Crise politique: Vers un gouvernement d’urgence?
Par Thierry Pierret le Lundi, 11 Avril 2011 PDF Imprimer Envoyer

Le négociateur royal et président du CD&V, Wouter Beke a beau multiplier les rencontres, rien ne semble avancer. Tous les partis affirment vouloir arriver à un accord substantiel. Mais l’impatience grandit dans les états-majors des partis face à la stagnation politique. Les principaux partis ont certes déclaré – parfois avec emphase – qu’ils ne voteraient pas la dissolution anticipée des chambres. Ce volontarisme affiché visait avant tout à forcer une éclaircie dans les lourds nuages qui planent sur les négociations en cours. La N-VA s’est empressée d’y répondre par un ultimatum : s’il n’y a pas d’accord d’ici la fin avril, elle quittera la table des négociations. Or, les négociations proprement dites n’ont toujours pas commencé. Il n’y a même pas d’accord sur la méthode de négociation (faut-il découpler ou non les négociations sur la réforme de l’Etat de celles sur la formation du gouvernement ?). Et pas davantage sur la composition du futur gouvernement s’il voit jamais le jour.>

Des affaires courantes très élastiques

Loin de toute cette agitation, le gouvernement a bouclé le budget 2011 dans les temps. Il devait le faire avant la fin avril pour remplir ses obligations envers l’Union européenne. Non seulement il est dans les temps, mais il a réduit le déficit budgétaire de 4,1% à 3,5% du PIB, soit mieux que ce qu’exigeait la Commission européenne. Les dividendes des obligations détenues par l’Etat (notamment BNP-Paribas-Fortis) ont été juteux et le rendement de l’impôt a été meilleur que prévu grâce à un début de reprise économique. En effet, le rendement de l’impôt croît proportionnellement plus que le PIB. On appelle ça l’élasticité de l’impôt.

On pourrait aussi bien parler de l’élasticité de la notion d’affaires courantes que le gouvernement est censé expédier. Or, la confection du budget est l’acte central d’un gouvernement qui engage l’avenir… Imposer une norme de croissance des salaires ainsi qu’une ébauche d’harmonisation des statuts ouvrier et employé en l’absence d’accord interprofessionnel (rejeté par deux syndicats sur trois) fait apparemment aussi partie des affaires courantes. De même que l’entrée en guerre – d’après les termes mêmes du Ministre de la Défense - contre la Libye.

Un gouvernement sans la N-VA ?

L’élasticité du concept a quand même des limites. Rien ne dit que les conditions favorables de 2011 se répèteront en 2012. Même si c’était le cas, les économies de bout de chandelle ne permettront pas d’atteindre l’équilibre budgétaire en 2015 tel que l’exige la Commission européenne. Il s’agit rien moins que d’économiser entre 22 et 25 milliards d’euros d’ici là. Pour y arriver, il faut des mesures structurelles qui, même avec beaucoup de créativité, ne peuvent se faire dans le cadre des affaires courantes.

Le président du VLD, Alexander De Croo, ne s’y est pas trompé : « Mais c’est un budget de gestion, pas un budget d’austérité. Ce budget n’a rien de structurel. On fait le nécessaire. Point. »1 Plus loin, il ajoute : « Allons-y, il est grand temps. Dans certains pays européens, on discute déjà d’une deuxième réforme des pensions. Nous n’avons toujours pas exécuté la première. »2 De Croo craint que la campagne électorale pour les élections communales d’octobre 2012 ne vienne télescoper les négociations en cours.

L’ultimatum de la N-VA, s’il était mis à exécution, pourrait offrir une issue temporaire à la crise politique. Les partis flamands – surtout le CD&V – ont toujours dit qu’ils n’iraient pas dans un gouvernement sans le premier parti de Flandre, la N-VA. En se retirant d’elle-même, elle pourrait leur offrir une porte de sortie. La voie serait alors libre pour la formation d’un gouvernement d’urgence, un gouvernement de plein exercice qui mettrait en œuvre un plan d’austérité comparable à ce qui se fait ailleurs en Europe. Mais les partis en lice devront au préalable engranger un accord communautaire minimal (BHV, statut de Bruxelles et loi de financement). Même sans la N-VA, ce ne sera pas une mince affaire.

Sinon, et quoiqu’en disent aujourd’hui les dirigeants de partis, c’est la perspective d’élections anticipées qui s’imposera.

(1) La Libre Belgique des 19 et 20 mars 2011

(2) Idem

Voir ci-dessus