Maroc : Boycottons le référendum sur la Constitution de la dictature et continuons la lutte pour une Assemblée constituante !
Par Al Mounadil-a, Ali Amar le Dimanche, 26 Juin 2011 PDF Imprimer Envoyer

Le Roi a demandé au peuple d'accepter une Constitution qui n'apporte rien de nouveau. C'est la même Constitution de Hassan II de 1962 qui a causé la régression du Maroc, sa vente au capital étranger et sa destruction par une minorité de pilleurs, ce qui a engendré les souffrances de la majorité du peuple, privée de liberté et de conditions de vie décente.

Le noyau dur de cette Constitution est l'appropriation d'un droit divin absolu, permettant au Roi de monopoliser tout le pouvoir réel, mais de laisser une marge pour les partis qui veulent participer au concours de mensonges envers le peuple.

Cette Constitution est venue comme résultat du refus de l'unique façon démocratique d'élaborer une constitution : l'Assemblée constituante. Le Roi préfère désigner un comité de serviteurs fidèles soutenu par des partis complices que le peuple a rejetés en boycottant largement les élections.

On a procédé à un maquillage de la Constitution avec des expressions démocratiques par concession aux revendications du Mouvement de 20 février et par peur de la radicalisation des luttes que connaît le Maroc, et on a même fait des concessions pour les salaires et soutenu quelques produits... de première nécessité, libéré quelques prisonniers politiques et jugé quelques petits délinquants.

Par crainte du mouvement de lutte populaire et son influence par les révoltes populaires dans la région, le système s'est laissé aider par les partis qui soutiennent la tyrannie dans une campagne de désinformation, complémentaire à la répression, afin de passer la Constitution des esclaves.

Le courant Al Mounadhil-a, qui réunit des militants socialistes révolutionnaires pour une démocratie pleine et entière, économique, sociale et politique, est engagé dans la lutte populaire en cours pour arracher de vrais changements qui renforceront les conditions de lutte de la classe ouvrière et des exploités, pour l'émancipation totale de la tyrannie, de l'exploitation, de l'oppression et de la dépendance de l'impérialisme.

A cet effet :

- nous rejetons la Constitution monarchique accordée parce qu'elle a maintenu l'essence des pouvoirs entre les mains d'un individu, de surcroît pas élu, non soumis à aucun contrôle et non justiciable.

- nous rejetons la Constitution accordée par le Roi parce qu'elle interdit la liberté politique en empêchant le débat autour de son système de gouvernance et son interprétation personnelle de l'islam, parce qu'elle ne consacre pas la séparation entre la politique et la religion et parce qu'elle confisque les droits de ceux qui veulent déterminer leur propre destin.

- nous rejetons la Constitution monarchique accordée parce qu'elle consacre l'économie capitaliste comme un choix imposé au peuple et soutient l'orientation néolibérale ; le discours du 17 juin avait considéré le maintien des équilibres macroéconomiques comme une exigence constitutionnelle.

- nous rejetons la Constitution monarchique accordée parce qu'elle consacre la tyrannie, source de la corruption.

Nous luttons pour une Constitution élaborée par les représentants élus du peuple, après la levée de toutes les restrictions qui limitent la liberté de créer des partis politiques, des associations, la liberté de la presse et d'opinion et la liberté d'action syndicale, de sorte que le peuple puisse s'organiser pour défendre ses intérêts.

Nous luttons pour une Assemblée constituante de plein droit pour déterminer l'avenir du pays et dont l'élection sera supervisée par un gouvernement populaire provisoire après le renversement de la tyrannie.

Le peuple ne sera maître de lui-même et ses revendications sociales ne seront concrétisées que par l'anéantissement des politiques coloniales de l'Union européenne et des institutions financières et économiques, et l'établissement d'une démocratie multi-dimensionnellement entière.

Seule la lutte des travailleurs et populaire est notre moyen de s'émanciper de la tyrannie.

Elargissons l'étendue du mouvement de lutte et donnons-lui une dynamique qui mènera à arracher la double souveraineté, nationale et populaire.

