Union européenne-Israël: complicité criminelle
Par Ataulfo Riera le Samedi, 28 Mars 2009 PDF Imprimer Envoyer

Plutôt que de punir et sanctionner Israël pour ses agressions terroristes, son occupation illégale des terres palestiniennes, ses violations systématiques et permanentes du droit international et des droits de l’Homme, l’Union Européenne le récompense à travers une série d’accords et de liens privilégiés qui font de ce pays un quasi 28ème Etat membre destiné à intégrer pleinement le grand marché unique européen. Quitte à fouler au passage les principes et les «valeurs» que cette Europe là prétend hypocritement incarner et défendre.

L'Union européenne porte une très lourde responsabilité dans le déclenchement de l’«Opération Plomb durci» contre Gaza. Le 8 décembre 2008, les Ministres européens des affaires étrangères ont décidé à l’unanimité de «rehausser» les relations politiques, économiques, scientifiques et sécuritaires avec cet Etat terroriste et colonialiste afin de lui accorder le statut de «partenaire privilégié». Cet acte était un véritable blanc seing pour les autorités israéliennes, le signal qu'elles pouvaient impunément écraser le peuple palestinien sous des tonnes de bombes sans craindre la moindre mesure de rétorsion.

La complicité de l’UE avec Israël et l'impunité absolue qu'elle lui accorde, quoi qu'il fasse, ne date pas d’hier. Les relations entre l'UE et Israël sont régies par toute une série d'accords et de traités;

- Le processus de Barcelone – Union pour la Méditerranée (UPM) et sa «dimension régionale ». En 1995 un sommet rassemble les chefs d'Etat et de gouvernement européens et leurs homologues d'une série de pays méditerranéens, dont Israël, l'Autorité Palestinienne ou encore la Syrie et le Liban. Une déclaration commune est adoptée initiant le «Processus de Barcelone» pour un «Partenariat Euro-Méditerranée».

Ce processus vise avant tout à offrir de nouveaux débouchés aux capitalistes européens par la libéralisation des échanges commerciaux et la réduction des barrières douanières, ou encore à prendre des mesures communes sur l'immigration «clandestine». Vis-à-vis de leurs partenaires, les signataires du processus de Barcelone s'engagent à «se refuser» à «toute intervention directe ou indirecte dans les affaires intérieures d'un autre associé», à «respecter l'intégrité et l'unité territoriale de chacun des autres associés» et à «régler les conflits par des voies pacifiques». Or, au moment où Israël signe ce document et s'engage ainsi à en respecter ses principes, cet Etat occupe le Sud du Liban et avait annexé le Golan appartenant à la Syrie, sans oublier l'occupation des territoires palestiniens, ces trois nations faisant pourtant bien partie de la liste des ses «associés».

Le 4 novembre 2008, lors d'un sommet de relance du «Processus de Barcelone» à Marseille, les ministres européens des affaires étrangères ont récompensé le respect par Israël de ses engagements en lui attribuant un siège de secrétaire général adjoint de l’UPM.

- L'Accord d'association UE-Israël. Signé en 1999 et entré en vigueur en 2000, cet accord permet que la majeure partie des produits israéliens est exempté de droits de douanes et de taxes à l'importation sur le territoire de l’UE. L'article 2 de cet Accord prévoit pourtant sa suspension au cas où l'une des parties viole systématiquement «les droits de l'Homme et les principes démocratiques» ainsi que la «règle d'origine» selon laquelle les produits fabriqués sur le seul territoire israélien bénéficient effectivement de ces exemptions.

Depuis lors, l'UE est inondée de produits israéliens issus des colonies sionistes occupant les terres volées aux Palestiniens. A l'aéroport de Bierset, près de Liège, les avions-cargo de la compagnie israélienne CAL y déversent annuellement des milliers tonnes de produits provenant d'Israël mais aussi des colonies illégales et des territoires occupés. Confiant dans leur totale impunité, les Israéliens ne se donnent même pas la peine de le cacher; la provenance exacte des produits figure en toute lettre dans les documents de décharge.

