UAG-CAP : élections et désunions
Par Ataulfo Riera le Jeudi, 15 Février 2007 PDF Imprimer Envoyer

Les suites de la " Conférence pour une autre politique de gauche " du 28 octobre 2006 (voir nos précédents numéros) n'ont pas tout à fait permis de répondre aux expectatives de cette journée qui avait vu se rassembler 650 personnes à Bruxelles dans le but de commencer à construire une alternative politique. Les deux initiatives à l'origine de cette démarche unitaire, soutenue par la LCR (ex-POS) ; Une Autre Gauche (UAG) et le Comité pour une autre politique (CAP) ont entre-temps pris des positions divergentes sur les élections législatives et une rupture (provisoire ?) de leur collaboration a eu lieu. Tout cela dans un contexte socio-politique particulièrement régressif et sombre pour les luttes, ce qui n'aide pas, que du contraire.

Parmi les difficultés rencontrées au lendemain du 28 octobre figurent en premier lieu les relations mêmes entre UAG et le CAP, parasitées par l'attitude du Mouvement pour une Alternative socialiste (MAS), organisation qui avait quitté avec fracas UAG suite à son refus d’accepter certaines règles élémentaires de fonctionnement démocratique, mais qui est par contre fort active dans le CAP. Le MAS a unilatéralement décidé d'initier seul la construction de comités CAP en Wallonie et ce sans qu'il n'y ait eu un accord là dessus entre toutes les composantes du CAP en Flandre - nos camarades néerlandophones s'y étant farouchement opposés. Or, il ne peut pas y avoir de place pour deux dynamiques affichant officiellement des objectifs similaires "d'unité". Le résultat est que la construction de ces comités, en concurrence directe avec UAG, ne fait que semer la confusion, le scepticisme et offre une fois de plus l'image déplorable de la dispersion et de l'incapacité sectaire de la "petite gauche" à s'entendre.

Cette attitude du MAS, couplée à l'incapacité pour le CAP en tant que tel - du fait de son fonctionnement interne - de prendre une position et une décision claires à l'encontre de ces agissements, a provoqué la réaction légitime dans UAG de suspendre provisoirement toute forme de collaboration entre les deux mouvements, tout en laissant la porte ouverte aux collaborations locales, individuelles ou par groupes de travail.

Questions à résoudre

Tous ces problèmes ont absorbé et consommé une énergie de temps, de paroles et d'écrits, nécessaires, mais stériles et un peu dérisoires face aux enjeux de fond. Un temps et une énergie perdus pour le développement et l'élargissement propre d'UAG. Résultat, toute une série de questions ne sont toujours pas résolues: l'adoption d'une Charte constitutive qui définit fondamentalement ce qu'est et ce que veut UAG; un fonctionnement interne, un système d'adhésion, du matériel de présentation, une politique active de contacts et d'élargissement, etc.

Cette lenteur est également le reflet d'un climat social et politique pour le moins régressif, avec, une fois de plus, de nombreuses occasions manquées de luttes sociales importantes - que ce soit autour de l'AIP, avalisé pratiquement sans broncher par les syndicats, ou dans l'affaire VW. Or, pour pouvoir décoller, outre les obstacles du sectarisme à lever, toute expérience de recomposition à gauche a également besoin de l'oxygène des luttes et des mobilisations sociales pour se développer.

Malgré toutes ces difficultés, UAG a suivi un cours intéressant. Les AG rassemblent entre 40 et 70 personnes et des groupes locaux existent désormais, avec des succès inégaux, à Bruxelles, Liège, Charleroi, Ath-Tournai, Mons, Verviers, Anderlues (via le groupe local Gauche dont notre camarade Freddy Dewille est élu conseiller communal) et probablement à Mouscron et dans le Brabant wallon à court terme, ainsi qu’à La Louvière où un contact a été noué avec une initiative unitaire de gauche locale. L'état des lieux des "membres" et "sympathisants" d'UAG manque de précision vu que la question de l'adhésion n'est pas réellement concrétisée et clarifiée. Sur le papier, environ 200 personnes " adhèrent " à la démarche en signant l'appel initial, en participant aux réunions - et dans certains groupes locaux en payant une cotisation - et plus de 500 personnes sont inscrites sur la liste de diffusion électronique.

