Serge Viaene (1944-2013)
Par Georges Dobbeleer et Guy Van Sinoy le Mercredi, 24 Avril 2013 PDF Imprimer Envoyer

Notre camarade Serge Viaene, qui fut un syndicaliste exemplaire dans l’industrie textile de Mouscron et un militant de la section belge de la IVe Internationale, est décédé le 7 mars après une longue et douloureuse maladie.

 

Né en décembre1944 et il était devenu ouvrier qualifié à l’usine textile Motte, à Mouscron, qui a compté jusqu’à 1.800 travailleurs et travailleuses dans les années 60. Très jeune, Serge devint militant des Jeunes Gardes Socialistes (JGS), l’important mouvement des jeunesses socialistes dirigé dans les années 60 par nos camarades trotskystes. Il fut rapidement gagné à notre organisation marxiste-révolutionnaire qui allait devenir la Ligue révolutionnaire des travailleurs en mai 1971

 

Délégué syndical FGTB combatif aux côtés de son camarade de la CSC Gérard Christiaens, Serge mena des luttes répétées dans l’usine Motte qui perdit cependant peu à peu son importance dans le secteur textile. La Gauche du 12 janvier 1978 décrivait cette situation et les diverses actions syndicales menées, dont l’occupation de l’hôtel de ville de Mouscron, un cortège de 400 voitures en ville le 7 janvier et une rencontre avec le Premier ministre pour exiger des mesures de sauvegarde de l’emploi.

 

La situation de l’usine continua à se dégrader et le 23 mai 1981 Serge prit l’initiative d’un meeting à Mouscron avec Ernest Mandel et Jacques Yerna, pour dénoncer le déclin industriel et l’inefficacité du patronat. En décembre 1982, l’usine Motte reprise par le groupe Verbeke, obtint du ministre Eyskens un soutien financier . Mais, en échange, 300 des 800 travailleurs encore en activité devaient perdre leur emploi. Cette perspective provoqua la grève avec occupation de l’entreprise. Celle-ci dura jusqu'en décembre. Habilement, le patronat fit questionner individuellement les travailleurs. S’ils acceptaient le licenciement prévu, une sorte d’avant-prépension permettrait aux travailleurs de 49 à 52 ans d’échapper au chômage. Beaucoup eurent cet espoir et s’inclinèrent. Parmi les conditions il y avait bien sûr le licenciement des délégués syndicaux. Malgré les promesses, l’usine Motte ferma ses portes un peu plus tard.

 

Dans La Gauche du 8 janvier 1982, Serge Viaene déclarait ceci : « Une revendication essentielle de notre programme, c'est la nationalisation des secteurs clés de l'économie, comme le textile, la sidérurgie, les constructions métalliques, etc. Dans le textile à Mouscron, l'organisation syndicale a d'ailleurs pris cette position. La nationalisation signifie que si les patrons ne savent pas garantir l'emploi, ils n'ont qu'à s'en aller. Que l'entreprise devienne propriété de l’État. Cela ne résout pas tout, évidemment. Mais si cela apporte une certaine garantie d'emploi, cela ne modifie pas encore en rien la logique du système. C'est pourquoi il  faut que les nationalisations se fassent sans indemnités ni rachat, donc en expropriant les patrons. Pourquoi ? Prenons le cas du textile. Mon entreprise, par exemple, a reçu 450 millions  de francs (11 millions €) ; cet argent a été versé à 83 % à la Société Générale de Banque en remboursement de dettes contractées par le patron. L'argent de la collectivité sert donc à rembourser les dettes du patron, et, en prime, celui-ci licencie. Il faut mettre fin à cette situation. De plus, les entreprises appartiennent collectivement aux travailleurs parce que ce sont eux qui produisent les marchandises, les machines, et que c'est l'exploitation de leur travail qui permet aux capitalistes d'accumuler leur capital ». A l'heure de la fermeture de Ford-Genk, du démantèlement de la sidérurgie (Liège, Charleroi, La Louvière) et des licenciements massifs chez Caterpillar, ces paroles de 1982 sont de toute actualité.

 

Mis à l'index sur une liste noire patronale, Serge ne retrouva pas d’emploi dans l’industrie textile. Après 1982 Serge et son épouse Monique, enseignante, connurent des années difficiles. Chômeur de longue durée, Serge n'en arrêta pas moins de militer, notamment dans l'animation de l'émission Chiffon Rouge (tous les mardis de 17h30 à 19h30) sur Radio qui Chifel (RQC 95FM), une radio libre locale.  En 2006, malgré de graves problèmes de santé, il participa à la nombreuse assemblée d’Une Autre Gauche à l’ULB.

 

Malgré les difficultés de la lutte politique pour nos forces trop restreintes, Serge gardera jusqu’à la fin un lien fraternel avec nos militants. Sans se décourager, il écrivait dans sa lettre de décembre 1982 à La Gauche : « Je tiens à tirer mon chapeau à tous les délégués et militants… Eux aussi ont des problèmes familiaux auxquels nous ne pensons pas toujours. Bravo à eux et courage dans les luttes à venir ! ». Ce courage, il n’en a pas manqué malgré une santé de plus en plus gravement compromise.

 

Nous saluons ici un militant exemplaire dont le souvenir restera vivant parmi les travailleurs de Mouscron et d’ailleurs. De nombreux compagnons de lutte, ainsi qu'une délégation de la LCR, ont assisté aux obsèques de Serge et sont venus saluer la famille et les proches de notre camarade.

Voir ci-dessus