Pakistan: Un régime militaire aux abois
Par Farooq Tariq le Lundi, 19 Novembre 2007

La mobilisation contre le coup d’État de Pervez Musharraf du 3 novembre dernier prend de l’ampleur. Malgré la répression, après les avocats, les étudiants pakistanais sont entrés dans la lutte. Une analyse de Farooq Tariq, actuellement en clandestinité et dirigeant du Labor Party of Pakistan, organisation marxiste-révolutionnaire sympathisante de la IVe Internationale au Pakistan.

Le général Pervez Musharraf n’imaginait pas un tel scénario. Ses espoirs d’une normalisation de la situation se sont évanouis, malgré la répression la plus brutale contre les avocats et les militants politiques. Ce régime militaire, habitué jusqu’à présent à tout contrôler, va devoir faire face à des surprises désagréables. Tous les tribunaux ont cessé leurs activités et le conseil du barreau a annoncé une grève illimitée jusqu’à la levée de l’état d’urgence. Illustrant un militantisme peu ordinaire chez les couches moyennes, les avocats manifestent quotidiennement dans tout le pays.

Après eux, les étudiants sont entrés en résistance. Le 7 novembre, des manifestations se sont déroulées dans la plupart des universités publiques ou privées des principales villes du Pakistan. Les colonnes des journaux sont remplies de récits d’arrestations, de manifestations et de grèves. Aucune télévision privée n’est autorisée à diffuser ses reportages, et seule la télévision officielle peut diffuser des bulletins d’information.

L’opposition la plus surprenante au régime militaire est venue de Benazir Bhutto. Alors qu’elle négociait un partage du pouvoir avec Musharraf, la mobilisation des juristes l’a forcée à se prononcer ouvertement contre le régime. Près de la moitié des avocats arrêtés appartient à son organisation, le Parti du peuple pakistanais (PPP). Elle a appelé à une « longue marche », de Lahore à Islamabad, s’il n’était pas mis fin à l’état d’urgence. Le pouvoir a répliqué en arrêtant des centaines de militants du PPP, jusque-là épargné.

Les médias ont également rejoint le mouvement de masse, après les mesures de répression sans précédent prises à l’encontre de la presse imprimée ou Internet. Le 5 novembre, événement unique depuis dix-sept ans, la Bourse a subi une perte nette de 4 milliards de dollars. Les alliés du régime – les États-Unis, le Royaume-Uni et les autres pays de l’Union européenne – ont été obligés de condamner, du moins en paroles, l’instauration de l’état d’urgence, alors que, depuis le 11 Septembre, ils considéraient toute violation des droits de l’Homme au Pakistan comme une « affaire interne ». Même l’impérialisme australien a qualifié, pour la première fois, Pervez Musharraf de « dictateur », ce que le peuple pakistanais sait depuis huit ans ! Les Pays-Bas ont suspendu leur aide et, selon les dépêches d’agence, les États-Unis reconsidèrent leurs relations avec le régime.

Extension

La répression, qui connaît un niveau sans précédent à la faveur de la loi martiale, se développe. La police a investi les bureaux de la Commission des droits de l’Homme, arrêtant 80 militants politiques et sociaux qui discutaient de leur stratégie pour s’opposer au régime. À Lahore, la police a envahi la Haute Cour et arrêté 700 avocats, ce qui n’était jamais arrivé, même sous la loi martiale rigoureuse imposée par le général Zia dans les années 1980. Selon le ministre de l’Intérieur du Pendjab, 1734 militants, journalistes et avocats ont été arrêtés dans cette province pendant les quatre premiers jours de l’état d’urgence. La situation est similaire dans les trois autres provinces. Les personnes incarcérées ont été mises en accusation dans le cadre de l’Acte antiterroriste, puis déplacées à distance de leurs villes de résidence. Personne ne peut entrer en contact avec elles. Un traitement tout aussi répressif s’est abattu sur les juges de la Cour suprême et de la Haute Cour, qui ont courageusement refusé de prêter serment dans le cadre du nouvel « ordre constitutionnel provisoire ». Ils sont assignés à résidence et leurs enfants ne peuvent aller à l’école. Les médecins appelés pour des soins d’urgence ont l’interdiction d’effectuer leurs visites. Systématiquement, la police opère des descentes chez les avocats et les opposants politiques. Depuis quelques jours, les vols et les agressions augmentent, la police étant entièrement mobilisée pour combattre l’opposition.

