Grèce: Victoire des 300 sans-papiers grévistes de la faim. Le pillage du pays par le FMI et l'UE se poursuit
Par Tassos Anastassiadis, Jérôme Duval le Vendredi, 18 Mars 2011 PDF Imprimer Envoyer

La première victoire de la classe ouvrière grecque contre le directoire FMI, UE, BCE est venue des 300 immigrés, de plus baptisés « illégaux »! Après 44 jours de grève de la faim, ils ont fait reculé le gouvernement PASOK sur le principal, à savoir leur droit de vivre et de travailler à peu près « normalement », sans qu'ils soient constamment menacés par l'appareil de répression.

Comme l'a dit Abdul Hatzi, représentant des grévistes : « Notre victoire est une victoire pour toute la classe ouvrière » et il faut prendre ceci aussi à la lettre, dans la mesure par exemple ou la réduction à 50 des jours de travail par an requis pour continuer à bénéficier du régime santé de la sécurité sociale concerne immédiatement toute la classe ouvrière.

Certes la victoire n'est pas totale : les immigrés vont bénéficier d'un statut (et d'une carte dite de « tolérance ») plus ou moins légal et vont pouvoir notamment voyager à leur pays d'origine, mais ils vont continuer à se voir un interdit absolu de circuler dans les autres pays de l'espace Schengen (UE).

Secondo, pour être régularisés, ils doivent prouver leur résidence dans le pays depuis 8 ans (et non plus 12 ans) : pour la plupart des grévistes de la faim ceci est le cas, mais à juger des déclarations gouvernementales et de la réaction bourgeoise, les promesses ne seront pas automatiques. En effet, il faudra un amendement de la loi et devant les cris orchestrés par la droite et les médias contre un recul de l'État devant le « chantage », le gouvernement refuse d'officialiser publiquement ses accords -d'autant plus que tout ce beau monde cri aux risques de motivation des vagues des pauvres arabes qui vont venir en Grèce après les révoltes des peuples de l'Afrique du nord!

Ceci veut dire que la lutte n'est pas terminée. On peut en juger aussi de la campagne politique et médiatique qui continue et se renforce contre la solidarité et les réseaux solidaires (grecs et internationaux), accusés de « manipuler » des pauvres immigrés, pour « en réalité » contester l'ordre européen des Merkel, Sarkozy, Papandreou et compagnie. Car, en effet, l'enjeu dépasse largement la localité d'un conflit social : comme l'a déclaré le réseau de solidarité aux 300, la victoire « des 300 immigrés grévistes de la faim prouve que le seul combat perdu est celui qu'on ne mène pas. Elle montre aussi à tous les travailleurs et les travailleuses que le gouvernement du memorandum n'est pas invincible. L'esprit de lutte inflexible et une large solidarité sociale peuvent déboucher sur des résultats tout à fait concrets ».

D'Athènes, Tassos Anastassiadis

Déclaration de l'Initiative de solidarité :

La décision du gouvernement grec de satisfaire une partie des revendications des 300 immigrés en grève de la faim, a démontré qu'un combat n'est jamais perdu d'avance. C'est aussi la preuve, pour toutes/ s les travailleur(e)s que le gouvernement du mémorandum (ndlr: le programme de rigueur imposé au pays par l'UE et le FMI pour faire face à la crise) n'est pas invincible. L'esprit de lutte et la forte solidarité peuvent donner des résultats tangibles.

Il est évident que des luttes à long terme sont encore nécessaires pour supprimer les discriminations contre les travailleurs immigrés vivant en Grèce et en Europe. Cependant, il n'y a aucun doute que l'abnégation des 300 immigrés a ouvert un nouveau chemin vers la résolution du problème:

Nous voudrions remercier tous ceux et celles (et ils ont étaient nombreux et nombreuses ...) qui ont soutenu cette lutte difficile depuis les évènements de la Faculté de Droit à Athènes jusqu'à l'hospitalisation des grévistes. Mais c’est surtout avec un profond respect que nous saluons les 300 combattants-militants. La classe ouvrière peut en être fière.


Le FMI épaulé par la Commission européenne organise le pillage de la Grèce

Alors que le chômage continue sa progression après être passé de 9, 7% à 12, 9% de la population active entre le 3e trimestre 2009 et le 3e trimestre 2010 |1| (près de 34% des moins de 25 ans sont sans emplois), le peuple poursuit la mobilisation contre les plans d’austérité d’orientation ultralibérale et conformes au « consensus » de Washington.

