Russie: la réthorique anti-terroriste n'a plus les mêmes effets
Par Matilde Dugauquier, Ilya Boudraïtskis le Samedi, 03 Avril 2010 PDF Imprimer Envoyer

L’attentat qui a eu lieu dans le métro de Moscou ce lundi 29 mars est le premier de cette ampleur depuis les évènements de février 2004 (1). Depuis ces attaques les autorités russes n’avaient cessé de déclarer que la situation dans le Caucase du Nord était stabilisée et la menace terroriste anéantie. Mais la réalité est toute autre.

On peut affirmer que le terrorisme n’est plus la panacée de la seule Tchétchénie; il s'est disséminé dans toute la région et s’est même répandu au-delà (2). Dès lors, il semble que l’objectif des terroristes ait été de démontrer aux autorités et à l’ensemble de la population russe qu’aucun problème n’a été réglé dans le Caucase et que les relations avec le pouvoir central sont toujours aussi chaotiques.

Par cet attentat - ainsi que par l’explosion du train reliant Moscou à Saint-Pétersbourg en novembre dernier – il s’agit pour eux de contredire la rhétorique du pouvoir qui veut que le Caucase soit désormais une zone pacifiée et en pleine reconstruction.

Malgré ces faits avérés et vu l’absence d’alternative politique en Russie, il est évident que la seule réponse aux événements de ce lundi proviendra du pouvoir en place, et que celui-ci tentera de les utiliser pour faire grimper sa cote de popularité et renforcer le contrôle policier (3).

Cependant il y a de bonnes raisons de penser que cette tactique du gouvernement ne peut plus obtenir les mêmes résultats que par le passé. La rhétorique anti-terroriste n’a plus les mêmes effets sur la population qu’il y a 7 ou 8 ans. Il suffit de jeter un œil sur les ressources Internet de la société civile – sondages, blogs… - pour se rendre compte que les Russes jettent plus volontiers la pierre pour ce qui est arrivé aux autorités qu’aux terroristes islamistes du Caucase. C’est toute la politique du gouvernement dans cette région – la plus pauvre du pays – qui est aujourd’hui remise en cause.

Mais pour que les idées d’opposition qui germent en Russie puissent s’exprimer, il est important que la population comprenne qu’elle ne doit pas se contenter de penser, et qu’elle peut aussi agir. En effet, à l’heure actuelle, la société russe n’a aucune conscience de l’incidence que ses actions peuvent avoir sur celle du gouvernement et de la manière dont elle peut changer le cours des choses.

Ainsi, une éventuelle réponse de la gauche ne peut provenir que de l’unité d’action des différents mouvements sociaux et représentants de la société civile, dans le cadre de leur auto-organisation.

A Moscou, Ilya Boudraïtskis (membre du Mouvement socialiste « Vpered », section russe de la IVe Internationale) et Matilde Dugauquier (membre de la LCR belge)

(1) Des explosions dans le métro moscovites avaient alors tués près de 40 personnes et avaient blessé 150 autres.

(2) Les kamikazes qui ont perpétré l’attentat de lundi étaient originaires d’Ingouchie, région voisine de la Tchétchénie. Le terroriste responsable de l’attentat de novembre était pour sa part d’origine bouriate…

(3) On pense notamment à la fameuse loi anti-extrémisme qui favorise la répression des mouvements sociaux à travers tout le pays.

Voir ci-dessus