Le sommet européen des 8 et 9 décembre: l'UE ne peut pas mieux
Par Michiel Herman le Mardi, 20 Décembre 2011 PDF Imprimer Envoyer

Le sommet des 8 et 9 décembre a été, selon certains, le sommet sur l'avenir de l'euro, celui du tout ou rien… Ce nouveau sommet succède à ceux des 26-27 octobre, du 23 du même mois, du 21 juillet, des 23-24 juin,  du 24-25 mars, à celui du 11 mars et au  sommet du « Pacte de l’Europe » du 4 février... L'effet de déjà-vu est presque pitoyable et les conséquences sont toujours drastiques pour la grande majorité des Européens qui subsistent de leur travail ou des allocations.

Si la politique appelée « construction de l'UE » ne donne rien de plus que des variations sur les mêmes politiques, on est on droit de conclure que dans cette construction-là il ne faut s’attendre à rien de plus. En effet, on peut supposer que les dirigeants européens savent très bien que la construction de l'UE, celle de l’euro en particulier, est au bord du gouffre, qu’ils travaillent fébrilement à des solutions, qu’ils ont renoncé au sommeil pour sauver les meubles. Les résultats du récent sommet prouvent cependant, encore une fois, que la boîte à outils dans laquelle ils sont en train de fouiller ne contient rien qui puisse remédier à la situation.

Le « président » Van Rompuy a résumé les résultats atteints : à court terme 200 milliards d’euros seront remis au FMI afin d’aider des pays européens. Le détour par le FMI a « l'avantage » que cette institution peut poser ses exigences connues en termes de réformes comme il évite formellement la violation du traité de Lisbonne qui interdit que ce soit l'assistance mutuelle entre États membres ou le soutien de la BCE. En outre le Fonds de secours provisoire FESF (Fonds européen de stabilité financière) sera bientôt renforcé -  ce n'est pas une nouvelle : depuis des mois on parle de lui donner un « effet de levier » allant jusqu’à 1000 milliards d’euros, mais comment, ce n'est pas encore dit.

Le mécanisme européen permanent d’aide ESM est mis en place un an plus tôt qu’initialement prévu, mais il faudra néanmoins attendre encore une année, jusqu’à juillet 2012. Et les moyens - 500 milliards d’euros- sont tout au plus suffisants pour sauver quelques petits pays membres, mais pas quand il s'agit de l'Italie, de l'Espagne, de la France... L'octroi de prêts de ce fonds serait un peu plus facile parce que l'unanimité au Conseil n’est plus exigée. Cependant le problème demeurera si un pays préfère ne pas faire librement usage des fonds européens, pour ne pas mettre en péril sa souveraineté (ou ce qu'il en reste) en cause et tomber sous la coupe d’une troïka d’agents des CE-BCE-FMI.

Quand au «PSI» (Private Sector Involvement) – la participation du secteur privé- il n’en est plus question. En octobre, le secteur privé a été pour ainsi dire mis dans le bain pour la restructuration de la dette grecque dont il a laissé tomber  50%. En réalité ce fut simplement l’acceptation d’un état de fait (et, en pratique, une garantie donnée aux banques qu’elles récupèreront au moins 50%). Mais les marchés ont réagi avec colère, et les dirigeants européens ne répèteront pas  cette « erreur ». Les banques veulent évidemment leur version de PSI: Public Sector Involvement

A moyen et long terme, l'UE, ou au moins une partie de celle-ci, a enfanté un autre pacte. Mais il ne s’agit plus d’un pacte Europlus comme il y a six mois, mais d’un pacte budgétaire. (Beaucoup de médias, y compris la VRT, parlent d'un « pacte fiscal », ce qui est une traduction fausse et trompeuse des vocables  anglais « fiscal compact ». Il s’agit de budgets gouvernementaux, et non pas -  ou seulement indirectement - des impôts).

C’est même d’un "plus"-pacte qu’il s’agit: les pays de la zone euro, plus les courtisans. Londres reste en dehors. Le pacte voudrait signifier que les déficits budgétaires ne dépassent pas 0,5% du PIB. Ce pacte va 2,5% plus loin que le pacte de stabilité, qui mettait la limite à 3%. Les sanctions pour violation de la limite de 3% seront automatiquement infligées, comme c’est déjà le cas maintenant àdans le cadre du "six-pack" approuvé récemment... Personne ne semble avoir remarqué que même le seuil de 0% (voire d’un excédent) couplé à des sanctions programmées par ordinateur résoudrait la crise européenne avec autant d’efficacité qu’un sparadrap colmaterait les fissures d’un réacteur de Fukushima !

Par ailleurs, certains dirigeants européens semblent ressasser leurs sommets précédents. Que les projets de budget doivent être soumis à la Commission européenne, ce n’est pas nouveau —  cette règle scandaleuse faisait déjà partie du « Semestre européen » et était amplifiée par la « 6-pack ». Mais, apparemment les dirigeants n’ont  plus confiance en leur propre structure juridique. La discipline budgétaire est inscrite dans le Pacte de stabilité depuis 1997, dans le pacte Europlus, dans le six-pack, et dans les nouveaux projets de lois que la Commission a lancés le 23 novembre dernier…  Comme si cela ne suffisait pas, on veut graver ce « principe sacré » dans les constitutions nationales (ou équivalent). C'est presque un testament politique : s’assurer que la discipline restera même s'il n'y a plus d'Union européenne...

On ne peut pas échapper à la conclusion que l'Europe ne peut pas mieux. Son horizon politique est un petit cercle de même pas un mètre de diamètre, contenant seulement quelques notions laconiques comme la concurrence, la discipline budgétaire, les entreprises privées, les bénéfices, les marchés financiers... Peut-être qu’on ne peut pas blâmer les gens qui ont des horizons limités. Il est probable qu’Herman Van Rompuy a été de bonne foi quand il a souhaité la bienvenue à la Croatie comme 28e État de l’UE et lui a promis la prospérité dans cette grande Union. Nous devons nous blâmer nous-mêmes si nous laissons de tels gens mener une telle construction.

Michiel Herman 

Traduction du néerlandais: Rafik Khalfaoui

Voir ci-dessus