Questions de la Révolution espagnole
Par Ataulfo Riera le Vendredi, 14 Juillet 2000 PDF Imprimer Envoyer

Un dossier sur différentes thématiques liées à la Révolution et à la Guerre civile espagnole de 1936-1939.

1. Les causes économiques

L'évolution économique de l'Espagne permet de mieux comprendre sur quelles bases s'effectuèrent les bouleversements sociaux et politiques qui convergèrent dans la Révolution de 1936.

L'Espagne des aimées '30 était un pays fondamentalement agricole: plus de la moitié du revenu national et plus des 2/3 des exportations provenaient de l'agriculture. Cette dernière occupe 6 millions de paysans, dont 4 millions d'ouvriers agricoles et 2 millions de petits propriétaires. Mais les outils et les techniques de la production agricole sont archaïques, le rendement des terres est l'un des plus faibles d'Europe.

Non seulement ce dernier est bas, mais il reste stationnaire alors que la population des campagnes augmente, ce qui contribue à la misère croissante du prolétariat agricole, dépossédé de sa terre par les grands propriétaires terriens. En 1932, sur les 2.434.268 exploitations agricoles, 1.460.760 avaient une étendue de moins d'un hectare tandis que 7.508 d'entre elles en comptaient plus de 5.000! Ainsi, ceux qui ne possédaient pas assez d'hectares pour subvenir à leur besoins (près de 84 des petits propriétaires) étaient obligés de travailler pour le compte des "seigneurs" et ce, tout comme pour la masse des ouvriers agricoles, pour un salaire de misère.

L'émigration est ainsi la seule solution de survie pour beaucoup: plus de 2 millions et demi d'Espagnols quitteront leur pays entre 1900 et 1930.

Industrialisation faible et crise

Cette situation est renforcée par le fait que les villes sont incapables d'absorber toute la main d'oeuvre "excédentaire" des campagnes. L'industrie s'y est tardivement développé et n'a connu qu'une ère d'expansion courte (de 1898 à 1918). De plus, elle ne s'est cristallisée que dans des régions géographiquement déterminées: Asturies, Pays-Basque et Catalogue où travaillent 2,5 millions d'ouvriers et de mineurs. Cette industrie s'est très vite limitée aux mines (les ressources minières sont importantes, notamment du cuivre et du minerai de fer), à la sidérurgie et au textile et est essentiellement tournée vers l'exportation.

Le capitalisme espagnol, du fait de son expansion tardive, a peu de débouchés extérieurs. Cette industrie est également "bloquée" du fait que la consommation intérieure est faible à cause des structures sociales archaïques qui maintiennent les masses dans un état de pauvreté permanente. L'Espagne doit ainsi importer une grande partie de ses produits manufacturés contre l'exportation de ses produits agricoles ou miniers.

La crise agricole et économique qui va frapper le pays à partir des années 30 (influencée spécifiquement par la crise mondiale du capitalisme) ne fera que renforcer cette situation. En 14-18, l'économie espagnole connut une expansion importante car la plupart des pays européens, consacrant l'essentiel de leur économie pour la guerre, importèrent une quantité importante de produits espagnols. Mais, sitôt, la guerre finie, la stagnation reprit le dessus car les profits engrangés n'avaient été réinvestis ni dans l'amélioration de la production agricole, ni dans l'industrie.

L'impossible révolution bourgeoise

La cause de ce retard économique se trouvait dans la structure sociale du pays. C'est une classe aristocratique, (50.000 personnes) détentrice des grandes terres et qui comptait pour alliés la caste des officiers, le clergé, la bourgeoisie foncière, financière et industrielle et une partie des intellectuels qui dominait le pays (en tout, 1 millions de personnes). Un pour-cent des propriétaires terriens possédaient autant de terres que tous les autres réunis! Cette classe foncière base toute sa richesse et son pouvoir sur l'exploitation de la paysannerie. Elle est hostile à toute augmentation des salaires et à tout progrès technique en matière de production agricole. Pour les grands propriétaires terriens, il est bien moins cher de perpétuer le type de production primitif que de l'améliorer.

La bourgeoisie espagnole, le pays n'ayant jamais connu de révolution bourgeoise, est apparue tardivement et était extrêmement faible: "Le capitalisme espagnol est un capitalisme à ses débuts développé grâce à la monarchie et habitué à cette protection" (1). Les bourgeois sont liés par mille liens économiques, idéologiques, politiques ou familiaux aux grands propriétaires fonciers. Le protectionnisme traditionnel de l'économie espagnol ne permettait pas l'arrivée d'un flux important de capitaux étrangers, investissements qui auraient pu permettre un développement industriel important. Le capital étranger existait tout de même (anglais et français surtout), mais il se limitait essentiellement aux entreprises exportatrices.

De plus, les investisseurs étrangers s'appuyaient fermement sur les vieilles classes féodales dirigeantes qui, étant hostiles à l'industrialisation systématique, ne favorisaient pas la bourgeoisie nationale. Ce qui explique que la bourgeoisie internationale favorisa dès le début le camp franquiste contre la République.

Cette faiblesse de la bourgeoisie explique que lors de l'avènement de la République espagnole, en 1931, les partis bourgeois au pouvoir furent incapables de mener à bien les tâches historiques de la révolution bourgeoise, à savoir, entre autres, la réforme agraire. De faibles tentatives en ce sens furent initiées, mais même dans ce cas, elles rencontrèrent l'hostilité des grands propriétaires terriens. Pour ces derniers, toute amélioration des conditions de vie des paysans aurait signifié une perte de profits. La bourgeoisie ne pouvait aller plus loin, elle ne pouvait couper le cordon ombilical qui la liait étroitement aux classes réactionnaires.

C'est ainsi que la révolution espagnole, contrairement à la volonté des staliniens, ne pouvait être une révolution bourgeoise classique: seul le prolétariat pouvait accomplir les tâches historiques de la révolution bourgeoise tout en les dépassant pour réaliser une authentique révolution socialiste. En ce sens, la révolution espagnole ne pouvait être que permanente.

Le capitalisme espagnol était ainsi complètement bloqué, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur. Pour que le pays connaisse un développement important de ses forces productives, l'alternative était claire; soit une révolution socialiste victorieuse, menant à bien une réforme agraire radicale et donnant au prolétariat le contrôle de la production industrielle. Soit l'écrasement total du mouvement ouvrier via une dictature de type fasciste. Il n'y avait pas de place pour une troisième voie.

Le fascisme permettait artificiellement de limiter la crise par une répression sociale et politique féroce avant d'entamer le développement capitaliste. Malheureusement, ce fut la deuxième option qui l'emporta. Fin des années '40, les propriétaires terriens commencèrent à investir dans l'industrie. Fin des années '50, l'économie espagnole s'ouvrit entièrement au capitalisme mondial et connut une ère d'expansion forte.

2. L'Espagne réactionnaire

Le complot et le soulèvement militaires de juillet 1936 contre la République, ou plutôt contre la Révolution, ont bénéficié, dès le début, du soutien actif des classes possédantes du pays. Nous allons voir quels sont ces groupes et ces classes sociales.

C'est bien entendu l'armée qui va constituer le fer de lance de la lutte contre la République "rouge" et qui va structurer le nouveau régime. Cette armée est une sorte de force politique autonome. Techniquement complètement obsolète (la seule unité un tant soit peu efficace étant la Légion étrangère, dont est issu Franco), bardée de défaites militaires à l'extérieur, elle est par contre un instrument redoutable pour écraser les révoltes à l'intérieur, comme ce fut le cas lors de l'insurrection ouvrière des Asturies de 1934.

Les officiers de cette armée constituent une véritable caste; ils sont quinze mille (dont huit cents généraux, un pour cent soldats!) issus pour la plupart de "bonnes familles" et dont les idées politiques sont majoritairement monarchistes, adversaires de toute évolution sociale. C'est l'armée qui, dans les premiers mois de la guerre assumera l'administration des territoires nationalistes et qui fournira une grande partie des cadres fonctionnels du nouveau régime.

Eglise intégriste

L'église espagnole, la plus rétrograde d'Europe, est un autre pilier de la société. Elle compte quatre vingt mille membres et possède une fortune incalculable: onze mille domaines fonciers, des propriétés urbaines, des entreprises, des mines, des chemins de fer etc. Elle a toujours eu la mainmise totale sur l'enseignement, ce qui explique sans doute les douze millions d'analphabètes! C'est une Eglise essentiellement intégriste et réactionnaire, ennemie jurée de la république issue de 1931 qui avait pris des mesures laïques. Au début de la guerre pourtant, même si les trois quarts des prêtres prennent ouvertement (et parfois violemment) le parti des militaires, la hiérarchie marque sa sympathie envers ces derniers, mais sans s'engager à fond. C'est que l'issue de la guerre était encore incertaine.

A partir de 1937, elle prendra officiellement position pour Franco, au nom de "la défense de l'ordre moral catholique", mais surtout pour la défense de ses propres biens. L'influence de l'église sur les nationalistes sera alors déterminante. Elle apportera ses richesses, mais également sa "touche idéologique" au conflit, en parlant de la lutte contre "les rouges" comme d'une "sainte croisade" ou d'une "reconquista". En retour, le régime franquiste abolira toutes les mesures laïques et rétablira notamment la toute puissance de l'Eglise vis-à-vis de l'éducation.

La rébellion militaire contre la République recevra également le soutien des secteurs réactionnaires de la bourgeoisie espagnole. Cette dernière est extrêmement faible du fait de l'industrialisation tardive et lente du pays au cours de XDCème siècle, limitée à certaines régions géographiques. C'est la bourgeoisie financière, essentiellement, qui apportera son soutien le plus actif à Franco. Cette dernière est liée - ou plutôt soumise - par mille liens à l'aristocratie foncière et oligarchique dont elle adopte, par mimétisme, les idées politiques. Le financier Juan March illustre bien cette bourgeoisie réactionnaire. Propriétaire terrien, garant des intérêts capitalistes français, allemands, mais surtout anglais, il finance tout ce qui s'oppose à la République et sera un des principaux bailleurs de fonds de Franco. tant en Espagne qu'à l'étranger où il mobilise des capitaux anglais, français etc.

Aristocratie moyenâgeuse

La vieille aristocratie espagnole, d'un conservatisme tout droit issu du Moyen-Age, se rangera bien évidemment du côté des militaires. Politiquement, elle est divisée en deux partis rivaux. Le premier est le "Parti de la Rénovation Espagnole", corporatiste et autoritariste, qui revendique la restauration de la lignée royale " alphonsiste ". Son dirigeant est Calvo Sotelo, qui participe au complot militaire.

