Honduras: la répression est incessante !
Par Ellen Verryt le Lundi, 11 Avril 2011 PDF Imprimer Envoyer

Sous le gouvernement de Porfirio Lobo dix journalistes ont été assassinés, 50 homosexuel.le.s ont été victimes de crimes de haine. La plupart de ces personnes étaient politiquement actives dans la résistance populaire coordonnée par le Frente Nacional de Resistencia Popular, le FNRP. Chaque mois, vingt cinq femmes sont trouvées assassinées.

Au Honduras aussi, on peut donc parler de femicide. Plus de trente paysans ont été assassinés également. Presque tous étaient actifs dans le Bajo Aguan, une zone où les paysans ont engagé une lutte pour la terre avec un des plus puissants propriétaires terriens du pays : Miguel Facussé. Cet individu était aussi un des putschistes du coup d’état du 28 juin 2009.

Depuis quelque temps les syndicats de l’enseignement manifestent dans la rue contre les plans du gouvernement pour privatiser l’enseignement. Ils exigent également une hausse de salaire et la limitation de la hausse du prix du carburant. La police et la Sûreté utilisent de nouvelles tactiques répressives pour briser les protestations sociales. Par exemple : les moyens de transport du syndicat sont saisis, ce qui empêche certaines mobilisations. Ici et là, des enseignants sont licenciés arbitrairement. A un rythme dantesque, des lois d’urgence sont adoptées pour limiter le droit de grève et de manifestation. Les sièges principaux des collèges et centre d’éducation les plus importants ressemblent à des chambres à gaz : ils sont bombardés sans cesse de grenades lacrymogènes.

Les médias indépendants sont fortement gênés dans leur travail. Canal 36 est attaqué par la police anti-émeutes, comme pendant le coup d’état de Micheletti. Des dépêches citent plusieurs journalistes qui ont été envoyés à l’hôpital alors qu’ils suivaient les protestations des enseignants.

Suite à la répression, Ilse Ivania Velasquez Rodriguez a perdu la vue. Elle fut touchée par une grenade lacrymogène et perdit la conscience. Une voiture qui essayait de se dégager de la mêlée a alors roulé sur son corps. Ivania était la sœur de Manfredo Velasquez, un des leaders étudiants qui fut arrêté t disparut pendant les années ’80. Son affaire a été introduite par le Cofadeh (Comité des familles des disparus de Honduras) auprès du Comité Interaméricain des Droits de l’Homme (CIDH). Fin des années ’90 l’état hondurien a été rendu responsable et condamné pour sa disparition.

Bertha Oliva, la coordinatrice du Cofadeh était l’invitée de la CIDH à Washington pour y témoigner de la situation actuelle des droits de l’homme. Pendant la séance elle insistait sur le travail incessant d’obstruction du travail des défenseurs des droits de l’homme par la police et les militaires. Elle relatait les menaces dont elle et collègues sont victimes.

Pour ne citer qu’un seul exemple : l’ex-commissaire des Droits de l’homme, Leo Valladares a dû quitter le pays après avoir été suivi pendant des mois par des personnes qui se déplaçaient dans une voiture blindée. La police n’a jamais rien entrepris à ce sujet. Bertha Oliva concluait son témoignage en affirmant que la population hondurienne se trouve dans un état absolu de dénuement défensif et que l’impunité est l’arme la plus importante dont dispose l’Etat.

La CIDH a clairement indiqué dans ses conclusions de ces témoignages qu’elle n’était pas contente face à la défense très faible de l’Honduras face aux plaintes documentées des mouvements de défense des droits de l’homme. Dans une conférence de presse lors de son retour, Bertha Oliva disait : « Une fois de plus la complicité des autorités aux crimes commis depuis le coup d’état et au retour des atteintes aux droits de l’homme a été rendue public. »

Le CIDH émettra un jugement à propos des thèmes discutés pendant cette session de témoignages. Un élément important est le licenciement arbitraire de plusieurs juges indépendants qui indiquait clairement que l’événement de juin 2009 était bien un coup d’état.

Décisions de l’Assemblée Générale du FNRP et le rôle des syndicats

La formation et la mobilisation sont toujours les piliers les plus importants de la Résistance Populaire. La Résistance Populaire analysait pendant sa dernière AG des 26 et 27 février que les conditions n’étaient pas réunies pour prendre la voie électorale. La priorité reste le plan pour démanteler l’appareil de l’oligarchie et réunir les forces nécessaires pour organiser une assemblée constituante.

