Techspace Aero: Grève au finish pour la prépension, l’embauche de jeunes et une augmentation salariale
Par Denis Horman le Samedi, 13 Mars 2010 PDF Imprimer Envoyer

Depuis le vendredi 12 mars, les quelque 500 ouvriers de Techspace Aero (ex-FN Moteurs, Milmort-Herstal) , qui fabrique des composants pour moteurs d’avions, sont partis en grève au finish. L’usine, qui compte en tout 1200 personnes (ouvriers, employés et cadres) est à l’arrêt. Les ouvriers et leurs organisations syndicales, en front commun, FGTB et CSC, réclament le maintien de la prépension à 58 ans, avec embauche compensatoire de jeunes, ainsi qu’une augmentation salariale.

L’entreprise se porte bien. Elle dispose de 185 millions d’euros de fonds propres. Son résultat d’exploitation 2009 s’élève à 22 millions d’euros (11 millions en 2008) et 9,4 millions d’euros ont été distribués en dividendes aux actionnaires.

La Gauche, périodique de la LCR, a interviewé les deux délégués principaux, Luis Casillas pour la FGTB, et Vito Fiume pour la CSC.

Propos recueillis par Denis Horman, 12 mars 2010

La Gauche: Pourquoi êtes-vous en grève?

Luis Casillas: Nous réclamons la prépension à 58 ans pour la trentaine d’ouvriers concernés par celle-ci en 2010. A cet âge-là, dans une entreprise comme Techspace Aero, les camarades sont fatigués, usés par la nouvelle organisation du travail, la pression, les cadences. Jusqu’à présent, il n’y avait pas de problèmes.

Par exemple, en 2007, 2008 et jusque octobre 2009, 48 camarades ont été prépensionnés et ont été remplacés par 48 nouveaux ouvriers embauchés. Et, bien, nous exigeons que les 30 prépensionnables de cette année soient également remplacés par 30 jeunes sans emploi. Il n’est pas nécessaire de s’étendre sur l’ampleur du chômage chez les jeunes, dans notre région et ailleurs. La direction a cru lâcher du lest en proposant, pour cette année, la prépension à 58 ans pour 7 ouvriers qui sont en maladie et dont elle voudrait se débarrasser.

Vito Fiume: Pendant des années, la direction a accordé les prépensions. Aujourd’hui, elle refuse, prétextant que cela lui coûterait bien trop cher. Mais, nous constatons que l’entreprise se porte bien. Les bénéfices sont passés de 11 millions d’euros en 2008 à 22 millions en 2009. La productivité a augmenté de 16% en 2009. Des efforts continuels ont été demandés aux travailleurs. Alors, ce n’est qu’un juste retour des choses.

Luis Casillas: La direction a fait ses calculs: une prépension à 58 ans, cela lui coûte 100.000 euros pour la durée de 7 ans jusqu’à la pension, un complément étant payé par l’Etat, avec notre argent. . Nous avons fait aussi nos calculs: grâce aux intérêts notionnels, la société économise plus de 2,5 millions par an. Avec cette économie d’impôts, on peut financer une petite trentaine de prépensions.

La Gauche: Pourquoi la direction revient-elle aujourd’hui sur cet acquis?

Luis Casillas: La direction de l’entreprise, comme l’ensemble du patronat, le gouvernement, le 1er Ministre, le Ministre des pensions veulent nous faire rentrer dans le crâne qu’il faut en finir avec les prépensions, qu’il faudra travailler plus longtemps, «plus vite, mieux et plus longtemps», comme a dit notre 1er Ministre, Yves Leterme. Nous sommes bien conscients de l’importance et de l’enjeu de notre combat, pas seulement pour ici, mais pour l’ensemble des travailleurs.

Vito Fiume: Aujourd’hui, le premier combat est celui de l’emploi, contre les licenciements, pour le maintien de l’emploi, pour le remplacement des travailleurs qui partent en prépension. Si nous tenons tellement à cet acquis de la prépension, c’est parce que nous pensons à nos enfants, nos connaissances, à ces milliers de jeunes au chômage, sans emploi dans notre région et ailleurs.

Ce n’est quand même pas normal de demander à des travailleurs, usés après une carrière de 30, 35 ans, dans des entreprises comme celle-ci, de travailler plus longtemps, alors que leurs enfants restent à la maison, sans travail. C’est une situation aberrante.

La Gauche: Vous réclamez également une augmentation des salaires

Luis Casillas: Quand on voit le chiffre d’affaires, les bénéfices de l’entreprise, 22 millions d’euros en 2009, et surtout les dividendes distribués aux actionnaires, plus de 9 millions d’euros, on est quand même en droit de réclamer quelque chose sur la valeur ajoutée. Après tout, c’est nous qui produisons les richesses. Une partie doit bien nous revenir en prépension, en emploi, en pouvoir d’achat.

Le salaire des directeurs, lui, il a bien augmenté de 14% en trois ans, tandis que les ouvriers doivent se contenter de la hausse de l’index. J’ajoute aussi que Techspace Aero Herstal fait partie de la multinationale Safran, installée dans plus d’une trentaine de pays et que les actionnaires de la multinationale se sont très bien sucrés en 2009.

Vito Fiume: Ce qu’on constate un peu partout, c’est que, crise ou pas crise, pas mal de multinationales ont engrangé des plantureux bénéfices, qu’une grande partie de cet argent n’est pas réinvestie dans l’économie pour la création d’emploi, que la répartition des richesses que nous produisons est de plus en plus inégalement répartie, au profit des actionnaires, des fonds financiers qui spéculent, se réfugient dans les paradis fiscaux, paient de moins en moins d’impôts.

La Gauche: Vous êtes en grève pour combien de temps?

Luis et Vito: Nous menons cette grève en Front commun syndical. Il y a des mois qu’on discute avec la direction, sans résultats. Les ouvriers ont voté pratiquement à l’unanimité la grève, pour une durée indéterminée. Alors, nous allons bien voir ce que compte faire la direction.

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