Union européenne : tout pour la libre entreprise!
Par Angela Klein le Lundi, 21 Mai 2007 PDF Imprimer Envoyer

L'Europe de Maastricht impose le démantèlement des droits du travail et des système sociaux dans les différents pays de l'Union. Un exemple ? Il est interdit dans son cadre d'unifier les droits sociaux les plus avancés.

La mise en concurrence réciproque des travailleurs, des systèmes de protection sociale et des niveaux de vie est un des défis majeurs que nous impose la globalisation des marchés financiers et de la production. Contrairement aux capitaux qui, au moyen des communications électroniques se déplacent en quelques secondes d'un point à l'autre du globe, les travailleurs ne peuvent jouir de la même mobilité.

Chaque crise de surproduction connaît ce paradoxe par lequel même dans une période de croissance économique et de hauts bénéfices pour les actionnaires, les licenciements continuent à augmenter, surtout dans les secteurs où le travail est encore relativement protégé. Mais, comme c'est le cas aujourd'hui, lorsque la circulation des capitaux n'est plus sujette à aucune forme de contrôle et que les marchés sont dérégulés, ce paradoxe se fait plus aigu que jamais.

Actionnaires contre travailleurs

Prenons le cas récent d'Airbus. Cette entreprise qui appartient à un véritable complexe militaro-industriel européen, EADS, a un carnet de commande rempli pour cinq ans et son chiffre d'affaires, pour la seule année 2005, atteint 2 milliards 850 millions d'euros, en croissance de 17%. Les bénéfices sont maximums mais cependant, cela ne suffit toujours pas aux actionnaires car les retours sur investissement n'arrivent qu'après presque huit ans.

Or, les actionnaires demandent aujourd'hui un laps plus court. Pour y parvenir, ils veulent que les contrats de travail à durée indéterminée soient transformés en contrat courts, précaires, à durée déterminé. C'est ce qui explique la menace de licencier jusqu'à 22.000 travailleurs. Quant au concurrent étatsuniens Boeing, il fait pareil et menace de licencier 7.000 travailleurs entre 2008 et 2009.

Ce qui se passe à Airbus se répète chez Volkswagen, Telekom, Bayer, etc. La concurrence effrénée met en difficulté tout type de résistance syndicale et ouvrière lorsqu'elle se limite à un niveau local ou national.

L'UE démantèle les systèmes sociaux

Quant aux systèmes de protection sociale, la situation n'est guère meilleure, mêmes si les mécanismes sont différents puisqu'ils ont à voir avec des systèmes étatiques dans lesquels la concurrence n'a pas un rôle aussi prédominant. Et c'est justement ici qu'entre en jeu l'Union Européenne : le Traité de Maastricht impose aux gouvernements à la fois des réductions drastiques des dépenses publiques et des cadeaux dorés au patronat sous forme de réductions de ses contributions à la sécu et par la baisse des impôts sur le capital - sous prétexte d'attirer les investissements. Pour financer cette politique d'enrichissement des riches, il faut bien trouver l'argent quelque part. On le trouve en ponctionnant les chômeurs, les malades, les retraités, les jeunes en formation, les travailleurs. La baisse des recettes patronales à la sécu s'équilibre par la liquidation des dépenses sociales, supprimant ainsi des droits élémentaires entiers de protection sociale.

L'UE n'a aucune compétence sociale directe, et elle ne le souhaite pas. Elle veut que les système sociaux et fiscaux continuent à être une compétence purement nationale. En Allemagne, avec les lois Hartz pour les chômeurs, ont descend même à l'échelon le plus bas puisque les municipalités sont rendues responsables du maintient des chômeurs. On tend ainsi à atteindre des situations comme celles qui prévalent en Pologne ou en Angleterre : si la commune à de l'argent, tu peux t'estimer heureux et recevoir un revenu qui permet à peine de survivre. Si ce n'est pas le cas, alors…

L'idée maîtresse de l'UE, avec les Traités de Maastricht, Nice et Amsterdam, tous englobés dans le nouveau projet de traité constitutionnel imposé aujourd'hui par la chancellière Merkem, est la suivante : pour satisfaire les exigences du capital (dénommé " l'économie ") on exige des normes européennes qui sont soustraites au contrôle des parlements nationaux tandis que pour les exigences des travailleurs, des chômeurs et des immigrés, on interdit la création à l'échelle européenne de conditions de vie et de travail communes. Le Traité constitutionnel inscrit ainsi dans sa Partie II (Charte des droits fondamentaux) la " liberté d'entreprise " mais fait veto à toute politique commune ou comparable pour les niveaux de protection sociale. Car cela pourrait entrer en contradiction avec la libre entreprise et " fausser la libre concurrence ".

