Etat espagnol: Une grève générale pour récupérer la confiance en soi du mouvement ouvrier
Par Miguel Arróniz, Nacho Alvarez Peralta le Jeudi, 30 Septembre 2010 PDF Imprimer Envoyer

La classe ouvrière espagnole a massivement répondu à l'appel à la grève générale lancé par les principales organisations syndicales UGT et CCOO contre l'austérité et la Réforme du Code du travail adopté par le gouvernement « socialiste » de Zapatero. La grève générale du 29 septembre a été suivie à près de 70%, soit 10 millions de salarié-e-s et l'activité productive a été paralysée à 86%. Le taux de grévistes a été particulièrement élevé dans les Asturies (87%), Castille-La Manche (80,2%), Catalogne et Galice (80%) et à Madrid (76%). Au total, plus d'un million et demi de travailleurs/euses ont manifesté dans tout le pays; Madrid (500.000), Barcelone (400.000), Saragosse (100.000), Séville (50.000), Vigo (40.000), Valladolid (40.000) etc. À noter que, pour la première fois au cours d'une grève générale dans ce pays depuis la fin de la dictature franquiste, la police a attaqué de manière violente plusieurs manifestations et piquets de grève, comme celui de l'entreprise CASA à Getafe où les policiers ont tiré sept fois en l'air pour disperser le piquet. À Barcelone, les affrontements entre manifestants et policiers ont duré près de 7 heures dans les « Ramblas ». A Madrid, une trentaine de syndicalistes ont été arrêtés, dont deux camarades de notre organisation-sœur Izquierda Anticapitalista. (LCR-Web).

La grève générale du 29 septembre est la septième grève de ce type dans l'État espagnol depuis la Transition (entre le régime franquiste et le régime de monarchie parlementaire actuel, NDT). Celle qui eut sans nul doute le plus d'impact fut la grève générale du 14 décembre 1988, tant par la participation des travailleurs que par ses conséquences, car elle a marqué un « avant » et un « après » dans le cadre des relations entre les syndicats et le gouvernement du PSOE. La grève générale du 29 septembre marquera-t-elle une telle ligne de partage? Les circonstances, bien sûr, ne sont plus les mêmes.

Les grèves générales en Espagne:

5 avril 1978: UGT et CCOO organisent une grève générale d'1 heure en réponse à l'appel lancé par la Confédération européenne des syndicats (CES) pour protester contre la hausse du chômage.

20-juin 1985: CCOO appelle à une grève générale contre la Loi des Pensions, approuvée par le gouvernement « socialiste » de Felipe Gonzalez

14-décembre 1988: Les syndicats CCOO et UGT appellent à une grève générale contre le gouvernement de Gonzales pour exiger le retrait du Plan d'Emploi Jeunes et pour protester contre sa politique économique. Le gouvernement a été forcé de faire marche arrière.

28 mai 1992: UGT et CCOO organisent une grève générale d'une demi-journée pour exiger le retrait d'un décret — pris à nouveau par un gouvernement PSOE dirigé par Gonzales — qui réduisait les indemnités de chômage; et contre un projet de Loi sur la Grève.

27 janvier 1994: Nouvelle grève générale contre la Réforme du code du travail du gouvernement Gonzales, contre l'austérité et la réforme du marché du travail.

20 juin 2002: CCOO et UGT appellent à une grève générale contre la réforme du chômage et la Loi sur l'Emploi adoptées par le gouvernement présidé par José Maria Aznar du Parti Populaire.

On peut remarquer que, sur les 7 grèves générales qui ont eu lieu jusqu'à présent depuis la Transition, 5 ont été menées contre des mesures prises par le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Il semble bien que, en Espagne, la classe dominante utilise de manière privilégiée la social-démocratie pour mener à bien ses attaques les plus dures contre les salariés. Ou, ce qui revient au même, que le PSOE n'a aucune difficulté à se mettre à genoux devant les intérêts des capitalistes lorsqu'il s'agit d'augmenter leurs taux de profits.

D'autre part, les motifs de ces grèves successives donnent une bonne indication des reculs subis sur le terrain des droits des travailleurs depuis l'instauration de la démocratie parlementaire. À l'époque de la Transition, une période considérée par beaucoup comme « pré-révolutionnaire », la bourgeoisie avait vu ses intérêts mis en danger devant la montée en force d'un mouvement ouvrier qui exigeait non seulement un changement politique mais également des améliorations sociales substantielles. Elle n'a pas eu d'autre choix que de faire des concessions qui se sont traduites par des augmentations de salaires, des conventions collectives favorables aux travailleurs et des droits sociaux élevés.