Qu'à cela ne tienne, en 2001, l’UE n’a pas suivi les recommandations de la Cour de justice de la Haye qui demandait des sanctions contre la construction du Mur. En 2002, l'Accord d'association a même été amplifié dans les domaines de la collaboration antiterroriste, de la recherche scientifique et de la sécurité civile. Ce qui a permis à Israël d'être le premier Etat non européen à participer étroitement au «Programme-cadre de la Communauté européenne pour la recherche et le développement technologique» et d'avoir «l'honneur» d'être associé au développement du système européen de radionavigation par satellite «Galileo».

En outre, en décembre 2008, suite au «rehaussement» des relations UE-Israël décidé par le Conseil des ministres européens des affaires étrangères, un nouveau protocole de coopération renforcé a été inclus dans l'Accord d'association afin d'offrir à Israël un accès illimité aux programmes (et au fonds européens) de recherches académiques, scientifiques et techniques de l'UE.

- La «politique européenne de voisinage». Dans ce cadre particulier, Israël a été placé en tête de liste des 7 premiers pays à en bénéficier avec l'élaboration d'un Plan d'Action conjoint UE-Israël adopté en 2004 et entré en vigueur en 2005. Le but de ce Plan d'Action est de faire participer Israël «davantage aux structures économiques et sociales européennes». D'après les formulations officielles, la politique de voisinage de l'UE permet d'établir «un rapport privilégié, construit sur un engagement mutuel sur des valeurs communes (démocratie et droit de l'Homme, bonne gouvernance, règle du droit, principes de l'économie de marché et développement durable)». Et tout cela dans le but «d'établir un rapport politique approfondi et une intégration économique» qui «dépendra du niveau auquel ces valeurs sont partagées».

Ce Plan d'Action a été adopté au pas de charge en piétinant au passage un rapport - pourtant officiel - qui pointait ouvertement une série d'éléments qui entrent en contradiction flagrante avec certaines de ces «valeurs» devant êtres «partagées»; la discrimination systématique de la minorité arabe en Israël; les violations des droits de l'Homme dans les territoires occupés ou encore les exécutions extra-judiciaires menées par Israël. En avril 2008, la Commission européenne a publié un rapport sur l'état d'avancement par Israël de l'application de ces «valeurs» si ouvertement bafouées en concluant que «peu de réels progrès» ont été réalisé. Et une fois encore, cela n'a pourtant pas changé les choses d'un iota.

Que ce soit dans le cadre de ces accords ou par des accords bilatéraux similaires entre Etats membres (ou des Régions, comme dans le cas belge), Israël participe étroitement à une flopée d'activités sportives, culturelles, scientifiques, technologiques ou encore académiques avec l'Europe. Cet Etat dispose en outre d'un statut de «membre observateur» aux réunions du Conseil européen et dans toute une série d'instances ou de comités, comme Europol. De plus, la collaboration militaire entre des Etats européens et Israël s'est également renforcée depuis l'adoption d'un accord de coopération OTAN-Israël en octobre 2006. En conséquence, Israël a participé pour la première fois à des manoeuvres navales conjointes en Mer Noire en 2008.

«Partenaire privilégié»

Comme si tout cela ne suffisait pas, l'UE a donc décidé en décembre dernier de «rehausser» ses relations avec Israël en lui accordant le statut de «partenaire privilégié». Les négociations qui ont abouti à cette décision du Conseil des ministres européens des affaires étrangères du 8 décembre 2008 se sont déroulées sur plus d'une année et dans le plus grand secret. Au mois de juin 2008, l'eurodéputé communiste Francis Wurtz, s'adressait publiquement – et en vain - aux responsables de l'UE afin de leur demander des éclaircissements à ce sujet. D'après ses informations, la demande de rehausser les relations vient d'Israël et a été formulée dès le 5 mars 2007. Un premier groupe de réflexion s'est réuni en juin de cette année là et un second en octobre 2007, mais rien n'a filtré jusqu'au Conseil européen du 16 juin 2008 qui a décidé, sous l'impulsion de la présidence française de Nicolas Sarkozy, d'«d'améliorer» les relations avec Israël.