Le second parti, la « Communion traditionaliste » est encore plus fanatique du point de vue du conservatisme catholique. Ce sont les royalistes "carlistes", fortement implantés en Navarre. Tous deux sont violemment anti-républicains et considèrent le suffrage universel comme un produit étranger qui offense "l'Hispanité". Depuis 1934, ils sont tous deux financièrement soutenus par l'Italie fasciste et constituent des stocks d'armes. Les carlistes constitueront même une milice armée dès le début de la guerre civile et, de ce fait, occuperont un espace politique plus grand au sein du camp nationaliste, au détriment des alphonsistes.

Paradoxalement, la hiérarchie catholique n'apportera pas de soutien (avant 1936) à ces deux partis, du moins officiellement. Leur caractère par trop conspirateur et violent indisposait le Vatican. Aussi, l'Eglise se dotera d'un bras politique se voulant un parti catholique de masse: l'Action Populaire, parti "respectueux" des lois (bien qu'il vise l'abolition du parlementarisme) et qui obtiendra une large participation parlementaire et gouvernementale.

En 1933, en s'alliant à divers petits partis de droite, il prendra le nom de CEDA, et participera au pouvoir républicain de droite de 1934 à 1936. La révolte asturienne fut notamment provoquée du fait que le leader de la CEDA, Gil Robles (qui imitait volontiers une partie de la "mise en scène" fasciste), entra dans ce gouvernement. Ce fut ce même Gil Robles, devenu ministre de la guerre, qui nomma Franco chef d'Etat Major en 1935. Mais avec la radicalité politique et l'exacerbation des tensions provoquées par la guerre civile, le CEDA perdra son influence en faveur des forces monarchistes extrémistes et finira absorbé par le parti carliste.

Phalangistes

Enfin, l'Espagne comptait également un parti typiquement fasciste, la "Phalange Espagnole", fondée en 1932 par le fils du dictateur Primo de Rivera et soutenue par des secteurs de l'oligarchie voulant utiliser un instrument politique moderne (à l'image des partis fasciste italien et nazi en Allemagne). Ce parti a une rhétorique et une pratique ultra-violente; les membres paradent en uniforme et prônent la "dialectique du poing et du pistolet".

Dans les "généreux" soutiens à la Phalange on retrouvera Juan March. Le programme de ce parti est clairement fasciste: pour un état totalitaire, avec des aspects "sociaux" (nationalisation de certaines industries et mines; sorte d'assurance sociale pour les travailleurs; contre le capitalisme libéral et monopolistique, etc. ) mais également pour un rejet de toute forme de lutte de classe, remplacée par un syndicat unique regroupant patrons et travailleurs. A côté de cela: visées impérialistes sur le Maroc français et les ex-colonies d'Amérique Latine.

Mais le mouvement va rester marginal et très minoritaire jusqu'en 1935 où, à la faveur de la victoire du Front Populaire en février et du début de la Guerre civile en juillet, il gagnera en force et en influence. Sa milice armée s'occupera notamment de l'élimination physique des opposants sur le territoire nationaliste. C'est la Phalange qui servira également de charpente pour le futur parti unique du régime franquiste.

L'Etat "national-syndicaliste"

Le fascisme s'est donc constitué en Espagne d'une manière spécifique. Contrairement au cas Allemand et Italien, il n'existait pas de mouvement ou d'organisation fasciste de masse avant le soulèvement militaire de juillet 1936. L'Etat fasciste s'est en effet constitué et consolidé pendant la guerre civile et a connu des caractéristiques propres au totalitarisme militariste.

Dans la plus pure tradition du "pronunciamento" espagnol, le complot qui a amené le soulèvement d’une partie de l’armée les 17 et 18 juillet 1936 a essentiellement été porté par des généraux. Durant les premiers mois de la guerre, la situation politique reste confuse dans les territoires conquis par ces "rebelles". Jusqu'au mois d'octobre, les militaires, constitués en "Junte", n'avaient pas comme volonté l'organisation politique de leur zone: la priorité était donnée à la guerre, qu'ils pensaient courte. De plus, ils n'étaient pas tous d'accord sur la forme et la nature que devait prendre le nouveau régime.

Des décisions politiques sont néanmoins appliquées: tous les partis ou organisations syndicales ayant soutenu le Front populaire sont interdites, la répression et l'élimination des opposants est systématique. Dans le camp des militaires insurgés se rangent très vite la plupart des partis d'extrême droite, de droite ou du centre-droit, mais ils ne joueront pas de rôle de premier plan au début de la guerre civile, notamment du fait de la disparition des principaux leaders.

A la faveur de la radicalisation et de l'exacerbation dû à la guerre civile, des changements importants ont lieux dans ces milieux. Une polarisation politique s'opère dans ces forces politiques: deux mouvements, les plus extrémistes (et minoritaires jusque là) occupent le devant de la scène. Les partis plus "modéré" vont peu à peu êtres laminés en faveur du parti de La Phalange, authentiquement fasciste, et des monarchistes carlistes (La Communion traditionaliste).

La montée au pouvoir de Franco

Le pouvoir réel, en ces premiers mois, est donc détenu par un triumvira de généraux: Llano, Mola et Franco. Lorsque ces derniers s'aperçoivent que la guerre sera prolongée, l'unité d'un pouvoir politico-militaire fort s'impose à eux. Ce sera le général Franco qui mènera à bien cette tâche, à la fois par ambition, par ruse et... par hasard. En effet, la plupart de ses principaux rivaux sont très vite hors jeu. Celui qui, naturellement, devait être le chef de l'insurrection, le général Sanjurjo, meurt dès les premiers jours de la rébellion dans un accident d'avion. Au niveau militaire, toujours, Llano est politiquement incompétent et le général Mola, proche des carlistes et cerveau du complot, meurt quant à lui lors de la conquête du Nord du pays.

Au niveau politique, le vide s'installe également: Calvo Sotelo, le chef des monarchistes alphonsistes est mort, ainsi que Primo de Rivera, le "führer" de la Phalange et son lieutenant, Ruiz de Alvo. Gil Robles, leader de la CEDA paraît timoré, modéré même, face à la situation. Dans ces conditions nécessitant un " arbitre " entre les différences forces réactionnaires (unies par une même haine du "rouge", mais antagonistes sur d'autres terrains) et un "leader" incarnant l'unité politico-militaire de ces derniers. Franco arrivera à s'imposer rapidement et sans trop de difficultés.

De juillet 1936 à juin 1937, son ascension vers le pouvoir absolu sera constante. Le 1er octobre 1936, il est désigné par ses collègues de la "Junte technique" au rang de généralissime et de Chef d'Etat. Cette Junte se constitue alors en embryon de pouvoir, provisoire, en constituant plusieurs commissions d'administration (justice, économie, finances, travail, etc.). Des militaires sont nommés partout pour assumer les charges des fonctionnaires peu sûrs, républicains, en fuite ou fusillés. Franco règne donc à ce moment là directement et indirectement par l'intermédiaire d'hommes sûrs, des officiers, placés par lui aux fonctions clés.

Apres l'échec définitif d'une prise rapide de Madrid, alors que la guerre s'annonce plus longue que prévu et s'internationalise, la nécessité d'un pouvoir politico-militaire plus centralisé se renforce. Franco va donc amener (ou plutôt imposer) peu à peu, et non sans mal, les deux principales forces politiques, les carlistes et la Phalange, à se fondre en un seul parti, qui deviendra parti unique d'Etat par un décret du 19 avril 1937. Franco en sera le dirigeant à vie. Cette nouvelle organisation, qui prendra les formes, le nom et une partie du programme de La Phalange, va provoquer la fin des autres forces politiques sommées de s'y intégrer ou de disparaître. Le "caudillo" établit sont règne: il est à la fois chef des armées, de l'Etat, qui s'intitule "National-syndicaliste", chef du parti unique et des Milices, également unifiées, des Phalangistes et des carlistes. En 1938, un gouvernement officiel est constitué.

Le nouvel Etat est calqué sur les modèles allemand et italien dans l'organisation de la société. Les intérêts et les droits individuels sont bannis au profit de l'Etat, incarné dans les structures du Parti et du Syndicat Unique de La Phalange. Toute la société est quadrillée par ce Parti; organisation unique de jeunesse, des femmes, etc. La Constitution du nouveau régime est basée sur la Charte du Travail qui reprend les thèmes chers au fascisme classique de l'ancienne Phalange et les soucis des monarchistes carlistes: volonté de restaurer la monarchie, prépondérance de l'Eglise catholique intégriste dans la société, syndicat unique et obligatoire regroupant patrons et travailleurs, rejet de la lutte de classe, fidélité et obéissance aveugle au Chef, respect de la hiérarchie et de l'autorité, "amour" de la "Patrie", etc.

Au niveau économique, le nouveau régime s'emploiera à restaurer un taux de profit satisfaisant pour les classes possédantes. En écrasant et en surexploitant les travailleurs, évidemment, mais également en s'assurant des débouchés internationaux en nouant des alliances économiques tant avec les autres pays fascistes qu'avec les pays dit démocratiques.

C'est donc un Etat clairement fasciste. Mais il se distingue de ses deux frères jumeaux en ce que l'armée y occupe une place à part, au-dessus même du Parti Unique. Ainsi, les militaires continuent à occuper les principales fonctions administratives. Jusqu'à la fin du régime, en 1975, les principaux bras droit de Franco auront toujours été des officiers. Franco lui-même ne sera jamais "phalangiste", ils jouera souvent, durant sa trop longue carrière de dictateur, sur les conflits entre les carlistes, les phalangistes, l'Eglise, mais se reposera toujours sur l'armée.

3. La Révolution en marche

Lorsque les militaires tentent leur coup d'Etat, les 17 et 18 juillet 1936, le gouvernement républicain, au début, tente de négocier avec les généraux rebelles. En vain. Le putsch militaire, destiné à empêcher la révolution sociale va au contraire précipiter celle-ci. On assiste alors à une des plus formidables mobilisations de masse de l'histoire.