Ce fut, certainement, un « âge d'or » pour le mouvement ouvrier espagnol organisé, et le point le plus élevé atteint par les syndicats majoritaires CGT (syndicat socialiste historiquement lié au PSOE, NDT) et CCOO (syndicat auparavant lié au Parti communiste, NDT). La Transition et, plus concrètement les Pactes de la Moncloa (accords de 1977 entre les forces franquistes et les partis d'opposition garantissant une transition « démocratique » pacifique, NDT) ont signifié le début de la domestication du syndicalisme et de l'offensive capitaliste contre les droits obtenus par les luttes antérieures.

Le nombre des grèves générales menées depuis près de 35 ans pourrait donner l'impression d'un syndicalisme combatif dans la défense des intérêts des travailleurs, mais ce n'est pas le cas. Le syndicalisme a de plus en plus en accépté les mesures antisociales adoptées par les différents gouvernements et s'est de plus en plus intégré dans la co-gestion du système, y compris au niveau des entreprises. Cette évolution à mené à une désorientation importante ainsi qu' à une division et une séparation accentuées entre l'élite des sommets syndicaux et, non seulement avec leur base, mais aussi avec l'ensemble des travailleurs en général.

La réalité du mouvement syndical est que ses organisations majoritaires sont devenues des instruments de conciliation et de paix sociale avec le patronat, et non plus des instruments pour la lutte des classes. Ainsi, la grève générale du 29 septembre n'est conçue, pour les directions syndicales, que pour amener le gouvernement à la table des négociations, y compris afin de « répartir équitablement » les coûts de la crise.

L'appel à la grève du 29 septembre a bien illustré ces carences idéologiques préocuppantes. La grève, historiquement utilisée par le mouvement ouvrier comme instrument de lutte contre les abus patronaux (et contre les gouvernements capitalistes qui, selon l'expression de Marx, ne sont en dernière instance que les « Conseils d'administration de la classe dominante ») ou pour imposer tout le poids du mouvement ouvrier à la table des négociations, est aujourd'hui utilisée contre des mesures déjà prises depuis longtemps. Elle ressemble à un combat d'arrière garde, perdant ainsi de son aspect combatif, ce qui fait douter les travailleurs de son utilité.

De plus, face à l'avalanche de mesures qui visent à faire payer la crise aux travailleurs, l'appel à la grève générale s'est focalisé sur la Réforme du Code du travail, déjà approuvée, et face à laquelle les directions syndicales étaient disposées à céder beaucoup dans la négociation. Ils acceptaient les agences privées de placement de chômeurs; la négociation de conventions collectives permettant l'entrée massive d'emplois précaires dans les entreprises et des secteurs encore protégés contre ce fléau; l'amplification des causes justifiant et facilitant les licenciements...

Cependant, les patrons et le gouvernement ont trop exigé. Et cette réforme est inacceptable pour les directions syndicales, parce qu'elle touche au fondement même de l'existence des syndicats: en généralisant les emplois précaires, elle détruit les postes de travail stables qui sont occupés par la grande majorité de leurs affiliés. En outre, elle transforme les négociations et les conventions collectives en véritable « chiffons de papiers » sans portée ni valeur.

La Réforme du Code du travail est l'une des pires agressions que les travailleurs ont subis ces dernières années, mais elle n'est pas la seule. Une réforme que l'ont peut résumer à travers un seul exemple. La multinationale UPS a annoncé à la fin de l'année dernière un ERE (« Expediente de Regulación de Empleo »; procédure de licenciement collectif, NDT) pour son entreprise de Vallekas, qui a été déclaré non-conforme par le gouvernement régional madrilène. Après les trois mois légaux de délai, l'entreprise est repartie à la charge, subissant un nouveau rejet, cette fois ci de la part du Ministère du Travail. Trois mois plus tard, l'entreprise n'a pas renouvelé son effort devant l'imminence de la Réforme du Code du travail. Résultat: au mois de septembre, 18 travailleurs ont reçus une lettre de licenciement qui s'apppuie sur les nouvelles normes établies par la Réforme du Code du travail. Cette dernière n'est, ni plus ni moins, qu'un instrument aux mains des patrons pour licencier à bas coût et avec des justifications que la loi ne permettait pas auparavant.

