Honduras: Le putsch qui n'a jamais eu lieu
Par Tyler Shipley le Dimanche, 10 Janvier 2010 PDF Imprimer Envoyer

« Quand les médias se taisent, les murs parlent » — graffiti à Tegucigalpa. Ce qui surprend immédiatement un visiteur de la capitale hondurienne ces temps-ci, c'est à quel point le conflit social et politique qui a surgit depuis le coup d’État du 28 juin s'inscrit sur les murs, les palissades, les faces rocheuses, les ponts, les bâtiments abandonnés et même sur le béton sur lequel on marche. Bien que le discours dans la presse internationale est confus et désinforme, la situation au Honduras est évidente pour ceux qui y sont. Un rapide tour de Tegucigalpa en taxi le démontre.

Le Honduras a longtemps été dominé par une poignée d’une dizaine ou une quinzaine de familles riches. Ici, tout le monde connaît leur nom — Facusse, Ferrari, Micheletti — et maintenant ils sont gribouillés partout sur les murs, à côté d’accusations de «golpista» (putschiste) et d’asesino (assassin). Ces oligarques se satisfaisaient autrefois de contrôler l’économie et d’acheter les politiciens mais ils insistent maintenant de plus en plus pour exercer directement le pouvoir politique eux-mêmes, et on voit de plus en plus leurs noms au Parlement, à la Cour suprême et même maintenant dans l’exécutif.

C’est dans ce contexte qu’un événement qui correspond parfaitement à la définition d’un putsch est reformulé par l’élite hondurienne, et ses alliés étrangers, comme un «transfert de pouvoir constitutionnel». Oublié que le Président démocratiquement élu a été enlevé dans sa maison et jeté hors du pays en pyjama le matin d’un référendum non contraignant portant sur la possibilité de réformer la constitution. Oublié que ce mouvement pour réformer la constitution provenait d’un mouvement social qui voulait refonder le pays sur une ligne plus équitable, mettant fin à des décennies de dominance incontestée de quelques uns sur la majorité. Oublié que la seule transgression du président Manuel Zelaya a été d’en appeler directement au peuple en défiant un Parlement et une Cour suprême au service de l’oligarchie qui n’aurait jamais consenti à réformer une constitution qui a été écrite pour servir leurs intérêts.

Ces détails — disent les «golpistas» — ne sont pas importants. Au lieu de cela, ils racontent une histoire dans laquelle Zelaya était un laquais du Président vénézuélien Hugo Chávez (qui selon leur discours est intrinsèquement mauvais) et clament qu'il avait l’intention de changer la constitution dans le but de se désigner président à vie. Cette histoire raconte que pour préserver la démocratie, le Parlement et la Cour suprême ont mis en œuvre un processus légal pour démettre le Président élu et le remplacer jusqu’à ce que de nouvelles élections puissent se tenir. Bien que manifestement fausse, cette histoire a été reprise par la presse internationale, et répétée ad nauseam dans l’espoir de donner une légitimité à un processus qui cherche à réinstaurer une oligarchie sentant son pouvoir menacé pour la première fois depuis des décennies.

L’U.S.S. Honduras

La question centrale en jeu au Honduras aujourd’hui — qui a provoqué la décision risquée de l’oligarchie de mener le putsch en juin — est l’insistance croissante et inflexible des mouvements sociaux honduriens pour une Constituante, une assemblée élue destinée à réécrire la constitution. C’était justement cette question qui devait être posée dans un référendum non contraignant le matin du putsch et il était attendu que le peuple soutienne massivement cette proposition. Comme dans la plupart de ses voisins d’Amérique du Sud et centrale, le principal texte légal hondurien a été écrit pendant une période dominé par l’impérialisme états-unien de la Guerre froide et par une élite compradores quasi-fasciste. L’héritage de l’ère de l’Opération Condor/École des Amériques s'inscrivait, parmi d’autres tragédies, dans des structures légales et politiques qui garantissent la domination des élites et le Honduras en était un parfait cas d’école.

