LA GAUCHE allemande en Rhénanie du Nord-Westphalie

: Une élection régionale cruciale
Par Manuel Kellner* le Dimanche, 15 Avril 2012 PDF Imprimer Envoyer

En mai 2010 LA GAUCHE (Die Linke), en Rhénanie du Nord-Westphalie, saute la barrière des 5% et entre avec 5,6% des voix dans le parlement du Land à l’ouest de l’Allemagne avec la population la plus nombreuse de tous les Länder. Maintenant, ce parlement est dissout, et il y aura de nouvelles élections le 13 mai 2012.  En 2010, c’était  un succès important pour plusieurs raisons. D’abord, pour LA GAUCHE au niveau fédéral, c’était un acquis de taille pour surmonter sa faiblesse relative à l’ouest du pays. Et puis, LA GAUCHE de Rhénanie du Nord-Westphalie, avec des courants anticapitalistes et réformistes de gauche forts et avec une influence importante de groupes à identité révolutionnaire, se situe à gauche dans LA GAUCHE et représente une orientation alternative au co-gouvernementalisme prévalent à l’est du pays.

Après l’entrée au Landtag, LA GAUCHE en Rhénanie du Nord-Westphalie était confronté avec une situation particulière. Avec 11 députées et députés (dont six camarades femmes) de 181 en tout, la fraction de LA GAUCHE se retrouvait en opposition face à un gouvernement SPD/Verts minoritaire, appuyé seulement par 90 députés, les chrétiens-conservateurs du CDU et le FDP libéral se retrouvant en opposition également.

Ceci signifiait un défi permanent, car chaque décision, chaque « oui » ou « non » et chaque abstention pouvait trancher, si une motion – et même un budget – des fractions gouvernementales passe ou ne passe pas. D’une part, cela rendait le parlement intéressant – on était assez loin des routines normales, où tout est en fait prémédité par les directions des fractions gouvernementales sous tutelle du gouvernement, et où les débats ont un caractère rituel. D’autre part, cette situation incitait la fraction de LA GAUCHE à se concentrer plus que prévu sur les débats et les élaborations de positions aux différents niveaux de l’activité parlementaire – bien que ceci s’est fait en collaboration étroite avec les syndicats du DGB et les autres mouvements sociaux extra-parlementaires, et que le parti et la fraction s’efforҫaient à participer aux mobilisations, notamment aux mobilisations anti-nucléaires et de protestation sociale.

Le SPD et les Verts avaient amorcé un tournant à gauche prudent et relatif, mais réel, pour se démarquer de l’image de la politique antisociale féroce de Schröder/Fischer et le « L’Agenda 2010 », qui avait précipité le SPD dans une crise électorale importante. C’est pourquoi, en 2010 et en 2011, le SPD et les Verts étaient sensibles à la pression de revendications de LA GAUCHE, étaient prêts à réaliser quelques progrès sociaux et démocratiques au nom d’une politique « de prévention sociale », et ils ne présentaient pas de budgets néo-libéraux de choc, sachant que LA GAUCHE n’accepterait ni des mesures de démantèlement social, ni des réductions du personnel des services publics, ni de nouvelles orgies de privatisations.

Donc, la fraction de LA GAUCHE a fait passer l’élection de Hannelore Kraft (SPD) comme ministre-présidente (chef de gouvernement) ainsi que les budgets 2010 et 2011 en s’abstenant et a pu voter pour un certain nombre de décisions positives, même si souvent insuffisantes, apportant des progrès non négligeables. Il suffira ici de donner quelques exemples :

Abrogation des cotisations pour les études universitaires ; abrogations des notes pour le comportement (« Kopfnoten ») dans les écoles ; réintroduction de plus de participation des représentants du personnel aux décisions dans le secteur public (« Mitbestimmung ») ; introduction d’une loi fixant des critères sociaux et écologiques et de fidélité aux tarifs collectifs pour l’accès d’entreprises aux commandes publiques (« Tariftreue- und Vergabegesetz »), abrogation de la contrainte de résidence pour les fugitifs demandeurs de droit d’asile (« Residenzpflicht für Flüchtlinge ») ainsi que l’introduction de la possibilité de forcer des bourgmestres  à l’abdication par vote populaire et de meilleures conditions pour les initiatives citoyennes dans les communes, projet d’approvisionnement des bâtiments  du Land par de l’énergie renouvelable.