En outre, c'est dès le début de l'année qu'a été annoncée la Réforme des Pensions, qui augmente à 20 ans la période de calcul pour le montant de la pension et qui recule de 65 à 67 ans l'âge légal de la retraite. Face à la crise économique et au déficit budgétaire, 50 milliards d'euros seront économisés dans les dépenses publiques jusqu'en 2013, avec des mesures telles que la réduction des politiques sociales et la baisse de 5% des salaires des fonctionnaires. Au mois de juillet, la TVA a été augmentée de 2 points, un impôt qui frappe tous les consommateurs, quels que soient leurs revenus, tandis que les impôts sur les secteurs les plus riches ne cessent de diminuer. A l'heure d'écrire ces lignes, on annonce que ces secteurs seront mis un peu plus à contribution, mais cela ressemble surtout à un effet d'annonce et à une manoeuvre de démobilisation à la veille de la grève générale du 29 septembre. Rappelons aussi que le gouvernement a répondu à la crise financière de l'année dernière en dépensant 143 milliards d'euros d'aide aux banques, tandis que les dépenses de chômage en 2009 se sont élevées à 30 milliards d'euros.

Les raisons d'appeler à une grève générale ne manquaient donc pas, mais c'était déjà le cas au début de l'année. Malgré l'orientation timorée des sommets syndicaux, nous avons suffisament de raisons pour nous mobiliser activement en faveur de la grève générale du 29 septembre. Cette grève doit être un signal, celui qu'il est temps de se réveiller et de se secouer de la léthargie dans laquelle nos propres représentants nous ont plongé avec leur concertation sociale.

Quel sera le bilan du 29 septembre? Ce qui est certain, c'est qu'il y aura une nouvelle guerre des chiffres le 30 septembre. Mais il faut tenir compte d'un élément fondamental à l'heure d'évaluer l'ampleur de la grève: la majorité des travailleurs espagnols n'ont pas le droit de grève. C'est le cas des 5 millions de chômeurs. C'est le cas pour des millions de travailleurs « autonomes » pour qui, travailler ou ne pas travailler ce jour là signifie d'arriver ou pas à boucler la fin du mois. C'est le cas pour des millions de travailleurs précaires pour qui, participer à une grève, équivaut à un licenciement immédiat. C'est le cas pour la majorité des travailleurs immigrés et pour les travailleurs qui devront assumer les abusifs services minimums.

Mais la clé du succès de cette grande mobilisation ne sera pas la grève générale du 29 septembre elle même, mais bien la suite que le mouvement ouvrier va lui donner afin de forcer le gouvernement à reculer dans ses mesures. La participation, sans aucun doute, est extrêmement importante, mais elle doit être le début d'autres mobilisations et la récupération de sa confiance en soi pour le mouvement ouvrier.

Miguel Arróniz www.rebelion.org


Pourquoi la grève générale en Espagne....

Interview par la Revue DIAGONAL de Nacho Alvarez Peralta, économiste et chercheur universitaire, militant de la Gauche Anticapistaliste.

DIAGONAL : Quelles sont les raisons qui ont conduit les syndicats majoritaires à appeler à la grève le 29 septembre ? Quelles sont les revendications de cette grève et quels sont ses objectifs ?

N. A. : les directions des Commissions Ouvières et de l’UGT ont accompagné les mesures de Zapatero pendant la première année et demie de crise, sans tracer une ligne de fracture claire avec l’orientation du gouvernement. Cependant, l’approfondissement des politiques de «contre-réforme» du gouvernement pour sortir de la crise – baisses salariales, réforme du droit du travail, etc – ont acculé dans les cordes ces mêmes directions syndicales. La réforme du droit du travail diminue le coût du chômage, augmente la marge des entrerprises, élargit les possibilités de l’emploi précaire et facilite le décrochage des salaires et la non application des accords. Ainsi, les directions syndicales, y compris contre leur gré dans quelques cas, se sont vues obligées de se démarquer de cette attaque contre les travailleurs et à appeler à la grève générale, étant entendu que la réforme du droit du travail du gouvernement suppose non seulement une attaque intolérable contre les travailleurs, mais qu’en dynamitant la négociation collective, elle remet en question le rôle social et la survie même des organisations syndicales.