Musharraf perd ses soutiens internes et externes, un à un. Il a déjà quasiment perdu le soutien de son alliée la plus récente, Benazir Bhutto. Les partis religieux ont été obligés de dénouer leurs liens traditionnels avec le régime, et toutes les vieilles formations sont en crise. Le régime n’est plus soutenu que par deux partis, la Ligue musulmane du Pakistan (PML-Q) et le Mouvement Muhajir Qaumi, de plus en plus haïs par les citoyens. Le choix de la répression pour contrôler l’opposition perd de son efficacité, car l’État ne peut pas réprimer le nombre, chaque jour grandissant, de voix s’élèvant contre le régime.

La mise en œuvre accélérée du programme libéral s’est traduite par l’augmentation des prix et du chômage. C’est le règne brutal du marché et de l’économie des monopoles. La croissance de l’économie n’a pas profité aux couches inférieures de la société – 70 % des 160 millions de Pakistanais. Plusieurs militants de l’Awami Jamhoori Tehreek (AJT) – une alliance de sept partis et groupes de gauche – ont été arrêtés, dont le président du Labour Party Pakistan (LPP), Nisar Shah. Le secrétaire de l’AJT et président du National Workers Party, Hassan Minto, a appelé toute la gauche à rejoindre le mouvement et à combattre le régime militaire.

La gauche n’est plus une force insignifiante au Pakistan. Le soulèvement des étudiants est en grande partie le résultat de l’intervention des forces de gauche et des militants radicaux du mouvement social. Le régime ne pourra durer, car le mouvement s’étend. Le courage sans précédent des avocats en a influencé beaucoup qui, aujourd’hui, prennent le chemin d’une opposition active. L’opposition au régime militaire se renforcera grâce à la solidarité de nos amis à l’étranger. Organiser des piquets autour des ambassades du Pakistan dans tous les pays serait un moyen efficace de manifester cette solidarité.

De Karachi, Farooq Tariq

Traduit par François Duval pour « Rouge ».


Aidez financièrement à la lutte contre le régime de loi martiale au Pakistan

Ceci est un appel aux dons financiers formellement lancé par le Labour Party Pakistan (Parti du travail pakistanais - LPP). Nous avons besoin de votre soutien moral, social, politique et économique à notre lutte contre la loi martiale au Pakistan.

De puis l’imposition de « l’état d’urgence », un régime dont le véritable nom est loi martiale, plus de 10.000 militants politiques et sociaux ont été mis derrières les barreaux partout au Pakistan. Des milliers d’autres sont aujourd’hui clandestins. Toutes les chaines de télévisions privées qui diffusaient des programmes d’information politique ont été réduites au silence.

Des centaines d’avocats ont été arrêtés et torturés. Les juges qui ont refusé de se soumettre au nouvel ordre constitutionnel répressif ont été placés en résidence surveillée. Leurs enfants ne peuvent aller à l’école et les docteurs ne sont pas autorisés à se rendre au chevet des juges malades.

La police n’autorise aucune réunion publique ou en salle de la part de quelque secteur de la société que ce soit qui s’oppose à la dictature militaire. La plupart des dirigeants politiques sont en résidence surveillée ou en prison. La Pakistan vit une période particulièrement noire de son histoire.

Nous vivons la trente-deuxième année de régime militaire au Pakistan sur les 60 ans d’existence du pays, depuis la partition du sous-continent indien. Le général Musharraf a été au pouvoir depuis octobre 1999. Toutes ses déclarations selon lesquelles il allait progressivement restaurer la démocratie ne sont que farce. Avec l’imposition de la loi martiale le 3 novembre 2007, il y a plus de dictature que de démocratie au Pakistan.

Le Labour Party Pakistan est un petit parti politique radical luttant pour la démocratie depuis que le général Musharraf a pris le pouvoir. Des centaines de ses membres ont été en détention pour avoir commis le crime de lutter pour la démocratie. Actuellement, le président du Labour Party Pakistan est en prison et son secrétaire général doit se cacher pour tenter d’organiser le mouvement.

Le LPP lance un appel financier pour que des fonds soient lever afin de renforcer le combat contre le régime militaire. Nous voudrions aider les prisonniers politiques sous toutes les formes, pas seulement ceux du LPP mais de tout le mouvement. Ces fonds doivent permettre de développer le travail clandestin des militants politiques et sociaux et les aider à poursuivre leurs efforts pour construire le mouvement. Les dons nous permettrons de produire plus de matériel imprimé dont le mouvement a besoin. Ils aideront a diffuser des textes et du materiel d’information pour le mouvment. Ils aideront à la coordination des différentes activités contre le régime militaire. Ils aideront à développer une information mieux coordonnée pour et à la diffuser auprès de toutes celles et tous ceux qui sont intéressés dans le mouvement.

En solidarité,

Farooq Tariq, Secrétaire général du Labour Party Pakistan

En Europe, les soutiens sont à verser à

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