La constitution actuelle du Honduras a été ratifiée en 1982, période pendant laquelle le pays était surnommé « U.S.S. Honduras ». Le groupe de résistance ayant le mieux réussi dans les années 70 était la Fédération nationale des paysans honduriens (FENACH) mais il n’a pas été capable de réunir la même force que les Sandinistes du Nicaragua, ni même d’atteindre le niveau limité de résistance des guérillas du Guatemala ou du Salvador. Il en a résulté que le Honduras est devenu la base parfaite pour les opérations des États-Unis en Amérique centrale. Parmi d’innombrables autres interventions et campagnes de terreur dans la région, la guerre des «Contras» contre le Nicaragua sandiniste a été de ce fait menée depuis la base militaire états-unienne de Palmerola, à proximité de Tegucigalpa.

En plus des 18 bases militaires qu’ils ont établies et des 10.000 troupes états-uniennes qui se trouvaient là, les États-Unis ont aussi offert plus de 100 millions de dollars aux forces armées honduriennes entre 1980 à 1984. Cette injection d’argent et d’aide technique aux militaires et à l’élite économique a renforcé l’oligarchie de Tegucigalpa et mené à une augmentation dramatique de la pauvreté, des inégalités et de la répression politique. La constitution de 1982 a été écrite après des décennies de dictature militaire alors que le Honduras était l’hôte d’une force paramilitaire de plus de 15 000 soldats dirigée par les États-Unis, entraînée à ce que nous appelons maintenant la « contre-insurection » — spécialisée dans les campagnes de terreur dirigées principalement contre des forces de guérilla. Durant cette période, selon Joan Kruckewitt, « l’utilisation de la répression, au lieu des concessions et des réformes, est devenue la norme » et « les militaires ont émergé de la période de militarisation menée par les États-Unis comme le secteur le plus puissant du pays, avec peu de contrepoids pour les restreindre » [1]. En effet, entre 1981 et 1984, pendant que la nouvelle constitution était écrite, ratifiée et établie, les militaires on procédés à 214 assassinats politiques, 110 « disparitions » et 1947 arrestations illégales.

Étant donné ce contexte, considérer la constitution de 1982 comme « représentative » de quoi que ce soit si ce n’est de l’élite de la société hondurienne serait clairement absurde; la grande majorité des gens dans le pays vivaient dans une pauvreté abjecte et la peur incessante de leurs propres soldats et policiers. Mais comme le climat politique en Amérique latine a changé, et que de nouvelles ouvertures ont émergé pour des projets émancipateurs, les Honduriens sont devenus de plus en plus insistants sur le besoin de refonder leur pays selon leurs propres termes. Les mouvements sociaux centrés autour des syndicats, des groupes de défense des droits de l’Homme et des organisations paysannes ont mené, entre 2005 et 2008 sous la présidence de Manuel « Mel » Zelaya, à un large mouvement pour une réforme constitutionnelle significative.

Le 28 juin et la mort de la démocratie

Le fait le plus intéressant à propos du 28 juin 2009 a été comment Mel Zelaya est devenu une figure populaire au Honduras. Il a été élu président en 2005 en tant que membre du Parti libéral, un des deux principaux partis du pays, qui ne sont pas connu pour leur radicalisme. Zelaya lui-même était un membre de l’oligarchie, riche propriétaire terrien du sud et sa longue carrière politique n’avait jamais montré de signes de divergence par rapport au conservatisme standard de la politique hondurienne. En fait, la seule chose qui séparait Zelaya de quelqu’un comme Roberto Micheletti — la figure immensément impopulaire qui a émergé comme Président de facto après le putsch — était qu’il reconnaissait la popularité croissante des mouvements pour des réformes sociales. Ses décisions d’augmenter le salaire minimum, de déclarer un moratoire sur les concessions minières étrangères et de mettre son veto sur une loi bannissant la pilule contraceptive n’étaient pas simplement des manifestations de son propre esprit radical, quelque que soit la noblesse de ses intentions.

