Albert Faust: Parcours d'un syndicaliste authentique
Par Manuel Abramowicz le Samedi, 17 Janvier 2004 PDF Imprimer Envoyer

A l'occasion de la sortie aux éditions Labor d'un ouvrage entièrement consacré à la vie mouvementée d'Albert Faust (1945-2004)*, nous revenons sur le parcours militant et politique exceptionnel de ce dirigeant de la Fédération Générale du Travail de Belgique et sur une partie de l'histoire du mouvement communiste belge. Albert Faust était l’un de ces "hommes à part". L’une de ces personnalités de plus en plus rares de nos jours. Pour autant, restera-t-il pour la postérité l’un des grands noms du syndicalisme de notre pays ? Certainement oui et cela sera hautement justifié…

Il ne venait pas des rangs trotskistes ni de ceux de la social-démocratie. Albert Faust s'était, il y a bien longtemps déjà, au milieu du siècle dernier, engagé d'abord dans les jeunesses communistes sous les ordres de Moscou. Jeune militant, il suivra la dissidence marxiste-léniniste pro-chinoise (et pro-stalinienne) menée, en 1963, par Jacques Grippa, un héros de la résistance communiste à l'Occupant nazi et dirigeant autoritaire du nouveau PC. A l'âge de 18 ans, il fut désigné par Grippa comme chef de ses jeunesses.

Albert Faust était un activiste politique hors pair et aguerri au combat idéologique. Intelligent et meneur d'hommes, il deviendra bien rapidement un exemple pour les plus jeunes militants.

Voyageant chez les "protecteurs" chinois du parti, avec celui qui deviendra l'un des plus célèbres avocats de notre pays, Michel Graindorge, Albert Faust rédigera ensuite de longs articles voués au culte de la Chine rouge dans le journal du parti, "La Voix du Peuple". Mais pas pour longtemps. En désaccord avec le "grippisme", Albert Faust participe à la première scission, en 1964. Les dissidences et les exclusions seront ensuite légendaires dans la formation maoïste.

Internationaliste, communiste

Son ex-parti va le traîner dans la boue, avec de sinistres méthodes staliniennes bien connues, l'accusant même, selon la rhétorique paranoïaque en vogue, de faire partie d'un "groupe de gangsters fascistes à la solde d'un agent de la CIA". A Pékin, Albert Faust aurait certainement disparu dans une des sinistres prisons ou camp de rééducation du régime dictatorial.

Hors de cet univers particulier, il continua son chemin militant. Marqué par l'internationalisme ouvrier, il va s'engager dans de justes combats qui le conduiront des camps de réfugiés (et d'entraînement) palestiniens aux Etats-Unis. De l'autre côté de l'Atlantique, il ira soutenir les travailleurs en lutte d'une succursale étasuniennes d'une grande surface belge. Entre temps, il avait rejoint le syndicalisme. Responsable et compétent, Albert Faust grimpera les échelons pour arriver à l'appareil dirigeant de la FGTB bruxelloise. Secrétaire-général du Syndicat des employés, techniciens et cadres (Setca), la "carrière syndicale" d'Albert sera toujours marquée du sceau de la combativité.

Ce fonceur avait souvent du culot pour imposer ses vues. Il n'avait peur de rien et aimait la vie. La chanson française, les mélodies yiddish et la musique folk (populaire) étaient aussi ses passions. Ami de longue date du chanteur communiste Jean Ferrat, Albert Faust n'abandonnera jamais son idéal marxiste. Membre du parti socialiste, pour quelques instants, il participera pour finir à la tentative de refondation d'un communisme en Belgique. Le PC (qu'il avait quitté en 1963) recevra son appui et beaucoup de ses "bras gauches" deviendront les nouveaux maillons de ce parti. Un parti devant prendre pour modèle, selon Faust, le Parti du socialisme démocratique (PDS), actif en Allemagne. Conduit par l'un de ses autres amis, Georges Gysi, le PDS aujourd'hui rassemble toujours divers courants marxistes, y compris trotskistes.

Syndicaliste de combat

Sur le plan syndical, Albert Faust restera en accord total avec la tradition du syndicalisme de combat, incarnée hier par André Renard, Jacques Yerna et bien d'autres hauts dirigeants de la FGTB ou militants de base de celle-ci. Les "13 de Clabecq", au temps du procès, seront directement soutenus sur le plan politique par le dirigeant du Setca bruxellois. Son honnête cheminement lui vaudra les honneurs et le respect des plus sincères et audacieux syndicalistes. Georges Debunne, l'un des anciens secrétaires généraux de la FGTB, défendra, coûte que coûte et jusqu'au bout, son "compagnon de route", même lors de la "chasse aux sorcières" ouverte contre les "gauchistes" de la place Rouppe. Pour Debunne, Faust était un modèle. Notamment pour avoir réussi à repeupler le Setca (de 12.000 à 80.000 affiliés !) et à redynamiser une vraie Fête populaire du 1er Mai, comme celles de jadis dans le mouvement ouvrier.

Albert Faust fut tout cela et encore beaucoup d'autres choses exceptionnelles que Freddy De Pauw, ex-journaliste du Standaard et collaborateur de La Gauche, dévoile sous une très belle plume dans « Le cœur au poing », le livre sur la vie d'un authentique syndicaliste.

(*) "Albert Faust, le cœur au poing", de Freddy De Pauw, éditions Labor, 2005, 116 pp.

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