Mais le SPD et les Verts se préparaient à un nouveau tournant. Ensemble avec la CDU et contre les voix de LA GAUCHE, ils votaient un milliard d’Euro supplémentaire pour la banque du Land WestLB en faillite à cause de sa participation au Casino des marchés financiers, et ceci sans perspectives pour le personnel et sans participation des créanciers privés tout en faisant le sourd aux revendication de LA GAUCHE, qui demandait entre-autre un audit sur les dettes de la WestLB et du Land qui se porte garant pour la banque.

Pour les écoles, le SPD et les Verts concluaient un accord bidon avec la CDU, tout en trahissant ses promesses d’avant les élections de mai 2010. Seule LA GAUCHE continue à militer pour une école unique permettant l’instruction commune de tous les élèves jusqu’à la 10ème classe. Et pour les communes, le SPD et les Verts, cette fois-ci avec les voix des libéraux du FDP, a décidé d’un mécanisme « à la grecque », forҫant les communes déficitaires à des mesures d’austérité brutale pour toucher des aides financières supplémentaires du Land (« Stärkungspakt »).

Très tardivement, en mars 2012, les fractions gouvernementales présentaient un budget 2012 qui entre autre réduisait les moyens pour les repas des élèves et les enfants dans les garderies. Idéologiquement, le débat tournait autour du « frein à l’endettement » et de la discipline budgétaire. La fraction et le parti de LA GAUCHE  (qui, en Rhénanie du Nord-Westphalie, prennent toutes les décisions importantes ensemble, et en sont fiers) avaient fixés des critères minimums pour l’abstention qui aurait fait passer le budget du gouvernement minoritaire, et avaient indiqué clairement qu’elle voterait « contre », si le SPD et les Verts ne seraient pas prêt à des concessions substantielles dans le sens de quatre revendications centrales de LA GAUCHE :

1)Un « ticket social » pour 15 Euros par mois pour l’accès aux transports publics dans le Land (« Landesweites Sozialticket für 15 Euro ») 2) Un financement suffisant des communes (392 communes sur 400 sont déficitaires en Rhénanie du Nord-Westphalie) 3) Un nouvel effort pour rendre accessible aux familles et individus aux revenus bas des logements décents (« Sozialer Wohnungsbau ») 4) Assurer enfin des bonnes places de garderie pour les enfants en-dessous de 3 ans (il en manquent plus que 100.000 en Rhénanie du Nord-Westphalie).

Le SPD et les Verts n’étaient près à aucune concession en direction de ces revendications de LA GAUCHE, même s’il aurait été possible d’en reprendre l’essentiel, sans dépasser les limites constitutionnellement fixée pour l’endettement du Land. LE FDP libéral, lui, s’apprêtait à faire passer le budget en dernière minute, au troisième et dernier vote, mais avait annoncé son nom pour le deuxième vote. A ce moment-là, une expertise juridique douteuse de l’administration du Landtag stipulait que déjà le rejet au deuxième vote signifierait l’échec du projet de budget des fractions gouvernementales (douteux, car la loi veut donner au gouvernement la possibilité d’auto-correction jusqu’au troisième vote). LE FDP ne pouvant plus changer de cap aussi vite, et LA GAUCHE restant ferme, le projet de budget à été rejeté avec 90 voix pour (SPD et Verts) et 91 voix contre (CDU, FDP et LA GAUCHE), et Hannelore Kraft a tout de suite présenté la motion de dissolution du parlement et de nouvelles élections dans le délais prévu de huit semaines. La motion fut adopté avec 100% des voix – c’était clair qu’aucune fraction avait envie de faire comprendre le grand public d’avoir peur de nouvelles élections.

