Leterme la gaffe: l’impossible gouvernement
Par Francis Taylor le Samedi, 30 Août 2008 PDF Imprimer Envoyer

A la télé lors de la dernière démission de Leterme on pouvait entendre le patron flamand de la Fédération des Entreprises de Belgique verser un pleur sur l’image de la Belgique – entendez le marché belge – pas troublé au point d’annuler ses vacances, rassurez vous. De son côté le porte-parole de la fédération des entreprises flamandes expliquait que tout ira mieux quand elles auront un interlocuteur régional aux affaires économiques. Il n’avait pas l’air traumatisé non plus. Ils n’ont pas annoncé quelque déclaration de guerre entre eux, ils entonnent simplement une mélodie à deux voix pour une même chanson.

Mille parts = une voix, le régime idéal pour la bourgeoisie

Nous avons bien cerné la nature de classe de l’état. Nous vivons sous la dictature de la bourgeoisie, soit, mais ceci signifie-t-il que chaque instance de l’état soit comme un seul homme au service de la bourgeoisie? Chaque homme ou femme politique est-il (elle) valet de la bourgeoisie? La crise belge est une illustration parmi d’autres de la relative autonomie des institutions par rapport à leur sujétion de classe. Ne perdons pas de vue que l’accession au suffrage universel de tous est une conquête de la lutte des classes. Elle a même été acquise de haute lutte. Le régime politique idéal pour la société bourgeoise, ne cherchez pas, c’est la démocratie de la société anonyme, c'est-à-dire une part = une voix ou plus parfaitement mille parts = une voix. La démocratie parlementaire flanquée du suffrage universel ce n’est déjà plus du tout ça. Bien sûr la bourgeoisie a gardé la main grâce à son contrôle sur l’initiative économique et sur les nombreuses façons de fabriquer l’idéologie mais il lui arrive bien des défaillances.

Pression chauvine ...

Le P.O.B. dénonçait justement la division du prolétariat par le communautarisme. La bourgeoisie a longtemps pu tirer profit de la diversion communautaire à l’identité salariée chez les flamands, elle a aussi tiré avantage de la division linguistique des travailleurs dans les grandes confrontations – question royale, 60-61… Aujourd’hui aucune force ne peut plus maitriser la pression chauvine majoritaire dans la première communauté de Belgique. La classe dominante la subit avec bienveillance, elle a tout à gagner des nouvelles concurrences dans notre classe et autant de la dégradation de la conscience de classe. Ceci dit, elle a bel et bien perdu prise sur le phénomène qui met en danger l’unité de l’état, la survivance de la monarchie et ouvre la porte à toutes les instabilités.

...et urgences sociales reportées

15 mois de vacances gouvernementales et qui est en crise? Manifestement le personnel politique est incapable de former un vrai exécutif avant les prochaines échéances électorales mais qui est demandeur? Outre un programme de contre-réformes néolibérales, les urgences reportées sont des mesures contre la vie chère, une réponse à la pression des sans papiers, le contrôle politique de l’énergie: trois dossiers dans lesquels la bourgeoisie n’est pas demandeuse. Contre la vie chère on peut augmenter les salaires et les allocations sociales ou fixer les prix à la baisse.

De ce genre de réformes la bourgeoisie ne veut bien entendu pas entendre parler. Dans la logique néolibérale on peut évidemment transférer des salaires indirects en salaires nets, on peut aussi réduire la charge fiscale des petits revenus. Ces réformes-là sont négociables mais elles mettraient l’état en déficit. Cela non plus la bourgeoisie ne le souhaite pas ou le plus tard possible.

Populariser le bilinguisme et la solidarité intercommunautaire 

En réalité la bourgeoisie ne tient pas à lutter contre la vie chère, elle ne tient pas à résoudre les problèmes des sans-papiers et elle préfère très nettement que le marché s’occupe de l’énergie... Aucun des courants politiques issus des urnes n’a manifesté l’intention de conduire des initiatives sérieuses dans ces matières non plus. Alors la tâche du jour est plus que jamais de combattre le chauvinisme communautaire et de populariser le projet de représentation politique autonome et bilingue des travailleurs. Ce projet ne concerne pas seulement la petite gauche, il concerne tous les progressistes dispersés dans les formations politiques ou syndicales, dans des associations et aussi inorganisés. Soyons prêts à composer avec bien des confusions stratégiques, seule l’autonomie de classe doit nous limiter.

L’enjeu est de rouvrir une perspective progressiste anti-néo-libérale et de conjurer la progression des courants fascisants en Flandre. Il existe en Flandre un courant de solidarité intercommunautaire. Elle est exprimée par des artistes, des philosophes mais n’est pas encore représentée au plan politique, même dans la petite gauche. Flamands et francophones pourraient aujourd’hui se trouver uni dans une revendication républicaine. En tous cas il ne suffit pas de proclamer que la question communautaire ne nous concerne pas.

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