Belgique, le sauvetage des banques: « 9 milliards de recettes pour 35 de dépenses »
Par Eric Toussaint* le Vendredi, 26 Avril 2013

Un solde négatif de 2,1 milliards d’euros pour l’exercice budgétaire 2012... Cela signifie-t-il que l’aide aux banques est un gouffre financier à proscrire à l’avenir ?

Ce que le gouvernement a fait depuis 2008 est pour moi complètement à rejeter ! Le coût total de l’aide qu’il a accordée à Dexia, Fortis, Ethias et KBC s’élève à 35,4 milliards d’euros, ce qui équivaut à 10 % du produit intérieur brut de notre pays.

Or, pour ces 35 milliards de dépenses, les recettes ne s’élèvent qu’à 9 milliards ! En plus, ces sommes, il a fallu les financer par des emprunts, pour lesquels on paye des intérêts. Il suffit de voir l’évolution de la dette qui est passée de 84 % du PIB de la Belgique avant le début des sauvetages bancaires à 99,6%!

Mais l’État avait-il le choix ?

Il fallait répondre à la débâcle des banques en garantissant les dépôts bien sûr, en garantissant les emplois dans les agences également, mais en transférant ces banques dans le secteur public. A mes yeux, la dette que nous connaissons aujourd’hui est frappée d’illégitimité car elle n’a pas respecté l’intérêt général. On dit souvent que Belfius est à 100 % aux mains de l’État. Faux ! C’est une entreprise privée dont 100 % des actions appartiennent à l’État, mais ce n’est absolument pas une entreprise publique, car l’État ne lui a pas assigné une mission de service public, ni les règles qu’on impose à une telle entreprise. Et Belfius a la volonté affichée de retourner dans le secteur privé dès que possible. Les autorités de pays comme la Belgique renoncent trop souvent à exercer des éléments clés de souveraineté. Bien sûr, il existe des traités européens contraignants, mais il y a aussi une marge de manœuvre qui n’est pas utilisée ! En outre, c’était aussi à la justice de prendre des mesures pour établir les responsabilités de cette débâcle, pointer les torts causés par les gestionnaires, les grands actionnaires, mais aussi les autorités de contrôle, qui ont laissé faire. Une très grande partie des citoyens n’accepte pas qu’on laisse ces personnes dans l’impunité totale.

Sauver les banques, c’est les encourager à poursuivre leur activité sans changer leur fonctionnement ?

C’est ce qu’on appelle créer un aléa moral : si une personne ou une institution sait qu’à tous les coups, quelles que soient les erreurs qu’elle commet, elle sera couverte par son assurance, cette personne sera tentée de prendre de plus en plus de risques. L’État, par son attitude, entretient un aléa moral et les banques, notamment Dexia, n’ont pas du tout modifié leur comportement. Elles continuent à prendre des risques élevés, ce qui va entraîner de nouveaux coûts pour les pouvoirs publics dans les années qui viennent.

Pourtant des traités européens sont étudiés actuellement...

Les réglementations dont on parle sont tout à fait insuffisantes. Les autorités veulent donner l’impression à l’opinion publique, qui veut que des mesures soient prises, qu’on est en train de faire le nécessaire. La réglementation prévue permet un effet de levier de 33 : Si une banque a un million en fonds propres, elle peut prêter pour 33 millions à différents types de clients pour différents produits, parfois dangereux. C’est un danger beaucoup trop élevé ! Le ratio devrait être de 1 à 5 maximum.

* Eric Toussaint est le président du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde de Belgique et est maître de conférence à l’ULg

Propos recueillis par Elodie Blogie, Le Soir, 24 avril 2013 , p. 13

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