Les conditions suivantes doivent exister pour rendre possible la participation du FNRP au processus électoral futur :

1. Le retour en sécurité et sans condition du coordinateur général du FNRP – Manuel Zelaya et des centaines d’autres exilés politiques.

2. Une réforme de la loi électorale

3. Une réforme de la Cour Supérieure responsable pour l’organisation des élections.

4. La reconnaissance nationale et internationale du FNRP en tant que force politique

5. Le FNRP veut aussi organiser politiquement ces 25.000 structures locales, ce qui demandera beaucoup plus d’éducation politique que ce qui a lieu actuellement. Parallèlement à la prise de pouvoir, c’est la construction de ce pouvoir qui est important. Un organe politiquement opérationnel est nécessaire pour contrebalancer la machinerie bien rodée de la droite. Les différentes structures du FNRP doivent être construites et coordonnées en accord avec les fondements et les besoins de la résistance populaire.

Selon un observateur du PSOL brésilien, cette Assemblée Générale du Frente peut être marquée comme une première dans l’histoire des mouvements sociaux honduriens. Cette assemblée a reçu beaucoup d’échos en Amérique Latine. Pas seulement à cause de sa représentativité – plus de 1500 délégués de 18 départements y ont participé- ni par le processus démocratique des élections internes mais surtout par la mobilisation et l’organisation massives de ses membres. Les syndicats ont eux aussi utilisés leurs liens internationaux pour faire vivre et consolider la solidarité internationale. Ainsi Carlos Reyes du syndicat Sybis visite-t-il la fédération syndicale internationale UITA pour y éclairer la situation actuelle en Honduras. Dans le même cadre il a visité le Haut Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU et l’OIT pour y présenter le dernier rapport concernant les atteintes aux droits de l’homme et aux droits des travailleurs qui fut rédigé en collaboration avec la Plate-Forme des droits de l’homme.

Qu’est-ce qui va se passer ?

Le gouvernement a décrété que l’enseignant qui ne se présente pas à son travail le 28 mars perd deux mois de salaire, pour le 30 mars, journée d’une grève civile générale annoncée par le FNRP, ce sera 6 mois et celui qui ne preste pas le 4 avril perd tout simplement son emploi.

La grève civile du 30 mars est une préparation de la grève générale.

Le Parlacen, le Parlement Centraméricain, allait rendre hommage à Porfirio Lobo pour le rôle de soi-disant conciliateur qu’il aurait joué en Honduras. Pour le moment le Parlacen a dû renoncer à ce geste vu la répression qu’il applique au mouvement social. Mais dans deux semaines, une nouvelle plénière devait à nouveau mettre la motion à l’ordre du jour. Ainsi la droite essaie d’obtenir une reconnaissance complète du régime de facto de l’Honduras.

En juin une assemblée de l’Organisation des Etats américains aura lieu à San Salvador où la droite essaiera de réintroduire le Honduras dans l’Assemblée. Une forte campagne de lobbying se déroule en ce moment. A gauche, l’Unasur reste opposé à la réadmission.

Le FNRP a de son côté lancé une grande campagne d’information pour que les gens apprennent ce qui se passe, aussi au niveau international. Le FNRP représentera aussi le Honduras au Forum Social Mondial de Sao Paolo cette année.

Récemment il y a eu une assemblée générale intermédiaire du FNRP. Il y avait 150 délégués, de 18 départements et de 16 structures différentes. L’organisation et la tactique nationale de la grève civile y ont été discutées.

Que peut faire le mouvement de solidarité internationale ?

- Continuer à faire pression sur les instances européennes, OEA, Parlacen et renforcer sa collaboration avec Unasur.

- Différentes organisations des droits de l’homme appellent internationalement à mettre fin à la répression policière et à la condamner fermement. Nous devons renforcer cela. Il y a à nouveau des rumeurs que le gouvernement Lobo considère l’introduction d’un couvre-feu et la suspension des droits constitutionnels.

- Utiliser les réseaux sociaux – comme au Moyen-Orient- pour maintenir la solidarité en vie et de rester au courant de ce qui se passe par les personnes sur place. Ces personnes sont très isolées pour l’instant et ne reçoivent que très peu de solidarité internationale.

- Donner des répercussions à la mise à sac des droits acquis du secteur de l’enseignement et organiser des actions de solidarité à partir des syndicats enseignants d’ici.

- Envoyer des missions syndicales et de défense des droits de l’homme avec le soutien de l’ITUC et de l’OIT.

- Amener des délégations en Europe

- Organiser des initiatives de solidarité, à partir de soirées d’info et de débat.

Ellen Verryt est responsable régionale pour l’Amérique Latine chez Wereldsolidariteit

Voir ci-dessus