Que veut la N-VA ? Le confédéralisme pour faire passer l’ultra-libéralisme
Par Jean Peltier le Mercredi, 24 Novembre 2010 PDF Imprimer Envoyer

La note que le "clarificateur" Bart De Wever a concocté à la fin de sa mission le 16 octobre est tombée comme un pavé dans la mare des "négociations" politiques. Les partis francophones l’ont immédiatement descendue en flammes parce qu’elle signifiait une perte de revenus de 498 millions d’euros pour la Wallonie (qui pourraient être ramenés à 92 par un possible "mécanisme de solidarité").

Mais, dans un deuxième temps, elle a aussi poussé les deux syndicats à descendre dans l’arène et à expliquer que cette note ne représentait pas seulement une machine de guerre contre ces deux régions mais aussi contre l’ensemble des travailleurs et des allocataires du Nord comme du Sud. En ce sens, cette note a aidé – involontairement – à attirer l’attention sur le programme socio-économique de la N-VA qui était un peu resté au second plan des commentaires alors que la N-VA avait construit sa campagne électorale beaucoup plus sur ce programme que sur l’exaltation nationaliste. De Wever n’avait d’ailleurs pas caché ses intentions lorsqu’en pleine campagne électorale, il a déclaré que "Mon patron, c’est le VOKA" (la fédération patronale flamande des Petites et Moyennes Entreprises).

Partout une même logique

En fait, pour la N-VA, la confédéralisation maximum de l’Etat et la répartition de ses compétences entre les Communautés et les Régions ne sont pas un but en soi. C’est avant tout le moyen de pouvoir appliquer dans une Flandre aux pouvoirs fortement accrus une politique beaucoup plus libérale que ce qu’elle peut espérer obtenir au niveau fédéral belge où le poids des syndicats nationaux et du PS francophone la limite dans ses ambitions. Vérification de tout cela par un petit tour d’horizon du programme socio-économique de la N-VA.

1. Budget

La N-VA veut un retour à l’équilibre budgétaire pour 2015 mais ne veut pas entendre parler de hausse de la fiscalité, car «les classes moyennes gémissent déjà sous les charges fiscales les plus élevées au monde» ! Elle met en avant des coupes dans les subsides pour les soins de santé et la sécurité sociale, via la régionalisation de ces budgets.

2. Compétitivité

Pour "restaurer la compétitivité", la N-VA veut baisser les charges salariales en modifiant le mécanisme des cotisations sociales, particulièrement celles qui financent les soins de santé et les allocations familiales. Elle veut aussi régionaliser les conventions collectives, "pour mieux coller à la productivité du travail" des différentes Régions. Affaiblir les syndicats et diviser les travailleurs pour mieux imposer de nouveaux cadeaux au patronat donc.

3. Fiscalité

La N-VA veut une baisse des impôts, en particulier celui de l’impôt sur les sociétés (Isoc) afin de mieux attirer les investisseurs étrangers... et wallons, puisque l’imposition devrait être régionalisée. Par contre, elle ne prévoit rien de concret pour lutter contre la fraude fiscale (entre 15 à 20 milliards par an pourtant) et encore moins pour imposer un impôt sur les grandes fortunes.

4. Sécurité sociale

La N-VA veut réformer le système des pensions mais n'est pas intéressée par sa régionalisation parce que la Flandre compte plus de pensionnés et de travailleurs âgés que les deux autres régions. Par contre, elle veut imposer une limitation des allocations de chômage dans le temps (2 ans maximum) et pour cela, régionaliser le secteur du chômage.

5. Services publics

Le credo de la N-VA, c’est l' "Etat simplifié", c'est-à-dire un Etat fournissant moins de services à la population avec beaucoup moins de fonctionnaires. Elle a évoqué la possibilité de ne plus remplacer dans le secteur public qu’un travailleur prenant sa pension sur deux.

Machine infernale

On le voit, les premiers qui feraient les frais d’une victoire de De Wever, ce seraient les travailleurs et les allocataires sociaux flamands… dont une part non négligeable a voté pour la N-VA en juin ! Mais ces mesures provoqueraient sans aucun doute aussi délocalisations de sièges de société vers la Flandre, pression à la baisse sur les salaires, concurrence accrue entre travailleurs peu qualifiés et chômeurs pour les petits boulots,… de quoi doper la compétitivité de l’économie flamande par rapport à celle de ses voisins. On entendrait alors le patronat wallon hurler à la mort et faire pression pour que les mêmes mesures soient appliquées en Wallonie. Et on peut certain qu’au nom de l’ "intérêt supérieur de la Région", ils finiraient par obtenir gain de cause. Le patronat flamand et ses politiciens se serviraient évidemment à leur tour de cet argument de concurrence pour légitimer les nouveaux "sacrifices nécessaires" qu’ils exigeraient alors de la population flamande… En quelques années, seul les capitalistes sortiraient gagnants de la "spirale vers le bas" enclenchée par ce "confédéralisme de concurrence". Mieux vaut donc refuser de se laisser embarquer dans cet engrenage infernal.

Voir ci-dessus