Cette politique promue par la troïka - Fonds monétaire international (FMI), Commission Européenne (CE), Banque Centrale Européenne (BCE) - en échange d’assistance financière pour affronter le paiement de la dette publique est digne de celle qui a conduit l’Argentine, élève modèle du FMI, à une crise mémorable en 2001. Les médias dominants nous dissimulent le budget militaire grec qui ne cesse d’aggraver le déficit. Pourtant, celui-ci est proportionnellement au PIB le plus important des pays membres de l’OTAN après les Etats-Unis et représentait 4% du PIB en 2009. Serait-ce que les vendeurs d’armes propriétaires d’empires médiatiques comme Dassault ou Lagardère ne veulent pas compromettre un marché juteux ?

Alors que le peuple est confronté à une destruction généralisée des acquis sociaux (réductions des salaires et des régimes de retraite, hausses d’impôts indirects, augmentation de l’âge de départ à la retraite, privatisation et augmentation des tarifs des services publics…), la Grèce achète de l’armement à la France (6 frégates FREMM d’environ 500 millions d’euros chacune et des hélicoptères de combats SAR) et à l’Allemagne (sous-marins). Ces achats d’armement par temps d’austérité drastique pour la population sont irrecevables. L’argent volé à la population pour acheter du matériel militaire doit être restitué intégralement et les responsables jugés. Selon le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute), la Grèce est la nation européenne qui dépense le plus d’argent en défense comparé à son produit intérieur brut (PIB) et figure parmi les 10 plus importants acheteurs d’armes au monde.

Il s’agit d’un comportement odieux et irresponsable envers sa population qui se saigne aux quatre veines pour renflouer les caisses de l’Etat. En mai 2010, selon le ministère français de la défense interrogé par le député François Cornut-Gentille, « aucune des mesures de restriction budgétaire supplémentaires décidées au mois de mars 2010, à la suite des interventions de l’Union européenne, ne devrait affecter, cette année, le budget d’acquisition du ministère de la défense grec. (…) les démarches d’acquisition des frégates de type FREMM (frégates multimissions) et des hélicoptères SAR (search and rescue) restent en conséquence d’actualité |2|. »

La Grèce a signé avec le FMI et l’Union Européenne, de nouveaux prêts mal nommés « aide ». Tout en tentant d’alléger le déficit au prix de sacrifices inouïs, le pays devra rembourser une dette alourdie par les intérêts chaque fois plus importants à mesure que les agences de notation dégradent la note du pays.

En décembre 2010, les députés grecs ont approuvé un nouveau paquet de coupes budgétaires qui consiste à baisser les salaires des employés de la télévision et des transports publics. Les journalistes grecs se sont joints aux protestations qui parcourent le pays et à Athènes, l’entrée de la Banque centrale a été aspergée de peinture rouge. En février 2011, c’est au tour des médecins, pharmaciens et employés du secteur médical de manifester devant le parlement contre une réduction de 1, 4 milliard d’euros des dépenses de santé réclamées par l’Union européenne (UE) et le FMI alors qu’une centaine de médecins campaient devant le ministère de la Santé à Athènes. La délégation du FMI et de l’UE dépêchée sur place à Athènes le 7 février 2011 attendra la mise en œuvre de la réforme du système de santé, avant de donner son feu vert au versement de la quatrième tranche du prêt - pour un montant de 15 milliards d’euros - initialement prévue pour février 2011. Chaque fois, des mesures toujours plus libérales réclamées par l’UE et le FMI sont le préalable requis pour débloquer les tranches successives dans le cadre du prêt de 110 milliards d’euros consentis en mai 2010.

Le gouvernement grec à la solde de la Troïka FMI-CE-BCE, coupable de non assistance à population en danger, organise le pillage du pays au profit du grand capital

Mais, comme si cela ne suffisait pas, les créanciers demandent une "accélération décisive" des réformes structurelles pour réduire la dette et retardent le versement de cette quatrième tranche. En février 2011, le gouvernement de Georges Papandréou finit par réagir lorsqu’une fois de plus, la troïka FMI-CE-BCE demande d’approfondir les réformes et d’augmenter son objectif de privatisations de biens publics de l’Etat en passant de 7 milliards d’euros de recette à réaliser d’ici 2013 dont 1 milliard en 2011, à 50 milliards d’ici 2015. Cette réaction fait sourire lorsqu’on voit la soumission totale envers ses créanciers de la part d’un gouvernement qui se dit socialiste.