Non, Zelaya a exécuté de manière calculée des décisions politiques — indéniablement positives — qui le maintenaient acceptable auprès du peuple dont dépendait son soutien. Il dépendait en effet de plus en plus de ce dernier après que son adhésion au projet d'une assemblée constituante l’ait fait rompre avec ses alliés du Parti libéral. Mais avant le 28 juin, pour le mouvement social au Honduras, Zelaya était simplement un moyen pour atteindre un but — un politicien qui avait prouvé être malléable aux manifestations de la volonté populaire. Son appui à la constituante a été l’acte le plus important de sa carrière, tout en respectant la constitution existante - bien que cela a été répété dans chaque bulletin de l’AP depuis le putsch, il n’a jamais eu l'objectif de briguer un nouveau mandat à la Présidence.

Le processus aurait du être celui-ci : le 28 juin, les Honduriens auraient voté lors d’un référendum non contraignant pour savoir si ils soutenaient l’ajout d’une quatrième urne lors des élections générales prévues pour le 29 novembre. Normalement, ils y a trois urnes lors des élections honduriennes, qui correspondent aux trois niveaux de gouvernement. Si il était ressorti du référendum une réponse fortement positive, Zelaya aurait ajouté une quatrième urne pour poser la question « soutenez-vous la constitution d’une assemblée constituante pour réécrire la constitution ? ». En conséquence, la constitution n’aurait pas pu être changée avant les élections du 29 novembre et donc Zelaya n’aurait pas pu se présenter à la réélection. De plus, les primaires pour cette élections s’étant déjà tenues et, à nouveau, le nom de Zelaya ne s’y trouvait pas — même s'il l’avait voulu, cela aurait été illégal.

L’idée que Zelaya avait l’intention de manipuler le processus pour rester au pouvoir est clairement absurde. Mais le parlement hondurien, constitué massivement de membres de l’oligarchie, a senti qu'un projet de réforme de la constitution pouvait représenter une menace réelle envers leur mainmise sur le pouvoir et a refusé d’accepter l’idée. En réponse, Zelaya en a appelé directement au peuple — rejetant implicitement la légitimité de la forme hondurienne de la démocratie représentative qui l’avait mis lui-même au pouvoir — et a fait serment de mener à bien la constituante si le peuple le demandait.

Bien sûr, ce processus n’a jamais abouti puisque le matin du 28 juin, lorsque devait se tenir ce sondage non contraignant, Zelaya a été enlevé par l’armée et expulsé au Costa Rica. Roberto Micheletti est devenu Président de facto et le référendum a été annulé. Des images dramatiques de ce matin ont montré les gens dans les petites heures du jour sortant pour voter et trouvant l’armée dans la rue — l’outrage tournant au désespoir qui, à son tour, a été canalisé dans une détermination absolue à résister à cette subversion clairement coercitive de la volonté populaire. Des manifestations ont éclaté en contrecoup immédiat du putsch et le régime golpista s’attendait à ce qu’elles durent seulement quelques jours. Au contraire de Zelaya, ils avaient sous-estimé la force et l’engagement du mouvement hondurien pour la réforme.

Resistencia

« Je suis fier que les Honduriens sont habituellement si pacifiques, mais je suis encore plus fier que nous nous levons enfin pour nous-mêmes » — Rosa Mayda Martinez, employée de bureau, Jutiapa.

Ce qui a suivi fut la plus grande manifestation soutenue dans l’histoire de l’Amérique centrale. Pendant 156 jours non-stop, les Honduriens sont descendus dans les rues de Tegucigalpa. Leur nombre a fluctué depuis des centaines de milliers jusqu’aux milliers qui manifestaient jusqu’au jour des « élections » du 29 novembre. Comme cela était prévisible, ils ont rencontré une répression violente. Entre le mois de juin et de novembre, 33 personnes ont été tuées pour des raisons politiques et des centaines ont été détenues, battues, kidnappées ou violées par un appareil d’État de plus en plus militarisé. En septembre, le Président Zelaya est rentré dans le pays et s’est réfugié dans l’ambassade brésilienne, où il se trouve toujours, gardée par la police qui a reçu l’ordre de l’arrêter dès le moment où il quitterait le territoire brésilien.

