librement leur tenue vestimentaire sans être systématiquement diabolisée ? Nous refusons les discours misogynes qu’ils soient proférés par des "religieux" ou des "laïcs ".

Merci également à Monsieur Delruelle, Directeur du Centre pour l’égalité des chances qui, dans une interview accordée au Journal Le Soir du 26 avril 2012, reconnaît que les musulmans sont discriminés « d’une façon massive » mais qui néanmoins relativise quand il est question du foulard dont il : « considère que l’interdiction est légitime et proportionnée à l’école, dans les services publics ou dans certains secteurs de l’emploi – comme l’information, la santé ou la culture. Qu’il ne s’agit donc pas de discrimination. » Monsieur, tant d’abnégation dans le cadre de votre fonction et autant de mépris pour le principe de neutralité nous laisse quelque peu expectatives. Fait-il partie de vos attributions d’exposer vos convictions personnelles en supplantant ce que les textes juridiques nationaux et européens disent à ce sujet ?   D’ailleurs, en 2001, Madame De Proost, Directrice adjointe du Centre pour l'égalité des chances, rappelait dans un entretien accordé au journal le Soir : « Juridiquement, la question est tranchée : la Convention Européenne des Droits de l'Homme qui garantit la liberté religieuse entraîne l'impossibilité de toute interdiction de principe du port du voile. .» M. Delruelle siègerait-il à la Cour européenne des Droits de l’Homme pour affirmer le contraire ?

Le Collectif Toutes Egales au Travail et à l’Ecole[1] milite pour les droits de toutes  les femmes, même de celles qui sont encerclées de guillemets ou mises entre parenthèses. Nous militons pour que les citoyennes « visiblement » musulmanes aient accès à l’enseignement et au travail tout comme autrefois, des femmes militaient pour obtenir le droit de vote qu’on leur refusait sous prétexte qu’elles étaient sous influence cléricale.

Dans nos engagements sociaux et professionnels, nous vivons les différences comme des occasions d’en apprendre davantage sur nous-mêmes et sur les autres. Nous sommes ouvertes au dialogue avec les hommes et les femmes de toute conviction.  Le vivre ensemble basé sur la reconnaissance de l’Autre et le respect mutuel n’est pas une utopie mais un projet ambitieux et difficile parce qu’il nécessite dialogue et négociation.

Attachées à la neutralité inclusive, à l’égalité homme-femme, aux luttes contre le machisme, le sexisme, et l’intégrisme, nous refusons que ces principes soient sans cesse invoqués pour justifier les discriminations des citoyennes " visiblement" musulmanes.

Nos destins de femmes nous appartiennent et c’est avec nos mots et nos choix que nous les écrivons. Accusées d’être culturellement moulées, on veut nous imposer un autre moule. Quel devoir de loyauté, quel serment de fidélité exige-t-on pour effacer nos guillemets et nos parenthèses?

Les mots liberté, égalité, solidarité, citoyenneté, diversité, responsabilité et pluralité ne doivent pas appartenir à une couleur de pensée mais à tous les citoyens arc-en-ciel de notre pays. Les citoyens et citoyennes de confession musulmane appartiennent également à cette écharpe de vénus et c’est avec la diversité des citoyens qu’il faudra dessiner notre azur.

Notre Collectif soutient qu’Amnesty International a mis le doigt sur le réel danger qui menace nos sociétés démocratiques : la restriction des libertés fondamentales ne peut être une réponse acceptable  à la crise économique et identitaire que traverse l’Europe.  Pour surmonter cette crise, l’Europe doit réaffirmer ses valeurs démocratiques et ne pas succomber aux dérives des extrêmes droites européennes en discriminant et en votant des lois liberticides.

Comme les constats d’Amnesty International sont particulièrement alarmants pour la Belgique, nous demandons à nos élus politiques d’accorder à ce rapport l’attention qu’il mérite.  Ils doivent prendre les mesures effectives pour que l’Egalité se vive au quotidien et ne se réduise plus à un vœu pieux.

Le Collectif Toutes Egales au Travail et à l’Ecole ainsi que d’autres associations sont prêtes à apporter leur pierre à l’édifice d’une société plurielle où diversité rimera avec égalité. Nous les invitons à  réfléchir ensemble pour construire des ponts entre les citoyens de toutes convictions.  Un modèle de vie imposé ne peut qu’exploser…

La Belgique, pays connu pour ses compromis, rencontre aujourd’hui le défi d’innover, d’inventer sur le terrain, une vision nouvelle qui puisse donner la place et l’espace à la mosaïque de ses citoyens, conformément à l’esprit de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Notre pays doit lutter efficacement contre les discriminations en donnant l’exemple. Dans notre royaume, certains employeurs et certains chefs d’établissements scolaires, fidèles aux valeurs démocratiques, tournent le dos au conformisme aveugle, acceptent les citoyennes portant le foulard et militent ainsi pour plus de diversité. Comme disait Rollo May : "Le signe du courage, en cette époque de conformisme, est la capacité de rester fidèle à ses convictions -non pas par entêtement ou par défi (ce qui est un réflexe de défense, et non une preuve de courage), ni pour avoir raison envers et contre tout- mais simplement parce quelles représentent les VALEURS auxquelles on croit".


Le Collectif « Toutes Egales au Travail et à l’école » ASBL

Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

Saïda El KHONSI, Chargée de communication – 0484/768592

Farida TAHAR, Présidente – 0483/087828



[1] Collectif T.E.T.E "Toutes Egales au Travail et à l'Ecole" : Une Dynamique de citoyennes d'horizons pluriels engagées dans la promotion de l'enseignement et du travail, de l’égalité des chances et  de la lutte contre les discriminations pour TOUTES les femmes.

Voir ci-dessus