Instruction gouvernementale: une régularisation en trompe l'oeil
Par LCR le Jeudi, 30 Juillet 2009 PDF Imprimer Envoyer

Après plus de 18 mois de tergiversation le gouvernement fédéral est arrivé à un accord concernant une politique de régularisation pour certains sans-papiers et demandeurs d'asile. 12 heures de négociation ont été nécessaires le samedi 18 juillet pour mettre par écrit un accord déjà conclu. Le déblocage est du en partie au résultat des dernières élections régionales, le recul du VLD et partiellement du MR, avec comme résultat le remaniement du gouvernement et de nouveaux responsables pour la politique d'asile et d'immigration. Annemie Turtelboom durant sa période de secrétaire d'état à l'asile et aux migrations a freiné au maximum tout accord. Elle a par exemple ajouté à l'accord de 2008 l'obligation pour les candidats à la régularisation l'obligation d'obtenir 70 points sur une liste de critères définis par elle, le fait d'avoir un enfant valait 10 points, d'avoir un travail 40 points, tout étant à l'avenant...

Alors que lors des 2 dernières campagnes électorales le PS et le CDH voulaient une loi, l'accord du gouvernement de mars 2008 prévoyait une circulaire. Le gouvernement fédéral s'est mis d'accord sur des instructions ministérielles principalement en direction de l'office des étrangers. Cet accord donne un large pouvoir discrétionnaire au ministre ou à son délégué, c'est-à-dire une appréciation personnelle des critères avancés qui permettra de refuser certaines demandes ou d'en repêcher d'autres. De plus, tout changement de responsable ou de politique gouvernementale risque de mettre à mal le peu d'acquis.

Les critères sont basés sur trois axes:

-la procédure d'asile déraisonnablement longue si la durée totale de la procédure atteint 5 ans (4 pour famille avec enfants) à condition que l'ensemble des recours soient toujours en cours ou terminé après le 18/03/08.

-L'ancrage local durable: les personnes concernées devront avoir résidé en Belgique depuis 5 ans, avoir des liens sociaux, la connaissance d'une langue nationale, la possession d'une qualification professionnelle...

-La régularisation par le travail, résider en Belgique depuis le 31/03/07, avoir un ancrage local et une promesse d'emploi.

Les deux derniers éléments ont une durée limitée, la période d'introduction des dossiers s'étend du 15/09 au 15/12 de cette année. Les régularisations se feront sur base individuelle et l'opération sera une opération one shot. De plus, l'Instruction a des contours juridiques on ne peut plus flous. Que veut dire: une attention particulière à porter aux groupes vulnérables, l'employabilité, les critères pour certains métiers, les politiques régionales? En outre, dans un contexte de crise économique l'obligation d'obtenir un emploi avec un permis de travail B n'est pas une sinécure! C'est donc bien une régularisation basée sur les demandes patronales. Mais encore, comment prouver avoir vécu en Belgique depuis plusieurs années? ce n'est pas les patrons qui font travailler les sans-papiers en noir qui vont avouer l'avoir fait, ni les marchands de sommeil qui vont reconnaître avoir logé des sans-droit! Sans oublier que de nombreuses personnes détenues dans les centres fermés, menacées d'une expulsion du jour au lendemain, rentrent bien dans les critères, leur libération devrait donc avoir lieu immédiatement.

Le nombre des régularisations est on ne peut plus flou également: les uns l'estiment à 20.000 personnes, d'autres avancent le chiffre de 50.000 personnes. Mais c'est loin de résoudre le problème de l'ensemble des sans-papiers estimé autour de 150.000 en Belgique. Comme l'a expliqué Thierry Bodson, secrétaire général de la FGTB wallonne: « Le Sud vit plus gravement la crise mondiale que le Nord. Il y aura donc toujours des migrations. C'est toute la politique d'asile qui est à revoir ». Le gouvernement va exactement dans le sens contraire. Il a déjà durci sa politique d'accueil et va continuer. Pendant qu'elle était secrétaire d'Etat, Turtelboom a débloqué 10 millions d'euros pour construire un nouveau centre fermé, enfermer et expulser (son seul leitmotiv).

Dans ses nouvelles fonctions au ministère de l'intérieur elle aura toute la possibilité de mettre ses principes en application. De Pabst, le prédécesseur à l'Intérieur lui a concocté une circulaire taillée sur mesure. Celle-ci organise des enquêtes de voisinage à charge des bourgmestres et des chefs de corps de police pour rechercher les sans-papiers, mais appel est également lancé à la population pour collaborer et dénoncer! De son côté Fédasil qui s'occupe du logement en centre ouvert des demandeurs d'asile en procédures manque de places. De nombreuses personnes se sont ainsi retrouvées à la rue. Fédasil préférait payer les astreintes que les loger. La seule solution trouvée a été de les loger dans des hôtels, plus de 700 personnes sont dans cette situation. C'était une meilleure solution quand les demandeurs d'asile pouvaient s'installer là où ils voulaient et dépendaient du CPAS.

Par le passé seules les mobilisations (occupations, grèves de la faim, manifestations...) ont payé et ont forcé le gouvernement à faire un premier pas. Ce qui doit nous encourager à poursuivre le combat pour une régularisation de l'ensemble des sans-papiers.

La LCR revendique:

-La régularisation de tous les sans-papiers

-Un permis de travail C pour tous

-La suppression des centres fermés et l'arrêt des expulsions

-L'ouverture des frontières

-La non expulsion des locaux occupés par les sans-papiers

Voir ci-dessus