6 octobre: une journée d’action syndicale réussie sur fond de krach boursier
Par Guy Van Sinoy le Lundi, 13 Octobre 2008 PDF Imprimer Envoyer

A l’appel des trois organisations syndicales, les travailleurs avaient mené, du 9 au 12 juin dernier, une semaine de manifestations régionales pour la revalorisation du pouvoir d’achat. Ces journées de juin s’étaient déroulées sur un fond de crise gouvernementale prolongée : les partis au pouvoir se querellent depuis plus d’un an sur le contenu de la régionalisation et la bourgeoisie souhaite s’appuyer sur cette régionalisation pour diviser le mouvement ouvrier.

 

Pour tous les militants syndicaux, il était clair que les journées de juin n’étaient qu’un coup de semonce et que la véritable bataille sociale se tiendrait à la rentrée. Le 6 octobre, les directions syndicales (FGTB, CSC, CGSLB) ont organisé - à titre « d’avertissement au patronat et au gouvernement » - une journée d’action avec les revendications suivantes : pas question de toucher à l’index, baisse de la TVA de 21% à 6% sur l’énergie domestique (électricité, gaz, fuel) car s’éclairer et se chauffer sont des besoins vitaux, un meilleur remboursement des frais de déplacement pour se rendre au travail. D’autres exigences générales étaient aussi évoquées (hausse des bas salaires, fiscalité plus juste, plus de moyens pour la sécurité sociale), mais elles étaient formulées en termes suffisamment vagues que pour donner une confortable marge de manœuvre au gouvernement et au patronat.

Une mobilisation réussie

Afin de réussir la journée d’action, la plupart des centrales syndicales avaient annoncé qu’elles couvraient par un préavis de grève tous les arrêts de travail déclenchés par la base le 6 octobre. La journée d’action a été une réussite même si, dans l’ensemble, la CSC et la CGSLB ont peu mobilisé leurs militants. Pratiquement tous les transports publics (trains, bus, tram, métro) étaient paralysés. La plupart des grandes usines étaient en grève, à l’exception de la métallurgie en Flandre où l’appareil syndical s’est opposé à la grève.

 

D’une manière générale, le problème en Belgique n’est pas de réussir une grève couverte par l’appareil syndical, mais de permettre aux travailleurs de prendre la direction de leur lutte et d’échapper au contrôle étroit de la bureaucratie syndicale qui met souvent brutalement fin à la mobilisation dès qu’elle sent qu’elle risque de lui échapper.

Sur fond de krach boursier

Les hasards du calendrier ont placé cette journée d’action en pleine tornade boursière. Celle-ci risque d’ailleurs de peser sur la suite de la mobilisation. D’une part, pas mal de travailleurs se rendent compte que les partis traditionnels ne font rien pour le pouvoir d’achat, se disputent depuis des mois sur les questions communautaires, mais se regroupent tous dans un grand élan d’unité nationale pour voler au secours de Fortis et de Dexia avec l’argent des contribuables. Les militants syndicaux de La Post e et du rail constatent que la commission européenne interdit toute aide de l’Etat à une entreprise publique sous le prétexte « de ne pas entraver la libre concurrence », mais que la même commission se tait dans toutes les langues quand le gouvernement renfloue les banques. Et donc, à la base, l’actualité boursière aurait plutôt tendance à renforcer la mobilisation.

 

Du côté des directions syndicales, c’est plutôt l’inverse. Tout en dénonçant la mauvaise gestion et les parachutes dorés, la direction de la FGTB a salué l’action du gouvernement de pseudo nationalisation de Fortis,… refilée entre-temps à BNP Paribas ! C’était pourtant une occasion rêvée de revendiquer la nationalisation de toutes les banques et la création d’une banque publique. Effrayées par l’ampleur du krach boursier, il n’est pas exclu que les directions syndicales sifflent la fin de la mobilisation sociale, malgré les nombreuses protestations de la base.

 


Guy Van Sinoy est délégué FGTB et membre de la LCR (Belgique)

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