Le 8 décembre 2008, deux semaines à peine avant le déclenchement de l'Opération Plomb durci contre Gaza, les ministres des affaires étrangères de l'UE traduisaient donc la volonté des chefs d'Etats et de gouvernements en décidant formellement et à l'unanimité «le rehaussement du niveau et d'intensité des relations bilatérales» avec Tel Aviv. Deux jours avant le vote, la ministre israélienne des affaires étrangères Tzipi Livni faisait le déplacement à Bruxelles afin de convaincre les derniers (et bien faibles) récalcitrants et, surtout, pour éviter que cette décision ne soit liée d'une manière ou d'une autre à l'adoption d'un «plan de paix» avec les Palestiniens. Elle aurait notamment déclaré; «Votre rôle est de nous aider, mais laissez-nous faire sur le terrain.» Quelques jours plus tard, la population de Gaza subissait les terribles conséquences de ce «laissez-faire» accordé si généreusement.

Le «rehaussement» des relations implique qu'à partir du mois d'avril 2009 le statut d'Israël passe d'Etat «associé» à celui, un bon cran au-dessus, de «partenaire privilégié». Un statut effectivement privilégié puisqu'il est réservé aux (très) grandes puissances comme les Etats-Unis, la Chine ou la Russie. Ce qui permettra à Israël de participer à des réunions périodiques avec les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE, à des réunions tri-annuelles avec les chefs de la diplomatie européenne; à l'invitation permanente de représentants israéliens aux réunions du Comité pour la politique de sécurité de l'UE; à la participation permanente d'experts israéliens dans les comités européens sur la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, etc. L'accord prévoit également la possibilité pour Israël de participer à des «missions civiles» de l'UE dans le cadre de sa politique de défense et de sécurité commune.

Parlement impuissant et inconséquent

Contrairement à certaines idées répandues, le Parlement européen ne constitue pas précisément un rempart contre les menées pro-sionistes des autres institutions de l'UE. D'abord parce qu'il ne dispose pas de beaucoup de pouvoir sur la politique étrangère ou de sécurité européenne. Ensuite parce que plusieurs de ses prises de position sont directement en phase avec l'orientation de l'UE.

Il faut d'abord rappeler que lors de sa séance du 3 décembre 2008, le Parlement européen n’a pas voté contre le «rehaussement» des relations UE-Israël, il s’est en réalité contenté de reporter à une date ultérieure le vote de «l'avis conforme» sur cette question. En pleine offensive contre Gaza, il a adopté à une majorité écrasante (réunissant tant la droite du PPE que la «gauche» du PSE) une résolution audacieuse qui «sollicitait» les autorités israéliennes afin qu'elles permettent l'acheminement de l'aide humanitaire. Le texte adopté estimait également que la levée du blocus serait une mesure efficace pour lutter contre la contrebande d'armes et de munitions vers Gaza... Autrement dit le Parlement européen n'a rien à dire sur les livraisons d'armes à Israël mais se prononce contre le droit légitime des victimes à s'opposer à une agression armée pour le moins caractérisée.

Le 12 mars 2009, moins de deux mois après l'offensive contre Gaza et malgré ses précédentes velléités de protestation, ce même Parlement votait une résolution approuvant une proposition de la Commission visant à créer un «espace aérien commun avec Israël». Cette résolution affirme que, «considérant qu’Israël est le marché des transports aériens le plus important du Moyen Orient, avec un potentiel de croissance élevé, et eu égard à sa position stratégique en tant que pont entre l’Europe et le Moyen-Orient (…)», le Parlement européen «se félicite de l’engagement des négociations avec Israël sur un accord global dans le domaine des transports aériens» afin de favoriser «l’ouverture des marchés (…) réciproque et durable». La résolution évoque courageusement la nuisance écologique et sonore du développement des transports aériens, mais de l’attitude de l’Etat d’Israël envers les Palestiniens, on ne dit pas un mot.

