Italie: Unifier les luttes et construire l'alternative à la droite et au centre-gauche
Par Pietro Maestri le Jeudi, 19 Août 2010 PDF Imprimer Envoyer

Même si elle se situe à un niveau de politique politicienne et sans avoir un intérêt social réel dans l'immédiat, la rupture qui est survenue entre Berlusconi et Fini ouvre une nouvelle page de la politique italienne tout en dissimulant une crise plus profonde qui n'est pas sans rappeler celle qui toucha le gouvernement de Prodi il y a deux ans.

Bien que tous les acteurs cherchent à cacher le lien qui existe entre la rupture au sein de la majorité et la crise économique et sociale (comme s'est empressé de le faire le porte parole du gouvernement, Minzolini), les événements mettent en lumière l'incapacité pour cette majorité bipolaire à gouverner dans un contexte de crise. Pendant que la rupture est à l'oeuvre, la Chambre approuve les mesures d'austérité, la première émanation directe de la crise économique et de ses conséquences sociales.

En fait, la crise interne dans la direction du PDL (le parti « Popolo della Libertà » de Berlusconi, NDLR) dissimule la manoeuvre antisociale qui est en cours et les coups que reçoivent les travailleuses et les travailleurs, en particulier dans les services publics. Si on ajoute à cette manoeuvre les récents événements de l'entreprise FIAT, on comprend que c'est une véritable « guerre sociale » contre les travailleurs qui est lancée: concertée au niveau européen et appliquée au niveau national.

Le gouvernement de Berlusconi et Tremonti est en train de baser sa gestion de la crise sur ces éléments et la complaisance avec laquelle le ministre de l'économie se vante d'être soutenu par la population dans ces mesures ne change rien au fait que la majorité est en train de perdre l'approbation populaire et son emprise sur les événements sociaux. C'est surtout de ce côté là que se situe la crise du Berlusconisme, en plus du fait qu'il n'a jamais réussi à se construire une base sociale stable qui le soutienne.

Fini est bien conscient qu'une phase est en train de se conclure de la même manière dont la phase Prodienne s'était terminé en 2008. Il l'exprime clairement et tente petit à petit d'amener le Cavaliere à bout de ses ressources. Ce dernier tente à son tour d'anticiper les coups de son adversaire et ex-compagnon de route en menaçant d'en arriver à des élections anticipées, qui signifieraient pour lui la seule sortie de secours devant l'épuisement de ses forces.

C'est la totale inconsistance de l'opposition qui apparaît de la manière la plus éclatante tandis qu'elle continue à soutenir les choix du gouvernement tels que le renouvellement des missions militaires. Or, Tremonti est effrayé par l'unique choix sérieux que l'opposition devrait poser, à savoir la demande d'élections immédiates qui sanctionneraient la rupture du projet politique de ses adversaires. En définitive, la gauche qui se définit encore comme opposée et anticapitaliste devrait se saisir de cette occasion pour tenter de se reconstruire et de prendre prise sur les événements. Mais cela ne pourra pas se faire avec le Parti Démocrate (parti social-libéral, NDLR) tout en gravissant les échelons vers le pouvoir comme semble vouloir l'espérer Vendola. Cela est illusoire et sans aucune possibilité de réussite.

Les deux pôles fondamentaux ont échoués. Il est temps de tourner la page et de reconstruire un projet politique cohérent et clair, capable d'incarner une opposition qui soit utile et qui donne une perspective aux luttes sociales et démocratiques en Italie. La situation pourrait changer d'un moment à l'autre, on pourrait voter dès le printemps, mais dans un cas comme dans l'autre, il est temps de se préparer en poursuivant avec détermination la construction d'une coalition alternative au centre-droite et au centre-gauche.

On ne sortira pas de la crise du Berlusconisme avec des raccourcis de politiciens, en encourageant Fini. On en sortira seulement avec une réelle mobilisation sociale et politique contre la crise. Il faudra une riposte sociale à la hauteur des enjeux, un programme de sortie de crise, une mobilisation pour chasser Berlusconi afin de créer un cadre politique nouveau, avec un projet de « Coalition contre la crise » crédible.

La mobilisation pour la manifestation nationale pour l'emploi et les droits des travailleurs sera opportune et utile, et la décision du syndicat FIOM (Fédération des métallurgistes de la CGIL, la FIOM est le plus important syndicat en Italie, NDLR) d'appeler à cette initiative pour le 16 octobre est extrêmement importante. Toute la gauche (dont Sinistra critica, qui le fera avec conviction) doit s'engager pour la réussite de cette mobilisation.

L'objectif est d'articuler à cette mobilisation toute l'opposition sociale au gouvernement, notamment les mouvements anti-racistes pour exiger l'annulation des lois qui créent la clandestinité. C'est également tout le monde complexe des précaires qu'il faut unir ce jour-là, avec les travailleuses et les travailleurs, avec le mouvement étudiant qui se bat contre la privatisation du savoir, avec les comités pour l'eau publique et les réseaux de défense des bien communs et territoriaux, pour qu'ils construisent, tous ensemble, la défense des revenus et des conditions de vie et de travail.

C'est ainsi que le 16 octobre pourrait représenter la riposte sociale aux politiques gouvernementales, tout en ouvrant la voie à une sortie de crise. Le mot d'ordre de Sinistra Critica « nos vies valent plus que leurs profits » est tout aussi ancré dans l'actualité que l'unité dans les luttes représente l'unique riposte efficace aux coups que prennent aujourd'hui les travailleurs. Ce sera notre mission pour les prochains mois.

Piero Maestri est porte-parole de Sinistra Critica (Gauche critique), organisation anticapitaliste italienne, fondée à l'initiative des militants exclus ou ayant quitté le Parti de refondation communiste (PRC) lorsque ce dernier s'est aligné sur le gouvernement de Prodi et en particulier sur sa politique guerrière en Afghanistan.

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