Grèce: Nouvelle grève générale le 11 mars!
Par A.Sartzekis, C.Georgiou, JL Marchetti le Vendredi, 12 Mars 2010 PDF Imprimer Envoyer

Cette deuxième journée de grève générale du 11 mars a dû être proclamée sous la pression des travailleurs sur les directions syndicales de GSEE (Confédération unique) et d’ADEDY (la fédération du secteur public), qui avaient prévu des manifs séparées et plus lointaines dans le calendrier pour GSEE ! Mais la colère populaire face aux mesures du ’’2e paquet’’ décidé la semaine dernière sur injonction de l’Union Européenne a obligé à accélérer le calendrier, comme on l’a vu dès la fin de la semaine passée avec des arrêts de travail nationaux et de belles manifs.

En ce jeudi 11 mars, la grève paraît fort bien suivie : pas de transports, écoles et postes fermées, et un mécontentement évident contre le gouvernement du très socialiste Giorgos Papandreou, élu en automne pour chasser la droite et obtenir un changement de politique !

La manif à Athènes rassemble aujourd’hui des dizaines de milliers de manifestants, et le ton est clair : ce n’est pas aux travailleurs de payer la crise ! Mais malheureusement, les traditions de division perdurent : si en tète de manif , il y a un très gros cortège du courant syndical du KKE (PC grec), nommé PAME, les slogans alternent le meilleur et le pire. En effet, on peut entendre et lire des slogans clairement anti-capitalistes, mais aussi, en particulier chez les jeunes, pas mal de slogans d’auto-affirmation de PAME, dont la logique de scission du syndicat unique n’a jamais cessé, sur la stricte ligne sectaire du KKE. Leurs slogans criés en faveur des policiers en grève montrent bien la logique d’union nationale qui est le fond de commerce du KKE : en guise de ’’désobéissance’’ (un des slogans clé de PAME) , leur slogan ’’unité peuple et police’’ n’a pas eul’air de convaincre un certain nombre des manifestants de PAME !

La deuxième partie du cortège rassemble de très nombreuses branches de GSEE et ADEDY, et les secteurs de travailleurs radicaux y font entendre leurs voix, avec en fin de cortège deux gros blocs politiques antilibéraux et anticapitalistes : Syriza affirmant qu’on est là pour continuer, et Antarsya insistant sur l’objectif de faire payer la crise par les capitalistes. Déjà, la police a tenté de casser les cortèges, et il semble bien que ce soit là la seule carte que sait jouer la direction du gouvernment PASOK. En effet, déjà dans la manif de vendredi dernier, les prétoriens ont osé gazer le vétéran de la résistance anti nazie Manolis Glézos, cadre de Syriza, et ils ont ainsi envoyé à l’hôpital non seulement un infatigable militant de 88 ans, mais surtout le symbole vivant que repésente cet homme qui, avec son camarade Santas, a décroché le drapeau nazi de l’Acropole une nuit de mai 1941, premier geste d’une résistance massive et tournée vers le renversement du vieux monde capitaliste !

La manif continue ...

Andreas Sartzekis, 11 mars 2010 13 heures 30


Grèce: ce n’est qu’un début!

Les mesures d’austérité imposées aux travailleurs grecs pour résorber les déficits ne sont qu’un prélude de ce qui pourrait se produire dans d’autres pays européens. La crise grecque démontre les désaccords de la classe dirigeante sur les stratégies à adopter.

Pour la deuxième fois depuis décembre 2008, la Grèce est au cœur de la situation politique en Europe. Depuis l’arrivée au pouvoir du Pasok, le parti social-démocrate grec, et les révélations concernant le trucage des chiffres du déficit budgétaire (le gouvernement de droite avait falsifié les chiffres pour annoncer un déficit moins élevé que son niveau réel, ce qui lui permettait de continuer d’emprunter à des taux d’intérêt bas sur les marchés), une sorte de tragédie grecque se déroule sous nos yeux.

Les sociaux-démocrates ont très vite abandonné leurs promesses électorales et ont annoncé l’inéluctabilité des mesures de rigueur. La presse allemande mène une campagne de dénigrement de la population grecque. Le Premier ministre grec, Papandreou, fait le tour des principales capitales d’Europe pour quémander un sauvetage européen. Dans la presse bourgeoise, le débat sur l’opportunité de sauver ou non l’État grec fait rage. Sur les marchés financiers, la spéculation liée aux déficits grecs fait glisser l’euro et en inquiète les architectes. En Grèce même, les plans de rigueur se suivent à une vitesse impressionnante (celui du mois de janvier n’a pas suffi pour calmer les gros investisseurs financiers et il a fallu des mesures supplémentaires, annoncées en février, d’une ampleur bien plus importante), les grèves se multiplient et la peur d’un nouveau décembre grec hante l’Europe.

La crise grecque est significative de la situation de plusieurs pays européens. D’abord, elle reflète les divisions de ceux qui dirigent nos sociétés. C’est ce que révèle le débat autour de l’aide que pourrait apporter l’Europe à la Grèce. Certains ne veulent pas entendre parler du moindre centime d’aide à la Grèce. «L’Allemagne ne donnera pas un cent à la Grèce», a déclaré Rainer Brüderle, le ministre de l’Économie et membre du FDP, le parti libéral-démocrate allemand, partenaire de la CDU de Merkel au gouvernement. Les libéraux du FDP et les Bavarois de la CSU sont farouchement opposés à un sauvetage de la Grèce. Ils mènent campagne pour que l’État grec fasse le ménage chez lui et impose aux travailleurs l’intégralité de la facture par le biais des mesures de rigueur.