Le 18 juillet au soir, les syndicats UGT (socialiste) et CNT (anarchiste) appellent à la grève générale. Des groupes d'ouvriers s'arment tant qu'ils peuvent et s'emparent des dépôts militaires, investissent les casernes et neutralisent les militaires putschistes. A la dernière minute, la nouvelle équipe ministérielle du républicain libéral José Giral (en trois jours, trois gouvernements vont se succéder!) autorise, enfin, la distribution des fusils aux travailleurs.

Dans une grande partie du pays, dans les principales villes industrielles, les militaires sont battus. Ailleurs, les ouvriers n'ayant pas été armés à temps, des régions entières tombent sous le contrôle des militaires insurgés. La guerre civile commence... ainsi que la révolution.

Une authentique révolution

Entre l'armée en révolte et le peuple en armes, qui réclame un changement social radical, le pouvoir officiel de la République bourgeoise s'effrite; ses institutions demeurent mais se vident de leurs substances. Privé de ses forces répressives et administratives (submergées ou passées dans le camp des militaires insurgés), le pouvoir officiel de l'Etat bourgeois existe toujours, du moins nominalement, mais plus personne ou presque ne lui obéit. À sa place, commence à apparaître un nouveau pouvoir; celui des travailleurs et des paysans.

Partout, des comités se constituent et commencent à assurer l'armement des travailleurs et la constitution de milices qui, très vite, iront au devant des troupes putschistes. Dans ces milices il n'y a pas de salut militaire et les officiers sont élus par les miliciens. Les femmes y occupent également des places importantes. Mais les comités (ré)organisent aussi, en les collectivisant dans l'intérêt des travailleurs le ravitaillement, la distribution, les communications et les transports, de même que le contrôle des entreprises, où ce sont les ouvriers eux-mêmes qui gèrent la production. En Catalogue, 70% des entreprises seront bientôt autogérées, 30% à Madrid, 50% à Valence, et la quasi-totalité dans les Asturies.

En tout, plus de 18.000 entreprises seront collectivisée. Un certain contrôle sur les prix est appliqué et on tente de reconstituer des circuits de distribution alternatifs. Les comités réquisitionnent également les services publics, organisent les fonctions de police, rendent la justice, etc. Dans certaines villes, même les cinémas, les théâtres, les imprimeries, les grands magasins, les hôtels et les bars de luxe sont "socialisés". Mais ce mouvement n'étant pas généralisé à toute l'économie et pas entièrement centralisé (du fait de la non-centralisation des comités), va connaître certaines difficultés. A Barcelone, par exemple, les travailleurs vont essuyer bien des échecs économiques du fait que certains circuits d'approvisionnement en matières premières sont contrôlés par les communistes staliniens. Ainsi en est-il également des banques, tenues par l'UGT (dominée par les staliniens) et qui, loin d'être collectivisées, vont même couper les crédits aux entreprises autogérées.

Des mesures radicalement égalitaires sont prises, contre le chômage et la misère: a Barcelone, tous les mendiants sont embauchés dans les organisations syndicales. Dans les campagnes, des comités se constituent dans chaque village et mènent une véritable réforme agraire, réquisitionnent les terres des "seigneurs" et les redistribuent entre tous. Dans certaines régions, en Aragon surtout, l'argent lui-même est quasiment abolit et remplacé par des bons d'approvisionnement gratuits délivrés par les comités locaux. La vie quotidienne est transformée, un vent formidable de liberté souffle dans les territoires "républicains". Des expériences sociales originales sont impulsées, la scolarité est étendue, le féminisme, dans ce pays antérieurement arriéré se développe, impulsé essentiellement par des femmes anarchistes...

Les comités révolutionnaires

Bref, les intérêts de la bourgeoisie sont attaqués de plein fouet, les piliers de l'ordre économique et social du capitalisme sont en phase de démantèlement, marquant par là le début d'une authentique révolution socialiste.

Mais, du fait de la non-unité du mouvement ouvrier, il existe une multitude de comités, couvrant des réalités bien différentes. Dans certaines villes et régions, tout est collectivisé; dans d'autres, les anciennes formes de production capitaliste coexistent avec la collectivisation et, ailleurs, rien n'a été changé.

Fondamentalement, il existe deux types de comités. Les premiers, les comités locaux de base, sont entièrement spontanés: "Aucun parti, aucune organisation n 'a appelé à leur constitution, mais tous les militants organisés dans les partis ouvriers et les syndicats, ainsi que la masse considérable des travailleurs inorganisés, ont participé à leur création (...). Chaque comité est, dans son domaine propre, l'unique autorité, l'unique loi, l'incarnation de la volonté commune". (2).

Tout est décidé sur base de la démocratie directe. Par contre, les comités qui exercent une certaine centralisation au niveau des villes et des régions sont le fruit de négociations et compromis entre les syndicats et les partis ouvriers (UGT-CNT-PSOE-POUM) et rassemblent même des représentants des partis bourgeois du Front populaire...

Dualité de pouvoir

En ces mois de juillet-août-septembre 36, une situation de double pouvoir (très complexe) commence donc à s'instaurer avec d'un côté le pouvoir déstabilisé et affaibli de la bourgeoisie et, de l'autre côté, le pouvoir naissant et vigoureux de la classe des exploités. Ces deux pouvoirs ne pouvaient coexister éternellement côte à côte, l'un étant l'émanation d'un système oppressif, le capitalisme, l'autre étant l'expression d'une société nouvelle en construction, libérée de toute exploitation.

Une des caractéristiques essentielles de cette situation de dualité de pouvoirs était le déséquilibre entre la force sociale et la force politique au sein de chacun de ces deux pouvoirs. Ainsi, le pouvoir révolutionnaire naissant possédait une énorme force sociale et militaire appuyée sur les masses tandis que le pouvoir "officiel", vidé de toute base sociale populaire, amputé de la plus grande partie de ses forces répressives, avait par contre beaucoup plus de force politique. Sa force politique résidait en ce qu'il réalisait pleinement sa situation périlleuse, se donnant, très vite, les moyens de s'en sortir. (3)

Nous verrons par la suite comment, à terme, ce fut le pouvoir étatique "officiel" qui mit fin à la dualité de pouvoir en privant de leur fonction, petit à petit, puis en les supprimant, les comités de base.

Le déclin de la révolution

L'échec du processus révolutionnaire des mois de juillet-août septembre 1936 tient à plusieurs facteurs. Ces derniers sont à la fois internes et externes au mouvement révolutionnaire.

Les comités qui ont commencé à assumer la transformation de la société n'ont pas connus l'évolution nécessaire pour qu'ils deviennent les véritables instruments de la révolution. Comme on l'aura vu (cf. La Gauche n°18), les comités dirigeants qui se sont, de fait, substitués aux instances gouvernementales, étaient composés de représentants des différents partis et syndicats ouvriers.

Mais la plupart étaient également composés de représentants de partis bourgeois du Front populaire, ce qui, à ce moment là, n'était absolument pas représentatif du rapport de force entre la bourgeoisie et les travailleurs. Il aurait donc fallu que la nature de classe des comités soit clairement définie et que les membres de ces comités ne soient pas désigné sur base de négociations entre les différentes organisations, mais bien élus et révocables directement par la base. Si la nature de ces comités n'a pas évolué dans le sens des " soviets " révolutionnaires, c'est que les partis qui les composaient, et qui, en définitive, en assuraient l'orientation, ne voulaient pas de cette évolution.

Le poids des organisations

Pour ce qui est des partis républicains bourgeois ou autonomistes, la raison en est évidente. Le PC et une aile droite du PSOE, au nom de la "nécessaire unité antifasciste" vont tout faire pour restaurer le pouvoir gouvernemental "officiel" en vidant de leur substance et de leur prérogatives les comités. Pour eux, ceux-ci sont un obstacle pour une guerre efficace contre les militaires rebelles car ils n'amènent, selon eux, que désordre et anarchie. Plusieurs défaites militaires et la perte de quelques grandes villes ouvrières (Badajoz, Irun, Tolède,), durant l'été '36, semblent renforcer leurs arguments. C'est évidemment nier que la désorganisation (provisoire) est inévitable lorsque commence un changement de société. Quant à la question militaire, il est évident qu'un pouvoir centralisé était nécessaire, mais la question était de savoir de quel pouvoir il devait s'agir.

Les socialistes de gauche du syndicat UGT ou du PSOE, avec leur leader Largo Caballero, réclamaient quant à eux, tout en tenant un discours révolutionnaire, la constitution d'un "gouvernement ouvrier", mais tout en restant dans le cadre des institutions républicaines et en tentant de concilier les comités et les appareils étatiques bourgeois. Le POUM quant à lui estimait que, du fait des spécificités du mouvement ouvrier espagnol, la constitution de soviets était impossible. La révolution devait donc être menée à partir d'un gouvernement ouvrier issu des comités, tels qu'ils étaient dominés par les partis.

Les anarchistes occupaient une position prépondérante, parfois même hégémonique, mais étaient également divisés. Un courant droitier et opportuniste, majoritaire dans la direction, se rangeait sur les vues du PSOE. L'absence d'un parti révolutionnaire conséquent, qui aurait pu mener à bien la nécessaire évolution des comités et la centralisation de ces derniers est ici criante. Ainsi, "les comités cesseront-ils d'être de véritables organismes révolutionnaires faute de se transformer en expression directe des masses soulevées. Ils redeviennent des comités d'entente" (1) pour les différentes organisations politiques.

4. L'internationalisation du conflit

Avec l'intervention active des dictatures fascistes aux côtés de Franco, le conflit espagnol prend une dimension internationale. Pour la plupart des dirigeants des organisations du Front populaire, une aide des "démocraties" occidentales était donc possible mais à la seule conditions de ne pas les effrayer avec une révolution socialiste.

Quant à l'URSS, sous la domination de la bureaucratie stalinienne, elle cherchait, face à la menace grandissante du fascisme, à s'allier à ces " démocraties occidentales " ce qui supposait, en guise de gage, d'étouffer toute velléité révolutionnaire de la part des différents partis communistes. Cette position sera confirmée en Espagne où, au cours des 3 premiers mois de la guerre civile, alors que le processus révolutionnaire battait son plein, les antifascistes ne recevront aucune aide matérielle ni militaire du "pays des soviets". A partir de novembre, lorsqu'il est clair que le processus s'essouffle et que les institutions étatiques officielles reprennent peu à peu leur pouvoir, l'aide russe arrivera enfin, renforçant, à travers le prestige qu'acquiert alors le PCE, le processus contre-révolutionnaire.