Pour rendre le bilan de presque deux ans de gouvernement minoritaire un peu plus complet, il faut ajouter l’aspect central du tournant énergétique. La constitution de Rhénanie du Nord-Westphalie impose la socialisation dans les cas de pouvoir économique monopolistes et de l’abus d’un tel pouvoir (article 27). C’est une des lois constitutionnelle dont le motif, après le 2ème Guerre Mondiale, était d’empêcher des processus qui avaient largement contribué à porter Hitler et les Nazis au pouvoir. Bien-entendu, la politique officielle établie fait semblant de ne pas connaître ces articles-là, bien que l’article 27 de la constitution du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie semble très bien coller au cas des grands monopolistes énergétique comme RWE et E.ON, qui freinent le tournant énergétique vers 100% d’énergie renouvelable et qui alimentent leurs extra-profits monopolistes avec une politique de prix anti-social et anti-écologique.

LA GAUCHE de Rhénanie du Nord-Westpahlie avait fait campagne pour socialiser, recommunaliser, décentraliser et démocratiser l’économie énergétique et pour un plan conséquent de restructuration écologique et sociale de la société industrielle. Et elle mettait en avant la revendication de mettre le réseau de transport électrique haute tension dans la main en propriété publique du Land.

Mais le SPD et les Verts avaient même rejeté la proposition modeste de la fraction de LA GAUCHE au parlement du Land d’élaborer une offre pour l’achat du réseau de RWE, Amprion, que RWE avait dû rendre formellement indépendant pour le vendre. C’est donc une « sauterelle » privée qui, à la fin, devint le propriétaire de ce réseau.

Pour les prix du courant énergétique, LA GAUCHE a dénoncé et continue à dénoncer le fait que ceux qui en consomment le plus (à commencer par l’industrie) paient le moins, et que ce sont les foyers privés au revenus modestes qui paient le gros de la facture du tournant énergétique, et que des centaines de milliers au revenus les plus bas sont victimes ou menacés de coupures de courant et donc exclus d’un aspect important de participation élémentaire à la vie sociale d’aujourd’hui.

C’est pourquoi LA GAUCHE demande la consommation gratuite d’un stock de base de courant électrique, financé par des tarifs progressifs liés aux revenus et par L’abrogation des cadeaux faits aux grandes entreprises.

Maintenant, LA GAUCHE de Rhénanie du Nord-Westphalie, a entamé la lutte électorale. Elle a actualisé son programme électoral de 2010 et en a élaboré une version abrégée (« Kurzwahlprogramm ») publié en tract (voir la version PDF à l’internet sur le site du parti).

Le parti a réélu comme candidats de sa liste présentée pour le 13 mai les 12 têtes de liste (et donc les 11 députés sortant) de 2010, à une exception près : En tête de liste il y a maintenant Katharina Schwabedissen, infirmière de 39 ans, qui avait été un des deux porte-paroles du parti jusqu’ici. Elle remplace Rüdiger Sagel, camarade ex-Vert, qui ne voulait plus se présenter après 12 ans de vie comme mandataire au Landtag. Ainsi, ses 11 premières candidates et premiers candidats sur la liste, il y a 7 camarades femmes.

Si LA GAUCHE en Rhénanie du Nord-Westphalie peut reprendre l’obstacle des 5% n’est pas certain. Dans les sondages au niveau fédéral, le parti a baisser de quelques points en pourcentage, et au niveau du Land, pour le moment, LA GAUCHE oscille autour des 4%. Une des raisons en est l’ascension électorale spectaculaire des « Pirates » qui demandent « la liberté dans l’internet » et restent flous pour les questions économiques et sociale, mais qui réussissent à se présenter comme force nouvelle, promettant de rendre plus transparent les processus politiques, et qui captent beaucoup de voix de protestation.

Pour LA GAUCHE, c’est une bataille décisive. Le 6 mai en Schleswig Holstein, et le 13 mai en Rhénanie du Nord-Westphalie se décide, si le parti défend sa présence su l’échiquier politique à l’ouest ou pas. Et en plus, si le parti échoue dans le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie, se seraient de mauvais auspices pour les élections fédérales en juin 2012, et – un affaiblissment considérable des corants de gauche au sein du parti.



Manuel Kellner, membre de la direction de la internationale sozialistische linke (isl), un des deux courants organisés de la section allemande de la IVème Internationale en Allemagne, est collaborateur scientifique de Michael Aggelidis, qui était député de LA GAUCHE au Landtag de Rhénanie du Nord-Westphalie, et qui a été réélu comme dixième candidat sur la liste présenté par öle parti pour les élections du 13 mai 2012.


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