Mais en face, d’autres veulent à tout prix éviter une faillite de l’État et parmi eux, bon nombre de banquiers européens qui ont massivement prêté à la Grèce et se trouveraient à nouveau dans une situation très difficile si le pays ne remboursait pas ses dettes. C’est ce qui explique la visite du patron de la Deutsche Bank à Athènes fin février, dans le but de négocier avec le gouvernement grec un éventuel soutien allemand.

Dans cette situation, Papandreou essaie de jouer toutes ses cartes pour faire pression sur le gouvernement allemand. Après sa visite à Berlin le 5 mars et à Paris le 7, il a rencontré lundi Barack Obama à Washington pour évoquer la possibilité d’un soutien du FMI. Les dirigeants européens ne veulent pas en entendre parler. Une telle solution montrerait l’incapacité de l’UE à régler seule ses problèmes. Et plutôt que de voir le FMI intervenir, ils sont prêts à le faire eux-mêmes.

L’enjeu de toutes ces bagarres est de savoir comment va se distribuer le fardeau des déficits grecs. C’est un bras de fer entre les classes dirigeantes européennes. Mais sa source principale est l’incapacité du gouvernement grec à faire payer les pots cassés de la crise aux travailleurs de son pays.

Car si Papandreou était en mesure d’imposer la rigueur nécessaire pour résorber rapidement les déficits et calmer les investisseurs financiers, il n’y aurait pas besoin d’un soutien européen. C’est ce que réclament les «faucons» en Allemagne.

Crise européenne

Derrière la Grèce, un ensemble d’autres pays attendent leur tour. Les déficits grecs ne sont pas beaucoup plus élevés que ceux de l’Espagne, du Portugal, de l’Irlande, de l’Italie ou encore de la Grande-Bretagne. À part cette dernière, les autres font partie de l’euro. Si la Grèce reçoit du soutien, ce serait un signe que les grands pays européens – notamment l’Allemagne, principale puissance économique européenne – feront la même chose pour les autres. Cela affaiblirait la pression qui s’exerce sur eux pour imposer des mesures de rigueur.

D’une certaine manière donc, la lutte actuelle des travailleurs grecs a une portée européenne. Plus ils réussiront à résister aux mesures de rigueur et plus cela créera des conditions plus favorables aux travailleurs des autres pays européens pour lutter contre les plans de rigueur qui ne vont pas tarder à leur tomber dessus.

Et d’ailleurs, dans plusieurs pays déjà, les travailleurs du secteur public passent à l’action. Les 8 et 9 mars, les fonctionnaires britanniques ont fait grève contre la réduction de leurs primes de licenciement. Au Portugal, les travailleurs du public ont fait grève jeudi 5 mars contre le gel de leurs salaires, mesure prise pour réduire les déficits portugais. En Espagne, le mardi 2 mars était une journée contre le relèvement de l’âge de départ à la retraite de 65 à 67 ans. En France, le 23 mars est une journée interprofessionnelle.

La crise grecque deviendra certainement une crise européenne lorsque les autres gouvernements adopteront des mesures similaires. La résistance des travailleurs grecs devra suivre le même chemin.

Christakis Georgiou

Paru dans Hebdo TEAN # 46 (11/03/10)


La crise grecque, c'est le début de la crise de l'Union européenne

Le 24 février, alors que la Grèce est paralysée par la grève générale, une délégation de l’Union européenne débarque à Athènes pour contrôler la mise en place des mesures d’austérité exceptionnelles imposées à ce pays.

Le gel des salaires dans le secteur public, la suppression des primes, un allongement de deux ans de l’âge de départ à la retraite et une augmentation des taxes sur les carburants, le tabac, l’alcool et l’immobilier sont jugés insuffisants par l’élite dirigeante européenne. Des mesures similaires à celles déjà imposées en Irlande et impliquant une réduction de salaire de 20% dans le secteur public, des augmentations d’impôts et des coupes dans les prestations sociales seront sans doute exigées.

Un pays souverain est mis sous tutelle par des institutions européennes qui n’ont ni la légitimité du vote populaire, ni celle des traités signés. C’est une première dans l’histoire de l’Union européenne.

Les institutions européennes tiennent leur mandat des marchés financiers. Le Premier ministre du Luxembourg et président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker a clairement dit que la zone euro ne ferait que mettre en œuvre les exigences des marchés financiers : « Si les marchés mettent en cause la démarche grecque, des mesures additionnelles devront être prises. La zone euro n’interviendra que lorsque cela aura été fait. »

Le 23 février, c’était les travailleurs espagnols qui manifestaient contre le report à 67 ans de l’âge de la retraite. Dans les semaines qui viennent d’autres pays européens connaîtront le même scénario, attaque spéculative sur la dette, puis imposition d’un plan d’austérité. Les mesures imposées dans chaque pays deviendront de plus en plus brutales.

Incapables de lutter contre le chômage, incapables de se mettre d’accord sur une politique industrielle, incapables de faire face à leur responsabilité devant la crise climatique, les dirigeants européens mènent la charge contre la classe ouvrière.

La Commission européenne est en train d’élaborer un « projet directeur » pour la croissance et l’emploi, appelé « Europe 2020 » et qui devrait être prêt le mois prochain. Celui-ci sera inévitablement, de la part de l’UE et des gouvernements qui la composent, une déclaration de guerre économique et sociale à la population laborieuse. Un débat alarmant s’est même ouvert dans les cercles dirigeants européens sur le niveau de répression étatique nécessaire pour atteindre leurs objectifs.

Pour sortir vainqueur de cet affrontement, il faut d’urgence unifier le combat social à l’échelle européenne et dénoncer ces institutions de l’Union qui préparent une des pires régressions de l’histoire européenne.

Jean-Louis Marchetti, vendredi 5 mars 2010

Voir ci-dessus