Le gouvernement Caballero et la fin des comités

En septembre, le gouvernement bourgeois est aux abois; sans aucune autorité, il se disloque et un nouveau gouvernement est constitué. Ce dernier comprend à sa tête le socialiste Caballero qui renonce à poursuivre la révolution pour gagner d'abord la guerre, des ministres socialistes, tant du PSOE que du syndicat UGT, deux communistes et 5 ministres bourgeois. La CNT refuse, dans un premier temps, d'y participer. On est donc loin du "gouvernement ouvrier révolutionnaire" tel que le prônaient les socialistes de gauche et les anarchistes. Malgré les discours, l'objectif de ce gouvernement est clair: maintenir la république "démocratique" et mettre fin à la dualité de pouvoir, "sa direction socialiste est une concession aux ouvriers, son programme un gage de "respectabilité" pour les puissances" occidentales. (2)

Un peu partout, les comités s'inclinent avec plus ou moins de conviction, devant l'autorité du nouveau gouvernement étatique. Ainsi, en Catalogne, le Comité central des milices antifascistes se dissout le 1er octobre, les révolutionnaires du POUM et de la CNT-FAI ayant accepté ce fait en échange de leur participation au sein du nouveau gouvernement de la "Generalitat" catalane. Dans ce gouvernement régional, contrairement à la proportion qui existait dans le Comité central des milices, les représentants ouvriers et révolutionnaires n'y ont pas la majorité.

Les anarchistes, encore puissants, laissent donc l'Etat se réinstaller. Ils iront même, à partir du mois d'octobre 1936, jusqu'à faire partie du gouvernement républicain national avec trois ministres! C'est que leur direction est définitivement gagnée par l'attitude suicidaire des staliniens: "La guerre d'abord, la révolution ensuite".

Après la disparition ou la mise en coupe réglée des comités, le gouvernement Caballero entamera la restauration de l'Etat: la police, la justice et l'armée seront peu à peu reconstituée. Quant aux conquêtes révolutionnaires, elles seront maintenues mais définitivement stoppées et canalisées à travers leur "légalisation" par l'Etat. Or, un processus révolutionnaire qui s'arrête à mi-chemin ne peut par la suite que reculer.

Non-intervention?

La guerre et la révolution espagnole prirent très vite une dimension internationale. Les bourgeoisies occidentales craignaient avec effroi une révolution socialiste victorieuse en Espagne. La politique de non-intervention découlant de cette crainte fut une véritable farce tragique. Le maintien de l’ordre capitaliste valait bien pour elles le cadavre de la République espagnole.

Au lendemain du putsch, les nationalistes ont quelques problèmes. Seul un tiers du pays est entre leurs mains et l'essentiel de leurs troupes se trouve au Maroc espagnol alors que l'aviation et la marine sont restées largement dans le camp républicain. Franco n'a d'autre possibilité que de demander, le 22 juillet, une aide militaire allemande et italienne pour lui permettre de traverser le Détroit de Gibraltar.

Mussolini accepte car une victoire des franquistes, avec son aide, permettra de renforcer son influence en Méditerranée. Il fournira donc aussitôt des avions qui permettront le transfert des troupes à partir du 28 juillet. Hitler hésite dans un premier temps, mais acceptera finalement car en août 36, il décide de la mise sur pied de guerre de l'Allemagne en vue du prochain conflit. Dans ce cadre, outre les questions idéologiques, la guerre d'Espagne offrait non seulement une possibilité de brouille entre ses deux adversaires, l'Angleterre et la France mais permettait aussi que l'attention de ces pays soit tournée vers le sud de l’Europe alors que l'Allemagne s'apprêtait à engloutir l'Autriche et la Tchécoslovaquie. L'attitude qu'auraient les puissances " démocratiques " vis-à-vis du conflit espagnol permettait aussi aux nazis de tester leur faiblesse.

Les "démocraties" contre la République démocratique

Les préférences du gouvernement britannique seront visibles très tôt (les investissements britanniques étant très importants en Espagne): des navires de guerre républicains s'étaient portés dans le Détroit en vue d'empêcher le transport par mer des troupes du Maroc. Le Foreign Office porta plainte contre l'incursion de ces navires dans les eaux internationales et ces derniers durent se retirer... laissant champs libre à Franco! A Gibraltar même, possession britannique, ces derniers permirent aux franquistes d'utiliser la centrale téléphonique pour qu'ils puissent communiquer avec l'Allemagne et l'Italie tandis qu'ils refusaient toute fourniture de carburant à la marine républicaine...

La France, quant à elle, dirigée depuis le mois de juin par un gouvernement de Front Populaire, livrera dans les premiers jours quelques fournitures militaires à la République espagnole. Mais, très vite, elle se rétracte. Sa crainte de rompre son alliance avec l'Angleterre conservatrice, les pressions des diplomates anglais, de l'armée française et des composantes bourgeoises du gouvernement, mais aussi la peur de déclencher un conflit avec l'Italie et l'Allemagne l'amène, le 2 août, à proposer aux puissances européennes la signature d'un pacte de non-intervention.

Le 9 septembre, les délégations européennes se réunissent et désignent un Comité de non-intervention (appelé "Comité de Londres). Parmi les pays signataires, on retrouve l'Allemagne, le Portugal et l'Italie (1). La grande duperie peut commencer.

Le Comité établi la liste des produits interdits à l'exportation vers l'Espagne et élabore un plan visant à contrôler cette interdiction. Le plan entre en vigueur le 20 février 1937 mais, dans les faits, il ne fait que favoriser les franquistes puisque la surveillance s'effectue uniquement à la frontière franco-espagnole et dans les ports, pénalisant ainsi la République, alors que les fournitures fascistes transitent librement à travers le Portugal!

Avec la surveillance maritime, on atteint le comble du grotesque: les navires anglo-français empêchent les livraisons aux ports Républicains du Nord tandis que dans la Méditerranée, dont le contrôle est laissé aux navires allemands et italiens, ces derniers bloquent efficacement les ports républicains... mais laissent passer leurs propres navires de transport dans les eaux franquistes. Des sous-marins italiens iront même jusqu'à torpiller les navires républicains, britanniques et russes. La pseudo-neutralité des " démocraties " et l'intervention active des puissances fascistes vont donc permettre à Franco de se lancer dans une guerre totale.

Conséquences de la "non-intervention "

Tout au long de son existence, le Comité de Londres, sous la houlette des britanniques, ne fera que favoriser les franquistes, fermant systématiquement les yeux sur les exactions de l'Allemagne, de l'Italie ou du Portugal, mais condamnant sans détour "l'aide" soviétique. Les britanniques ne misaient pas seulement sur Franco pour des raisons idéologiques ou de diplomatie internationale, ils désiraient également garder un contact positif avec ce dernier pour que les investissements anglais dans le pays ne soient pas supplantés par ceux des allemands et des italiens, de plus en plus présents économiquement du fait de leur aide militaire.

La volonté des anglais et des français d'obtenir " la paix à tout prix " (qui aboutira au Pacte de Munich en 1938) (2) démontrera aux nazis la faiblesse de ces pays et ouvrira la voie à l'expansionnisme allemand. La guerre d'Espagne et l'attitude des "démocraties" permettra également un rapprochement entre l'Allemagne et l'Italie qui, deux ans plus tôt, avaient faillis s'affronter sur la question de l'Autriche.

Quant à l'abandon de la République espagnole, elle sera due au fait que les "démocraties" craignaient mille fois plus une révolution sociale (qui risquait de faire tâche d'huile en Europe) qu'une victoire fasciste. Cette dernière était en somme considérée comme un moindre mal. La conclusion logique de cette politique, qui contribuera à la défaite de la République (en parallèle à la contre-révolution qui aura lieu en Espagne même et au lâchage final de l'URSS), aura lieu le 27 février 1939. Alors que les troupes républicaines combattent encore, les gouvernements français et anglais reconnaissent "officieusement" celui de Franco.

5. Guerre ou révolution?

La liquidation des embryons de pouvoir révolutionnaire au cours des mois d'octobre à décembre 36 s'accompagne, car étant lié, d'un combat idéologique et stratégique. Avec la fin définitive des comités et l'élimination des tendances révolutionnaires au sein du camp républicain, en mai 1937, ce débat sera définitivement tranché.

Ce débat opposait les tenants de la Révolution sociale comme condition essentielle à la victoire militaire contre les fascistes (une partie de la CNT, le POUM et un courant de gauche du PSOE) à ceux qui voulaient remettre la révolution à plus tard, dans un avenir indéterminé, après la guerre antifasciste (aile droite de la CNT et du PSOE et Parti " communiste "). Les premiers voulaient renverser l'ordre bourgeois et combattre le fascisme, considérant avec justesse ce dernier comme étant une émanation de cet ordre social. Les seconds exigaient l'arrêt de tout bouleversement social, le retour "à l'ordre " et l'unité avec la bourgeoisie pour mener une guerre " classique " contre les fascistes.

Cette division au sein des forces antifascistes était pratiquement inexistante aux premiers jours du conflit. Elle fut, petit à petit, impulsée par la politique des staliniens, aux ordres de Moscou et soutenus par la bourgeoisie. La guerre contre le fascisme était pourtant une guerre non seulement militaire mais aussi, et surtout, politique et idéologique.

La politique par d'autres moyens... Pour reprendre l'expression de Von Clausewitz, toute guerre est "la continuation de la politique par d'autres moyens". Cela est d'autant plus clair lorsqu'il s'agit d'une guerre civile où la politique domine entièrement la stratégie et les qualités purement techniques des belligérants. La guerre antifasciste devait donc être menée de front avec des bouleversements sociaux et économiques révolutionnaires, les seuls permettant aux masses de comprendre pourquoi elles se battaient. Cela n'assure pas automatiquement une issue favorable, mais c'est une des conditions essentielle de victoire lorsque les forces en présence sont trop inégales d'un point de vue strictement militaire. Plusieurs batailles contre les fascistes ont par ailleurs prouvé l'efficacité des méthodes de la guerre révolutionnaire (1 ).

La défaite même du putsch militaire, en juillet, est là pour le prouver. Et différents exemples historiques le démontrent amplement. La guerre civile russe, au lendemain de la Révolution de 1917, a vu la victoire d'une Armée Rouge surgie du néant face à des armées contre-révolutionnaires constituées par des officiers aguerris soutenus par des soldats et du matériel militaire venant des pays capitalistes. Les révolutionnaires vietnamiens, un demi-siècle plus tard, allaient battre les Etats-Unis, la plus grande puissance militaire du monde. On peut encore citer la Chine, Cuba en 1959, le Nicaragua en 1979, etc.