Malgré tout, au-delà de l’orientation maintenue par les directions syndicales, cette grève générale est d’un intérêt vital pour les travailleurs et pour l’ensemble des classes populaires : il est indispensable de stopper la terrible offensive que la crise a provoqué contre les conditions de vie de la majorité de la population – licenciements massifs, baisse des salaires, réduction des dépenses sociales, dérégulation du marché du travail et réduction des indemnités de chômage, réforme du système de pensions, etc -. Il y a beaucoup à perdre s’il n’y a pas de grève, et s’il n’y a pas une riposte à la hauteur ces mesures se durciront. De plus, cette grève ne se fait pas en faveur de la droite ou, d’un autre côté, pour appuyer certains syndicats, mais précisément pour s’affronter aux politiques de droite du gouvernement du PSOE et pour éviter de perdre encore plus de droits.

Si une forte mobilisation sociale ne l’empêche pas, cette offensive – basée sur la socialisation des pertes de la crise économique, mais non des bénéfices – se poursuivra les prochaines années. Cette grève générale devrait servir à marquer un net point d’inflexion dans la démobilisation politique et syndicale, permettant de poser les bases d’un nouveau cycle de luttes populaires. En ce sens, appuyer l’appel à la grève en impulsant une large mobilisation unitaire et plurielle, aussi bien du monde du travail comme de l’ensemble des citoyens, est d’une importance vitale. Non seulement les organisations syndicales et politiques doivent mettre la main à la pâte, mais aussi les mouvements sociaux qui ont une responsabilité dans leur espace d’intervention.

D. : Quelles sont les difficultés de cet appel à la grève générale ? Y a-t-il des différences avec les grèves précédentes de la période démocratique ?

N.A. : Cet appel à la grève comporte une série de faiblesses qu’il faut prendre en compte au moment de développer le travail de préparation et de mobilisation. Le fait que les CC.OO. et l’UGT soient restées à la table de négociation avec le gouvernement jusqu’aux derniers jours avant d’appeler à la grève du 8 juin dernier, avec l’échec de cet appel, a compliqué depuis la riposte sociale. Cette situation a conduit à compliquer la gestion de la mobilisation, avec le renvoi de la journée de grève après l’été. Ce retard, en l’absence d’initiatives syndicales visibles pour préparer la grève, s’est traduit par un appel frileux. De plus, l’adoption de la réforme du droit du travail avant le 29 septembre peut faire que la grève ne soit pas perçue comme un instrument utile pour freiner l’offensive du gouvernement.

Le contexte social et de crise économique ne facilite pas la préparation de la grève : le fort taux de chômage et la peur des licenciements ne favorisent pas l’action syndicale – de ce point de vue la présence de piquets de grève sera décisive - ; de plus, la dérèglementation du droit du travail dans la dernière décennie a profondément modifié les lieux de travail, remplaçant les espaces de travail homogènes et denses par une multiplicité de relations atomisées – sous-traitance, emploi temporaire, etc.

Enfin, la politique de concertation et de négociation suivie par les grandes centrales syndicales ces dernières années a grippé le mécanisme même de l’action syndicale sur les lieux de travail : les délégués ne sont pas habitués au travail de base, la convocation d’assemblées générales est très limitée, etc.

Ainsi, certains voient dans ces difficultés d’importantes différences avec les grèves générales précédentes. Il faut cependant rappeler que les grèves précédentes comportaient également d’importantes difficultés préalables, qui furent surmontées totalement ou partiellement. Par exemple, la grève de 2002 fut appelée alors que le décret-scélérat avait déjà été adopté, et malgré cela le gouvernement d’Aznar se vit forcé de retirer les aspects les plus conflictuels de la loi. De plus, pour cette grève-ci, la dimension d’attaque contre les conditions de vie de la majorité de la population ont une énorme importance.

Nous devons être conscients du fait que cette grève se déroule dans un contexte – comme le reflètent les dernières enquêtes d’opinion – de très grand mécontentement populaire envers les mesures du gouvernement Zapatero. La clé du succès réside dans la possibilité de transformer ce mécontentement populaire en protestation sociale le jour de la grève. Il existe quelques points d’appui en ce sens : il faut expliquer, face au découragement et à la démobilisation, que c’est seulement en faisant grève le 29 que nous pourrons stopper l’offensive du gouvernement contre nos conditions de vie et que – comme le démontre la grève des travailleurs du métro de Madrid – seule la contestation sociale peut empêcher que ces mesures continuent à tomber sur le dos des travailleurs.