D’ailleurs, il faudra attendre quelques jours seulement pour que M. Papaconstantinou, ministre des Finances, se retourne et indique que "l’objectif" de ce plan de privatisations de 50 milliards "était sûrement ambitieux, mais réalisable", acceptant à nouveau l’ingérence du FMI épaulée par la Commission Européenne… Sont alors visés les ports, les aéroports, les chemins de fer, l’électricité ainsi que des plages touristiques du pays. Le représentant de la Commission européenne Servaas Deroose proposait dans le quotidien To Vilma, de « vendre les plages pour développer le tourisme et le marché des propriétés touristiques ». Dans une autre interview, il ajoute : « La Grèce pourrait facilement lever cinq milliards d’euros en vendant l’ancien aéroport d’Athènes, situé dans une zone côtière lucrative ». De son côté, le chef de la mission du FMI Poul Thomsen a proposé de « vendre des terrains, y compris l’ancien aéroport » d’Athènes. « Nous sommes à un point crucial où nous avons besoin d’une accélération des réformes », aurait-il déclaré selon le quotidien Kathimerini |3|.

La contraction, plus sévère que prévue par les Institutions, du PIB grec à 1, 4% au quatrième trimestre 2010, une inflation galopante à 5, 2 % en janvier 2011 ainsi que la baisse des revenus des Grecs qui ont chuté de 9% en 2010 |4| sous l’effet des mesures d’austérité donnent un avant-goût de l’échec retentissant de la politique de la troïka FMI-CE-BCE. Selon la Banque de Grèce, « Le pouvoir d’achat des salariés du public a reculé à un niveau plus bas que celui de 2003, tandis que sur l’ensemble de l’économie le pouvoir d’achat a reculé en moyenne à un niveau plus bas que celui de 2006 ». De leur côté, les investisseurs sont encouragés à faire des affaires juteuses par une réduction du coût du travail de 3% dans le pays en moyenne.

Il n’y a pas là de quoi calmer une population déjà malmenée par la crise et une nouvelle grève générale a paralysé le pays le 23 février 2011. Le peuple grec est en droit d’exiger d’autres mesures radicalement différentes comme la taxation des hauts revenus et un moratoire sur l’achat d’armement militaire. Mais seul un audit sous contrôle citoyen des comptes publics de l’Etat pourra analyser les contrats d’endettement afin d’en restituer la part illégitime ou odieuse au véritable créancier qui réclame souveraineté et dignité : le peuple grec. Il faut à ce propos, saluer l’initiative de la députée Sophia Sakorafa qui, en décembre 2010, a proposé devant le parlement grec la constitution d’une Commission parlementaire d’audit de la dette publique.

Jérome Duval. Le 26 février 2011 (cadtm.org)

Notes

|1| Eurostat, 1er février 2011 :http://epp.eurostat.ec.europa.eu/ca... Le taux de chômage officiel atteindra 13, 9 % en novembre 2010.

|2| L’optimisme du ministre de la défense concernant les exportations d’armement françaises en Grèce, François Cornut-Gentille, député, mai 2010, http://www.francois.cornut-gentille...

|3| Lire François ASSELINEAU (ancien ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Alain Juppé), Grèce : l’UE, la BCE et le FMI préparent le pillage du patrimoine : http://www.agoravox.fr/actualites/e...

|4| Rapport annuel de la Banque de Grèce publié le 15 février 2011. http://lapresseaffaires.cyberpresse...


Meeting de la gauche anticapitaliste grecque

Signe de la combativité grandissante, l’initiative organisée les 25 et 26 février à Athènes par la coalition anticapitaliste Antarsya a été un succès. Plus de 800 personnes ont suivi des discussions sur les trois thèmes de l’heure, crise du capitalisme, mouvement ouvrier et perspective anticapitaliste, la gauche et l’Union européenne. À ce dernier débat participaient notamment Stathis Kouvelakis et Alain Krivine (membres du NPA français) qui a proposé aux différentes forces présentes de participer en mai à la conférence anticapitaliste méditerranéenne, en soulignant le lien entre luttes en Europe et révolution sur les rives sud de la Méditerranée. À un moment où le mot «antarsia» (rebellion, insurrection, révolution) s’entend de plus en plus massivement dans les manifestations et les discours politiques, l’invitation et la participation aux discussions de membres de Syriza (Coalition de la gauche radicale) connus pour des positions assez radicales constituent un fait très positif.

Voir ci-dessus