La victoire de ces différents mouvements révolutionnaires (en rien militairement supérieurs à leurs adversaires) a à chaque fois été assurée du fait que ces derniers, en même temps qu'ils affrontaient militairement l'ennemi, appliquaient conséquemment un programme de transformation social radical, qui correspondait aux aspirations de justice et d'égalité qu'exprimaient les masses. Il ne leur serait jamais venu à l'esprit de faire " la guerre d'abord " et "la révolution ensuite "!

Une des justifications des défenseurs de l'option " la guerre d'abord " était qu'il ne fallait pas combattre la bourgeoisie pour la maintenir dans le camp antifasciste. Un autre prétexte (2) était qu'il ne fallait pas non plus mécontenter les bourgeoisies des pays occidentaux, sous peine de ne jamais recevoir aucune aide militaire de leur part. Pour ce qui est de ce dernier argument, comme on le verra, il ne tenait pas debout; les "démocraties" ne voulaient pas aider en quoi que ce soit la république espagnole, enrayées qu'elles étaient de provoquer un conflit armé avec l'Allemagne de Hitler (les accords de Munich, en 1938, seront là pour le prouver).

Quant à la première justification, elle nie la nature de la classe bourgeoise. Entre fascisme et révolution sociale, celle-ci choisira toujours la sauvegarde de ses intérêts directs et fondamentaux, même au prix de sa " démocratie ". Ainsi, dès le début, peu avant le putsch militaire fasciste, le gouvernement, pourtant au courant de tout, rerusa jusqu'à la dernière minute de distribuer des armes aux travailleurs.

Même plus, dès que les généraux se sont rebellés, le gouvernement ne trouva rien de mieux à faire que de négocier avec ces derniers! Le 13 septembre 1936, à San Sébastian, la bourgeoisie livra sans combattre la ville aux troupes fascistes... car elle craignait qu'une défense acharnée de la part des ouvriers anarchistes n'entraîne une destruction des usines. Résultat, ces usines passèrent sous contrôle fasciste! On peut ainsi multiplier les exemples qui démontrent le peu de conviction dans la lutte antifasciste de la part de la bourgeoisie "républicaine".

Le dilemme posé par les staliniens en Espagne "guerre ou révolution" est donc un faux dilemme. L'alternative réelle était en fait: "guerre ET révolution" ou "guerre et contre-révolution"! L'abandon de la première option impliquait automatiquement la seconde. La victoire (par la violence contre-révolutionnaire) de l'option "la guerre d'abord" aura comme résultat la victoire du fascisme et le renforcement de ce dernier en Europe et la fin, pour une longue période, de tout espoir révolutionnaire sur le continent.

6. La contre-révolution triomphe

L'année 1937 va marquer la fin définitive de la Révolution espagnole. C'est en Catalogue, où la révolution fut la plus poussée, que l'offensive contre-révolutionnaire culminera au cours des "Journées de Mai".

La fin de l'année 1936 et le début 1937 va voir la restauration progressive de l'Etat bourgeois avec, à la pointe de ce processus, le Parti communiste espagnol. La majorité des milices ouvrières sont intégrées à la nouvelle année républicaine. Les forces traditionnelles de police (qui avaient été dissoutes en juillet 1936) sont partout réinstallées, les collectivisations sont freinées et boycottées. Les comités de ravitaillement, qui organisaient la distribution directe des produits aux consommateurs, sont remplacés petit à petit par le commerce privé.

Mais la résistance populaire à cette restauration se fait vive. Résistance aussi du POUM et des anarchistes en opposition à la direction de la CNT-FAI (les "Amis de Dunuti"). C'est donc contre cette avant-garde que les contre-révolutionnaires vont s'acharner pour écraser, dans le sang, les derniers ferments révolutionnaires.

Les staliniens vont commencer par mener une campagne de propagande hystérique contre les "trotskistes" du POUM. Dès le 28 novembre 36, le consul général d'URSS à Madrid donne le ton en accusant La Batalla (organe du POUM) de faire partie de "la presse vendue au fascisme international". Le 12 octobre, dans le quotidien du PCE, on peut lire: "Les trotskistes travaillent pour l'ennemi. Il faut traiter comme des ennemis ces aventuriers criminels".

En mai 1937, alors que les staliniens fourbissent leurs armes, on atteint l'apogée du délire. Un discours de José Diaz, dirigeant du PCE, déclare "trotskiste est le nom qu 'utilisent de nombreux fascistes déguisés qui emploient un langage révolutionnaire pour semer la confusion (...) [ils sont] une bande d'espions et de provocateurs au service du fascisme international (...) Le trotskisme, comme l'a admirablement dit notre camarade Staline (...) a cessé d'être un courant du mouvement ouvrier pour devenir une bande d'assassins, d'espions et de saboteurs au compte de la Gestapo"... (1)

La Pravda du 17 décembre 36 annonce de manière sinistre: "En Catalogue, l'élimination des trotskistes et des anarcho-syndicalistes a déjà commencé: elle sera conduite avec la même énergie qu 'en URSS". En effet, en URSS, depuis le mois d'août, toute la vieille garde bolchevik, accusée de sabotage et de "trotskisme" a été physiquement liquidé par Staline...

Provocations

Dès la mi-décembre, l'application concrète de cette campagne de haine commence. En Catalogue, les staliniens provoquent une crise au sein du gouvernement de la Generalitat et exigent l'exclusion du ministre poumiste. Pour plaire aux Russes, toutes les organisations antifascistes acceptent, y compris la CNT.

A partir du 7 janvier 37, les provocations vont se multiplier: le nouveau ministre stalinien du ravitaillement décrète la dissolution des comités ouvriers de ravitaillement... ce qui permet à la petite-bourgeoisie commerçante de reprendre "les affaires". En mars, une douzaine de voitures blindées de la CNT sont illégalement saisies par des soldats du PCE. Le 4 mars, un décret dissout les Patrouilles de Contrôle (police populaire) et interdit aux membres de la nouvelle police de s'affilier à des organisations politiques.

Cette mesure, dont le but à peine voilé était de désarmer la révolution, provoqua une réaction: loin de se désarmer, les Patrouilles de Contrôles gardèrent les armes et désarmèrent les forces de la nouvelle police! Le 17 avril, des carabiniers et des policiers reprennent le contrôle des frontières. A Puigcerda, les milices anarchistes refusent et livrent même une courte bataille. Mais les dirigeants anarchistes, préfigurant leur attitude au cour des semaines à venir, arrivent sur les lieux et concluent un "compromis"... qui se solde par le retrait des milices anarchistes. (2)

La "Semaine sanglante"

Le 3 mai, c'est la provocation de trop. A 14H45, sous les ordres du chef de la police, le stalinien Salas, des policiers tentent sans succès d'investir la Centrale Téléphonique de Barcelone, tenue depuis juillet 36 par les anarchistes. La nouvelle de cet assaut se répand dans toute la ville, les travailleurs de Barcelone se mettent immédiatement en grève, sortent les armes et érigent des barricades. Des combats sanglants s'engagent entre ouvriers d'une part (au sein desquels se battent côte à côte militants poumistes et anarchistes) et forces de police et unités communistes d'autre part.

La réaction ouvrière faillit tout engloutir, preuve que les capacités révolutionnaires du prolétariat étaient encore intactes... mais il lui manqua une direction politique résolue et combative. Le 4 mai, les travailleurs ont largement le dessus. Les dirigeants du POUM proposent alors une alliance militaire et politique avec la direction locale de la CNT. Les "Amis de Durruti" proposent la constitution d'une Junte révolutionnaire et ^appellent au renversement du gouvernement.

Malheureusement, les dirigeants anarchistes nationaux arrivent à Barcelone pour entamer des négociations avec les dirigeants locaux et la Generalitat. Ils obtiennent de nouveau un "compromis" défavorable aux travailleurs. Garcia Ollivier, ministre "anarchiste" prend la parole à la radio et appelle les travailleurs à ranger leurs armes. Désorientés, ces derniers livrent leur dernier combat, sans perspectives... la situation commence ainsi à se normaliser à partir du 6 mai.

Constatant la retraite des anarchistes, le POUM craignant son isolement et sous-estimant ses capacités, ne tentera pas de prendre la direction du mouvement. A son tour il capitule. Le 7 mai, 12.000 membres des forces de l'ordre sont envoyés à Barcelone par le pouvoir central de Madrid . La contre-révolution a triomphé, les combats ont fait, en une semaine, 500 tués et plus de 1.000 blessés (3)

La contre-révolution triomphe

Les conséquences des "Journées de Mai" sont rapides: tous les décrets contre-révolutionnaires sont appliqués, les acquis de la Révolution sont peu à peu démantelés. Refusant de dissoudre le POUM (accusé par la presse stalinienne d'avoir organisé les combats de Barcelone) et trop indulgent vis-à-vis des anarchistes; le socialiste Largo Caballero quitte la direction du pouvoir suite aux manoeuvres du PCE. La contre-révolution peut alors se déchaîner: prétextant de soi-disantes preuves de trahison du POUM, la répression s'abat sur ce parti. Le 28 mai. La Bâtai la est interdite.

Le 16 juin, 4 des principaux dirigeants du POUM sont arrêtés. Par la suite, plusieurs centaines de membres de ce parti seront également arrêtés. Le POUM est pratiquement hors-la-loi. L'un des ses dirigeants, Andrès Nin, sera secrètement liquidé par la police politique russe. D'autres militants trotskistes ou anarchistes seront également "mystérieusement" assassinés lors de ces semaines: Camilo Bemeri, A. Martinez, Marc Rhein, Bob Smilie, correspondant du Labour Party auprès du POUM, Kurt Landau, Moulin, Erwin Wolff, ancien secrétaire de Trotsky, etc.

Les anarchistes protestent et se retirent du gouvernement. Mais leur influence politique décline. Ainsi s'achève la Révolution espagnole. Porteuse de tant d'espoir, elle se termine dans le sang de révolutionnaires frappés par ceux qui usurpaient l'héritage d'Octobre 17.

7. Le stalinisme en Espagne

En Espagne, les révolutionnaires durent non seulement faire face aux forces réactionnaires « traditionnelles » (de la bourgeoisie, au réformisme social-démocrate et au fascisme), mais ils eurent également a subir une force contre-révolutionnaire qui usurpait le prestige d'Octobre 1917: le stalinisme.