L’espace disponible ici est insuffisant pour évoquer tous les aspects de cette résistance populaire. Il faut surtout souligner que le putsch a amené à la conséquence inattendue d’unir un groupe à l’origine fragmenté d’organisations en une coalition large — le Frente popular nacional de resistencia (Le Front national de résistance populaire) — qui est devenu l’organisation populaire la plus importante au Honduras. Ses membres viennent principalement des classes les plus pauvres — travailleurs et paysans — mais sont également issus des relativement petites classes « moyennes » qui comprend des professeurs, des avocats, des médecins, des politiciens de la gauche libérale, etc. Ils ont travaillé étroitement avec les organisations de défense des droits de l’Homme locales et certaines ONG étrangères, mais ils ont maintenu une autonomie absolue par rapport à leurs interlocuteurs étrangers (quelques soient leurs intentions) contredisant la caractérisation du Frente comme un cercle de fauteurs de troubles professionnels et de socialistes exportés par Chávez.

Les manifestations n’ont pas été limitées à Tegucigalpa. La deuxième plus grande ville du Honduras, San Pedro Sula, est un centre industriel majeur et est l’épicentre de la production de type «maquiladora », sous propriété étrangère. Des protestations ont régulièrement éclaté là-bas, y compris le jour des « élections » du 29 novembre. Elle ont été réprimées avec des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc, faisant des dizaines de blessés, dont un photographe brésilien de Reuters. De plus les honduriens ruraux ont été actif dans la résistance en bloquant des autoroutes, en diffusant l’information et en protestant devant les bureaux gouvernementaux. Seules quelques endroits au Honduras n’ont pas vu de mouvements majeurs contre le putsch — principalement Roatán et les Islas de la Bahía, un anneau d’îles tropicales de la côte nord, pleine de, et politiquement contrôlées par, des hôtels étrangers (dont beaucoup de canadiens).

L’élite locale et étrangère qui a fait de ces îles, et de la plupart de leurs habitants, des instruments pour leur profit personnel constitue le soutien le plus déterminé en faveur du putsch. Ils diffusent de l’information anti-Zelaya trompeuse ou, au mieux, volontairement ignorante partout où ils peuvent, notablement sur les sites Internet d’information ; mes propres articles ayant été régulièrement attaqués et, dans un cas [2], ils ont été jusqu’à me menacer de mort. Ces attaques sont très probablement motivées par l’insistance des mouvements sociaux demandant des réformes fiscales qui ramèneraient une partie de leurs profits à l’État dans le but d’une redistribution par l’intermédiaire d’un soutien accru pour l’éducation, le logement, la santé et d’autres programmes sociaux. Les compagnies étrangères opèrent actuellement presque sans taxe, un des grief que les partisans de la constituante souhaitent redresser.

Le retour de l’État terroriste

« Dans mon cas, je suis connu de la police, ils peuvent me faire n’importe quoi. J’ai pensé déménager dans une nouvelle maison avec des camarades, pensez-vous que c’est une bonne idée ? » — Rosner Giovanni Reyes, membre de Resistance à une réunion avec des représentants de COFADEH le 28 novembre 2009.

Les putschistes et leur bénéficiaires sont liés et déterminés à bloquer le processus indéfiniment. La répression de la résistance a été violente et minutieuse. Les groupes de défense des droits de l’Homme comme le Comité des familles des disparus et détenus au Honduras (COFADEH [3]) ont travaillé sans répit depuis le 28 juin pour produire de la documentation détaillée sur la brutalité de la répression. Sans surprise, leurs rapports ne sont pas écoutés. La campagne de terreur étatique qu’ils ont documenté va trop loin pour pouvoir être reproduite ici, mais ils ont fourni un résumé très utile dans un rapport le 28 novembre. Ce rapport, produit par les cinq groupes de défense des droits de l’Homme les plus importants au Honduras a été présenté au Tribunal Supremo Electoral (TSE) le jour avant les « élections » par une déclaration formelle exigeant que les élections soient annulées, étant donné l’impossibilité qu’elle soient équitables et libres dans le contextes du putsch et de la terreur étatique.

