C'est l'histoire d'une société qui tombe...
Par Sébastien Brulez le Lundi, 12 Août 2013

En juillet-août, la revue La Gauche publie un numéro spécial écosocialisme. La contribution de Daniel Tanuro « Droit dans le mur! Les phases de développement de la crise écologique capitaliste » y est accompagnée d'une préface de Michael Löwy.  Nous reproduisons ci-dessous l'édito de ce numéro d'été (LCR-Web).


En 1995 le film de Mathieu Kassovitz, « La Haine », dépeignait le malaise profond qui habitait la jeunesse des banlieues françaises. Sa phrase célèbre « C'est l'histoire d'une société qui tombe et qui, au fur et à mesure de sa chute, se répète sans cesse pour se rassurer : 'Jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici tout va bien... Jusqu'ici tout va bien' » résonne désormais comme un cri de détresse auquel personne ne prêta attention... jusqu'à ce que les jeunes de ces mêmes banlieues se révoltent à l'automne 2005.

Aujourd'hui tout en illustrant plus que jamais la réalité sociale, cette réplique s'applique également à la situation climatique et environnementale et, avec elle, à toute l’humanité. Loin d'être une fatalité ou une simple question de quantité de population, la question écologique met le système capitaliste face aux limites physiques de la planète. Mais il serait illusoire de penser que ceux qui tirent profit de ce système s'arrêteront juste au bord du gouffre, que par une « prise de conscience » ils puissent se raviser.

Bien au contraire. On peut déjà entrevoir que l'imposture de « l'économie verte », prônée aujourd'hui par les instances internationales, ne fera qu'aggraver les crises sociales et environnementales en privatisant les « services de la nature ». Comme l'avait déjà relevé Marx à son époque: « Le capital épuise les deux seules sources de toute richesse: la Terre et le travailleur. »

Avec ce numéro spécial, La Gauche a voulu creuser le sujet, retracer le chemin de la destruction environnementale en parallèle avec le développement du capitalisme, autrement dit avec le développement des modes de production et l'évolution des rapports sociaux. Depuis les « enclosures » dans l'Angleterre du Moyen-Age jusqu'à « l'économie verte », en passant par la révolution industrielle, une constante se dessine : c’est l’appropriation des ressources naturelles et de la force de travail par une minorité pour son propre enrichissement.

C’est cette même logique qu’on retrouve aujourd’hui derrière la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsqu’elle confirme l’interdiction de commercialiser les semences paysannes qui ne sont pas inscrites au catalogue façonné par les lobbies de l’agrobusiness. Tout ce qui ne rentre pas dans le moule et n’apporte pas de plus-value au capital investi est voué à être illégalisé.

Face à cela, la réponse ne peut se contenter de demi-teintes. La défense du patrimoine de l’Humanité qu’est l’environnement doit aller de pair avec la défense des droits sociaux. Et plus que de revendications défensives, c’est sur l’offensive que doit miser le mouvement social pour opposer un autre modèle de société au capitalisme mortifère. Cet autre modèle ne peut être qu’écosocialiste et profondément démocratique.

Faute d’alternative concrète, Mathieu Kassovitz nous en avertissait déjà en 1995 dans son film : « L'important c'est pas la chute, c'est l'atterrissage ».

http://issuu.com/lagauche/docs/lg63-issuu

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