D. : Quelle orientation syndicale devrait avoir l’appel à la grève du 29 ?

N.A. : En premier lieu, l’appel à la grève ne devrait pas se limiter à la question de la réforme du droit du travail, mais devrait aller jusqu’à une opposition générale contre les politiques d’ajustement du gouvernement. Il est important d’impulser une action syndicale et politique qui unifie la mobilisation des salariés avec celle des chômeurs, des retraités, la population non-active, etc. C’est dire qu’il est faut dépasser la dimension strictement ouvrière de la grève générale pour avancer vers la construction d’un mouvement politique de contestation des politiques d’ajustement.

Deuxièmement, et dans la mesure où les contre-réformes du patronat et du gouvernement vont se poursuivre les années à venir, il faut planifier la continuité de l’action syndicale et de la protestation sociale. Le 29 septembre doit être un point d’inflexion qui impulse un nouveau cycle de remobilisation populaire.

Troisièmement, il est important de donner une dimension internationaliste à la protestation. Le 29 septembre sera une journée européenne de protestation syndicale, et en ce sens elle peut être un bon point d’appui. Il faut avancer vers une coordination européenne des différentes luttes syndicales et sociales contre les politiques des gouvernements et de Bruxelles. Le manque de solidarité que la C.E.S. a démontré envers les syndicats et travailleurs grecs constitue une énorme faute qui doit être surmontée, étant donné que leurs problèmes sont aussi les nôtres.

Quatrièmement, le succès ou l’échec de la grève dépendra de sa visibilité dans la rue; il est fondamental pour cela de rappeler l’importance de bloquer les secteurs clé de l’économie – communications, transports, services publics, ... – la priorité à la préparation d’une manifestation massive, ainsi que la nécessité d’associer des secteurs hors du monde du travail à la grève (associations de quartiers, mouvements sociaux, ...).

Enfin, le 29 doit servir pour la construction d’un nouveau syndicalisme. Il est nécessaire d’analyser les conséquences négatives , en termes de mobilisation et de capacité revendicative, des politiques de dialogue social, de concertation et de modération salariale de ces quinze dernières années. Il faut mettre de nouveau le conflit de classes et les antagonismes sociaux au centre de l’action syndicale. Au-delà des sigles particuliers, il faut impulser – aussi bien dans les syndicats majoritaires que dans les minoritaires – des espaces d’intervention pluralistes, larges et unitaires, basés sur l’auto-organisation des travailleurs, la participation, l’horizontalité et la démocratie.

D. : La presse annonce depuis un certain temps une reprise économique; au cas où quelque chose de semblable se produise, quelles mesures pourraient être prises pour permettre une sortie de la crise qui n’élargisse pas la brèche sociale révélée par le dernier cycle ?

N.A. : La reprise économique ne s’est pas encore produite, et elle tardera encore un certain temps, sûrement plus que ce que la presse annonce de façon récurrente. Il existe diverses «sorties de crise» possibles, et pas toutes au bénéfice des travailleurs. Un scénario possible, en cas d’une mobilisation populaire insuffisante, serait celui d’une restauration de la rentabilité des entreprises et de la bourse soutenue par une réduction plus forte des salaires et par une démolition progressive des principales conquêtes sociales. Ce scénario pourrait être parfaitement compatible avec l’énorme taux de chômage actuel de l’économie espagnole, ainsi qu’avec la poursuite d’un modèle productif écologiquement insoutenable.

Cependant, la mobilisation sociale peut courcircuiter cette possible «sortie de crise» - qui, en définitive, ne serait rien d’autre qu’une fuite en avant – s’il existait une puissance syndicale et sociale suffisante, une autre alternative politique étant alors viable. Ainsi, une réforme fiscale progressive permettrait de dégager des fonds publics suffisants pour développer l’emploi dans les services sociaux de base ( dépendance, santé éducation, ... ), initier la reconversion écologique de l’économie (réduction du CO2 dans l’appareil productif, réhabilitation des logements, ...), créant ainsi un grand nombre d’emplois.

La réduction du temps de travail sans perte de salaire non seulement permettrait de réduire le chômage et impulserait la demande finale, mais faciliterait un modèle de redistribution des richesses moins inégalitaire. La mise en place d’une banque publique permettrait que les aides octroyées aux banques se transforment réellement en crédit aux seceteurs qui en ont le plus besoin. De plus, des mesures anticycliques comme l’interdiction des licenciements dans les entreprises réalisant des bénéfices, ou l’augmentation du salaire minimum à 1200 euros, comme dans d’autres pays européens, permettrait de relancer la demande et de réduire les inégalités sociales.

Traduction: www.npa2009.org

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