Ce point mérite qu’on s’y attarde. La création d'un marché aérien commun avec Israël s'insère à la fois dans le prolongement des politiques pro-Israël de l'UE décrites plus haut (dans ce cas précis, dans le cadre du Plan d'Action conjoint de la politique européenne de voisinage, qui prévoit un volet sur l'aviation civile) et dans son objectif de mettre en place «un espace aérien commun», d'ici à 2010, englobant «les pays de l'UE et leurs partenaires situés aux frontières orientales et méridionales afin de les soumettre aux mêmes règles de fonctionnement du marché». Un marché libéralisé et dérégulé, ouvert à la concurrence la plus acharnée pour le profit de quelques compagnies aériennes privées, mais cela va sans dire.

Dans sa communication, la Commission européenne ne dit pas autre chose d'ailleurs puisqu'elle soutient qu'«Un espace aérien commun entre l'UE et Israël serait source d'avantages économiques considérables» puisqu'il devrait «accroître significativement les échanges commerciaux et les flux touristiques entre l'UE et Israël. On s'attend à ce qu'une partie importante des retombée économiques profite à l'industrie européenne et à l'économie européenne au sens large». Dans cette Communication, pas un mot également du conflit Israël-Palestine.

Des armes pour les bourreaux

L'offensive contre Gaza a mis en lumière une autre facette des relations étroites et déjà bien privilégiées entre l'UE et Israël, celle du commerce des armes, sans lesquelles aucune guerre ni aucune occupation ne serait pourtant possible.

En 2007, 18 Etats membres de l'UE ont autorisé 1.018 licences d'exportations d'armes pour Israël pour une valeur de totale de près de 200 millions d'euros. La Belgique, pour sa part, a officiellement accordé pour 5,4 millions d’euros de licences d’exportation d’armes vers Israël et sur la période 2003-2007 c’est un total de 23,3 millions d’euros, elle est ainsi le cinquième fournisseur européen le plus important de ce pays. La société flamande OIP (filiale de l’entreprise israélienne Elbit) livre du matériel de vision à infrarouge pour armes de tireurs d’élite, la FN Herstal fournit des munitions et la Région bruxelloise ne refuse jamais une licence d’exportation; en 2007, 66% des exportations d’armes pour Israël proviennent d’ailleurs de cette région. Tous ces chiffres sont certainement sous-estimés puisqu’ils ne comprennent pas les commandes destinées à des pays tiers où le matériel militaire ne fait que transiter avant d'arriver en Israël.

En outre, l’aéroport de Bierset constitue là aussi en Europe une véritable plaque tournante du trafic d’armes à destination d’Israël. Deux à trois fois par jours, des avions cargos US ou de la compagnie israélienne El Al bourrés d’armes et de munitions en provenance des Etats-Unis y font escale.

Le Code de conduite de l'UE ou la loi belge sur les ventes et le transit du matériel militaire précisent pourtant qu’ils peuvent être interdits si cela contribue à une violation flagrante des droits de l’Homme, à la répression interne ou à un conflit armé. On se demande combien de milliers de morts sont nécessaires pour que le caractère «flagrant» des entorses à cette règlementation saute aux yeux des autorités belges et européennes.

Mis sous pression par l'opinion publique avec le massacre des Palestiniens à Gaza, les gouvernements fédéraux et régionaux belges ont fort judicieusement attendu la fin de l'offensive pour déclarer vouloir suspendre toute nouvelle licence d’armes à destination d'Israël. Mais cette «interdiction», pas très contraignante, ne concerne que les équipements «susceptibles de renforcer la capacité militaire des forces en présence». Une notion très floue, qui renvoie d'ailleurs dos à dos Palestiniens et Israéliens (comment peut on parler de «capacité militaire» pour les Palestiniens qui n'ont pas d'armée digne de ce nom), mais qui permet surtout que les licences pour les équipements militaires de maintenance, de modernisation ou de renouvellement des stocks existants soient toujours autorisés.