« [Ces élections sont tenues] dans un contexte de violations graves et systématiques des droits humains. Depuis le jour du putsch, nous avons documenté 33 morts violentes motivées politiquement, de la torture, des traitements cruels, inhumains et dégradants, des agressions sexuelles et des restrictions dans la liberté d’association, d’assemblée, d’expression, d’opinion et plus. » (4)

Ils poursuivent en disant que tenir des élections dans ces circonstances est absurde, étant donné que ce sont ces mêmes personnes qui commettent cette violence qui sont supposé être responsable de la tenue équitable des élections. Ils notent aussi quelques uns des cas de répression de personnalités politiques. Carlos H. Reyes, un membre des mouvements sociaux et initialement candidat indépendant aux élections présidentielles a été hospitalisé après avoir reçu un coup brutal de la police dans une manifestation pacifique. Ulises Sarmiento, un membre bien connu du Parti libéral qui sympathisait avec la résistance a vu sa maison saccagée par des soldats avec des armes automatiques dans la province d’Olancho. Eliseo Hernandez Juarez, un candidat vice-maire, a été assassiné.

Sans surprise, la violence n’a pas été limitée aux politiciens connus. Victor Corrales Mejia et son fils, membres de la résistance, ont été arrêtés la nuit avant les élections et battus dans leur maison. La police est venue dans leur maison, a frappé Victor à la tête et à la colonne vertébrale avec des bâtons et a menacé de le tuer. « Ils ont défoncé ma porte, ils m’ont jeté comme si j’étais un sac de maïs, ils veulent nous intimider » m’a-t-il dit. « Mais notre désir de démocratie est plus fort qu’eux.» À Comayagua, où la résistance est forte et menée par des professeurs, des paysans, des activistes des droits des femmes et des indigènes, le maire a menacé de donner aux militaires les noms et adresses de quiconque interférerait avec les élections. En fait, l’armée a envoyée une lettre exigeant de telles listes à tous les maires du pays. Pendant ce temps, Alejandro Villatoro, le propriétaire de Radio Globo — un des rares médias assez courageux pour parler contre le putsch — a été tué et l’ordinateur qui servait à émettre a été volé.

En effet, radio Globo en était arrivé, après des mois de répression, à émettre uniquement en ligne depuis des endroits tenus secrets. Radio Globo, ainsi que Radio Progreso, Radio Uno, la télévision Canal 36 et le journal El Libertador sont parmi les médias qui ont subi une répression ininterrompue depuis le putsch. Certains, comme Canal 36, ont arrêté d’émettre totalement après que leur matériel ait été détruit, le signal interrompu, les bureaux saccagés et les rédacteurs assassinés. Même des organisations qui ne sont pas directement liées à la résistance sont des cibles dans un contexte d’impunité de la police. Red Comal, une organisation de paysans qui aide les petits paysans à vendre leur produits et diffuse des campagnes éducatives destinées à construire des réseaux entre les mouvements agraires et les mouvements sociaux, a vu ses bureaux attaqués, des ordinateurs et de l’argent volé et les employés battus. Miguel Alonzo Macias, le directeur de l’organisation m’a expliqué « Nous enseignons aux gens pourquoi ils sont pauvres. Nous sommes un danger pour ça. »

Blanchir le putsch

« Non aux élections du régime putschiste ! Hommes et femmes libre du Honduras, ils veulent utiliser votre vote pour légaliser le putsch. Chaque vote est un coup porté à votre liberté. » — Affiche de résistance.