En 1931, lors de l'avènement de la République, le Parti communiste espagnol (PCE) comptait à peine 800 membres et appliquait à la lettre la tactique définie par la bureaucratie stalinienne à Moscou: « classe contre classe » et attaques haineuses contre les "sociaux-fascistes". Cette ligne gauchiste et sectaire coupait totalement les communistes espagnols des travailleurs au point que Jules Humbert-Droz, délégué de l'Internationale communiste (IC) auprès du PCE notait que ce dernier "est une petite secte sans possibilité de rayonnement" et relevait le manque absolu "d'organisation et de liaison avec les masses". (2)

Lors de la chute de la monarchie, le mot d'ordre irréaliste du PCE était: "Tous le pouvoir aux Soviets! A bas la République bourgeoise!". Sa presse est du même tonneau: "un dépotoir d'insultes et de calomnies dirigées contre les autres tendances du mouvement ouvrier, auquel viennent se mêler quelques manchettes ronflantes contre le régime capitaliste. Jamais d'articles sérieux, profonds, tentant de rechercher des mots d'ordre réalisables, correspondant à la situation du moment. Et, naturellement, les louanges fades décrivant le paradis soviétique ne manquent pas."(3)

Avec de tels mots d'ordre et une telle presse, à cette étape de la révolution espagnole, on ne s'étonnera pas que "Les ouvriers de Madrid ont brûlés tous les exemplaires de Mundo Obrero (journal du PCE) qui étaient dans les kiosques (...) à Barcelone, nos camarades se refusent à distribuer nos manifestes à cause de l'hostilité des masses" (4).

Front populaire

Mais en 1935, le VIe congrès de l'IC décide, suivant en cela les besoins diplomatiques de la bureaucratie stalinienne en URSS, la tactique des Fronts populaires (alliances des organisations révolutionnaires et bourgeoises contre le fascisme). A la tactique de "classe contre classe" succède celle de la collaboration de classe. L'application de cette nouvelle ligne sera, de nouveau, en contradiction avec la réalité sociale: alors qu'une révolution socialiste avait éclaté un an plus tôt dans les Asturics, le PCE caractérise la révolution à venir comme étant uniquement "nationale et bourgeoise" et en aucun cas socialiste!

Au sein du Front populaire, les sociaux-fascistes d'hier et les ennemis jurés qu'étaient les bourgeois se transformèrent du jour en lendemain en amis du peuple et en défenseurs de la démocratie et de la liberté! Ce changement d'orientation renforça toutefois sensiblement l'influence du PCE: de quelques centaines d'illuminés à peine au début des années 30, les communistes voient leurs effectifs passer de 30.000 a 50.000 militants à la veille de la guerre civile. Mais leur influence, du fait de leur option politique ("révolution bourgeoise") loin de s'étendre dans la classe ouvrière, s'implante essentiellement dans les classes moyennes certaines couches de la paysannerie.

Contre-révolution

Lorsque éclate la guerre civile, entraînant en réaction un profond processus révolutionnaire de la part des travailleurs et des paysans, le PCE, tout en exploitant l'imagerie de la Révolution russe dont il se prétendait unique dépositaire (ce qui explique que bien des militants sincères se sont fourvoyés en son sein), menait en pratique une politique de défense inconditionnelle de la propriété privée et de restauration du pouvoir étatique bourgeois (lutte soutenue contre les collectivisations, les milices révolutionnaires et les nouveaux organes de pouvoir des travailleurs).

Le 3 août, au plus fort du processus révolutionnaire, on peut lire dans « L'Humanité » (organe du PCF); "Le PCE nous a demandé de porter à la connaissance de l'opinion publique, en réponse aux informations tendancieuses et fantastiques (sic) de certaines presses, que le peuple espagnol, dans sa lutte contre les rebelles, ne tente pas d'établir la dictature du prolétariat, mais qu 'il n 'a qu un seul objectif: la défense de l'ordre républicain et le respect de la propriété" (5)... et ce alors qu'en Catalogue, plus de 70% des entreprises étaient collectivisées!

Pour les staliniens, une révolution victorieuse en Espagne devait à tout prix être évitée. La direction du PCE n'est même plus laissée aux mains des Espagnols eux-mêmes et est assumée sur place par un groupe de délégués de l'IC. L'orientation prônée par le PCE va lui permettre de s'insérer rapidement et profondément dans les organismes étatiques d'où il pourra jouer un rôle contre-révolutionnaire efficace. Ses effectifs vont considérablement grossir (atteignant les 500.000 membres) grâce à l'admiration que lui porte la petite-bourgeoisie, les commerçants, les propriétaires terriens et les officiers de l'armée restés fidèles à la République.

De plus, à partir d'octobre 1936, l'aide militaire soviétique va renforcer ce processus car cette dernière, loin d'être désintéressé était politiquement conditionnée (ainsi, les armes russes étaient uniquement distribuées aux unités contrôlées par les communistes). Le PCE sera ainsi le fer de lance de la contre-révolution bourgeoise qui petit à petit, va démolir toutes les conquêtes révolutionnaires et qui s'achèvera par une répression brutale et criminelle à partir de mai 1937.

Les résultats de la politique stalinienne seront désastreux, non seulement pour le peuple espagnol, mais également pour le mouvement ouvrier international. Leur mol d'ordre de "défense de la République" lui-même n'est qu'un mythe; toute la politique du PCE était soumise aux impératifs de la diplomatie russe. L'aide de l'URSS, si elle a permis à la République de résister à toujours été savamment proportionné pour que cette dernière ne puisse vaincre.

La destruction des conquêtes révolutionnaires et la répression brutale à l'encontre de milliers de militants ouvriers (dont la dissolution du POUM) allait provoquer une démoralisation dramatique parmi les travailleurs et les paysans opprimés qui ne voyaient plus l'intérêt de se battre pour une vulgaire démocratie bourgeoise. Cela, ainsi, que le lâchage final de l'Espagne par l'URSS en 1938 allait sceller le sort de la République: après avoir éliminé par la force la révolution au profit de la guerre, cette dernière devait fatalement être perdue... Et la victoire du fascisme en Espagne allait renforcer ce dernier au détriment de la classe ouvrière en Europe et ouvrir la voie à la Ile Guerre Mondiale.

8. Les Brigades Internationales

Symbole de l'internationalisme, les Brigades Internationales verront défiler dans leurs rangs près de 40.000 volontaires venant de plus de 50 pays (1). A l'origine portées par l'enthousiasme révolutionnaire et l'espoir d'un changement de cap que suscita la Révolution espagnole et sa lutte contre le fascisme, les Brigades seront bien vite mises sous contrôle de l'Internationale communiste qui les transforme en unités combattantes traditionnelles et en outils de la politique et de la propagande stalinienne.

Dès les premiers jours de la Guerre civile et de la révolution, des étrangers se sont rangés aux côtés des travailleurs et des paysans espagnols. Ces étrangers étaient pour la plupart des réfugiés politiques ou des travailleurs (Allemands et Italiens surtout) venus s'installer en Espagne depuis l'avènement de la République en 1931. A Barcelone, des sportifs participant aux "Olympiades des Travailleurs" (organisées par la gauche en réaction aux Jeux Olympiques célébrés cette année-là dans l'Allemagne nazie), se battront sur les barricades.

Le 20 juillet 1936, c'est là que trouvera la mort le premier étranger, un travailleur émigré autrichien du nom de Mechter. Quelques jours plus tard, parmi les colonnes armées formées par les partis et les syndicats ouvriers qui partent vers le front d'Aragon, on trouve une unité de 11 Allemands (dont 3 femmes), une dizaine d'Italiens (ils seront 80 le 5 septembre), une quinzaine de Français et deux Britanniques. Quasi quotidiennement, des étrangers affluent dans cette Espagne dont les travailleurs tentent de se débarrasser à la fois du capitalisme et du fascisme. A travers le monde, et surtout en Europe où dans deux grands pays le fascisme victorieux a écrasé la classe ouvrière, les travailleurs organisent la solidarité envers cette révolution qui agit comme un catalyseur contre tous leurs espoirs déçus par les perpétuelles défaites.

Politique stalinienne

Durant les premiers mois de la guerre, les étrangers qui vinrent en Espagne le font individuellement ou par petits groupes, poussés par leur idéal. A ce moment-là, la plupart des partis communistes ne voient pas d'un très bon oeil partir leurs militants. La bureaucratie stalinienne, qui dicte sa volonté aux "partis-frères", se refuse d'apporter toute aide directe au prolétariat espagnol révolutionnaire et ce pour deux raisons essentielles. La politique extérieure de l'URSS est entièrement conditionnée par un rapprochement avec les bourgeoisies "démocratiques" occidentales qu'il ne faut donc surtout pas effrayer avec une victoire révolutionnaire dans un pays européen. De plus, la situation intérieure de l'URSS est critique: la collectivisation forcée dans l'agriculture et l'industrialisation à outrance amènent des bouleversements économiques importants et renforcent la répression bureaucratique. Les premiers procès de Moscou contre la vieille garde bolchevique débutent en août.

Mais la raison fondamentale est que toute extension internationale de la révolution socialiste ne pouvait que renforcer le prolétariat russe au détriment de la bureaucratie. C'est pourquoi cette dernière n'aidera en rien les travailleurs espagnols durant les mois de juillet, août et septembre, c'est-à-dire au plus fort de leur poussée révolutionnaire. L'URSS adhérera même à la farce du Pacte de non-intervention et publiera en août un décret interdisant " l’'exportation et le transit d'armes en Espagne"... alors que dès le début, l'Allemagne et l'Italie, qui adhèrent également à ce Pacte, ne se sont pas gênées pour armer massivement les troupes de Franco.

La naissance des Brigades Internationales

Pourtant, l'URSS ne pouvait rester plus longtemps en dehors d'un tel conflit aux répercussions bien vite internationales. Ainsi, à partir du 7 octobre un revirement s'opère: la Russie va livrer des armes et du matériel, mais uniquement dans le but de renforcer le Parti communiste espagnol, jusque là groupusculaire, en vue d'imposer sa politique contre-révolutionnaire. Les meilleures et la plupart des armes iront ainsi aux unités contrôlées par les communistes. L'URSS enverra également des conseillers militaires (qui ne seront que 2.000, tous professionnels alors que des milliers d'ouvriers russes s'étaient portés volontaires pour aller combattre en Espagne!) et prendra en charge, à travers l'LC., l'organisation et l'envoi des volontaires internationaux.