Les fonds européens au service de l'occupant

Pendant le martyr de Gaza, l’Union européenne a ajouté au crime l'ignominie de l'«équidistance» en appelant indistinctement les deux parties à cesser leurs attaques comme si elles étaient également fautives. Comme si des bombardements aériens massifs déversant des tonnes de bombes étaient comparables à des tirs de quelques roquettes imprécises. Comme si l'instauration et le maintien du blocus contre Gaza, antérieur à ces tirs de roquettes, n'était pas déjà un acte de guerre défini comme tel par le droit international.

On a également assisté à une situation pour le moins aberrante: des dizaines d'infrastructures palestiniennes financées par l’UE ont été détruites ou endommagées par l’armée d'un Etat que cette même UE soutient sans faillir. En 2008, l’UE a déboursé quelque 550 millions d’euros pour garantir ces infrastructures ou assurer le minimum vital aux Palestiniens alors que, conformément au droit international, c’est pourtant Israël, de par son caractère de pays occupant qui doit normalement prendre tous les frais de fonctionnement de la vie civile de la population occupée à sa charge!

Ainsi, la pseudo «générosité» de l'UE à l'égard des Palestiniens profite avant tout à l'occupant Israélien. Une bonne partie de «l’aide» financière de l’Union européenne destinée à l’Autorité palestinienne va d'ailleurs directement dans leurs mains. Depuis les Accords d’Oslo, ces fonds sont acheminés via Israël qui ne les livre pas tous ou alors au compte-goutte afin de les utiliser comme moyen de pression et de chantage. Une partie de ces fonds est, de plus, exclusivement consacrée à payer des entreprises privées israéliennes afin de maintenir la dépendance de l’économie palestinienne en faveur de celle de l’occupant.

Entre 2008 et janvier 2009, près de 97 millions d’euros de fonds gérés par la Commission européenne et destinés aux territoires palestiniens ont été versés à l’entreprise pétrolière israélienne Dor Alon, qui fournit le diesel nécessaire à une centrale électrique qui assure 30% des besoins en électricité de Gaza. Cette entreprise à pourtant fortement réduit ses livraisons dans le cadre du blocus imposé par Tel Aviv afin de multiplier les coupures d’électricité pour les 1,5 millions de Gazaouis, ce qui ne l'a pas empêché de recevoir intégralement le pactole de l'UE.

Malgré les déclarations du responsable de la diplomatie européenne Javier Solana ou de la Commissaire européenne aux relations étrangères Benita Ferrero-Waldner, qui ont dénoncé le blocus de Gaza comme une «punition collective» envers la population civile, l’UE ne fait strictement rien de concret afin de l’empêcher et gratifie au contraire l'Etat et les entreprises qui en sont responsables.

Deux poids, deux mesures

Pendant les 23 jours d'offensive sanglante contre Gaza, aucun Etat européen n'a décidé, à l'image d'Hugo Chavez au Venezuela ou d'Evo Morales en Bolivie, d'expulser un ambassadeur israélien ni même de les appeler «à consultation». L'UE n'a pris aucune sanction contre Israël, elle n'a pas suspendu la vente et le transit d'armes ni ses accords de coopération malgré l'existence de clauses permettant légalement et légitimement un tel choix.

Questionnée par plusieurs eurodéputés afin de savoir pourquoi l'UE ne suspend pas ses accords de coopération avec Israël, la Commission a systématiquement répondu (en faisant un copié-collé de la même réponse aux différents députés) qu’il est «vital, particulièrement en temps de crise, de maintenir ouverts tous les canaux diplomatiques et politiques. Suspendre les relations avec un seul des partenaires reviendrait à affecter négativement l’influence de l’UE dans la région». On ne saurait être plus clair, ni affirmer aussi ouvertement le deux poids-deux mesures dont bénéficie Israël puisqu'en septembre 2008, afin de sanctionner la Russie, l'UE avait pourtant bien décidé dans ce cas de reporter les réunions qu'elle devait tenir avec ce pays afin de parvenir à un nouvel accord d'association jusqu'à ce que toutes les troupes russes aient quitté la Géorgie.