Étant donné le contexte décrit ci-dessus, il est difficile d’imaginer comment quelqu’un pourrait déclarer sérieusement que « l’événement » du 29 novembre était une élection libre ou équitable. Le jour du vote, le Frente a pressé les honduriens a rester chez eux et à boycotter la farsa (farce). Et c’est précisément ce qui est arrivé — en un jour qui est normalement une fête de rue tumultueuse remplie de drapeaux rouge ou bleu représentant les deux partis politiques principaux, le Honduras était calme et tamisé. Il y avait plus de policiers et de militaires que de civils dans la plupart des bureaux de vote. Le TSE a lui-même admis qu’il n’y avait environ que 1,7 millions de personnes qui avaient voté, dans un pays de 8 millions dont 4,6 avec le droit de vote. Cela fait un taux de participation de plus ou moins 35%, le plus bas depuis la fin des dictatures militaires du début des années 80. Inexplicablement, la nuit du 29 novembre, le TSE a annoncé un taux de participation prévu de 60% qui a été répété dans la plupart des sources d’information internationales. Fox News, aux États-Unis, a été une des rares exceptions en mentionnant le chiffre absurde de 70% — personne n’a encore été capable d’expliquer d’où ce chiffre venait.

Quelques jours après les élections, le journaliste vidéo Jesse Freeston du Real News a pu entrer dans les bureaux principaux du TSE et a produit une vidéo documentant l’annonce de votes totaux frauduleux [5] destinés à créer l’illusion que les Honduriens n’avaient pas boycotté l’élection. Cette documentation est importante pour démontrer à la communauté internationale que ces élections ne devraient jamais être reconnues comme légitimes. Mais ce n’est absolument pas nécessaire pour les Honduriens eux-mêmes qui savaient, bien avant que les élections ne se tiennent, qu’elle seraient un simulacre. Comme les organisations de défense des droits de l’Homme l’ont expliqué dans leur document du 28 novembre, « tenir des élections fiables ne dépend pas seulement de l’utilisation de technologie sophistiquée, d’observateurs internationaux ou de l’observation stricte du processus formel; cela nécessite aussi de savoir qu’il y a eu un processus propre précédant les élections, produit par un climat de pleine liberté, dans lequel les candidats et l’électorat peuvent s’exprimer ouvertement et dans un contexte d’égalité absolue, sans peur d’assassinat, de torture, de détention et d’incarcération.» [6]

En effet, une interview que j’ai faite de Edward Fox, un ancien officiel de l’USAID, soutien financier de la campagne républicaine et observateur des élections envoyé de Washington pour légitimer le processus, a démontré assez clairement que les quelques organisations qui étaient au Honduras le 29 novembre n’étaient pas intéressées à enquêter sur ce qui se passait en dehors des bureaux de vote. Alors que nous parlions devant la caméra depuis l’aéroport international de Miami le 1er décembre, Fox a prétendu ne rien connaître des violations des droits de l’Homme «alléguées», a mis en doute les groupes documentant la violence, bien qu’incapable d’en nommer un seul, et a justifié son aval des élections en me disant qu’il avait parlé à l’Ambassadeur des États-Unis qui est, Fox me l’a rappelé, «là-bas tout le temps». Son organisation, le Washington Senior Observer Group a rapporté qu’ils «avaient été témoin du désir enthousiaste de milliers de citoyens honduriens de voter. Beaucoup ont pris le temps de nous remercier pour notre présence aujourd’hui. Sans exception, ils ont exprimé leur confiance dans le système électoral, leur fierté d’exercer leur droit de vote et un espoir profond que leur élection soit un pas décisif vers la restauration de l’ordre constitutionnel et démocratique au Honduras.» [7]

Ils ont par après affirmé qu’ils n’ont vu «aucune intimidation des votants par aucun groupe, individu ou parti» et que leurs observations «coïncident avec celle rapportées par d’autres observateurs et par les médias à travers le Honduras». Cependant, quand j’ai questionné Edward Fox à propos de ces observateurs et des groupes qui ont documenté la violence et la terreur, il a admis qu’il n’avait parlé à aucun d’eux. Les éviter a du nécessiter un certain effort puisque quand ces groupes ont présenté leur rapport au TSE le 28 novembre, les observateurs des États-Unis étaient là; en fait, la délégation des droits de l’Homme avaient sa réunion prévue à 14h mais a du attendre jusqu’à bien après 16h parce que les officiels du TSE étaient en réunion avec les observateurs états-uniens discutant entre eux avec dérision des groupes de défense des droits humains et du Honduras en général.

Regarder vers l'avenir

«Où sont les gens ? Les gens sont dans les rues, luttant pour leur liberté.» — chant de résistance.