Le 22 octobre 1936, le gouvernement républicain autorise la création des Brigades Internationales au sein desquelles seront regroupés les volontaires étrangers. Dans la plupart des pays européens, les P.C. organisent le recrutement. A partir d'octobre, plusieurs centaines de volontaires arriveront chaque semaine en Espagne (ils seront 15.000 en 3 mois) et seront regroupés à Albacete pour y être entraînés et formés en unités linguistiques. La décision de grouper les étrangers en unités distinctes des milices espagnoles n'est pas seulement pratique: il fallait en effet empêcher que tous ces volontaires (dont beaucoup étaient membres des Partis communistes) ne soient gagnés, par des contacts trop étroits, par la volonté révolutionnaire qui animait les miliciens espagnols. Comme on l'aura vu, la propagande officielle de l'I.C. présentait les événements d'Espagne comme une lutte strictement antifasciste pour la défense de la démocratie (bourgeoise), la révolution ne devait donc pas être à l'ordre du jour!

Qui étaient ces volontaires?

Beaucoup viendront attirés par la révolution autant que par la lutte antifasciste. On y trouve des ouvriers sans parti, des militants communistes, des socialistes indépendants, des sociaux-démocrates, des républicains antifascistes et également quelques aventuriers. Les plus conscients d'entre eux savent que si les travailleurs l'emportent en Espagne, la victoire des nazis et des fascistes pourrait être remise en question en Allemagne et en Italie. Presque tous sont prêts à payer le prix pour leur idéal: 10.000 d'entre eux payeront ainsi de leur vie et resteront à jamais dans cette terre d'Espagne chargée de tant d'espoirs en un monde nouveau.

Les français sont les plus nombreux (2), le nombre de militants communistes est important: 60% à 80% chez les Allemands, les Italiens et les Polonais, mais il est plus faible chez les Scandinaves, les Belges et les Britanniques. Dans leur grande majorité, ce sont des ouvriers, surtout chez les Français. Chez les " réfugiés politiques " et les anglo-saxons, les intellectuels seront plus nombreux. Malgré la volonté et l'idéal révolutionnaire présent chez une grande partie de ces volontaires, ils seront formés et encadrés comme dans les armées traditionnelles. Par exemple, les femmes sont refusées dans les Brigades (sauf quelques rares exceptions où elles seront employées comme secrétaires!). Le 1er novembre, la première unité est constituée et prend le nom de XIe Brigade Internationale.

A partir de décembre 1936. l'I.C., à travers les partis nationaux, exerce un contrôle politique sur les volontaires, une sorte de filtrage. Si cela peut permettre, dans une certaine mesure, d'éliminer les candidatures des aventuriers ou de ceux suspectés d'être des agents provocateurs ou des espions, ce contrôle permet également d'exclure ou de mettre sous "surveillance" les "déviationnistes" (les "politiquement incorrects" aux yeux des staliniens), ceux suspectés, par exemple, de "sympathies trotskistes"...

Les Brigades au combat

De novembre 1936 à janvier 1937, les Brigades vont connaître leur première bataille: la défense de Madrid. Malgré leur professionnalisme et leur supériorité technique, les franquistes ne passeront pas. Les Brigades (au nombre de 6 en 1938) vont êtres utilisées dans toutes les grandes batailles de la guerre: en décembre à Teruel et à Lopera, en février-mars 1937 à Jarama, Malaga et Guadalajara, à Brunete en juillet, de nouveau à Teruel en décembre, en Aragon en mars-avril 1938, et, enfin, sur l'Ebre en juillet-novembre 1938. Des centaines de fois, les brigadistes vont monter à l'assaut en chantant l'internationale dans plus de 10 langues.

Normalisation

Avec le temps, le caractère purement militariste des Brigades prendra de plus en plus le pas sur leur aspect politique et antifasciste. Cette évolution correspondra avec la victoire définitive de la contre-révolution dans le camp républicain entre mai et juillet 1937. A partir d'avril 1937, la solde dans les Brigades reste à 10 pesetas par jour pour les simples soldats mais passe à 25 pesetas pour les capitaines et ce chiffre s'accroît au fur et à mesure que l'on grimpe dans la hiérarchie. Au printemps 1937, on forme des unités disciplinaires.

Le 27 septembre 1937, le gouvernement républicain de Negrin publie le statut officiel des Brigades qui consacre l'intégration de ces dernières au sein de la nouvelle armée régulière reconstituée par la République (où le PCE était prépondérant). Les Brigades sont mêmes définies comme étant la "Légion étrangère" de cette nouvelle armée, ce qui n'ira pas sans provoquer quelques protestations et amertume parmi bon nombre de brigadistes qui voient dans cette définition une négation de leur idéal révolutionnaire et antifasciste.

La fin

Constituées et armées in-extremis pour sauver la République espagnole, les Brigades seront retirées trop tôt: le 23 septembre 1938, elles effectuent leur dernier combat et sont retirées du front, les volontaires sont rassemblés dans des camps de transit en attendant d'être rapatriés vers leurs pays respectifs. C'est que, le 5 juillet, le Comité de non-intervention exige le retrait de tous les combattants non-espagnols. Et ce avec l'accord du gouvernement Negrin qui, ayant reconstitué une armée, désire se débarrasser des Brigades, suspectées d'être utilisées à court ou moyen terme comme instrument pour un coup d'Etat du PCE, mais également avec l'aval de Moscou. Pour la bureaucratie stalinienne, l'Espagne n'est plus intéressante, dès le début de l'année 1938 presque tous les conseillers militaires soviétiques ont été rappelés (1). A la fin de 1938, l'URSS refusera d'accorder tout nouveau crédit au gouvernement républicains: les armes devront être payées cash!

De plus, le rapprochement avec les bourgeoisies " démocratiques " ayant été infructueux, Staline amorce son rapprochement avec Hitler, le retrait des Brigades n'est donc qu'un gage de plus, une étape de ce rapprochement qui aboutira, un an plus tard, à la signature du Pacte germano-soviétique et au partage de la Pologne. Le retrait des Brigades fait donc perdre aux républicains des troupes expérimentées et motivées, en contre-partie, les fascistes italiens retirerons 10.000 hommes, des blessés et des malades... et maintiendront 70.000 a autres.

Aucune nation ne montrera beaucoup d'empressement pour rapatrier les quelques 16.000 brigadistes encore présents à ce moment-là. Ainsi, 5.000 d'entre eux, des réfugiés Allemands et Italiens pour la plupart, resteront coincés en Espagne et participeront, en janvier 1939, aux ultimes combats qui précéderont la chute de la Catalogue. Forcés de traverser la frontière française devant l'avance victorieuse des fascistes, ils seront désarmés et internés dans des camps au sud de la France. Beaucoup d'entre eux seront livrés aux troupes hitlériennes après l'invasion de ce pays en 1940... et disparaîtront à tout jamais dans les camps de la mort.

Ainsi s'achève l'histoire des Brigades Internationales. Si elles regroupèrent la plupart des volontaires internationaux, il ne faut pas oublier les 3.000 étrangers, anarchistes ou trotskistes pour la plupart, qui se battirent au sein des milices de la CNT-FAI ou du POUM (c'est l'histoire de l'une de ces milices internationaliste du POUM que conte l'excellent film de Ken Loach, Terre et Liberté. C'est également dans l'une de ces milices que s'intégrera l'écrivain Georges Orwell).

Malgré leur instrumentalisation par les staliniens, qui utilisèrent les Brigades comme arme de propagande et de prestige pour renforcer leur politique contre-révolutionnaire et comme gage dans les jeux diplomatiques internationaux, nous ne pouvons que saluer la mémoire de ces milliers de volontaires étrangers, à milles lieux de ces jeux sordides de la politique de la bureaucratie. Ils ont su appliquer concrètement, et au péril de leur vie, la solidarité ouvrière et resterons à jamais dans l'histoire comme l'un des plus beaux et des plus grands exemples de l'internationalisme prolétarien.

9. Les femmes dans la Révolution espagnole : Brève histoire des "Mujeres Libres"

Les femmes ont joué un rôle important dans la révolution et dans la guerre antifasciste espagnole en 1936. Dès la constitution des milices, elles s'y intégrèrent en tant que combattantes, portant les armes et vivant d'égal à égal avec les hommes. Elles participèrent également aux différents comités qui réorganisèrent la vie sociale et économique.

Dans cette Espagne des années trente, berceau du catholicisme le plus réactionnaire et le plus barbare d'Europe, apparut un des premiers mouvement autonome et révolutionnaire de femmes de l'histoire.

D'inspiration anarchiste (bien que difficilement accepté et jamais intégré par les organisations anarchistes de l'époque), ce mouvement des "Mujeres Libres" (les Femmes Libres) se constitue en avril 1936. Le mouvement rassemble essentiellement des femmes libertaires, dont une majorité de travailleuses (en grande partie analphabètes) et quelques intellectuelles.

Cette organisation fut une des premières, au sein du mouvement ouvrier, à poser le débat de l'indépendance organisationnelle des femmes, à combattre les attitudes et les dérives machistes des hommes (et mêmes des plus "révolutionnaires" d'entre eux) et à revendiquer comme étant une nécessité l'émancipation des femmes au sein de la révolution par l'action collective de ces dernières.

Les Mujeres Libres sont apparues du fait d'une croissance importante du nombre de femmes dans le syndicat anarchiste CNT. Ce dernier organisa à Madrid des cours destinées à ces nouvelles adhérentes. Mais, très vite, ces femmes allaient déborder le cadre de ces cours, ne supportant plus l'attitude de leurs camarades hommes. En effet, beaucoup de ces "camarades" considéraient que militer politiquement était exclusivement une affaire d'hommes. Pour d'autres, souvent les mêmes, la fameuse théorie de "l'amour libre", chère aux anarchistes, n'était qu'un prétexte facile leur permettant d'accumuler sans vergogne les "conquêtes féminines" et dé jouer ainsi les "coqs du village". De plus, si dans leur propagande les anarchistes ont été les premiers à critiquer le rôle réactionnaire et oppressif de la famille bourgeoise, ils "se montraient incapables de mettre en avant des revendications correspondant aux besoins de la masse des femmes et permettant en même temps à celles-ci de s'engager activement dans la lutte pour le socialisme" (1).