Malgré le massacre de plus de 1.400 Palestiniens, malgré les milliers de blessés et les destructions inouïes, malgré l’utilisation d’armes interdites (phosphore blanc, uranium appauvri, bombes à fragmentation), malgré le blocus inhumain infligé à la population de Gaza, l’UE a poursuivi ses relations soutenues avec l'Etat responsable de ces crimes.

Les 26-27 janvier à Bruxelles, alors que les cendres de Gaza étaient encore fumantes, le Conseil des ministres européens des affaires étrangères recevait, un dîner somptueux à la clé, la ministre israélienne des affaires étrangères d'un gouvernement qui venait d'assassiner froidement des centaines de femmes et d'enfants. Pas question de couper l'appétit des convives et de l'invité de marque avec ce genre de rappel; «nos» ministres se sont contentés, entre la mousseline de canard et le dessert, d'écraser furtivement une larme en «déplorant vivement les pertes en vies humaines». Pertes contre lesquelles ils n'ont pas levé le petit doigt afin de les éviter et ce alors qu'ils en avaient parfaitement les moyens.

Cette méprisable UE s'enfonce dans sa propre boue en s'apprêtant aujourd'hui à célébrer avec son «partenaire privilégié» l'octroi de son nouveau statut. Et cela au moment où le nouveau gouvernement de ce partenaire bien particulier a clairement annoncé qu'il n'acceptera pas la création d'un Etat palestinien et qu'il compte dans ses rangs des ministres d'extrême droite qui se proposent, rien de moins, que d'expulser les Arabes d'Israël. Par contre, pas question de négocier avec le Hamas car ce sont des «terroristes» qui, rendez vous compte, «menacent Israël»...

Cette Europe là n'est pas la nôtre

N'importe quel autre Etat du Moyen Orient qui aurait commis le dixième des atrocités perpétrées par Israël aurait été immédiatement mis au ban des nations et sanctionné. Mais Israël n'est décidément pas un Etat comme les autres, et ce n'est certainement pas un pseudo-sentiment de culpabilité des dirigeants européens à l'égard du génocide historique des Juifs qui explique une telle timidité mais bien des intérêts géostratégiques et économiques sonnants et trébuchants.

Avant, pendant et après la guerre de Gaza, dans ses relations avec Israël, l'Union européenne a démontré toute l'hypocrisie de ses beaux discours sur les droits de l'Homme et le respect du droit international. Ce que l'UE respecte avant tout, c'est également un allié privilégié pour défendre ses intérêts géostratégiques dans une région sensible pour son approvisionnement énergétique en pétrole. Ce que l'UE respecte avant tout, c'est le profit de ses multinationales pour lesquelles Israël représente un marché juteux. L’UE est le principal partenaire commercial d'Israël, c'est son plus grand marché d’exportation. Israël est à son tour l'un des principaux partenaire commercial de l'UE dans la région puisque cette dernière constitue sa deuxième source d’importation après les USA. En 2007, le volume des échanges commerciaux UE-Israël s'élevait à 25 milliards d'euros. Les capitalistes ne s'embarrassent pas de sentiments ni de morale; les «eaux glacées du calcul égoïste» font que les 1.400 morts de Gaza et les dizaines de milliers de Palestiniens tués depuis le début de l'occupation ne pèsent décidément pas lourd face à ces 25 milliards d'euros annuels.