Malheureusement, mais sans surprise, les rapports comme celui de Fox on renforcé les positions prises par les gouvernements du Nord et leurs alliés de droite en Amérique latine. Ils ont légitimé le processus d’élection, et par là, le putsch lui-même. Le Ministre des affaires étrangères canadien, Peter Kent a répondu aux élections en annonçant que le Canada «félicite le peuple hondurien pour la manière relativement pacifique et ordonnée dont les élections ont été gérées. Alors que les élections de dimanche n’étaient pas contrôlées par des organisations internationales comme l’Organisation des États Américains, nous sommes rassurés par les rapports des organisations de la société civile comme quoi il y a eu un fort taux de participation aux élections, qu’elles apparaissent avoir été gérées librement et équitablement et qu’il n’y a pas eu de violence majeure.» [8]

On devrait en dire beaucoup plus sur les relations du Canada avec le Honduras et les golpistas. Une pétition appelant à la non-reconnaissance des élections circule et a réuni près de 400 noms — un petit pas vers la construction d’une conscience publique de la complicité du Canada dans cette profanation de la démocratie et des droits humains.

Pendant ce temps, un escadron de la mort a tué cinq personnes de plus le 6 décembre. Un travailleur des droits de l’Homme ayant des liens avec Amnesty International a été assassiné le 14 décembre. La fille adolescente d’un journaliste critique a été trouvée morte le 16 décembre. La répression a augmenté et est même devenue plus vicieuse et calculée depuis la farce des élections; le régime a évidemment été encouragé par le succès de leur fausse représentation de la « fiesta democratica » et la bonne volonté des médias internationaux à ignorer la réalité qu’affronte la majorité des Honduriens.

Cependant, la résistance continue, ayant réalisé il y a longtemps que la lutte allait être longue. Il est difficile de prédire en ce moment quelle forme la lutte va prendre dans les mois à venir, bien qu’il soit clair que le transfert de pouvoir le 27 janvier au President-putschiste élu Pepe Lobo — surnomé Pepe Robo (le voleur) sur les murs — sera un autre point de mire de la résistance. « La police continue à nous dire qu’ils vont venir dans nos maisons et nous emmener et ça nous donne envie de fuir, » dit Francisca, une professeur du secondaire à Comayagua « mais nous avons travaillé trop dur trop longtemps pour construire les maisons que nous avons. »

Notes

[1] Joan Kruckewitt, « U.S. Militarization of Honduras in the 1980s and the Creation of CIA-backed Death Squads, » in Cecilia Mejivar et Nestor Rodriguez, When States Kill: Latin America, the U.S., and Technologies of Terror, University of Texas Press, Austin, TX, 2005.

[2] Voir sur ESSF: « Hondurans cannot go home » – Where are the people?

[3] http://www.cofadeh.org/

[4] Déclaration officielle des représentants de CODEH, COFADEH, FIAN, CDM, CPTRT, CIPRODEH to the TSE, 28 novembre 2009. Traduit de l’espagnol.

[5] http://www.youtube.com/watch?v=1O_0uJqoVtI

[6] Ibid.

[7] Statement on the National Elections in Honduras, Washington Senior Observer Group, 1er décembre 2009.

http://www.hondurasnews.com/2009/12/01/washington-observers-statement/

[8] Peter Kent, « Canada Congratulates Honduran People on Elections,» 1er décembre 2009.

http://www.peterkent.ca/EN/8128/102689

[9] http://petitiononline.com/helect

Source : The Bullet, Socialist Project • E-Bulletin No. 290 • 22 décembre 2009: http://www.socialistproject.ca/bullet/290.php

Traduit de l’anglais par Martin Laurent

Tyler Shipley est un candidat au doctorat et activiste de Toronto, Canada. Il a fait des recherches et des observations sur les droits humains à Tegucigalpa avec une délégation organisée par Rights Action sur la résistance au putsch et les élections du 29 novembre. L’essai-photo entier « Honduras Police State — A Week in Pictures » est disponible sur toronto.mediacoop.ca

Voir ci-dessus