C'est donc à Madrid que se constitue le premier noyau organisé des Mujeres Libres. En septembre 1936, l'organisation s'étend à Barcelone et à Valence. Les Mujeres Libres compteront ainsi jusqu'à 150 groupes locaux et près de 30.000 membres. Une revue est rapidement publiée. On y trouve des articles de fonds, traitant d'une façon originale et accessible (du fait du bas niveau culturel de la plupart des membres) des questions politiques et féministes.

Des cours sont donnés par les Mujeres Libres sur la culture générale, sur la contraception, des formations professionnelles ainsi que des cours d'alphabétisation. Ces deux derniers occupant une place importante car "la question du travail salarié des femmes et de l'indépendance économique qu'il procure apparaissait comme absolument essentielle''(2) pour que "toutes les femmes se libèrent de leur dépendance, sortent de leur "foyer", de cette vie repliée sur elle-même. "(3)

A côté de leur implication directe dans la lutte antifasciste (4), les Mujeres Libres revendiquaient le droit au travail pour les femmes, menaient campagne contre la prostitution et pour la réinsertion des prostituées, exigeaient le droit à la contraception et à l'avortement, etc.

Le mouvement faisait ainsi oeuvre de précurseur en matière de lutte féministe. Mais les formes que prirent certaines campagnes des Mujeres Libres n'étaient pas exemptes d'ambiguïtés, ainsi, des centres des Mujeres Libres apprenaient aux femmes à être de "bonnes mères", des articles déclaraient que la nature de la femme, c'est la maternité, etc. C'est que, à partir de 1937, à la faveur de la contre-révolution menée par les staliniens et du climat général de régression et de démoralisation, le courant qui, au sein du mouvement, défendait avec conséquence des points de vue féministes-révolutionnaires perdait du terrain face aux tenantes d'un rôle plus "tradtionnel" pour la femme.

Les relations entre les Mujeres Libres et la CNT-FAI furent problématiques. Cette dernière organisation supportait très mal que des femmes viennent lui rappeler que les revendications féministes de la propagande et des résolutions des congrès anarchistes n'étaient pratiquement jamais appliqués… De plus, au sein de l'organisation anarchiste, un courant de droite considérait que la place des femmes ne pouvait être que celle de la mère, l'épouse, la soeur ou la fille du combattant antifasciste. En 1938 une demande de reconnaissance officielle des Mujeres Libres par la CNT-FAI est purement et simplement refusé.

Vers la fin de la guerre, les Mujeres Libres connaîtront la même régression que la plupart des organisations anarchistes. Avec la contre-révolution stalinienne qui frappe le camp républicain (les femmes ne pourront plus porter les armes et ne pourront plus contribuer à la lutte antifasciste qu'en tant qu'infirmières ou cuisinières!) le mouvement va en déclinant. Il disparaîtra définitivement avec la victoire du fascisme en 1939.

D’après une série d’articles publiés dans La Gauche 1996-1997

Bibliographie et notes:

(1) Cajo Brendel et H. Simon, " De l'anti-franquisme à l'après-franquisme ", Ed. Spartacus, Paris 1979

(2) Burnet Bolloten, "La Révolution espagnole: la gauche et la lutte pour le pouvoir". Ed. Ruedo Iberico, Paris, 1977.

(3) Pierre Broué, "La dualité de pouvoir dans l'Espagne républicaine au début de la Guerre

Civil", in Viento Sur n° 27, septembre 1996.

(4) Miguel Romero, "La guerre civile espagnole au Pays basque et en Catalogue", CER n° 13,

Amsterdam, 1990.

(5) P. Broué et E. Témime, "La révolution et la guerre d'Espagne", Ed. de Minuit, Paris,

1961.

(6) P. Broué, E.Témime, op. cit.

(7) Les dictatures fascistes ne se privèrent pas pour autant d'aider Franco. Le Portugal livrera près de 20.000 volontaires, l'Italie enverra en tout près de 100.000 hommes et l'Allemagne nazie 16.000 soldats professionnels. Ils livreront également des armes, des munitions et du carburant.

(8) Le gouvernement républicain espérait alors le déclenchement d'un conflit en Europe entre les " démocraties " et les pays fascistes, conflit qui ferait voler en éclat la non-intervention. Une aide militaire anglaise et française aux côtés des républicains devenait alors possible. Mais les accords de Munich firent s'effondrer ces espoirs: une fois de plus, les "démocraties" laissaient faire Hitler. Munich allait également amener l'URSS à lâcher l'Espagne. Ayant été écarté de ces accords, elle abandonne définitivement toute volonté d'un rapprochement avec les bourgeoisies occidentales et renforce son rapprochement avec Hitler. Les fournitures russes se feront donc de plus en plus rares en Espagne...

(9) La bataille de Guadalajara, par exemple, en mars 1937 où les forces fascistes italiennes forent battues grâce à la propagande défaitiste révolutionnaire qui fat menée par les communistes italiens des Brigades Internationales. Mais d'autres occasions furent ratées: le gouvernement républicain s'est toujours refusé à proclamer l'indépendance du Maroc espagnol. Une telle proclamation aurait pourtant déstabilisé les troupes marocaines de Franco, qui étaient ses troupes de choc.

(10) Cette justification fut même soutenue par certains révolutionnaires, anarchistes surtout. A ce sujet, Trotsky apporte un argument décisif: « Les révolutions n 'ont nullement vaincu jusqu à présent grâce à des protections étrangères leur fournissant des armes. Les protecteurs étrangers se sont ordinairement trouvé du côté de la contre-révolution (...). Les révolutions sont avant tout victorieuses à l'aide d'un programme social qui donne aux masses la possibilité de s'emparer des armes qui se trouvent sur leur territoire et de désagréger l'armée ennemie. » Léon Trotsky, cité par Pierre Broué et Emile Témime, "La révolution et la guerre d'Espagne", Ed. de Minuit, Paris, 1961.

(11) Cité par Jean-Marie Freyssat, "Lutte antifasciste et libération sociale". Critique communiste n°144.

(12) Carlos Semprun-Maura, "Révolution et contre-révolution en Catalogue " Ed. Marne, Tours. 1974.

(13) Marcel Ollivier, "La Guépéou en Espagne", Ed. Spartacus, Paris.

(14) Nous avons déjà abordé les questions du rôle de l'URSS dans la révolution espagnole au niveau de la diplomatie internationale et de la question de la guerre en elle-même

(15) "De Lénine à Staline. 10 ans au service de l'I.C" tome 2, Ed. La Baconniere, 1971.

(16) « A travers les révolutions espagnoles ", L. Nicolas, Ed. NOE 1972.

(17) “ Jules HIumbert-Droz, op. cit.

(18) Cité par Ignacio Iglesias, " Trotsky et la Révolution Espagnole ", Ed. du Monde, 1974.

(19) Dont: 10.000 français, 5000 Allemands et Autrichiens, 4000 Polonais, 4000 Balkaniques, 3500 Italiens, 2000 Britanniques, 1700 Belges, 2500 Scandinaves, 1000 Canadiens, 2000 Américains, 700 Suisses (autres nationalités: 2000, dont des Sud-Américains et même des Chinois).

(20) Dont plusieurs seront liquidés dès leur retour à Moscou, tel Antonov-Ovsenko, héros de la révolution et de la guerre civile russe. Des chefs internationaux des Brigades Internationales seront également éliminés après la chute de la République alors qu'ils se réfugiaient en URSS, par exemple le Yougoslave Gai ou le général « Kléber », un des artisans de la défense victorieuse de Madrid en 1936.

(21) Jacqueline Heinen "Les femmes dans la guerre civile" dans "Femmes et mouvement ouvrier". Ed. La Brèche 1979, p. 177, (2) Jacqueline Heinen, op. cit. p. 196

(22) "La Condition sociale de la femme en Espagne", Margarita Neiken, 1919.

(23) "Contrairement aux organisations féminines nées durant la guerre dont l'orientation était déterminée avant tout par une idée "d'assistance " - assistance aux soldats au front, aux familles en détresse, aux femmes démunies devant intégrer la production - l'objectif des Mujeres Libres était de mener une bataille à long terme dont elles savaient qu'elle ne pourrait être victorieuse sans une révolution sociale." Jacqueline Heinen, op. cit. p.195

Bibliographie:

Henri Paechter, " Espagne 36-37. La guerre dévore la révolution ", Ed. Spartacus. Paris 1986 Félix Morrow, " Révolution et contre-révolution en Espagne ". La Brèche, Paris, 1986

Trotsky Léon, "La Révolution permanente", Ed de Minuit. Paris, 1961

P.Broué et E.Témime, "La Révolution et la Guerre d'Espagne", éd. de Minuit, Paris, 1961.

Pierre Broué, "La dualité de pouvoir dans l'Espagne républicaine au début de la Guerre

Civil", in Viento Sur n° 27, septembre 1996.

Gabriel .Ranzato, "La Guerre d'Espagne", éd. Casterman/ Giunti, Firenze, 1995.

E.Témine, "1936, La Guerre d'Espagne commence", éd. Complexe, Bruxelles, 1986.

Jacques Delperrié de Bayac, "Les Brigades Internationales", Ed. Fayard, Paris, 1985.

Pierre Frank. "Histoire de l'Internationale Communiste", Tome 2, Ed. La Brèche, 1979

"L'épopée des Brigades Internationales", Rouge n°1212, juin 1986.

Jacqueline Heinen "Les femmes dans la guerre civile" dans "Femmes et mouvement ouvrier". Ed. La Brèche 1979

Carlos Semprun-Maura, "Révolution et contre-révolution en Catalogue " Ed. Marne, Tours. 1974.

Jean-Marie Freyssat, "Lutte antifasciste et libération sociale". Critique communiste n°144.

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« A travers les révolutions espagnoles ", L. Nicolas, Ed. NOE 1972

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Jules-Humbert Droz, "De Lénine à Staline. 10 ans au service de l'I.C" tome 2, Ed. La Baconniere, 1971.

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Cajo Brendel et H. Simon, " De l'anti-franquisme à l'après-franquisme ", Ed. Spartacus, Paris 1979

Georges Vereeken, " La Guépéou dans le mouvement trolskyste ", Edition La Pensée Universelle, Paris, 1975.

Gérard Rosenthal, " Avocat de Trotsky ", Edition Robert Laffont, Paris, 1975.

Voir ci-dessus