Le décalage entre les politiques pro-Israéliennes de l'UE et de ses gouvernements et les centaines de milliers de manifestant/Es qui, dans toute l'Europe, ont vigoureusement protesté en janvier dernier contre la guerre d'agression d'Israël révèle une fois de plus le caractère illégitime de ces institutions européennes. Il souligne le gouffre béant entre cette Europe là, conçue et fonctionnant pour les seuls intérêts impérialistes et capitalistes et les aspirations populaires. La lutte pour une toute autre Europe, internationaliste et solidaire avec les peuples opprimés du monde, à commencer par le peuple palestinien, ne peut passer que par les mobilisations sociales et la rupture avec cette Union européenne qui a montré jusqu'à la nausée sa nature criminelle.

Sources:

«L’Union européenne paie pour le blocus de Gaza» , David Cronin

«Bruxelles-Gaza, le boomerang» , Henri Golman

«Pendant que les bombes tombent à Gaza, c’est ici que sonne la caisse», Carte blanche de Vredeactie, MIR-IRG, Le Soir, 19 janvier 2009

Questions et réponses écrites du Parlement européen

«Création d'un espace aérien commun avec Israël», Communication de la Commission, Bruxelles le 9.11.2007, COM(2007) 691.

«Les transferts d'armes de l'Union européenne et de la Belgique vers Israël. Quelle conformité avec le Code de conduite en matière d'exportation d'armements?» , Caroline Pailhe, janvier 2009

«Mil muertes palestinas no cambian el rumbo» , David Cronin, IPS News

«L'Europe s'est prononcée pour le rehaussement du niveau d'intensité de ses relations bilatérales avec Tel-Aviv», Samar Al Gamal, Al-Ahram Hebdo

«La collision européenne avec Israël», David Morrison, The Electronic Intifada

«Shame on you, old Europe!» Michel Warschawski, Alternative Information Center (AIC), 05 Février 2009


La LCR défend:

  • La rupture de tous les accords, traités et avantages économiques, commerciaux, diplomatiques, scientifiques et culturels entre l’UE, ses Etats-membres, l'OTAN et Israël
  • L’interdiction absolue de la vente et du transit sur tout le territoire européen - y compris via des pays tiers - de tout matériel ou technologie à finalité militaire à destination d’Israël
  • L’application de sanctions diplomatiques et économiques contre Israël et la reconnaissance du caractère raciste, colonial et terroriste de cet Etat
  • Le gel des avoirs israéliens sur le territoire européen et leur utilisation afin de financer la reconstruction des infrastructures palestiniennes détruites
  • L’utilisation de tous ces moyens afin d’imposer à Israël la levée du blocus contre Gaza; le démantèlement des colonies, du Mur et des check-points; la libération des prisonniers palestiniens et le retrait définitif de toutes les troupes d’occupation
  • Le retrait du Hamas de la liste des «organisations terroristes» établie par l’UE et la reconnaissance pleine et entière de cette organisation comme un interlocuteur légitime.
  • La mise en place d’une Commission internationale d’enquête sur les crimes israéliens afin de juger et condamner les responsables politiques et militaires de ce pays pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité
  • La mise en place à l’échelle internationale d’un boycott citoyen des produits, des manifestations académiques, culturelles et sportives israéliens à l’image de celui décrété contre l’Afrique du Sud à l’époque de l’Apartheid
  • La Belgique et l'UE doivent cesser de soutenir la prétendue «guerre contre le terrorisme» exigée par Washington: retrait immédiat des troupes belges et européennes du Liban, d'Irak et d'Afghanistan

La LCR est pleinement solidaire du peuple palestinien et des militants anti-colonialistes et anti-guerre israéliens. Dans le conflit Israël-Palestine, nous ne sommes ni «neutres», ni pacifistes: Un peuple opprimé et colonisé a le droit de se défendre contre ses oppresseurs, y compris par les armes.

Nous affirmons également qu'il n'y aura jamais de paix au Proche-Orient sans justice pour le peuple palestinien; le droit à récupérer sa terre et à décider lui-même de son propre sort. Pour un Etat démocratique et laïc pour toutes et tous.

Voir ci-dessus