Dans le Traité de Rome, il y a 50 ans, figurait encore l'idée que l'Europe devait servir au progrès économique et social de tous ses citoyens et que les conditions de vie devaient être progressivement tirées vers le haut. Cette idée n'a pas seulement disparue dans les nouveaux traités, mais elle a en plus été transformée en son contraire ; toutes les mesures de la Commission européenne pour " égaliser " les niveaux de vie ou d'imposition tendent vers l'objectif d'inciter à la concurrence et de baisser les coûts du travail

"Pas à pas pour aller où?" demandent les scandinaves

Que faire ? Il est nécessaire de sortir de l'UE, qui est une machine de destruction de l'Etat social répondent nos amis scandinaves, qui jouissent encore de niveaux de protection sociale plus élevés et qu'ils veulent donc, et cela se comprend, préserver. D'autres, en revanche, avancent des propositions racistes du type : mettons seulement ensemble les " bons " européens, les riches, quant aux autres ils sont juste utiles pour être exploités mais pas pour être aidés (les Polonais par exemple, sans parler des Roumains ou des Bulgares).

Grâce à la globalisation du capital, mais aussi à des décisions politiques explicites visant à rendre impossible une nouvelle guerre européenne, nous avons atteint en Europe un niveau d'intégration économique et politique qui, bien qu'inégalitaire, ne pourra justement être dissous que par de nouvelles guerres - économiques, politiques et y compris militaires. 70% des lois adoptées aujourd'hui dans les parlements nationaux ont leurs origines à Bruxelles. Le rôle " indépendant " (de tout contrôle parlementaire) de la Banque centrale européenne est l'objet de fortes critiques. Mais qui propose sérieusement de réintroduire des barrières douanières entre les pays de l'UE ? Qui voudrait interdire à un avocat italien de s'installer en Suède ? Et la monnaie commune ? Ce n'est pas cette monnaie, en tant que telle, qui crée problème, c'est la politique économique dans son ensemble. Mais cette dernière ne se décide pas à Bruxelles, mais bien dans toutes les capitales européennes, parce que les véritables maîtres de cette Europe sont toujours les grandes entreprises et les élites politiques qui décident en leur faveur.

Le poids politique des expériences

Alors, que faire ? Les auteurs de la " Charte de principes de l'Autre Europe " (1) proposent une solution internationaliste : des droits sociaux égaux pour tous partout. Non seulement pour ceux qui jouissent de la citoyenneté dans l'UE, mais pour tous les résidents. La veille idée selon laquelle le progrès économique doit être utilisé afin d'augmenter et d'adapter vers le haut les niveaux de vie de tous doit être réalisé. Il ne pourra pas être atteint en s'appuyant sur les mécanismes institutionnels européens actuels crées afin d'obtenir l'inverse. Nous voulons donc de nouveaux mécanismes qui combinent les droits des peuples à l'autodétermination avec la recherche au niveau continental de solutions communes pour les problèmes que nous avons en commun.

En ce qui concerne les droits sociaux, mentionnons la nécessité d'une seuil commun européen pour le salaire minimum, un niveau commun de prestations sociales de chômage, de maladie, pour les retraites, pour l'éducation gratuite et des services publiques étendus et de qualité. La réduction du temps de travail à 35 heures/semaine pour tous et toutes dans toute l'Europe, le droit de grève et à des contrats collectifs de travail, etc. La Charte des principes exige que l'Europe se construise de façon différente. Mais pour ce faire, il est nécessaire de réaliser l'action commune des mouvements sociaux et des syndicats européens. La dimension européenne de la lutte doit être centrale dans nos interventions, avec comme armes principales la grève européenne et les campagne contre les directives de la Commission (comme ce fut le cas pour Bolkestein) et contre la militarisation de l'Europe.

(*) Angela Klein est membre de l'ISL, section allemande de la IVe Internationale, et animatrice du réseau des Marches européennes contre le chômage, la précarité et l'exclusion. Traduction : La Gauche

La Charte des principes de l'Autre Europe est un texte né lors de la réunion des 12 et 13 novembre 2005 à Florence (Italie) lors du Forum Social Européen, convoquée spécifiquement afin de la rédiger. Elle a été rediscutée puis ratifiée lors du Forum Social Européen d'Athènes en mai 2006.

Voir ci-dessus