Minuit dans le siècle
Par La Gauche le Dimanche, 09 Juillet 2000

«Minuit dans le siècle», c'est ainsi que l'écrivain révolutionnaire, Victor Serge, a qualifié les années 1930 et '40, les années du fascisme et du stalinisme triomphants. «Minuit» pour la classe ouvrière d'Europe, surtout celle d'Allemagne et d'URSS. Minuit aussi pour les militants révolutionnaires, à la fois anti-fascistes et anti-staliniens que sont les «trotskistes», et qui ont connu à la fois les camps de concentration de Hitler et ceux de Staline.

Si la Quatrième Internationale et le POS fête aujourd'hui leur Cinquantenaire, c'est par-ce que, dans la plus noire des nuits, des camarades, nos aines, ont poursuivi le combat socialiste-révolutionnaire.

 

UN LOURD TRIBUT

 

Le tribut que le POS a payé à Hitler a été particulièrement lourd. Si le Parti Communiste Belge a certainement plus de militants martyrisés, c'est qu'il était, plus grand et, comme nous, dans le collimateur de la bourgeoisie belge et allemande (surtout après que le pacte entre Hitler et Staline signé en août 1939, eût pris fin en juin 1941).

 

Organisation nettement plus faible que le PCB, le POS de l'époque avait fait preuve de suffisamment d'intelligence et d'intransigeance dans les combats de classe des années 1932-36, pour susciter la haine du Grand Capital.

 

Le POS et ses militants ouvriers seront dès le départ partie prenante des protestations et des grèves contre l'occupant nazi et pour l'amélioration des conditions de travail et d'existence de la population laborieuse. Ils le feront, à partir d'un point de vue internationaliste et socialiste-révolutionnaire.

 

DANS LA RESISTANCE.

 

Dans ce qui était à l'époque le bastion du POS - les mines à Charleroi- notre Parti avait consolidé ses forces malgré les répressions «belge» et allemande, et activait les mineurs. Un journal, «Le Réveil des Mineurs», et une organisation syndicale, «la Fédération de lutte des Mineurs», avec des comités syndicaux clandestins par puits, allaient émerger à la faveur des grèves et des manifestations de rue dès 1942. (Marc LORNEAU. « Le mouvement trotskyste belge: sept. 1939-décembre 1964 ». CRISP. CH 1062-1063, 21 déc. 1984, p20).

 

La liaison allait «naturellement» s'opérer avec le courant de gauche dominant à Liège, celui d'André Renard. Antifasciste, antistalinien (il avait été en Espagne en '36), Renard avait côtoyé les militants jeunes de notre Parti au sein de la Jeune Garde Socialiste d'avant-guerre. Renard était fermement attaché à l'autonomie ouvrière face aux bourgeoisies allemande et... belge. C'est sur cette base qu'une collaboration s'installa entre trotskystes et renardistes dans la Résistance (nous imprimions le journal «Le Travail»), notamment lors de la «grève des 100.000», en mai 1941, qui paralysa tout le bassin industriel liégeois, et au delà.

 

A Liège, toujours, le POS travaillait main dans la main avec le député socialiste Delbrouck, qui fut l'âme de la Résistance, en lançant son Manifeste « Résurrection » (déc. 1940) en réplique à la capitulation d'Henri De Man (J. GERARD-LIBOIS, J. GOTOVITCH. « L'An 40 ». CRISP, 1971,pp. 400-403).

 

INTERNATIONALISTE

 

Le travail le plus difficile du POS de l'époque fut certainement l'intervention en direction des soldats allemands, afin de saper le moral et la cohésion de l'armée d'occupation. En effet, celle-ci comprenait, à côté de ses bandes fascistes (SS, officiers de carrière de la Wehrmacht), aussi des miliciens «travailleurs allemands sous l'uniforme», obligés de faire la sale besogne au service de «leur» bourgeoisie.

