GAUCHE ANTICAPITALISTE EUROPÉENNE: Autre Europe, autre gauche
Par François Duval le Mercredi, 31 Mai 2006

Un an après le rejet de la Constitution européenne, où en sont les alternatives à la construction de l’Europe libérale ? Quelles sont les perspectives de la gauche radicale, dans chaque pays européen comme au niveau continental ?

Réunie les 20 et 21 mai à la bourse du travail de Saint-Denis, la 7e conférence de la Gauche anticapitaliste européenne a, constitué une nouvelle étape d’un débat qui se déroule depuis maintenant une demi-douzaine d’années, au sein d’un réseau militant regroupant les principales organisations de la gauche radicale en Europe : la LCR, l’Alliance rouge et verte (Danemark), le Parti socialiste (SSP, Écosse), le Bloc de gauche (Portugal), le SWP et Respect (Grande-Bretagne), Espacio alternativo (État espagnol), SolidaritéS (Suisse), Synapismos (Grèce), le Parti de la liberté et de la solidarité (öDP, Turquie). Le Parti de la refondation communiste (PRC, Italie) était représenté par une animatrice de la tendance minoritaire Gauche critique. Avaient également été invités le Parti de la gauche européenne, ainsi que l’ensemble des mouvements et partis politiques français ayant été partie prenante de la campagne du « non » antilibéral de 2005 : c’est ainsi que des représentants du Collectif national du 29 Mai, des Alternatifs et de PRS sont intervenus dans les débats.

Une des interrogations portait sur la situation contrastée née des victoires du « non » en France et aux Pays-Bas. Ces tremblements de terre politiques, qui témoignent du refus populaire des politiques libérales, ont indéniablement constitué un encouragement aux luttes et aux mouvements sociaux : par exemple, la lutte victorieuse contre le CPE, en France, ou les mobilisations contre la directive Bolkestein, au niveau européen. Ils ont mis en crise la construction capitaliste de l’Europe, qui est aujourd’hui « en panne », ses promoteurs s’étant résignés à attendre les prochaines élections françaises et hollandaises pour, éventuellement, repartir à l’offensive. Mais, dans le même temps, l’agenda néolibéral et la destruction des acquis sociaux se poursuit à un rythme accéléré : adoption d’une directive Bolkestein light, libéralisation et privatisation des services publics, rigueur budgétaire, etc. Comment, dans ces conditions, articuler mobilisations à l’échelle européenne et possibilité de victoires partielles permettant de stopper le rouleau compresseur libéral, dans certains pays, en affirmant un droit de veto sur les directives européennes lorsqu’elles sont une dégradation des acquis sociaux - mais au risque d’un certain repli national ?

Quant à la discussion sur l’avenir de la gauche en Europe, elle a permis plusieurs constats. D’un côté, on assiste, dans certains pays européens, à l’émergence de forces de gauche radicale pesant réellement sur le champ politique national, y compris au niveau électoral, ce dont témoignent les succès du SSP en Écosse, du Bloc de gauche au Portugal et, au niveau local, de Respect en Angleterre. En Allemagne, le processus de constitution du Linkspartei va dans le même sens, même s’il souffre d’une grande ambiguïté sur la question de la recherche de coalitions avec le très libéral SPD dans le cadre des institutions, au niveau fédéral et au niveau des Länder. Enfin, la participation du PRC italien au gouvernement de Romano Prodi, l’un des principaux artisans de l’Europe libérale, ne peut manquer d’interpeller les militants de la gauche anticapitaliste et antilibérale.

Comment traduire, en termes politiques, l’ampleur du sentiment antilibéral ? Cela peut-il passer par la participation à des coalitions parlementaires ou gouvernementales ? Comment mener une politique efficace contre la droite et indépendante des sociaux-libéraux ? Ces questions sont parmi les plus importantes auxquelles sont confrontées les forces de la gauche radicale ; les participants à la conférence ont donc décidé de poursuivre ce débat lors de la prochaine conférence qui se tiendra, à l’automne, en Allemagne.

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