Via ses groupes locaux ou de travail, UAG a été capable d'intervenir, là aussi avec des résultats inégaux, sur une série de questions et de luttes importantes du moment : contre la présence de troupes belges au Liban ; en solidarité avec Bahar Kimyongür et contre les lois " antiterroristes " ; lors du conflit à VW-Forest et sur la question de l'Accord Interprofessionnel - avec la production et la diffusion dans les milieux syndicaux, de documents analytiques et revendicatifs fort riches. Tout récemment, le groupe femmes d'UAG a mené une activité publique intéressante en collaboration avec les Femmes musulmanes de Belgique ; le colloque "Regards croisés sur les luttes des femmes" ayant rassemblé plus d'une centaine de personnes et permis, sur une question essentielle, de tisser des ponts avec la communauté arabo-européenne.

Elections : pas prêts

Les choses se sont également décantées quant à la question électorale. Nous ne sommes pas opposés, par principe, au fait que des expériences de recomposition se présentent aux élections, que du contraire car c'est là l'une de leurs raisons d'être parmi les plus importantes afin d'offrir une alternative politique concrète à la gauche des verts et de la social-démocratie. Par contre, cela ne peut se faire à n'importe quel prix. Déposer des listes n'a de sens que là où une série de conditions sont réunies (composition de listes crédibles et plurielles; programme digne de ce nom ; moyens humains et financiers afin de mener une réelle campagne dynamique, etc.). Conditions permettant d'obtenir un score suffisamment significatif pour donner légitimité et crédibilité à l'expérience et l'inscrire dans la durée.

Dans UAG, au contraire du CAP (voir article ci-contre), la nécessité de telles garanties a prévalu. Le dépôt de listes pour les élections de juin 2007 a ainsi été majoritairement jugé comme un acte prématuré risquant de mettre en péril l'initiative elle-même vu sa fragilité. L'idée est plutôt de travailler à la construction, à l'élargissement et au développement de l'expérience. Sur la question électorale, la proposition est d'agir par l'interpellation dans la campagne présente et de viser une présentation pour les élections européennes et régionales de 2009. Un appel, voire une campagne d'UAG en ce sens, pourrait être lancé au lendemain des élections législatives.

Seule exception notable à cette orientation générale : la région du Hainaut, où une sorte de fédération des groupes locaux d'UAG (Mons, Tournai, Ath, Charleroi, Anderlues - et peut être La Louvière) décidera le 04 mars prochain de déposer ou non et dans quelles conditions une liste UAG pour la Chambre. Un tel choix doit être soigneusement pesé, il peut être tout à fait envisageable à condition de le considérer comme une sorte de "test" et surtout de ne semer aucune sorte d'illusion quant au résultat. L'accord d'un maximum des forces régionales d'UAG-Hainaut et la pluralité de cette liste sont également autant d’éléments à tenir en compte dans le choix final.

Avec le choix de ne pas déposer des listes partout, UAG s'inscrit donc désormais dans une démarche de longue durée dont il faudra mesurer toutes les conséquences. Un an après la publication de l'Appel dans la Libre Belgique et après 10 mois d'existence, en soi, cela permet de prendre le temps pour la discussion et les décisions et de ne pas subir la pression de l'urgence et de l'effervescence d'une campagne électorale afin d'aborder les questions fondamentales ; que voulons nous construire, comment, avec qui et avec quelles initiatives concrètes, rythmes et perspectives ?

C'est Clair et Net sur : www.uneautregauche.be

Voir ci-dessus