 

Le POS de l'époque faisait, en collaboration étroite avec nos camarades de France et des camarades allemands en exil, un travail de propagande et d'organisation au sein de l'armée allemande en Belgique et en France. Nous sortions «Unsere Wort» (Notre Parole), l'organe de nos camarades allemands, et une feuille spéciale «Arbeiter und Soldat» («Travailleur et Soldat»). Le camarade Léon De Lee, son éditeur responsable, fut un des premiers à être arrêté par la Gestapo, à Anvers. Le camarade allemand Paul Widelin, dit «Monat», fut assassiné par la Gestapo à Paris, en juillet 1944; il était membre de la direction du POS. (Introduction de Rodolphe PRAGER aux «Congrès de la IVe Internationale. II. L'Internationale dans la guerre ». 1940-46. Ed. La Brèche, p. 117)

 

HOMMAGE AUX NOTRES

 

Comme Staline en URSS (et ailleurs), Hitler a tenté de nous liquider physiquement. Il n’a pas réussi. Mais les pertes en dirigeants et en cadres ont été énormes. Si Georges Verreecken, Camille Loots, (employé, membre du BP), Florent Galloy (métallo, Charleroi, dirigeant ouvrier), Gaston Macs (de Mouscron), et le jeune Ernest Mandel sont revenus de l'enfer (certains de Dachau, Neuengamme, et Mauthausen), la liste que nous avons réussi à établir des camarades morts dans les camps est impressionnante. En ce cinquantième anniversaire, c'est à eux surtout que nous rendons hommage:

 

LESOIL Léon (1892-1942), membre du CC du PCB, l'un des fondateurs et principal dirigeant de la section belge. Arrêté le 22 juin 1941 et déporté à Neuengamme où il meurt le 3 mai 1942.

 

WAINSZTOK Abraham dit A. Léon (1918-1944), sioniste puis trotskyste, secrétaire du PCR reconstruit dans la clandestinité, membre du SE. Arrêté à Charleroi le 18 juin 1944, déporté, à Auschwitz. Décédé le 7 octobre 1944.

 

BEUGNIES Joseph (1907-1942), de Jemappes. Mort à Dachau le 4 septembre 1942.

 

BRIDOUX Henri (1909-1943), dessinateur. Arrêté à Etterbeek, déporté à Mauthausen, mort le 14 mars 1943.

 

DAVID... de nationalité polonaise. Décédé à Golleschau en 1943.

 

DE LEE Léon (1900-1943), ouvrier, responsable de la section d'Anvers, gérant d'Unser Wort, organe de l'IKD. Arrêté le 21 juin 1941, mort à Neuengamme le 8 février 1942.

 

FRANQUET Joseph (1909-1943), ouvrier de Jemappes (Borinage). Arrêté le 22 juin 1941, mort à Neuengamme le 16 juin 1942.

 

MANDELBAUM Natan (1922 -1943), tailleur. Interné en juin 1942. mort à Auschwitz en 1943.

 

MARCOURT Louis, ouvrier mineur de Cuesmes (Borinage). Arrêté en juin 1941, mort au camp de Neuengamme.

 

MICHAUX Ferdinand (1905-1942), métallurgiste de Châtelincau. Arrêté le 22 juin 1941 et déporté à Neuengamme où il meurt le 2 février 1942.

 

NOPERE Marius (1895-1941), ouvrier mineur de Cuesmes. Arrêté le 22 juin 1941, décédé à Neuengamme le 5 novembre 1941.

 

POLK Louis (1902-1945), employé, dirigeant du PC à Anvers de 1921 à 1928, l'un des fondateurs de l'Opposition de gauche. Arrêté en 1941, déporté à Neuengamme, embarqué sur un navire-prison coulé le 3 mars 1945.

 

RENERY Lucien (1897-1942) de Liège, l'un des fondateurs de l'Opposition de gauche, trésorier de la section belge qu'il quitte avec Vereeckcn. Arrêté le 22 juin 1941, déporté à Neuengamme et à Dachau où il meurt le 1er août 1942.

 

ROUSSEAU Victor (1892-1942) , menuisier de Cuesmes. Arrêté le 22 juin 1941, déporté à Neuengamme, décédé le 29 septembre 1942. SINGER Walter (1919-1942), de Bruxelles. Déporté à Auschwitz, y meurt le 8 octobre 1942.

 

SZTOKFEDER Eliasz (1923-1943), mécanicien. Déporté à Auschwitz, mort à Golleschau le 29 janvier 1943.

 

VAN BELLE Francis, de Liège, métallurgiste, membre des JSR en 1936. Arrêté le 22 juin 1941, déporté et mort à Neuengamme.

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