Boycottons la Constitution de la dictature et luttons pour changer les rapports de force de classe en construisant des instruments de lutte de façon combative et démocratique.

Al Mounadhil-a, 21 juin 2011

http://www.almounadil-a.info/

Traduction de l’arabe : Rafik Khalfaoui


Les réformes en trompe-l’œil de Mohammed VI

Par Ali Amar

Le 17 juin, le roi Mohammed VI a présenté son projet de nouvelle Constitution pour le royaume. Constat paradoxal, le nouveau texte pourrait renforcer le pouvoir du monarque.

Il y a trois mois, le roi Mohammed VI promettait de réformer la Constitution du Maroc. Son discours répondait à des manifestations de milliers de jeunes réclamant plus de démocratie et de justice sociale, prenant exemple sur les révolutions arabes.

Dans un nouveau discours à la nation le 17 juin dernier, le roi a présenté son projet de réformes dont il avait confié la mission délicate à une commission d’experts, dont il avait soigneusement choisi les membres. La réaction internationale —et notamment française— a été presque unanime: Mohammed VI, dans un contexte arabe en effervescence, fait figure de modèle en inscrivant son pays dans la voie démocratique.

Un numéro de prestidigitation politique

Pourtant, ces annonces ne satisfont pas certains démocrates, principalement le Mouvement du 20 février, qui parlent d’un simple «toilettage» des institutions. Ils estiment que cette réforme «cosmétique» ne constitue en rien une remise en cause de la Constitution actuellement en vigueur et qui fait du roi, depuis sa première mouture de 1962, un monarque de droit divin.

«Voilà ce que c’est de faire des manifestations à tempérament, le dimanche après la sieste, la plage, la glace et le petit noir! A présent dégustons le résultat!», régissait avec cynisme un «facebookien» après le très attendu discours royal.

La monarchie marocaine a-t-elle réussi un numéro de prestidigitation politique hors pair? Mohammed VI a-t-il parié sur l’essoufflement des révolutions arabes pour faire des promesses qu’il n’était pas, au fond, disposé à tenir? Ce sentiment est largement partagé au Maroc parmi ceux qui rêvaient d’une rupture avec l’ancien régime et d’un rendez-vous à ne pas manquer avec l’Histoire, prenant pour modèle la monarchie espagnole qui avait choisi d’enterrer le franquisme avec l’avènement de Juan Carlos.

Avec cette nouvelle «loi suprême», le souverain marocain conserve toutes ses prérogatives de chef de l’Etat et demeure l’autorité ultime en matière religieuse. On est donc loin «d’une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale» comme l’a annoncée le roi, et qui devait consacrer une véritable séparation des pouvoirs, gage d’un renoncement à l’autocratie.

Le roi préside le conseil des ministres

Si la nouvelle Constitution prévoit la suppression de la disposition qui considère le caractère «sacré» de la personne du roi —remplacé par son inviolabilité—, celui-ci continuera de bénéficier de pouvoirs exorbitants. Les démocrates appelaient de leurs vœux cette désacralisation pour ne préserver que le versant protocolaire et culturel du trône. Mais c’est le contraire qui est proposé.

Sur le plan politique, le roi préside le Conseil des ministres au sein duquel les grandes stratégies de l’État sont déterminées, nomme et révoque le chef du gouvernement et ses ministres. Il peut dissoudre les deux chambres du Parlement. C’est également lui qui dirige la diplomatie du pays et commande les forces armées.

De plus, Il se voit confirmé sur le plan religieux en tant que Commandeur des croyants, un statut que la nouvelle Constitution renforce puisqu’elle en fait la seule autorité religieuse légitime du royaume à la tête d’un Conseil de théologiens (Oulémas) transformé en clergé inscrit pour la première fois dans un texte constitutionnel, ce qui même en Islam est sujet à controverse. Cette double casquette (temporelle et spirituelle) constitue un verrouillage absolu et inédit dans la conduite du pouvoir.

