Succès pour la manifestation nationale pour l’emploi du 29 janvier: et maintenant? Reportage photo
Par Jan Willems le Jeudi, 04 Février 2010

Bien que les délais avaient été très courts depuis l’annonce de la manifestation et que les directions syndicales s’étaient contentées d’une mobilisation partielle (de nombreuses sections syndicales n’ont pas appelé leurs membres), plus de 30.000 manifestants ont répondu à l'appel pour la solidarité avec les travailleurs d’Opel et pour l’emploi ce vendredi 29 janvier à Bruxelles.

Malgré la pluie froide, l’ambiance était assez déterminée. Les travailleurs des entreprises qui avaient connus des luttes ces derniers mois étaient venus nombreux comme en témoignaient les délégations d’Inbev, de Bridgstone, de DHL ou de Bayer. Lorsqu’on interrogeait les manifestants, nombreux sont ceux qui exprimaient « qu’il était temps de s’y mettre », « qu’il fallait se mobiliser face à ce patronat qui se croit tout permis ». Scandalisé par le plan de licenciement de son groupe qui a fait plus d’un milliard de profit, un travailleur d’Inbev Jupille constatait : « Cela devient n’importe quoi ! Où va-t-on avec des patrons pareils si on ne réagit pas? ».

Les discours des directions syndicales étaient peu combatifs au regard de la situation catastrophique de l’emploi, c’est le moins qu’on puisse dire. Le président de la CSC, Luc Cortebeeck a déclaré : « J’ai du respect pour les employeurs qui, par le dialogue avec les syndicats, ont tout fait pour éviter les licenciements lors de cette crise. Mais ne me demandez pas du respect pour les employeurs qui ne pensent qu’aux bénéfices rapides, aux dépens de travailleurs ». Il faudrait que Cortebeeck dise de quels patrons il parle. La part des profits dans la valeur ajoutée crée en Belgique ne cesse de croître depuis trente ans alors que celle des salaires ne cesse de baisser pour passer en dessous de la barre des 50% pour la première fois depuis 1945. Les bonus des patrons continuent d’être scandaleusement élevés malgré la crise. Quel employeur de grande et moyenne entreprises n’a pas décidé de spéculer avec ses profits sur les marchés financiers ces dernières années, précipitant la crise actuelle ? Où sont- ils, ces patrons modèles qu’il faudrait respecter?

Rudy de Leeuw, président de la FGTB ajoutait: «Faisons la chasse au chômage, pas aux chômeurs». C’est évidemment juste, mais comment concrètement empêcher la poursuite des politiques gouvernementales qui poussent des dizaines de milliers de chômeurs vers les CPAS en les radiant des allocations de chômage? Aucune action de mobilisation concrète n’est proposée pour appeler à contrer les projets antisociaux du gouvernement.

Une banderole de la FGTB indiquait qu’il fallait interdire les licenciements: c’est effectivement ce qu’il faut faire, mais aucun des dirigeants syndicaux à la  tribune n’a expliqué comment ils comptaient agir concrètement pour intensifier la mobilisation et pour unifier les luttes qui restent isolées et pourtant combatives comme celles de Bayer ou de Bridgestone.

En ce qui concerne la situation catastrophique d’Opel Anvers, rien de concret non plus. Jusqu’ici des dirigeants syndicaux ont déclaré qu’il ne fallait pas faire grève car il fallait démontrer qu’Opel Anvers était une usine performante pour les repreneurs éventuels... Les directions syndicales semblent obnubilées par la course à la compétitivité de l’économie belge par rapport aux économies voisines européennes. Pour les directions syndicales, il semble qu’il s’agisse surtout de montrer qu’on reste performant aux multinationales qui investissent ou pourraient investir en Belgique. Mais comme de nombreuses directions syndicales des autres pays européens poursuivent la même tactique, c’est la course vers le bas et l’absence de mobilisation qui domine. A ce jeu de qui plaira le plus aux capitalistes, les travailleurs sont toujours perdants.

C’est au contraire une mobilisation générale, résolue et radicale contre les licenciements qui pourra faire pression sur les patrons comme sur les gouvernements et les faire reculer. Une grande lutte victorieuse pourrait inspirer les autres travailleurs dans les autres pays en Europe et ailleurs.

La manifestation de vendredi dernier a montré des possibilités de mobilisation que les directions syndicales n’ont pas voulu jusqu’ici exploiter pleinement. Il faudra que les travailleurs et la base des organisations syndicales imposent aux directions syndicales une vraie politique combative de défense des emplois et des acquis des travailleurs. Sinon les patrons profiteront de la crise pour « dégraisser », précariser encore plus les travailleurs et accroître la charge de travail de ceux qui garderont leur emploi. Dans ce cas, ce seront les travailleurs qui paieront cette crise au prix fort, et pas les capitalistes qui en sont les seuls responsables. Continuons de mobiliser pour étendre les luttes!

Photos de Martin Laurent, Benny Asman, Dirk Cosyns et Pavel Pavelic.

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