Un chef de gouvernement «par délégation»

Si le roi devra désormais obligatoirement choisir le futur chef du gouvernement au sein du parti arrivé en tête des élections —alors qu’il pouvait jusqu’ici désigner qui il voulait— le «super Premier ministre» n’aura en réalité qu’une marge de manœuvre réduite, puisqu’il n’exercera sa fonction que sous la tutelle effective du roi. La conduite des affaires de l’Etat ne se fera que «par délégation», dans le cadre d’un agenda et d’un ordre du jour du Conseil des ministres qui devront être approuvés au préalable par le roi —qui continuera d’ailleurs à le présider. Si le chef du gouvernement pourra proposer et démettre les membres de son gouvernement et choisir certains autres responsables, cela ne se fera qu’avec l’aval du Palais.

D’ailleurs, la nomination des puissants gouverneurs des provinces demeure une prérogative royale. Dans la pratique, les pouvoirs réels du Premier ministre et de son gouvernement sont placés sous la coupe du monarque et de ses conseillers, comme c’est le cas aujourd’hui. Mieux, les mécanismes de tutelle sont désormais vissés. Les décisions stratégiques sont prises au Cabinet royal et au sein de la kyrielle de Commissions consultatives que le roi a institué depuis des années et qui ont servi à effeuiller les prérogatives du gouvernement.

La justice, un pouvoir sous tutelle

Les pouvoirs du Parlement demeurent limités, malgré un léger renforcement en matière d’enquête et de motion de censure contre les ministres, mais c’est en matière de justice que la Constitution ne garantit pas de séparation des pouvoirs de manière pour le moins flagrante. Arguant de son rôle d’arbitre des institutions, le roi, qui est de fait un «monarque exécutif», garde la haute main sur la justice. Il préside directement le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (dévolu jusqu’alors au ministre de la Justice), exerce le droit de grâce et nomme les magistrats. La justice demeure rendue en son nom.

Mohammed VI a proposé d’inscrire dans la Constitution l’égalité entre hommes et femmes, ainsi que la protection des droits de l’homme reconnus universellement. Ceci dit, puisque l’islam demeure religion d’Etat, ces droits ne sont acceptés que dans le cadre de ce qu’il appelle lui-même les «constantes de la nation», c’est-à-dire la religion musulmane.

Une bien mauvaise nouvelle pour les laïques qui espéraient (au moins) l’instauration d’un Etat civil garanti par une Constitution d’essence libérale prévoyant la liberté de croyance —une notion à laquelle le roi a préféré celle du «libre exercice du culte», déjà prévue par l’actuelle Constitution et qui restreint la foi à la filiation. Les lois religieuses demeureront donc celles qui organisent la vie sociale dans le cadre d’une «monarchie islamiste».

L’armée et le pouvoir sécuritaire sanctuarisés

Le roi demeure également chef des armées et présidera un Conseil supérieur de sécurité qui aura pour mission de «gérer les questions sécuritaires internes, structurelles et imprévues». S’il comptera parmi ses membres les chefs des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, cette instance au simple caractère consultatif ne permet pas au pouvoir civil de contrôler des appareils sécuritaires, souvent accusés de violations répétées des droits de l’homme, et qui relèveront plus que jamais de la seule autorité royale. Il n’existera pas de ministère de la Défense sous l’autorité du chef de gouvernement, et les chefs des agences de renseignement ne relèveront que du roi.

«Le roi exerce ses missions régaliennes de garant et d’arbitre», a affirmé Mohammed VI, dont le projet de réformes sera soumis à référendum le 1er juillet prochain. Faux, répondent ses détracteurs, qui considèrent ces missions comme contradictoires avec ses promesses, voire trompeuses.

Ce qui est certain, c’est qu’elles n’ouvriront pas la voie à une monarchie parlementaire: Mohammed VI n’a pas renoncé à une partie de ses prérogatives; il les a a contrario intégralement gravées dans le marbre, au risque de provoquer bien plus qu’une crispation politique. Des manifestations continuent d’être organisées dans toutes les villes du royaume et, fait nouveau, les slogans appellent même parfois au renversement du trône.

http://saharadoc.wordpress.com/2011/06/22/les-reformes-en-trompe-l%E2%80%99oeil-de-mohammed-vi/


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